Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.55/2004
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4C.55/2004 /ech

Arrêt du 7 mai 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.
Greffière: Mme de Montmollin.

les époux A.________,
défendeurs et recourants, représentés par Me Nicole Wiebach,

contre

les époux B.________,
demandeurs et intimés, représentés par Me Daniel Pache.

Contrat de bail; résiliation, prolongation.

Recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 16 juillet 2003.

Faits:

A.
Les époux B.________, de nationalité suisse, vivent aux Etats-Unis.
Respectivement nés en 1924 et en 1926, ils sont propriétaires d'une maison à
X.________ (Vaud) depuis un peu plus de vingt ans. Quelques années avant le
procès, ils y faisaient des séjours de un à quelques mois dans un appartement
maintenant divisé en deux studios. L'immeuble, de trois étages, comprend
actuellement deux locaux au rez-de-chaussée, un appartement de deux pièces au
premier étage, deux studios, l'un au premier étage, l'autre dans les combles,
ainsi qu'un appartement de quatre pièces aménagé au premier étage et dans les
combles.

Les époux A.________, parents de deux enfants âgés aujourd'hui de huit et
cinq ans, sont locataires de ce dernier appartement depuis le 1er juillet
1988. Le contrat prévoit que le bail, d'une durée initiale d'un an, se
renouvelle ensuite de six mois en six mois, sauf avis de résiliation donné
quatre mois à l'avance. Le loyer actuel est de 1'500 fr.

Une nouvelle société s'occupe de la gérance de l'immeuble depuis le 1er
janvier 2001. Le gérant et les locataires ont eu des différends à propos du
remplacement d'une boîte aux lettres, du réémaillage d'une baignoire et de la
réfection d'une terrasse.

B.
Par formules du 14 février 2002, la gérance a résilié le bail de
l'appartement occupé par la famille A.________ pour le 1er juillet 2002, sans
donner de motif. Par lettre du 1er mars 2002, les locataires ont relevé que
le congé n'avait pas été motivé et annoncé à la régie leur intention de
s'opposer aux travaux de rénovation de la terrasse, en lui impartissant un
délai au 25 mars 2002 pour régler le problème de la baignoire. Simultanément,
ils ont saisi la Commission de conciliation du district de Morges, concluant
à l'annulation du congé et à ce que défense soit faite aux bailleurs
d'effectuer des travaux sur la terrasse. Après avoir consigné le loyer à
partir du mois d'avril 2002, les locataires ont saisi la commission de
conciliation d'une seconde requête, le 13 avril 2002, qui tendait à la remise
en état, voire au remplacement immédiat de la baignoire, au maintien de la
consignation des loyers jusqu'à l'exécution des travaux et à une réduction de
loyer de 5 % durant ce temps.
La commission a tenu une première audience le 22 avril 2002. Les locataires
ont reconnu la nécessité des travaux sur la terrasse. Relevant que les
bailleurs souhaitaient "récupérer leur objet", l'autorité a déclaré la
résiliation valable et accordé aux défendeurs une prolongation unique, de
deux ans, jusqu'au 1er juillet 2004. A l'issue d'une seconde audience, le 1er
juillet 2002, elle a rejeté la requête du 13 avril 2002.

C.
Les époux B.________ ont saisi le Tribunal des baux du canton de Vaud par
demande du 13 mai 2002. Ils ont conclu à la validité de la résiliation, à ce
qu'aucune prolongation de bail ne soit accordée à les époux A.________ et à
ce qu'ordre leur soit donné de quitter et rendre libre l'appartement pour le
1er juillet 2002. Ils faisaient valoir un besoin propre de l'appartement
litigieux au sens de l'art. 272 al. 2 let. d CO.

De leur côté, les époux A.________ ont également déposé une demande devant le
tribunal des baux, en date du 24 mai 2002. Leurs conclusions tendaient à
l'annulation de la résiliation, subsidiairement à une prolongation de bail de
quatre ans, et en tout état de cause à l'interdiction faite aux bailleurs
d'effectuer des travaux de rénovation ou d'entretien importants pendant le
délai de résiliation. Le 15 juillet 2002, ils ont déposé une seconde demande,
à propos de la remise en état de la baignoire.

Les causes ont été jointes. La seconde demande des locataires a été liquidée
par transaction du 15 juillet 2002. Le 6 août 2002, les bailleurs ont été
dispensés de comparaître personnellement. Le 30 août 2002, leur conseil a
produit une lettre de leur part au gérant, du 5 juillet 2002, confirmant leur
volonté de s'installer en Suisse dès septembre 2003 pour des raisons
familiales et financières. Par jugement du 12 septembre 2002, le tribunal a
annulé la résiliation de bail et rejeté toutes autres ou plus amples
conclusions des parties. Les premiers juges ont considéré que le congé
contrevenait aux règles de la bonne fois pour le motif que la volonté
déclarée des recourants n'était qu'un prétexte; le véritable motif de la
résiliation, soit l'agacement du représentant du bailleur, tenait à la fois
des représailles et du mouvement d'humeur.

La Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a réformé ce jugement par
arrêt du 16 juillet 2003. La cour cantonale a admis que les propriétaires,
âgés et invoquant la nécessité de réduire leurs charges, pouvaient faire
valoir un besoin urgent. Elle a écarté la thèse d'un congé de représailles au
sens de l'art. 271a al. 1 let. a CO, de même que celle d'un congé abusif au
sens de l'art. 271 CO. Elle a donc admis la validité de la résiliation pour
le 1er juillet 2002, tout en accordant une seule et unique prolongation de
bail de deux ans, soit jusqu'au 1er juillet 2004.

D.
Les locataires recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils reprennent
principalement leurs conclusions en annulation du congé; subsidiairement, ils
sollicitent une prolongation du contrat de quatre ans, autrement dit jusqu'au
1er juillet 2006.

La Chambre des recours se réfère à ses considérants.

E.
Par ordonnance du 31 mars 2004, le président de la 1re Cour civile du
Tribunal fédéral a rejeté une requête des intimés tendant à la prolongation
du délai de réponse. Ces derniers sollicitent la restitution de ce délai par
courrier du 2 avril 2004.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par les parties qui ont succombé dans leurs conclusions et
dirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale par
un tribunal supérieur sur une contestation civile (ATF 129 III 415 consid.
2.1), le recours est recevable ratione valoris. En effet, selon la
jurisprudence, la période à prendre en considération, en cas de contestation
portant sur la validité d'un congé, est celle pendant laquelle le contrat
subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable et qui s'étend
jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé peut être donné, soit en tout
cas jusqu'au terme de la période de protection de trois ans de l'art. 271a
let. e CO, ce qui représente des loyers et frais accessoires largement
supérieurs à 8 000 fr. (ATF 111 II 384 consid. 1, confirmé in ATF 119 II 147
consid. 1). Pour la prolongation de bail, la durée maximale qui aurait pu
être accordée par la Chambre des recours allait jusqu'au 1er juillet 2006, ce
qui donne pour la période entre le prononcé cantonal et cette dernière date
une somme également largement supérieure à 8 000 fr. (ATF 113 II 406 consid.
1; 109 II 351 consid. 1).
Interjeté pour le reste dans les formes (art. 55 OJ) et délai (art. 54 al. 1
OJ) légaux, le recours est recevable.

1.2 La réponse doit en revanche être écartée du dossier, dès lors qu'elle a
été déposée tardivement et que la requête des intimés tendant à la
prolongation du délai utile a été rejetée par ordonnance du 31 mars 2004. Il
ne saurait être question de restituer ce délai. Non seulement, l'ordonnance
du 31 mars 2004 rappelait que l'impossibilité d'accorder une prolongation de
délai était dûment mentionnée sur la formule de fixation du délai de réponse,
mais elle précisait encore expressément que le domicile aux Etats-Unis des
intimés ne suffirait pas à justifier une restitution de délai au sens de
l'art. 35 OJ. Il en va de même de leur résidence actuelle en Arménie. Ce pays
demeure en tout cas atteignable par courrier postal et électronique, ou par
téléphone; on peut attendre des intimés, se sachant parties à une procédure
civile, qu'ils prennent les mesures nécessaires afin d'être joignables par
leur mandataire ou alors qu'ils donnent les instructions utiles à celui-ci
pour agir en leur absence. Pour le surplus, on renverra aux indications
figurant dans l'ordonnance du 31 mars 2004. On ajoutera que le conseil des
intimés, avocat, ne saurait prétendre de bonne foi avoir compris qu'un
employé de la chancellerie du Tribunal fédéral ait pu avoir la compétence de
se prononcer au téléphone sur le bien-fondé d'une demande de restitution de
délai (art. 35 OJ en liaison avec l'art. 95 OJ).

Cela étant, la tardiveté de la réponse n'emporte aucune conséquence
particulière sur le fond, le mémoire de réponse étant facultatif (Poudret,
COJ II, n° 3.3. ad art. 59 et 61).

1.3 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il ne faille rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c;
126 III 59 consid. 2a). Dans la mesure où la partie recourante présente un
état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid.
2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le
recours en réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des
preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 128 III 271
consid. 2b/aa; 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a).

Pour le surplus, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions
des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1
let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que les parties
invoquent (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2), ni par
l'argumentation juridique de la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 129 III
129 consid. 8; 128 III 22 consid. 2e/cc).

2.
Les recourants s'en prennent d'abord à la validité de la résiliation du bail.
Ils invoquent une violation de l'art. 271 CO, renonçant à revenir sur
l'application faite par la Chambre des recours de l'art. 271a CO.

2.1 Pour retenir que le congé ne contrevenait pas aux règles de la bonne foi,
si bien qu'il n'était pas annulable au sens de l'art. 271 CO, la cour
cantonale a retenu qu'aucun élément de preuve ne permettait d'affirmer que le
congé provenait des mauvaises relations entre la gérance et les preneurs. Ces
derniers ne pouvaient non plus tirer argument de l'absence de motivation sur
les formules de résiliation de bail ou avant l'audience du 13 mai 2002 devant
la commission de conciliation, faute de demande de motivation claire de leur
part et vu le fait que les parties avaient été immédiatement convoquées par
l'autorité. On ne pouvait non plus reprocher aux propriétaires leur absence à
l'audience de jugement, pour laquelle ils avaient obtenu une dispense de
comparution personnelle de la part du président, et voir dans cette
circonstance un élément permettant de douter de leurs intentions véritables.
Enfin, la Chambre des recours ne discernait pas en quoi l'appartement
litigieux, situé à un premier étage, n'aurait pas convenu à des personnes de
près de quatre-vingt ans.

2.2 Les locataires contestent en premier lieu que le besoin urgent des
bailleurs ou de leurs proches parents soit réalisé. Ils font valoir que les
seuls renseignements dont disposaient les autorités cantonales étaient une
lettre émanant des intimés adressée à leur gérance le 5 juillet 2002 et un
témoignage contredisant totalement ce document, qu'ils qualifient de
mensonger. Selon eux, le besoin invoqué ne serait ni concret, ni sérieux, ni
actuel, sa réalité n'étant nullement établie. Le congé ne reposerait sur
aucun intérêt digne de protection, son véritable motif devant être recherché
dans les mauvaises relations entre le gérant et les locataires.
Les recourants contestent n'avoir pas demandé la motivation du congé. Ils
allèguent que, devant la commission de conciliation, le projet des bailleurs
de revenir en Suisse en septembre 2003 n'a pas été évoqué. Ce projet n'aurait
été formulé pour la première fois que dans la lettre du 5 juillet 2002,
autant de circonstances qui seraient de nature à jeter un doute sur les
intentions véritables des intéressés.

Les locataires soutiennent que dès lors qu'ils ont demandé aux bailleurs la
motivation du congé, ceux-ci devaient prouver la véracité de leur réponse, ce
que les intéressés n'auraient pas fait. Il y aurait là violation de l'art. 8
CC.

2.3
A côté d'une liste d'exemples où une résiliation émanant du bailleur est
annulable (art. 271a al. 1 CO), la loi prévoit, de manière générale, que le
congé donné par l'une ou l'autre partie est annulable lorsqu'il contrevient
aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO).

Selon la jurisprudence, la protection accordée par l'art. 271 al. 1 CO
procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC), et de
l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), tant il est vrai qu'une
distinction rigoureuse ne se justifie pas en cette matière (cf. ATF 120 II 31
consid. 4a; 105 consid. 3 p. 108).

Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit,
utilisation d'une institution juridique contrairement à son but,
disproportion grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans
ménagement, attitude contradictoire) justifient l'annulation du congé; à cet
égard, il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de l'auteur du congé
puisse être qualifiée d'abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2
CC (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108).

Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif s'il ne répond à aucun
intérêt objectif, sérieux, et digne de protection (arrêt 4C.65/2003 du
23.09.2003, consid. 4.2). Est abusif le congé purement chicanier dont le
motif n'est manifestement qu'un prétexte (ATF 120 II 31 consid. 4a p. 32). La
résiliation de bail peut être annulée si le motif sur lequel elle repose se
révèle incompatible avec les règles de la bonne foi qui régissent le rapport
de confiance inhérent à la relation contractuelle existante (par exemple, le
congé fondé sur un motif raciste) (ATF 120 II 105 consid. 3a; cf. également
ATF 120 II 31 consid. 4a).
L'auteur du congé n'a l'obligation de le motiver que si l'autre partie le
demande (art. 271 al. 2 CO). Une résiliation qui demeure non motivée malgré
la requête du destinataire n'est pas nécessairement abusive; en effet, s'il
avait voulu qu'il en soit ainsi, le législateur aurait posé une présomption
dans ce sens. A l'inverse, l'absence de motivation ne saurait rester sans
conséquence, au risque de priver l'art. 271 al. 2 CO de toute portée.
L'obligation de motivation doit être prise au sérieux. En particulier, celui
qui donne un motif de congé doit, en cas de litige, en démontrer
l'exactitude. De même, celui qui attend deux mois avant de motiver le congé
court le risque que la résiliation soit considérée comme abusive. En effet,
même si le fardeau de la preuve d'une résiliation contraire à la bonne foi
incombe à celui qui s'en prévaut - généralement le locataire -, l'auteur du
congé - généralement le bailleur - doit contribuer à la manifestation de la
vérité, en donnant les raisons de cette mesure et en les rendant au moins
vraisemblables (arrêt 4C.305/1995 du 15 février 1996, consid. 4a).

2.4
Examiné à l'aune de ces principes, l'arrêt attaqué résiste à tout grief. La
cour cantonale a non seulement correctement rappelé les règles légales, mais
elle les a aussi appliquées de manière convaincante. Les défendeurs
contestent le motif même pour lequel le congé a été donné. Or ce point relève
des constatations de fait (ATF 115 II 484 consid. 2b; 113 II 460 consid. 3b).
C'est dire que, dans la procédure du recours en réforme, le Tribunal fédéral
n'a en principe pas à le revoir (consid. 1.3 ci-dessus), mais uniquement à
examiner si les conséquences juridiques que le Tribunal cantonal a tirées de
ces constatations sont conformes au droit fédéral.

Les défendeurs invoquent la violation de l'art. 8 CC. Sous couvert de ce
grief, ils s'en prennent en réalité de manière inadmissible à l'appréciation
des preuves opérée en instance cantonale. Comme la Chambre des recours l'a
relevé, le fardeau de la preuve de l'existence d'un motif abusif incombe aux
locataires; le devoir imposé au bailleur, dans ce cadre, de contribuer à
l'établissement de la vérité, singulièrement de rendre au moins
vraisemblables les raisons qui l'amènent à résilier le contrat, n'équivaut
pas à un renversement du fardeau de la preuve; il est pris en compte dans
l'appréciation des preuves, lorsque le juge se prononce sur le résultat de la
collaboration de la partie adverse ou qu'il tire les conséquences d'un refus
de collaborer à l'administration de la preuve (cf. Kummer, Commentaire
bernois, n. 186, 188, 189 et 203 ad art. 8 CC). Et l'appréciation des preuves
échappe au droit fédéral (ATF 128 III 22 consid. 2d et les arrêts cités).
L'art. 8 CC ne dit pas au juge comment choisir et apprécier les preuves
destinées à établir l'état de fait. La disposition n'exclut ni l'appréciation
anticipée des preuves ni la preuve par indices. Elle admet une administration
limitée des preuves si celle-ci emporte la conviction du juge au point qu'il
tient pour exacte une allégation, l'allégation contraire pour réfutée (ATF
122 III 219 consid. 3c; 118 II 365 consid. 1; 114 II 289 consid. 2). En
l'espèce, la cour cantonale a considéré qu'aucun élément de preuve ne
permettait d'affirmer que le congé provenait des mauvaises relations entre la
gérance et les preneurs, et que les considérations qui avaient amené les
premiers juges à admettre que les bailleurs faisaient valoir des prétextes
pour reprendre possession de leur appartement étaient inadéquates. Les
locataires auraient dû former un recours de droit public pour arbitraire dans
l'appréciation des preuves s'ils entendaient contester ces conclusions.

3.
Les locataires invoquent ensuite la violation de l'art. 272 CO. A leurs yeux,
ils avaient droit à une prolongation maximale, ou au moins à une prolongation
renouvelable.

3.1 La cour cantonale a examiné d'office la question de la prolongation du
bail, sur laquelle le tribunal des baux n'avait pas eu à entrer en matière,
puisqu'il avait annulé la résiliation. La Chambre des recours, considérant
que les conditions posées par le droit cantonal pour procéder à une
instruction complémentaire n'étaient pas réalisées, s'est fondée sur l'état
de fait établi en première instance pour statuer. Avec la commission de
conciliation, elle a retenu que les locataires étaient parents de deux
enfants de huit et cinq ans, dont le déplacement en début de scolarité
pouvait être source de difficultés. A cela s'ajoutait le caractère tendu, de
notoriété publique, du marché du logement dans le canton de Vaud. S'agissant
des éléments jouant en faveur des bailleurs dans la pesée des intérêts, elle
a admis que ceux-ci, âgés de près de quatre-vingts ans, se trouvaient dans
une période de leur vie au cours de laquelle les projets devaient se
concrétiser rapidement, et qu'ils étaient dans une situation financière
précaire. Enfin, les locataires paraissaient n'avoir entrepris aucune
démarche avant l'audience de jugement devant le tribunal des baux afin de se
reloger. En définitive, la Chambre des recours a accordé une seule et unique
prolongation de bail pour deux ans, soit jusqu'au 1er juillet 2004.

3.2 A l'appui de leur recours, les demandeurs soutiennent tout d'abord que la
Chambre des recours aurait dû renvoyer le dossier à l'autorité de première
instance ou au moins procéder elle-même à une instruction complémentaire.
L'état de fait, lacunaire, ne tiendrait pas compte de leur attachement à
X.________, des nombreuses recherches qu'ils ont effectuées, de leurs
importants investissements en matériel et en travail dans l'appartement
depuis quatorze ans, du réseau de mamans de jour dont ils disposent dans la
région: les locataires sont d'avis que les bailleurs auraient pu et dû
choisir de s'installer dans l'un des autres appartements aménagés dans leur
immeuble de X.________, plutôt que dans un quatre pièces sur trois étages
malcommode pour des personnes âgées, logement qui aurait d'ailleurs été
finalement mis en vente et proposé aux recourants. Les intérêts des bailleurs
ne pourraient être mis en balance avec ceux d'une famille comprenant deux
enfants, dont les salaires cumulés ne permettraient pas de faire face aux
loyers surfaits actuellement proposés sur le marché.

3.3 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation
d'un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat
aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts
du bailleur ne le justifient. L'art. 272 al. 2 CO énumère ensuite une série
de critères à prendre en considération, comme la situation personnelle,
familiale et financière des parties ainsi que leur comportement (let. c), le
besoin du bailleur des locaux et l'urgence de ce besoin (let. d), ou encore
la situation sur le marché local du logement (let. e).

La pesée des intérêts prescrite par l'art. 272 al. 1 et 2 CO pour décider
d'octroyer ou non une prolongation de bail sert également pour déterminer la
durée de celui-ci.

Comme le montre l'emploi de l'adverbe "notamment", les éléments
d'appréciation énoncés à l'art. 272 al. 2 CO, sous let. a à e, ne revêtent
pas un caractère exclusif et le juge peut tenir compte d'autres intérêts
pertinents (Higi, Commentaire zurichois, n. 120 ad art. 272 CO; Engel,
Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 210; Tercier, Les contrats spéciaux, 3e
éd., n° 2511). Il gardera à l'esprit que la prolongation a pour but de donner
du temps au locataire pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III
226 consid. 4b) ou, à tout le moins, tend à adoucir les conséquences pénibles
résultant d'une extinction du contrat selon les règles ordinaires (ATF 116 II
446 consid. 3b).

L'art. 272b al. 1 CO prévoit que la durée de la prolongation est de quatre
ans au maximum, limite dans laquelle une ou deux prolongations peuvent être
accordées.
Lorsqu'il est appelé à se prononcer sur une prolongation de bail, le juge
dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour en déterminer la durée, dans
les limites fixées par la loi; il ne transgresse pas le droit fédéral en
exerçant le pouvoir d'appréciation que le code des obligations lui accorde;
le droit fédéral n'est violé que s'il sort des limites fixées, s'il se laisse
guider par des considérations étrangères à la disposition applicable ou s'il
tire des déductions à ce point injustifiables que l'on doive parler d'un abus
du pouvoir d'appréciation (ATF 125 III 226 consid. 4b).

3.4 Au vu de ce qui précède, on constate que la durée de la prolongation
s'inscrit dans le cadre légal. Les critères que la cour cantonale a pris en
considération sont conformes au droit fédéral. Si les recourants entendaient
critiquer les motifs qui ont conduit la cour, en application du droit de
procédure cantonal, à refuser de procéder en deuxième instance à une
instruction complémentaire ou de renvoyer le dossier au tribunal des baux, il
leur appartenait, là encore, de déposer un recours de droit public pour
application arbitraire du droit cantonal. Au surplus, les recourants
n'invoquent pas une éventuelle violation de l'art. 274d al. 3 CO. Avec
raison: la jurisprudence constante admet qu'il est permis aux cantons de
restreindre la portée de l'instruction d'office dans la procédure de recours
cantonale (ATF 125 III 231 consid. 4a; 118 II 50 consid. 2; sur la portée de
l'art. 11 de la loi vaudoise du 13 décembre 1981 sur le Tribunal des baux,
cf. arrêt 4P.227/1999 du 6 décembre 1999, consid. 2a/bb). Au demeurant, les
éléments que les locataires auraient voulu voir prendre en considération qui
n'ont pas été évoqués par la cour cantonale, supposés établis, ne sont pas
déterminants: ainsi, par exemple, les investissements consentis par les
locataires devraient être amortis vu la longueur du bail (quatorze ans);
quant aux revenus allégués des preneurs, ils n'apparaissent pas à ce point
modestes qu'ils doivent conduire une prolongation supérieure; de toute façon,
la prolongation n'a pas pour but de donner aux intéressés l'occasion de
profiter le plus longtemps possible d'un appartement à loyer avantageux, mais
de leur donner plus de temps qu'ils n'en auraient selon les délais ordinaires
pour chercher de nouveaux locaux (ATF 116 II 446 consid. 3b), étant souligné
que la cour cantonale a aussi admis la précarité de la situation financière
des bailleurs. Il ne s'agit pas de savoir si le Tribunal fédéral, à supposer
qu'il ait eu à statuer en lieu et place de l'autorité fédérale, aurait fixé
une durée plus longue ou plus courte. Une violation du droit fédéral
supposerait que la cour cantonale ait fait, au détriment des recourants, une
erreur de raisonnement ou qu'elle soit parvenue à des résultats
injustifiables. Tel n'est pas le cas. Le recours doit être rejeté.

4.
Vu l'issue de la cause, les recourants supporteront solidairement les frais
de justice (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Les intimés ont déposé leur mémoire de
réponse hors délai (consid. 1.2 ci-dessus), si bien qu'ils n'ont pas droit à
une indemnité de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La requête de restitution du délai de réponse est rejetée.

2.
Le recours est rejeté.

3.
Un émolument judiciaire de 2 000 fr. est mis à la charge des recourants,
solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 mai 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: