Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.134/2004
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5P.134/2004 /frs

Arrêt du 19 mai 2004
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

X. ________ (Suisse) SA, anciennement Z._______ (Suisse) SA,
recourante, représentée par Me Michel Bergmann, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Luc Hafner, avocat,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (mainlevée provisoire de l'opposition),

recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de
justice du canton de Genève du 26 février 2004.

Faits:

A.
En 1984, Y.________ a fait poser un coffre-fort, modèle "Arden 36", dans sa
villa. Le 13 janvier 2000, il a fait procéder par Z.________ (Suisse) SA à la
vérification de cette installation. S'agissant du travail effectué, la fiche
rendue par un employé de cette entreprise constate ce qui suit: "coffre mural
- voir s'il est bien arrimé contrôler son état". Cette intervention a fait
l'objet d'une facture dûment honorée. Elle a été suivie d'une seconde, en
février 2002, au terme de laquelle la pompe nécessaire à l'ouverture du
coffre a été changée.

B.
Le 15 juillet 2002, alors que les époux Y.________ étaient en vacances et que
leur chauffeur s'était absenté sans brancher l'alarme, des malandrins se sont
introduits dans la demeure qu'ils ont quittée, environ une heure plus tard,
chargés du coffre-fort qu'ils avaient descellé.

Plainte pénale a été déposée par Y.________. Deux personnes ayant sévi à la
même période et selon un modus operandi identique ont été condamnées pour ce
cambriolage en juin 2003, malgré leurs dénégations.

C.
Les biens garnissant le coffre atteignaient une valeur supérieure à 420'000
fr. En fonction des assurances ménage et objets de valeur, la Winterthur a
remboursé 67'783 fr. 85 à Y.________.

D.
Dès août 2002, considérant la responsabilité de l'artisan engagée, le conseil
de Y.________ est intervenu auprès de Z.________, l'invitant, dans un premier
temps et à titre de dédommagement partiel, à installer un nouveau coffre
selon les règles de l'art.

En réponse, Z.________ a précisé qu'elle allait soumettre un avis de sinistre
à son assurance et qu'elle livrerait rapidement un nouveau coffre, une fois
la confirmation de commande signée, ajoutant que "le paiement de la facture
et du dommage [...] à régler par la suite [le serait] soit par [son]
assurance RC soit par l'assurance vol de Monsieur Y.________".
Par fax du 3 septembre 2002, Y.________ a passé commande d'un coffre-fort
rendu et posé pour la somme de 6'154 fr. 70. L'offre indiquait que le prix
comprenait notamment la fixation au sol et au mur.
L'objet a été livré et posé le 18 septembre suivant, puis facturé au montant
de l'offre le 30 septembre 2002.

E.
Peu après, l'assurance de Z.________ a refusé d'entrer en matière, motif pris
que, à défaut de pièces probantes, aucune garantie quant à l'ancrage du
coffre dans le mur n'était établie. L'entreprise a dès lors invité Y.________
à régler la facture du nouveau coffre.

Le 16 mai 2003 (recte le 5 août 2003), un commandement de payer (poursuite no
xxxxx) la somme de 6'154 fr. 70, avec intérêts à 5 % dès le 30 octobre 2002,
a été notifié à Y.________, qui y a fait opposition.

F.
Dans l'intervalle, le 12 février 2003, un commandement de payer la somme de
327'700 fr., portant intérêts à 5 % dès le 15 juillet 2002 (poursuite no
yyyy), avait été notifié, à la requête de Y.________, à Z.________. Il a été
frappé d'opposition. Le montant mis en poursuite correspondait au dommage
subi par Y.________ du fait de la disparition de son coffre.

Le 2 septembre 2003, le prénommé a déposé en conciliation une demande tendant
à ce que Z.________ soit condamnée à payer le montant précité. Il y plaidait
la responsabilité de l'entreprise pour le dommage subi. Cette demande a été
déclarée non conciliée le 10 octobre 2003.

G.
Z.________ a quant à elle requis, le 25 septembre 2003, la mainlevée
provisoire de l'opposition formée par Y.________ au commandement de payer no
xxxxx. Elle a produit l'acceptation de l'offre, la confirmation de commande,
la facture de livraison ainsi que celle au client, et l'acte de poursuite.
Y.________ a conclu au rejet de la requête, objectant la compensation. A
titre de moyen de preuve, il a déposé la demande civile du 2 septembre 2003
et le chargé de 25 pièces qui en soutenait le propos.
Le 21 novembre 2003, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé la
mainlevée provisoire.
Statuant sur l'appel de Y.________ le 26 février 2004, la 1ère Section de la
Cour de justice a refusé de lever l'opposition, condamné Z.________ aux
dépens de première instance et d'appel et débouté les parties de toutes
autres conclusions.

H.
X.________ (Suisse) SA, anciennement Z.________ (Suisse) SA, forme un recours
de droit public contre cet arrêt, concluant à son annulation et au prononcé
de la mainlevée provisoire de l'opposition. Elle demande en outre que "tous
les frais et dépens", "l'émolument judiciaire de l'instance fédérale" et "une
indemnité [...] à titre de dépens" soient mis à la charge de l'intimé et que
ce dernier soit débouté de "toutes autres ou contraires conclusions".

L'intimé et l'autorité cantonale n'ont pas été invités à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté en temps utile contre une décision qui refuse en dernière instance
cantonale la mainlevée provisoire de l'opposition (art. 82 LP; ATF 120 Ia 256
consid. 1a p. 257; 93 II 436 consid. 2 p. 437/438 et les références), le
présent recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 (a contrario)
et 89 al. 1 OJ.

2.
Le recours de droit public ne peut en principe tendre qu'à l'annulation de la
décision attaquée (ATF 127 III 279 consid. 1b p. 282 et la jurisprudence
mentionnée). Ainsi, lorsque le Tribunal fédéral annule la décision par
laquelle la mainlevée a été refusée, il ne peut pas, en règle générale, se
prononcer lui-même sur la mainlevée. Une exception à cette règle ne peut être
admise que lorsque le Tribunal fédéral n'examine pas la décision attaquée
uniquement sous l'angle de l'arbitraire et que la situation juridique peut
être considérée comme suffisamment claire, hypothèse manifestement non
réalisée en l'espèce (ATF 120 Ia 256 consid. 1b p. 257, 111 III 8 consid. 1
p. 9, et les arrêts cités; arrêt P.1819/1986a consid. 1 non publié aux ATF
113 III 82). Le chef de conclusions tendant à la levée de l'opposition est
dès lors irrecevable. Il en va de même de celui qui vise au déboutement de
l'intimé de toutes autres ou contraires conclusions (ATF 125 I 104 consid. 1b
p. 107 et la jurisprudence citée) ou à sa condamnation aux frais et dépens de
l'instance cantonale.

3.
Dans un recours de droit public pour arbitraire (art. 9 Cst.), le Tribunal
fédéral s'en tient aux faits constatés par l'autorité cantonale, à moins que
le recourant ne démontre que ces constatations sont arbitrairement fausses ou
incomplètes (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26). Les compléments ou précisions
que la recourante entend apporter au déroulement des faits sous le chiffre IV
de son écriture sont donc irrecevables, en l'absence de moyens motivés
conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Ils ne consistent en
effet qu'en une suite d'affirmations péremptoires. Il en va de même lorsque,
dans la partie en droit de son acte de recours, la recourante énumère les
objets volés non couverts par l'assurance de l'intimé, s'étend sur les motifs
pour lesquels la Winterthur n'a  remboursé que 67'783 fr. 85, expose qu'elle
ignorait tout des circonstances du vol et de l'ampleur du dommage lorsqu'elle
a renvoyé le règlement des sinistres à son assurance responsabilité civile,
mentionne que les "Conditions générales RC entreprise" excluent, "en la
règle" qu'un assuré prenne position ou encore prétend péremptoirement que la
Vaudoise a contesté la responsabilité de son assurée.

4.
Invoquant une violation arbitraire des art. 8 CC et 82 LP, la recourante
reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement admis que l'intimé a
rendu vraisemblable sa libération en objectant la compensation.

4.1 L'autorité cantonale a admis le moyen libératoire pris de la compensation
et refusé la mainlevée provisoire pour les motifs  suivants:

"En l'espèce, l'appelant a d'emblée invité l'intimée à faire face à ses
responsabilités en posant un nouveau coffre à son domicile. Il l'a depuis
lors toujours tenue pour responsable de son dommage et n'a eu de cesse d'en
obtenir le remboursement. Son dommage n'a jamais été remis en cause par les
assurances concernées et il ne saurait être remis en cause en l'état. Son
existence est donc avérée, même s'il pouvait civilement en être tenu pour
responsable. De son côté, l'intimée n'a pas réfuté sa responsabilité, dans un
premier temps tout au moins, étant prête à s'en remettre à son assurance si
celle-ci admettait le sinistre. Cela ne s'est pas avéré car les pièces
nécessaires, selon l'assurance de l'intimée, n'ont pas été retrouvées, étant
observé qu'il était fait référence à une transaction commerciale remontant à
1984. Eu égard à ces éléments, il y a lieu de considérer que l'appelant a
rendu vraisemblable le motif de compensation et qu'il ne se contente pas de
simples allégués de circonstances puisqu'il se propose de les faire valoir en
justice, ce qui, en terme de frais engagés, lui en coûtera plus que s'il
n'avait consenti à la présente poursuite".

4.2 Comme le relève à juste titre la recourante, ce dernier motif est
insoutenable. Le simple fait qu'une partie se propose de faire valoir des
"éléments" en justice ne permet pas de considérer qu'il ne s'agit plus
d'allégations insuffisantes à rendre vraisemblable, en mainlevée provisoire,
le moyen libératoire soulevé (cf. notamment Pra 2003 71 375 consid. 2.3 et
les références). Il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce la cour cantonale a
par ailleurs considéré qu'au vu des éléments constatés sur la base des pièces
déposées à l'appui de la demande civile, l'intimé a rendu vraisemblable la
créance opposée en compensation. Or, la recourante ne critique pas cette
motivation conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, lequel
impose de démontrer, par une argumentation précise, en quoi la décision
attaquée repose sur une application de la loi ou une appréciation des preuves
manifestement insoutenables (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492
consid. 1b p. 495 et les arrêt cités). Elle ne conteste pas que l'intimé l'a
d'emblée invitée à faire face à ses engagements en posant un nouveau coffre
et l'a depuis lors toujours tenue pour responsable de son dommage,
qu'elle-même n'a pas réfuté sa responsabilité, dans un premier temps du
moins, et s'en est remise à son assurance, laquelle a refusé d'entrer en
matière sur le sinistre. Elle critique les conclusions qu'en ont tirées les
juges intimés, à savoir la vraisemblance de la créance compensante, mais se
contente d'opposer - de façon appellatoire - sa propre appréciation de la
situation, qui plus est, en se fondant sur des faits qui ne ressortent pas de
l'arrêt attaqué (cf. supra consid. 3).

5.
Vu ce qui précède, le recours est irrecevable. La recourante, qui succombe,
supportera les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer de dépens à l'intimé qui n'a pas été invité à répondre (art. 159
al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 19 mai 2004

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  La Greffière: