Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.70/2004
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4C.70/2004 /ech

Arrêt du 13 mai 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.

A. ________,
demanderesse et recourante,

contre

X.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Christoph Dreher.

contrat de travail; interprétation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des
prud'hommes du canton de Genève du 6 janvier 2004.

Faits:

A.
Par contrat de durée indéterminée prévu pour entrer en vigueur le 1er mars
2001, A.________ a été engagée par X.________ en qualité d'"executive
assistant", pour un salaire mensuel brut de 7'000 fr. versé douze fois l'an.
La période d'essai était de trois mois.

L'art. VI let. a) du contrat prévoyait qu'en cas de maladie justifiée par
certificat médical, l'employée recevrait, dès le premier jour, le paiement de
son salaire à 100 % pendant sept cent trente jours dans une période de neuf
cents jours consécutifs, conformément à l'art. C1 al. 1 du contrat
d'assurance collective perte de gain conclu avec Y.________. La teneur de cet
article correspondait aux conditions générales d'assurance maladie collective
(ci-après : CGA), édition 1990, liant X.________ à Y.________.

Les CGA ont été modifiées en 2000, notamment l'art. C1 al. 1, en ce sens que,
pour les travailleurs au bénéfice d'un contrat de travail de durée limitée,
le versement de l'indemnité journalière a été réduit "à la durée de
l'obligation de l'employeur de continuer à verser le salaire selon le code
des obligations".

Le 31 mai 2001, X.________ a informé A.________ de son désir de mettre un
terme aux rapports de travail les liant. D'un commun accord, les parties ont
toutefois décidé de signer un nouveau contrat d'une durée limitée à deux mois
allant de juin à juillet 2001, afin de permettre à X.________ de trouver une
remplaçante et à A.________ de rechercher un nouvel emploi.

C'est ainsi que, le 1er juin 2001, les parties ont amendé l'art. II du
contrat original imprimé, relatif à la validité, en y apportant les
adjonctions manuscrites suivantes (ci-après en italique) : "Modification du
contrat. Le présent contrat prend effet le 1er juin 2001. Il est établi pour
une durée de deux mois ferme". Lors de la signature de ce nouveau contrat,
effectuée très rapidement, les parties n'ont pas abordé la question de la
couverture d'assurance perte de gain. Elles ont apposé leur signature
respective au bas de l'art. II et, pour le surplus, simplement visé l'art. IV
relatif au salaire et paraphé le bas de la première page du contrat. Les cinq
autres articles du contrat débutant le 1er mars 2001, énoncés aux pages 2 et
3, n'ont fait l'objet d'aucune adjonction, modification ou paraphe.
Le 29 juin 2001, A.________ a été déclarée en incapacité de travail totale
par son médecin traitant. Cette incapacité a pris fin le 15 septembre 2002.

Par lettre du 22 août 2001, Y.________ a informé X.________ qu'en vertu des
art. C1 al. 1 de ses CGA et 324a CO, relatifs aux travailleurs bénéficiant
d'un contrat de durée limitée, elle entendait réduire la durée de ses
prestations en faveur de A.________ à trois semaines. Dès lors que les trois
semaines tombaient dans le délai d'attente de trente jours prévu par le
contrat d'assurance, aucune indemnité journalière n'était due à l'intéressée.

Le 23 août 2001, X.________ a communiqué la lettre susmentionnée à
A.________. Elle l'a par ailleurs informée qu'elle lui versait la somme de
3'825 fr. 65 à titre de salaire dû, en vertu de l'art. 324a CO, en raison de
son incapacité de travail, pendant trois semaines, soit du 29 juin au 19
juillet 2001.

Par courrier du 14 septembre 2001, A.________ a, en substance, mis X.________
en demeure de lui verser l'intégralité de son salaire pour le mois de juillet
2001, ainsi que le montant correspondant à son droit aux vacances calculé
pour les mois de mars à juillet 2001, et affirmé que l'art. VI let. a) du
premier des deux contrats n'avait pas été touché par la modification du 1er
juin 2001.

Par lettre du 27 septembre 2001, Y.________ a informé A.________ qu'elle
avait bien reçu sa demande de libre-passage d'assurance et que, sur la base
des documents qui lui avaient été remis, elle constatait qu'elle était au
bénéfice d'un contrat temporaire et, à ce titre, que la durée des prestations
avait déjà été épuisée. Y.________ indiquait ainsi qu'elle se voyait dans
l'obligation de refuser la couverture en assurance individuelle sollicitée.

B.
Le 21 novembre 2001, A.________ a assigné X.________ devant la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève, réclamant le paiement de la somme de
163'084 fr. 05, soit 2'599 fr. 80 correspondant au solde du salaire dû pour
le mois de juillet 2001, ainsi qu'au solde de vacances calculées pour les
mois de mars à juillet 2001, et 160'484 fr. 25 correspondant aux indemnités
journalières pour six cent nonante-sept jours d'incapacité de travail.

Par jugement rendu suite à l'audience de délibération du 30 mai 2002, notifié
le 11 juin 2002, le Tribunal des prud'hommes a déclaré irrecevable la demande
de A.________ en paiement de la somme de 2'599 fr. 80 et débouté les parties
de toutes autres conclusions.

A. ________ a appelé de ce jugement, concluant au paiement de la somme de
160'484 fr. 25, réduite en cours de procédure à 94'632 fr. 75, plus intérêt à
5 % l'an dès le 1er août 2002.

Par arrêt du 6 janvier 2004, la Cour d'appel de la juridiction des
prud'hommes a annulé le jugement entrepris et notamment condamné X.________ à
payer à A.________ la somme de 2'416 fr. 35 nets, avec intérêt à 5 % l'an dès
le 1er août 2002.

C.
Contre cet arrêt, A.________, devenue entre-temps A.________ par mariage (la
demanderesse), interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral,
concluant à ce que celui-ci annule l'arrêt entrepris et condamne X.________
(la défenderesse) à lui verser la somme de 94'632 fr. 75 avec intérêt à 5 %
l'an dès le 15 février 2002, avec suite de frais des niveaux cantonal et
fédéral.

X. ________ conclut au rejet du recours, avec suite de dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la demanderesse qui a été déboutée de la majeure partie de
ses conclusions en paiement et dirigé contre un jugement final rendu en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur
une contestation civile (cf. ATF 130 III 102 consid. 1.1; 129 III 415 consid.
2.1) dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le
présent recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé
en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 130 III 102
consid. 2.2 p. 106; 127 III 248 consid. 2c p. 252).

Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible
d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106; 127 III 248 consid. 2c
p. 252). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait,
ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Le recours en réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation
des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 129 III 320 c.
6.3 p. 327; 127 III 543 consid. 2c p. 547). Il ne sera par conséquent pas
tenu compte de l'argumentation des parties qui s'écarte de ces principes et
leurs griefs seront exclusivement examinés à la lumière des faits constatés
par la cour cantonale.

2.
Après avoir rappelé les principes jurisprudentiels découlant de l'art. 324a
CO, les juges cantonaux ont examiné si la clause prévoyant le paiement, en
cas de maladie justifiée par certificat médical, du salaire à 100 % pendant
sept cent trente jours dans une période de neuf cents jours consécutifs (art.
VI let. a) pouvait s'appliquer au contrat modifié du 1er juin 2001. Ils sont
parvenus à la conclusion que la demanderesse ne pouvait pas, de bonne foi,
penser que son engagement limité à deux mois pouvait lui donner droit, en cas
de maladie pendant ce laps de temps, au versement intégral de son salaire
pendant une période pouvant aller jusqu'à deux ans.

3.
Dans son recours, la demanderesse reproche en substance à l'autorité
cantonale de ne pas avoir appliqué la clause susmentionnée au contrat modifié
du 1er juin 2001. Elle y voit une violation des art. 1 ss et 324a CO.

La question qu'il faut examiner en premier lieu est celle de savoir si la
cour cantonale a admis à juste titre que, de bonne foi, la demanderesse ne
pouvait pas considérer que l'art. VI let. a) avait été repris comme tel dans
le contrat modifié du 1er juin 2001 pour, dans l'affirmative, en tirer les
conséquences qui s'imposent du point de vue de l'application de l'art. 324a
CO.

4.
4.1 En présence d'un litige sur l'interprétation d'une clause contractuelle,
le juge doit tout d'abord s'efforcer de rechercher la réelle et commune
intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations
inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la
nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Si le juge y parvient,
il s'agit d'une question de fait qui ne peut être remise en cause dans un
recours en réforme (ATF 129 III 664 consid. 3.1, 118 consid. 2.5 p. 122 et
les arrêts cités).

Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est
divergente, le juge doit interpréter les comportements et les déclarations
selon la théorie de la confiance (ATF 129 III 664 consid. 3.1, 118 consid.
2.5 p. 122; 128 III 419 consid. 2.2 p. 422 et l'arrêt cité). Il doit donc
rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de
bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 129 III 118
consid. 2.5 p. 122; 128 III 419 consid. 2.2 p. 422 et les arrêts cités).
Cette interprétation relève du droit, de sorte que le Tribunal fédéral, saisi
d'un recours en réforme, peut l'examiner librement (ATF 129 III 664 consid.
3.1; 129 III 118 consid. 2.5 p. 123 et les arrêts cités).

Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le
contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles
relèvent du fait (ATF 129 III 118 consid. 2.5 p. 123; 128 III 419 consid. 2.2
p. 422 et les arrêts cités).

Il doit être rappelé que le principe de la confiance permet d'imputer à une
partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si
celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 129 III 118 consid. 2.5
p. 122; 128 III 419 consid. 2.2 p. 422 et les références citées).

4.2 En l'espèce, la cour cantonale a constaté que les volontés des parties ne
concordaient pas s'agissant du point de savoir si l'art. VI let. a) du
contrat débutant le 1er mars 2001 s'appliquait également à celui modifié du
1er juin 2001. Elle a dès lors procédé à une interprétation de la clause
litigieuse sous l'angle du principe de la confiance (art. 18 al. 1 CO), de
sorte que cette question peut être revue dans le cadre d'un recours en
réforme.

4.2.1 Les juges cantonaux ont constaté en fait qu'au terme du temps d'essai,
les parties avaient décidé d'un commun accord de conclure un nouveau contrat
de deux mois, afin de permettre à la défenderesse de trouver une remplaçante
et à la demanderesse de rechercher un nouvel emploi. Ils ont en outre établi
que, lors de la conclusion du second contrat, effectuée très rapidement, les
parties n'avaient pas abordé la question de la couverture d'assurance perte
de gain et avaient apporté des adjonctions manuscrites à l'art. II du contrat
orignal imprimé, relatif à la durée de validité, apposé leur signature
respective au bas de cet article, simplement visé l'art. IV concernant le
salaire et paraphé la première page du contrat.

La cour cantonale a ensuite relevé que la demanderesse ne pouvait pas, de
bonne foi, en raison de l'évidente et très importante disproportion entre les
prestations des parties, penser que son engagement limité à deux mois pouvait
lui donner le droit, en cas de maladie pendant ce laps de temps, au versement
intégral de son salaire pendant une période pouvant aller jusqu'à deux ans.

Les juges cantonaux ont enfin souligné que la demanderesse avait du reste
bien compris ce qui précédait après avoir reçu copie de la lettre de
Y.________ du 22 août 2001 expliquant qu'elle n'avait pas droit à des
prestations au-delà de la fin du délai de carence et que, dans sa lettre du
14 septembre 2001, elle avait d'ailleurs mis la défenderesse en demeure de
lui verser l'intégralité de son salaire uniquement jusqu'à l'échéance de son
contrat de travail de durée déterminée.

4.2.2 Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'on ne peut pas
reprocher à la cour cantonale d'avoir violé le droit fédéral et procédé à une
interprétation contraire à l'art. 18 al. 1 CO en considérant que l'art. VI
let. a) du contrat débutant le 1er mars 2001 ne s'appliquait pas en tant que
tel à celui modifié du 1er juin 2001.

En effet, le fait que la clause litigieuse n'ait pas été formellement biffée
ou modifiée ne signifie pas encore qu'il fallait de bonne foi comprendre que
celle-ci s'appliquait au contrat modifié du 1er juin 2001.
Au contraire, il appert que ce dernier a été conclu dans la précipitation et
que, dans ces circonstances, les parties n'ont pas eu le temps de réexaminer
l'ensemble des clauses du contrat débutant le 1er mars 2001. Si elles
l'avaient fait, elles n'auraient pas pu, de bonne foi, considérer qu'une
clause ayant des effets si étendus dans le temps pouvait s'appliquer à un
contrat conclu pour une durée si brève et prévu pour leur permettre de se
retourner.

4.2.3 Les griefs de la demanderesse sur ce point ne résistent pas à l'examen.
Ainsi, lorsqu'elle soutient qu'elle s'était enquise auprès de la défenderesse
de savoir si le contrat demeurait inchangé pour le reste, ce à quoi elle
aurait reçu une réponse affirmative, ou qu'elle entreprend de démontrer que
la défenderesse avait la réelle volonté de contracter selon la lettre de la
clause litigieuse, la demanderesse se heurte aux faits retenus par la cour
cantonale (art. 63 al. 2 OJ), de sorte que l'on ne saurait tenir compte de
ces éléments (cf. supra consid. 1.2).

En outre, l'on ne peut reprocher à la cour cantonale d'avoir pris en compte
des circonstances survenues postérieurement à la conclusion du contrat, en
l'occurrence le fait que la demanderesse savait déjà depuis le 23 août 2001,
de par le contenu de la lettre de Y.________, qu'elle n'avait pas le droit à
des prestations au-delà de la fin du délai de carence et que, par conséquent,
l'art. VI let. a) du contrat modifié du 1er juin 2001 n'était pas applicable
aux relations contractuelles entre les parties en raison d'un changement des
CGA. En effet, cet élément ne revêt pas un caractère décisif dans
l'interprétation.

Enfin, l'argument selon lequel la cour cantonale n'aurait pas examiné les
circonstances ayant entouré la conclusion du contrat modifié du 1er juin 2001
tombe à faux, dès lors qu'on a vu que celles-ci avaient précisément été
examinées (cf. supra 4.2.1).

5.
La cour cantonale a finalement conclu que la demanderesse pouvait de bonne
foi comprendre qu'elle était assurée contre la perte de gain jusqu'à
l'échéance du contrat de durée déterminée et lui a par conséquent alloué la
somme de 2'416 fr. 35 nets correspondant au solde de son salaire pour le mois
de juillet 2001. En l'absence de recours joint, il n'est pas nécessaire
d'examiner le bien-fondé de l'allocation de cette conclusion, pas plus que de
trancher la question de savoir si la jurisprudence à laquelle se réfèrent
tant l'autorité cantonale que la demanderesse (cf. ATF 124 III 126) est
également applicable à un contrat de durée déterminée de moins de trois mois.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

6.
La procédure fédérale n'est pas gratuite puisqu'elle a trait à un différend
résultant du contrat de travail dont la valeur litigieuse déterminante,
calculée au moment du dépôt de la demande (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 42),
dépasse le plafond de 30'000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 et 3 CO). Compte
tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la
demanderesse (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la demanderesse.

3.
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 6'000 fr. à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 13 mai 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière :