Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.459/2004
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4C.459/2004 /ech

Arrêt du 2 mai 2005
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett,
Nyffeler, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.

A. ________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Mohamed Mardam Bey,

contre

la banque X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Bernard Haissly.

contrat de mandat; dommage,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève
du 8 octobre 2004.

Faits:

A.
Le 16 février 1993, A.________ a ouvert un compte "... Jet" auprès de la
banque V.________ SA, absorbée ultérieurement par Banque W.________ SA, qui a
été reprise par la banque X.________ SA en avril 2003 (ci-après: la banque).
Elle a donné un pouvoir de représentation général à son conjoint, B.________,
homme fortuné et ancien négociant en matières premières, qui dispose d'un
bureau à Londres, auquel la correspondance relative au compte "... Jet" était
acheminée, étant précisé qu'il ne se trouvait pas constamment dans cette
ville.

Selon les conditions générales de la banque, engageant les parties, la
relation bancaire était soumise au droit suisse et au for genevois.

C. ________, gestionnaire de fortune et membre de la direction de la banque,
était lié de longue date par une relation d'estime et de confiance réciproque
à B.________, qui conduisait personnellement, sur son compte auprès de la
banque, de nombreux investissements, dont des opérations "spot" ou à terme
sur les marchés des changes, à risque élevé, qui lui ont causé d'importantes
pertes à la fin des années 1980. Dès l'ouverture du compte "... Jet", de
A.________, son conjoint s'en est occupé seul, étudiant la correspondance
bancaire, donnant des instructions d'investissement en devises, actions,
placements fiduciaires et obligations. Parallèlement, B.________ discutait
avec C.________ de ces placements et des investissements en "financial
futures" (ci-après désignés par l'anglicisme (transactions) futures), soit
des produits bancaires dérivés décidés et exécutés par C.________, pour
A.________. Les époux A.B.________ admettent l'existence d'un mandat tacite
autorisant C.________ à investir en produits bancaires dérivés, en leur nom
et pour leur compte, malgré l'absence d'un mandat de gestion général ou
spécifique sous forme écrite.

Comme les futures pouvaient être prolongées à leur échéance, le résultat
final réalisé n'apparaissait que lors du dénouement de l'opération concernée,
que l'investisseur pouvait provoquer à n'importe quel moment par une
opération inverse à celle en cours.

Dans le cadre de la relation "... Jet", C.________ avait ouvert un compte
".../86 Résultats futures", qui n'enregistrait que l'issue comptable
effective de ces investissements à leur liquidation. Les transactions étaient
documentées par les avis ponctuels d'achat et de vente à terme, regroupés par
envois hebdomadaires au bureau de B.________ à Londres, alors que les
évaluations de portefeuille et les relevés de compte étaient trimestriels.

B. ________ et C.________ étaient en contact téléphonique très fréquent,
parfois plusieurs fois par jour, le premier obtenant à certaines occasions
les pièces bancaires requises par télécopie, le jour même. Comme la
correspondance bancaire concernant les futures était difficile à comprendre,
B.________ a souvent sollicité l'aide de C.________.

Par contre, le compte "... Income", ouvert en février 1994 pour recueillir
les revenus de A.________, faisait l'objet d'une clause de banque restante.

En novembre 1994, B.________ a souhaité vérifier avec C.________ l'origine de
chaque perte et de chaque gain affichés par le compte ".../86 Résultats
futures", pendant le premier trimestre 1994. Il a aussi affirmé avoir ordonné
à ce moment (novembre 1994) à C.________ d'arrêter les futures, ce que ce
dernier a contesté ultérieurement lors de son audition comme témoin, tout en
admettant que ses souvenirs avaient faibli avec le temps.

Le 22 décembre 1994, B.________ a reçu, à sa demande, un extrait du compte
".../86 Résultats futures", faisant état de nombreux achats et ventes sur le
marché des futures, jusqu'en décembre 1994, et affichant un solde de
bouclement égal à zéro. B.________ en a déduit que toutes les opérations
avaient été dénouées entre-temps, alors que le solde à zéro résultait du
transfert du solde positif du compte ".../86 Résultats futures" sur le compte
"... Income" et que l'évaluation de la relation "... Jet", au 31 décembre
1994, faisait apparaître l'existence de futures à ce moment encore (22
décembre 1994).

C. ________ a continué de faire des opérations sur futures pendant le 1er
trimestre de 1995, dans l'espoir d'éponger les pertes virtuelles par un
renversement du marché.

Le 22 mars 1995, B.________ a reçu une évaluation intermédiaire du
portefeuille, faisant apparaître l'existence de futures et un solde positif
sur le compte ".../86 Résultats futures". A la suite d'un mouvement
enregistré le 24 mars 1995, ce compte a présenté un solde négatif, consistant
en une perte de 462'425 US$, ainsi que l'existence de futures à l'échéance de
juin 1995. Dans son ensemble, et y compris ce découvert, la relation "...
Jet" présentait un solde positif global de 2'661'747 US$ 48 au 31 mars 1995,
selon un extrait du compte "Résultats futures" que B.________ affirme ne
jamais avoir vu. Selon B.________, C.________ lui aurait dit au téléphone que
cette perte serait ultérieurement "ajustée".

C. ________ n'a opéré de nouveaux achats et ventes de futures qu'à partir du
17 mai 1995, ce qui résulte de l'extrait du compte "Résultats futures" au 30
juin 1995, présentant un solde négatif de 1'098'808 US$ 50 alors que, dans
son ensemble, la relation "... Jet" affichait un solde positif de 3'123'102
US$ 72. A plusieurs reprises, en juin 1995, B.________ a sollicité la
correction d'avis de débit et de crédit sur le compte "Résultats futures",
dont il a demandé la fermeture le 27 juin 1995.

Le 4 juillet 1995, C.________ a rencontré B.________ à Londres, auquel il n'a
pas eu le courage d'admettre la réalité des pertes sur futures. Il l'a
tranquillisé en évoquant une possible erreur comptable de la banque. En été
1995, C.________ a poursuivi ses opérations, dans l'espoir vain de résorber
les pertes qu'il a finalement avouées à B.________ par courrier du 30
septembre 1995. Regrettant tant son manque de courage que le résultat de sa
gestion "lamentable", il s'est déclaré coupable d'un "délit", pour avoir
"négocié de très importantes sommes sur des contrats futures ayant entraîné
des pertes subies à votre insu".

Au 30 septembre 1995, le découvert du compte "Résultat futures" ascendait à
1'041'120 US$ 50; la relation "... Jet" présentait encore un solde actif de
1'436'676 US$ 08.

Le 7 novembre 1995, B.________ a formellement défendu à C.________ d'exécuter
aucune nouvelle transaction sans ses instructions écrites. Le même jour, par
courrier adressé au réviseur de la banque, il a refusé de reconnaître
l'exactitude de l'évaluation de la relation "... Jet" au 30 septembre 1995.
Le 30 novembre 1995, il a demandé la clôture de la dernière position ouverte
sur futures, dont le dénouement est intervenu le 11 décembre 1995, portant le
solde négatif du compte "Résultats futures" à 1'130'900 US$ 50.
Enfin, par courrier du 7 décembre 1995 au directeur général de la banque, les
époux A.B.________ ont reproché à celle-ci d'avoir causé d'importantes pertes
à A.________, au moyen d'opérations non autorisées sur futures, dont ils
demandaient l'extourne pure et simple.

Par convention confidentielle du 19 janvier 1996, dont A.________ a eu
connaissance suite à un jugement sur incident du Tribunal de première
instance du canton de Genève, il a été mis fin au contrat de travail passé
entre C.________ et la banque avec effet immédiat, C.________ devenant gérant
à titre indépendant, lié à la banque par le contrat usuel conclu "avec les
gestionnaires extérieurs", assorti d'une clause d'exclusivité de dix-huit
mois à partir du 1er mai 1996. Cette convention prévoyait aussi le paiement
par C.________, à concurrence de 30'000 fr., des frais d'éventuelles
procédures contre A.________ (et un autre client) ainsi qu'une obligation de
rembourser à la banque, à concurrence de 300'000 US$ au maximum, toute
éventuelle indemnisation des deux clients mécontents. Cette somme de 300'000
US$ avait été arrêtée de manière arbitraire, sans lien avec les pertes subies
par A.________, et correspondait au montant de l'avoir LPP de C.________,
soit le montant maximum que ce dernier pouvait bloquer auprès de la banque.

Le 19 février 1996, A.________ a fait notifier à la banque un commandement de
payer la somme de 1'379'698 fr. 60, qui a été frappé d'opposition. A titre
transactionnel et sans reconnaissance de dette, la banque a proposé le
paiement de 482'750 US$, ce que A.________ a refusé.

B.
Le 26 mars 1996, A.________ a assigné la banque en paiement de 1'130'900 US$
50 avec intérêt, devant le Tribunal de première instance du canton de Genève.
A la suite de divers incidents de procédure, dans lesquels A.________ a
obtenu gain de cause, la procédure s'est déroulée, comportant notamment
l'audition de C.________ en commission rogatoire, dans l'Etat de Floride
(USA).

Par jugement du 8 février 2001, le Tribunal de première instance a condamné
la banque à payer à A.________ 312'450 US$ 25 avec intérêt à 9% l'an dès le 8
juin 1995 et levé l'opposition à la poursuite à concurrence de ce montant.
Statuant sur appel de A.________ et de la banque par arrêt du 18 janvier
2002, la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement entrepris
et renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision.
En substance, elle a retenu que A.________ n'avait pas prouvé avoir donné, en
novembre 1994, d'ordre enjoignant la banque de cesser définitivement tout
investissement en futures. En revanche, elle a retenu que B.________ avait
interdit à C.________ d'effectuer de nouvelles opérations sur futures, avant
leur reprise le 17 mai 1995. La juridiction cantonale a déterminé que la
banque n'était responsable que de ses "désinformations" au sujet de la
réalité des pertes subies, à l'exclusion d'autres griefs. De même aucune
faute concomitante ne pouvait être reprochée à A.________ ou à son
représentant. Enfin, la cour cantonale a fixé les intérêts moratoires au taux
légal de 5% dès le 19 février 1996. Elle a enfin renvoyé la procédure au
Tribunal de première instance pour fixer le dommage qui équivaudrait à la
somme déjà perdue à fin mars 1995, augmentée de la perte que A.________
aurait réalisée en juin 1995, sur les opérations encore en cours, sans les
opérations nouvelles ajoutées à partir du 17 mai 1995. Le dommage causé par
les désinformations de C.________ consistait en la différence entre la perte
réelle à fin 1995 et la perte que A.________ aurait subie jusqu'à fin juin
1995, "si C.________ n'avait pas initié de nouvelles opérations sur futures,
à partir du 17 mai 1995", montant que le Tribunal de première instance était
invité à déterminer. Celui-ci a désigné un premier expert, puis un second,
auquel il a confié la mission de calculer le dommage, en reprenant le libellé
susmentionné de la Cour de justice, mais avec une erreur de plume, dont les
parties ont fait grand cas, sollicitant une nouvelle expertise,
subsidiairement une contre-expertise.

Toutefois, sur ce point, l'expert a retenu le mode de calcul du dommage
prescrit par la cour cantonale, consistant "en la différence entre (la) perte
réelle à fin 1995 et la perte que (A.________) aurait subie jusqu'à fin juin
1995, si Monsieur C.________ n'avait pas initié de nouvelles opérations sur
futures dès le 17 mai 1995". Sur cette base, l'expert a évalué le solde final
des opérations nouvelles du 17 mai au 30 juin 1995 à 3'282 US$. Il a arrêté
la perte effective du 31 mars au 30 juin 1995 à 632'384 US$ et celle du 1er
janvier au 31 mars 1995 à 462'425 US$. Au-delà de sa mission, l'expert a
encore déterminé la perte à fin juin 1995, si aucune opération nouvelle
n'avait été ajoutée à partir du 17 mai 1995 et en considérant que les
positions encore ouvertes auraient dû être liquidées au 31 mars 1995. Dans
cette hypothèse, la perte aurait été limitée à 478'061 US$.
Par jugement du 8 janvier 2004, le Tribunal de première instance a condamné
la banque à verser à A.________ la somme de 39'373 US$ 50 avec intérêt à 5%
l'an dès le 19 février 1996 et levé à due concurrence l'opposition faite au
commandement de payer, considérant en résumé ce qui suit. S'agissant du grief
soulevé par A.________ à l'encontre de l'expert (de ne pas avoir relevé
l'erreur de plume qui figurait dans l'ordonnance du 4 novembre 2002 et
d'avoir limité son analyse aux opérations sur futures conclues et dénouées
entre le 17 mai et le 30 juin 1995, en lieu et place d'analyser l'évolution
de ces opérations jusqu'à fin 1995), le Tribunal a rappelé que si l'expert
avait effectivement cité dans son rapport l'ordonnance en question en
reprenant l'erreur de plume, il avait néanmoins également repris in extenso
les considérants de l'arrêt de la Cour déterminant les dates pertinentes et
exactes pour le calcul du dommage. Or, aux termes de cet arrêt, le dommage
causé par la manoeuvre déceptive de C.________ consistait en "la différence
entre sa perte réelle à fin 1995 et la perte que A.________ aurait subie
jusqu'à fin juin 1995, si C.________ n'avait pas initié de nouvelles
opérations sur futures, à partir du 17 mai 1995". Autrement dit: le dommage
représentait la différence entre la perte réelle à fin 1995 et une perte
hypothétique à fin juin 1995. Cette perte hypothétique correspondait alors à
la différence entre la perte réelle subie par A.________ à fin juin 1995,
sous déduction de l'éventuelle perte résultant des opérations nouvelles sur
futures initiées à partir du 17 mai 1995, dès lors que la Cour avait retenu
que B.________ avait interdit à C.________ toute nouvelle opération sur
futures avant la reprise de celles-ci, le 17 mai 1995. Donc, trois montants
étaient déterminants pour le calcul du dommage: la perte réelle subie à fin
décembre 1995, la perte réelle subie à fin juin 1995 et la perte réelle
engendrée par les nouvelles opérations du 17 mai à fin juin 1995. La
différence entre le second et le troisième montant représentait la perte
hypothétique à fin juin 1995. Il apparaissait que l'expert avait parfaitement
respecté les principes fixés par la Cour dans son arrêt et effectué les
calculs pertinents pour la détermination de la quotité du dommage. S'agissant
du grief soulevé par la banque à l'encontre de l'expert, le Tribunal a
considéré que celui-ci s'était écarté du cadre strict fixé par la Cour: il
avait effectué un second calcul, partant de l'hypothèse selon laquelle la
liquidation des positions encore ouvertes aurait dû avoir lieu au 31 mars
1995, estimant que l'interdiction de toute nouvelle opération impliquait de
liquider de suite - même d'office - les positions existantes. Cette
hypothèse, bien que fondée sur les obligations incombant normalement à un
établissement bancaire en pareille situation, ne pouvait pas être retenue en
l'espèce. L'arrêt de la Cour était en effet clair et liait le premier juge.
S'agissant d'une seconde hypothèse de travail indépendante du premier calcul
effectué par l'expert, elle pouvait être écartée sans que cela influence le
résultat de l'expertise. En conséquence, le Tribunal a retenu que l'expert
s'était, dans son premier calcul, entièrement conformé à la mission qui lui
avait été confiée, dans le sens des considérants de la Cour, et qu'il n'y
avait lieu d'ordonner ni une nouvelle expertise, ni une contre-expertise.

Statuant sur appel de A.________ par arrêt du 8 octobre 2004, la Cour de
justice a confirmé le jugement du Tribunal de première instance du 8 janvier
2004, par des motifs qui, dans la mesure nécessaire, seront exposés ci-après.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté par arrêt séparé
de ce jour, A.________ (la demanderesse) interjette un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à la réforme de l'arrêt
attaqué, à la condamnation de la banque à lui verser un montant de 1'130'900
US$ 50 avec intérêt à 9 % l'an dès le 1er juin 1995 et à la levée de
l'opposition à la poursuite à due concurrence, avec suite de dépens,
subsidiairement à la condamnation de la banque à lui verser un montant de
1'032'450 US$ 50 avec intérêt à 9 % l'an dès le 1er juin 1995.

La banque (la défenderesse) conclut principalement à l'irrecevabilité,
subsidiairement au rejet du recours, dans les deux cas avec suite de frais et
dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la demanderesse, qui a été déboutée d'une grande partie de ses
conclusions condamnatoires, et dirigé contre un jugement final rendu en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000
fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable puisqu'il a
été déposé en temps utile (art. 32 et 54 al. 1 OJ; art. 1 de la loi fédérale
du 21 juin 1963 sur la supputation des délais comprenant un samedi) et dans
les formes requises (art. 55 OJ).

1.1 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptes de faits
pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ). Dans
la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de
celui contenu, dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de
l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible
d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il
ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits
ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en
réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et
les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129
III 618 consid. 3).

2.
Invoquant l'art. 398 al. 2 CO, la demanderesse reproche à la cour cantonale
de n'avoir pas sanctionné la violation, par la banque, de son devoir de
diligence et de fidélité.

2.1 L'obligation principale du mandataire, le devoir de diligence, implique
des obligations accessoires telle que l'obligation d'information et de
conseil, dont la portée est circonscrite par la jurisprudence, s'agissant de
gestion de comptes et de réalisation d'opérations, comportant notamment un
caractère spéculatif. Le client - inexpérimenté - doit être clairement
renseigné sur les risques de perte ou le faible espoir de gain dans de telles
affaires. Il n'existe toutefois pas fondamentalement un devoir d'information
de la banque lorsque le client montre qu'il n'a pas besoin de celle-ci et des
conseils de sa mandataire. Un devoir de mise en garde n'existe
qu'exceptionnellement, par exemple lorsqu'un rapport particulier de confiance
s'est développé dans le cas de la relation d'affaires durable entre le client
et la banque, en vertu de laquelle celui-là peut attendre, de bonne foi,
conseil et mise en garde, même s'il n'a rien demandé (cf. arrêt 4C.45/2001 du
31 août 2001, publié in SJ 2002 I p. 274, consid. 4a et l'arrêt cité; cf.
également Werro, Commentaire romand, n. 13, 17 et 19 ad art. 398 CO).

De plus, il est rappelé dans ce dernier arrêt qu'en cas de violation d'une
obligation contractuelle imputable à une omission, le lien de causalité
hypothétique entre cette dernière et le dommage avancé suffit, un nouvel
examen sur la nature adéquate de la causalité n'étant en général pas
nécessaire. A cet égard, il est souligné que la causalité naturelle
hypothétique est une question de fait, de sorte que les constatations de la
juridiction cantonale en cette matière lient le Tribunal fédéral en instance
de réforme (art. 63 al. 2 OJ), sauf exception non réalisée en l'espèce (cf.
arrêt 4C.45/2001 du 31 août 2001, publié in SJ 2002 I p. 274, consid. 4c et
les arrêts cités).

2.2 Dans le cas particulier, la demanderesse s'écarte des constatations de
fait de la cour cantonale, dont le Tribunal de céans a reconnu, par arrêt de
ce jour rendu sur le recours de droit public, qu'elles résistaient au grief
d'arbitraire. Elle n'est donc pas recevable à faire valoir son argumentation
fondée sur l'idée de la révocation du mandat tacite en novembre 1994,
contrairement au fait établi par l'instance cantonale, à satisfaction de
droit au regard de l'art. 9 Cst. (art. 55 al. 1 let. c OJ).

De même, les constatations de la Cour de justice sur la causalité
hypothétique, qui relèvent du fait (ATF 128 III 174 consid. 2b p. 177, 180
consid. 2d p. 184), scellent le sort du litige, quant à la question - résolue
négativement - de la révocation du mandat en novembre 1994, la critique
n'étant pas recevable dans le cadre du recours en réforme et ayant été
écartée dans l'arrêt sur le recours de droit public.

3.
La demanderesse reproche enfin à la cour cantonale d'avoir refusé de lui
allouer un intérêt compensatoire de 9 %, en contravention avec les art. 106
al. 1 et 42 al. 2 CO. Il s'agit donc de déterminer si la Cour de justice a
violé l'art. 42 al. 2 CO en n'arbitrant pas le taux d'intérêt ex aequo et
bono.

3.1 Aux termes de l'art. 106 al. 1 CO, lorsque le dommage éprouvé par le
créancier est supérieur à l'intérêt moratoire, le débiteur est tenu de
réparer également ce dommage, s'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est
imputable (al. 1). Si ce dommage supplémentaire peut être évalué à l'avance,
le juge a la faculté d'en déterminer le montant en prononçant sur le fond
(al. 2 ).

Le dommage supplémentaire, au sens de cette disposition, correspond à
l'intérêt que l'exécution de l'obligation en temps utile pouvait représenter
pour le créancier et résulte aussi bien d'une perte subie (damnum emergens)
que d'un gain manqué (lucrum cessans). A ce dernier titre, le créancier peut
réclamer la réparation du dommage qu'il a subi, voire subit encore, pour
avoir été privé, respectivement être toujours privé, du fait de la demeure de
son débiteur, de la possibilité de placer son argent à un taux supérieur à
celui de l'intérêt moratoire (arrêt 4C.141/1993 du 19 août 1994, consid. 4a
et les références citées).

Comme la loi présume que le dommage est de 5 % (art. 73 al. 1 et 104 al. 1
CO), l'art. 42 al. 2 CO ne peut jouer qu'un rôle restreint et l'on admet, sur
la base de l'art. 106 al. 1 CO, qu'il appartient au créancier d'apporter la
preuve concrète d'un dommage supérieur (art. 106 CO en relation avec l'art. 8
CC; cf. ATF 123 III 241 consid. 3a; arrêt 4C.141/1993 du 19 août 1994,
consid. 4). Le demandeur doit rendre hautement vraisemblable l'utilisation
qu'il aurait faite de l'argent et ses conséquences. Il n'est pas question
d'opérer abstraitement, par exemple avec des indices boursiers (cf. arrêt
4C.141/1993 du 19 août 1994, consid. 4 et les références citées; cf.
également Weber Commentaire bernois, n. 12 ad art. 106 CO).

Alors que la question de l'existence et de l'étendue d'un dommage relève du
fait (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1 p. 153; 127 III 73 consid. 3c, 543
consid. 2b; 123 III 241 consid. 3a), celle de l'application de l'art. 42 al.
2 CO, qui relève du droit fédéral, doit être examinée dans le cadre du
recours en réforme.

Pour l'application de l'art. 42 al. 2 CO, il est communément admis que le
demandeur doit apporter tous les éléments que l'on peut attendre de lui pour
permettre l'appréciation ex aequo et bono (cf. ATF 122 III 219 consid. 3a et
les références citées).

3.2 En l'espèce, la demanderesse aurait pu établir le cours et le rendement
effectif des obligations British Gas et Chrysler au 19 février 1996 et aux
dates successives d'échéance des obligations. En réalité, elle n'a rien
fourni sur l'évolution de ses placements habituels entre le 19 février 1996
et la date de l'arrêt cantonal le 18 janvier 2002, motif suffisant pour ne
pas faire application de l'art. 42 al. 2 CO. La cour cantonale n'a ainsi pas
violé le droit fédéral en rejetant la prétention litigieuse.

4.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours en réforme doit être
rejeté.

5.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
de la demanderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 15'000 fr. est mis à la charge de la demanderesse.

3.
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 17'000 fr. à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 2 mai 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: