Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.97/2004
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4C.97/2004 /svc

Arrêt du 23 juin 2004
Ire Cour civile

M. et Mmes les Juges Corboz, Président,
Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

D. ________ SA, demanderesse et recourante, représentée par Me Philippe
Juvet, avocat,

contre

S.________,
défendeur et intimé, représenté par
Me Douglas Hornung, avocat, c/o Etude Fontanet Jeandin & Hornung,

société simple, liquidation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile
de la Cour de justice du canton de Genève
du 16 janvier 2004.

Faits:

A.
A.a En automne 1999, D.________ SA (ci-après: D.________), d'une part, qui
exploite, sous la férule du médecin-radiologue A.________, administrateur
unique, un laboratoire d'analyses médicales et de diagnostic à l'enseigne
"Radiologie T.________", et S.________, d'autre part, médecin radiologue
indépendant alors âgé de 58 ans, lequel n'entendait pas poursuivre seul son
activité médicale, ont décidé de s'associer et de collaborer. A cette fin, le
13 octobre 1999, ils ont conclu une convention aux conditions suivantes:
S.________ ferme son cabinet médical au 31 décembre 1999 (art. 1) et
entreprend les démarches nécessaires pour faire savoir à ses médecins
correspondants et à sa clientèle qu'il transfère son activité chez D.________
avec laquelle "il s'associe" (art. 2);
les factures sont rédigées de manière telle que S.________ soit considéré
comme exerçant une activité indépendante en particulier selon les critères de
l'administration fédérale (art. 4);
S.________ s'oblige à collaborer avec D.________ pour une durée de six ans,
soit jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la retraite (art. 5);
en contrepartie de la clientèle apportée par S.________, D.________ lui paye
sans intérêts une somme de 510'000 fr. à raison de 100'000 fr. le 30 juin et
de 70'000 fr. le 31 décembre des années 2000, 2001 et 2002. En cas de rupture
unilatérale du contrat par D.________ après le 1er janvier 2000, celle-ci
versera à S.________ la soulte du goodwil due à ce moment, ainsi qu'une
pénalité de 300'000 fr., dégressive de 50'000 fr. par an jusqu'à un minimum
de 100'000 fr. En cas de rupture unilatérale par S.________, sa clientèle est
acquise à D.________ et, s'il poursuit une activité faisant concurrence à
cette société, il devra encore lui payer une pénalité équivalente à la moitié
du goodwil qu'il aura effectivement touché (art. 8);
à titre d'honoraires, S.________ reçoit le 12% de l'ensemble des factures
encaissées par "Radiologie T.________" (art. 9).
Par avenant du 21 octobre 1999, les parties sont convenues d'une révision du
pourcentage d'honoraires de S.________ au cas où les assureurs sociaux ou le
fisc considéreraient ce dernier comme exerçant une activité dépendante.

Dès le 15 novembre 1999, le Dr S.________ a informé ses médecins
correspondants et sa clientèle de la fermeture de son cabinet suivie du
transfert de son activité chez D.________.
Le 18 juillet 2000, D.________ a versé à S.________ la somme de 100'000 fr.
en paiement de la première tranche du goodwill.

A.b Au cours du premier semestre 2000, alors que S.________ se plaignait de
n'avoir pas assez de travail, D.________ a engagé à temps partiel, sans son
accord, deux médecins supplémentaires, au lieu de lui confier une plus grande
partie de sa clientèle.
En novembre 2000, D.________, à l'insu de S.________, a requis des autorités
AVS un contrôle de sa qualité de travailleur indépendant, à la suite de quoi
celles-ci ont dénié au prénommé son statut d'indépendant et  ordonné à
D.________ de prélever des cotisations paritaires sur les rétributions qui
lui seraient versées dès le 1er janvier 2001.
Par courrier recommandé du 21 décembre 2000, D.________, sous la signature de
A.________, a fait savoir à S.________ qu'elle n'entendait pas "maintenir la
convention qui nous lie" et a précisé que "les obligations instituées par
cette convention s'éteindront le 31 décembre 2000".
Le 16 janvier 2001, D.________, sous la plume de A.________, a soumis à
S.________ un projet de convention contenant des conditions différentes. Dans
cette écriture, D.________ qualifiait la convention du 13 octobre 1999 de
"caduque" et déclarait  notamment ce qui suit au destinataire: "Dès lors que
tu conviens toi-même que notre convention du 13 octobre 1999 est aujourd'hui
devenue sans objet ... ..., je pars de l'idée que tu ne verras pas
d'objections à ce que nous élaborions une nouvelle convention ...".
S.________ n'a pas accepté ce projet et, par l'entremise de son conseil, a
rappelé à D.________ le 19 janvier 2001 les conséquences possibles d'une
rupture unilatérale par elle de l'accord du 13 octobre 1999.
Dès janvier 2001, D.________ n'a plus confié à S.________ le soin de
s'occuper de la "patientèle" préexistante et a cessé de lui rétrocéder des
honoraires, tout en lui réclamant mensuellement une participation aux frais
généraux.

Après avoir, dans un premier temps, continué d'exercer son activité dans les
locaux de D.________ au profit de sa "patientèle", S.________ a informé cette
société qu'il quitterait la Radiologie T.________ le 24 mai 2001. A fin mai
2001, S.________ s'est installé à la Clinique V.________, laquelle a informé
le public de cette nouvelle collaboration. S.________ a reconnu qu'il a
informé ses médecins correspondants de sa nouvelle adresse professionnelle;
il a allégué qu'une majorité de ces derniers  a continué de lui adresser des
patients.

B.
B.aLe 9 mars 2001, S.________ a fait notifier à D.________ une poursuite en
paiement de 300'000 fr. en capital à titre d'exécution de la pénalité du
contrat du 13 octobre 1999 et de 440'000 fr. à titre de soulte du goodwill.
L'opposition formée par la poursuivie a été levée provisoirement par les
autorités genevoises de mainlevée à concurrence respectivement de 300'000 fr.
et 410'000 fr.
Statuant sur l'action en libération de dette déposée par D.________ et sur la
reconvention en paiement d'honoraires intentée par S.________, le Tribunal de
première instance de Genève, par jugement du 10 avril 2003, a admis que le
défendeur pouvait exiger le paiement de la peine résolutoire de 300'000 fr.
stipulée par les parties le 13 octobre 1999 ainsi que du solde de 410'000 fr.
encore dû à ce moment sur l'indemnité pour apport de clientèle. Tenant compte
que le défendeur, de janvier à mai 2001, s'était occupé de ses propres
patients en utilisant l'infrastructure de la demanderesse, le Tribunal de
première instance a admis qu'après déduction de sa créance d'honoraires pour
l'année 2000, il restait enrichi sans cause valable d'un montant de 64'979
fr.40. Aussi le Tribunal de première instance n'a-t-il levé qu'à concurrence
de 645'020 fr.60 (710'000 fr. - 64'979 fr.40) l'opposition formée par
D.________ à la poursuite du 9 mars 2001, le défendeur étant, pour sa part,
débouté de sa reconvention.

B.b Statuant sur l'appel de la demanderesse, la Cour de justice du canton de
Genève, par arrêt du 16 janvier 2004, a confirmé le jugement précité.
En substance, la cour cantonale a qualifié la convention du 13 octobre 1999
de contrat de société simple au sens des art. 530 ss CO. Elle a retenu que la
demanderesse avait unilatéralement mis un terme à l'accord en cause par
lettre du 21 décembre 2000, de sorte qu'en vertu de l'art. 8 de la
convention, elle était débitrice de sa partie adverse de la peine résolutoire
convenue de 300'000 fr., laquelle, par sa nature, n'était pas réductible. De
plus, toujours en application du même art. 8, norme qui instituait des règles
de liquidation de la société simple concernant l'apport de clientèle effectué
par le défendeur, la demanderesse devait encore lui verser le solde du prix
du goodwill, soit, compte tenu du paiement de la première tranche de 100'000
fr. le 18 juillet 2000, le montant de 410'000 fr. La Cour de justice n'a pas
examiné la question des honoraires dus au défendeur pour les années 2000 et
2001, points qui n'étaient plus litigieux au stade de l'appel.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la mesure de
sa recevabilité par arrêt de ce jour, D.________ exerce un recours en réforme
au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Déclarant  ne plus contester que
la convention du 13 octobre 1999 est un contrat de société simple et
admettant désormais avoir résilié cet accord, la recourante requiert,
principalement, qu'après avoir mis à néant l'arrêt précité, le Tribunal
fédéral renvoie la cause à l'autorité cantonale pour déterminer quel est le
pourcentage exact de clientèle apportée par l'intimé, qu'il a reprise à la
Clinique V.________, et dise que la valeur en pour-cent de cette clientèle
devra être déduite proportionnellement du montant total du goodwill de
510'000 fr. Subsidiairement, elle demande que la juridiction fédérale, à
supposer que l'interprétation objective de l'art. 8 al. 3 de l'accord du 13
octobre 1999 l'ait conduite à admette que "la soulte du goodwill due à ce
moment" est de 170'000 fr., prononce que la dette de la demanderesse envers
le défendeur est de 305'020 fr.40 (recte: 305'020 fr.60) (645'020 fr.60 - la
différence entre 510'000 fr. et 170'000 fr.). Plus subsidiairement, si le
Tribunal fédéral devait décider que la moitié du goodwill devait s'imputer
sur la créance de l'intimé, la recourante conclut à ce qu'il dise alors que
la dette de la demanderesse envers le défendeur est de 390'020 fr.60 (645'020
fr.60 - la moitié du goodwill, par 255'000 fr.).
L'intimé propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a très largement succombé dans ses
conclusions en libération de dette et dirigé contre un arrêt final rendu en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000
fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il
a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art.
55 OJ).

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid.2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129
III 618 consid. 3).
Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties (qui
ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'est
pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine).

2.
La recourante reproche tout d'abord à la cour cantonale d'avoir commis une
inadvertance manifeste au sens de l'art. 63 al. 2 OJ en retenant qu'à l'issue
de l'audience de comparution des parties, celles-ci ont persisté dans leurs
conclusions "sans solliciter l'ouverture d'enquêtes". Elle prétend que dans
ses "conclusions motivées après comparution personnelle", son conseil d'alors
a notamment requis l'audition de témoins sur les faits exposés dans sa
demande en libération de dette.

2.1 La jurisprudence n'admet l'existence d'une inadvertance manifeste que
lorsque l'autorité cantonale a omis de prendre en considération une pièce
déterminée, versée au dossier, ou l'a mal lue, s'écartant par mégarde de sa
teneur exacte, en particulier de son vrai sens littéral (ATF 115 II 399
consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b).

2.2 Par le moyen de l'inadvertance manifeste, la recourante tend en réalité à
ce que le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit cantonal, qui a
conduit la Cour de justice à retenir que, dans l'acte de procédure invoqué,
la demanderesse n'a pas requis l'ouverture d'enquêtes. L'interprétation de la
loi cantonale de procédure n'a rien à voir avec l'inadvertance de l'art. 63
al. 2 OJ (cf. Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, tome II, n. 5.3 ad art. 63 OJ, p. 569).
Le grief n'a aucun fondement.

3.
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 18 CO.

3.1 Dans la première branche du moyen, la recourante reproche à la cour
cantonale de n'avoir pas fait porter l'analyse sur la réelle et commune
intention des parties "dans l'hypothèse du départ de (l'intimé) après
résiliation de (la demanderesse)". Elle soutient que les parties avaient
compris "leur édification contractuelle" comme un transfert définitif de la
clientèle de l'intimé à la recourante.
Comme l'interprétation subjective de l'art. 8 de la convention ne donnait pas
de résultat, l'autorité cantonale aurait dû procéder à l'interprétation
objective de la norme, laquelle aurait permis d'admettre que la demanderesse
n'avait raisonnablement pas pu signer un document contractuel autorisant le
défendeur "à reprendre sa clientèle et à en être de surcroît payé par son
associé". Et la recourante de suggérer une interprétation objective, au terme
de laquelle elle ne serait plus débitrice de son adverse partie que de
305'020 fr.60.
3.1.1  En présence d'un litige sur l'interprétation d'une clause
contractuelle, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune
et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou
dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit
pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 128
III 419 consid. 2.2). S'il y parvient, il s'agit d'une constatation de fait
qui ne peut plus être remise en cause en instance de réforme (ATF 129 III 118
consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2 et les arrêts cités). Si la volonté
réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est divergente, le
juge doit interpréter les déclarations et les comportements selon la théorie
de la confiance. Il doit donc rechercher comment une déclaration ou une
attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des
circonstances (interprétation dite objective; cf. ATF 129 III 118 consid.
2.5, 702 consid. 2.4 p. 707; 128 III 419 consid. 2.2; 127 III 444 consid.
1b).

3.1.2  Il convient préliminairement de relever que le grief s'appuie pour
partie, de manière irrecevable, sur des faits non constatés par la Cour de
justice (art. 55 al. 1 let. c OJ).
Quoi qu'en pense la recourante, il n'est pas nécessaire en l'occurrence
d'avoir recours aux méthodes d'interprétation déduites des art. 2 CC, 1 et 18
CO. Il appert en effet que l'art. 8 de la convention du 13 octobre 1999 ne
souffre aucune ambiguïté. S'il est vrai qu'il ne se justifie pas d'emblée
d'exclure l'usage des règles interprétatives si la teneur d'une clause
contractuelle paraît claire et indiscutable (ATF 129 III 702 consid. 2.4.1 p.
707; 128 III 265 consid. 3a), ce recours doit néanmoins être limité aux
situations où la lettre du contrat ne restitue pas exactement le sens de
l'accord conclu, en particulier au regard du but poursuivi par les parties
(arrêt 4C.205/2003 du 17 novembre 2003, consid. 2.2; arrêt 5C.134/2002 du 17
septembre 2002, consid. 3.1, publié in SJ 2003 I p. 315; cf. également Pierre
Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 236).
Or le libellé de l'art. 8 de la convention précitée n'appelle pas un effort
spécial de compréhension. Cette disposition oblige la demanderesse, qui a
rompu unilatéralement l'accord le 21 décembre 2000 - point désormais acquis
au débat -, de verser au défendeur les sommes prévues dans cette hypothèse, à
savoir le solde du goodwill dû à cette date, c'est-à-dire 410'000 fr.
(510'000 fr. - 100'000 payés en juillet 2000), somme à laquelle s'ajoute la
peine résolutoire de 300'000 fr. (art. 160 al. 3 CO). A cet égard, il sied de
relever que la recourante, à bon droit, ne fait plus valoir devant le
Tribunal fédéral que cette pénalité est réductible, du moment qu'il s'agit
d'un dédit consensuel (Wandelpön; Michel Mooser, Commentaire romand, n. 5 ad
Intro. art. 158-163 CO; Felix R. Ehrat, Commentaire bâlois, 3e éd., n. 25 ad
art. 160 CO), qui n'est pas soumis en tant que tel à la réduction judiciaire
instaurée par l'art. 163 al. 3 CO (Felix R. Ehrat, op. cit., n. 11 et n. 14
ad art. 158 CO; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationenrecht,
Allgemeiner Teil, vol. II, 8e éd., n. 4043 p. 340; Mooser, op. cit., n. 7 ad
Intro. art. 158-163 CO).
L'art. 8 litigieux prévoit encore qu'au cas où c'était l'intimé qui résiliait
unilatéralement la convention, sa clientèle restait acquise à la recourante.
Il est donc évident qu'a contrario, si, comme en l'espèce, la demanderesse
rompt de son proche chef ladite convention, la clientèle du défendeur ne lui
est pas acquise.
Le texte de la norme critiquée est absolument clair. Aucune autre
interprétation n'est possible.
Il est vrai que la convention peut à première vue apparaître inéquitable,
dans la mesure où elle permet à l'intimé d'encaisser le goodwill plus la
peine résolutoire et de garder, au surplus, sa clientèle.
Il y a toutefois lieu de prendre en compte les particularités de l'espèce. Le
défendeur est un médecin-radiologue dont la clientèle est notamment
constituée de médecins correspondants (cf. art. 2 de la convention du 13
octobre 1999), qui lui adressent leurs patients pour qu'ils soient
radiographiés. Il faut dès lors envisager que certains de ces médecins
correspondants, qui ont suivi l'intimé chez la recourante, sont peut-être
satisfaits du laboratoire que celle-ci exploite, si bien qu'ils ne sont plus
disposés à adresser leurs malades dans le nouveau cabinet du défendeur
installé à la Clinique V.________. Partant, lorsque l'intimé s'est associé à
la recourante, le premier s'exposait à perdre une partie de sa clientèle,
risque contre lequel il a manifestement voulu se prémunir par l'adoption de
l'art. 8 de l'accord du 13 octobre 1999.
En résumé, on ne discerne aucune violation de l'art. 18 CO dans l'arrêt
querellé, de sorte que le grief est mal fondé.

3.2 Dans la seconde branche du moyen, la recourante affirme que la convention
litigieuse serait lacunaire en ce qui concerne l'hypothèse où elle est
résiliée unilatéralement par la demanderesse. Cette dernière suggère ainsi de
combler cette prétendue lacune en "prolonge(ant) les lignes tracées dans le
contrat" (analogie contractuelle) ou en s'inspirant des règles sur la
liquidation de la société simple (art. 548 ss CO), voire en procédant à une
interprétation téléologique, qui commande de déterminer comment les parties
auraient réglé la question si elles se l'étaient posée au moment de la
signature du contrat.
On ne voit nulle lacune dans l'accord critiqué. Son art. 8 envisage
expressément le cas où la demanderesse rompt le contrat de manière
unilatérale et règle les conséquences économiques que cette résiliation
entraîne pour cette partie contractante.
Quant au régime de la liquidation de la société simple découlant des art. 548
ss CO, il s'agit de règles de droit dispositif (Daniel Staehelin, Commentaire
bâlois, n. 2 ad art. 548/549 CO; Pierre Engel, Contrats de droit suisse, 2e
éd., p. 728). Il s'ensuit que le contrat de société simple, à l'instar de
l'art. 8 de l'accord litigieux, peut parfaitement écarter le régime légal au
sujet de la liquidation et des opérations y relatives, si le contrat est par
ailleurs conforme à l'ordre public, n'enfreint pas les bonnes moeurs et ne
porte pas atteinte aux droits de la personnalité (art. 19 al. 2 CO), ce que
la recourante n'a, à juste titre, jamais prétendu.
Les plaideurs ayant réglé la mise en oeuvre de la dissolution de la société
simple qu'ils avaient constituée, il ne subsiste aucune lacune à combler.
Le moyen est dénué de fondement.

4.
La recourante soutient enfin que la cour cantonale, au mépris de l'art. 8 CC,
lui a refusé toute administration de preuve sur un fait capital pour la
solution de la querelle, qui serait la valeur de la clientèle reprise par
l'intimé.

4.1 Il a été déduit de l'art. 8 CC un droit à la preuve et à la contre-preuve
(ATF 129 III 18 consid. 2.6 et les arrêts cités). Cette règle est violée
quand le juge n'administre pas, sur des faits pertinents (ATF 126 III 315
consid. 4a), des preuves propres à les établir (cf. ATF 90 II 219 consid. 4b)
qui ont été offertes régulièrement selon les dispositions de la loi de
procédure applicable (ATF 126 III 315 ibidem), alors qu'il ne considère
l'allégation desdits faits ni comme exacte, ni comme réfutée.

4.2 La recourante ne donne aucune indication sur la nature des preuves
qu'elle aurait proposées en instance cantonale. Le grief ne répond pas aux
exigences de motivation de l'art. 55 al. 1 let. c OJ.
Serait-il recevable que le moyen serait infondé. En effet, l'art. 8 de la
convention du 13 octobre 1999 autorise le défendeur, en cas de rupture
unilatérale de l'accord par la demanderesse, à garder sa clientèle. Il est
donc sans aucune pertinence de déterminer la valeur économique que celle-ci
représente, puisqu'elle n'entre dans aucun décompte de liquidation.

5.
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Vu l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la
recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 8'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 23 juin 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: