Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.456/2004
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4C.456/2004 /ech

Arrêt du 5 août 2005
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Nyffeler, Favre, Kiss et Geiser, Juge
suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

Gate Gourmet Switzerland Sàrl,
défenderesse et recourante, représentée par Me Serge Fasel,

contre

L.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Bernard Waeber.

contrat de travail,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 21 septembre 2004.

Faits:

A.
A.a En 1998, Swissair, Société Anonyme Suisse pour la Navigation Aérienne
(ci-après: Swissair), a changé de raison sociale pour devenir SAirGroup. Dès
le début des années 1990, Swissair, puis SAirGroup ont progressivement
recentré leurs activités sur la plate-forme de Zurich et diminué le nombre de
leurs vols intercontinentaux. Elles ont, par ailleurs, cédé divers services à
des filiales. C'est ainsi que les activités de "catering" ont été reprises
par le groupe Gate Gourmet SA, créé en 1992 et comprenant plusieurs sociétés
dont Gate Gourmet Genève SA et Gate Gourmet Zurich SA. Ces deux sociétés ont
fusionné en 2000 pour devenir Gate Gourmet Switzerland SA, puis, en 2002,
Gate Gourmet Switzerland Sàrl. La fusion est intervenue au moment où
SAirGroup a vendu le groupe Gate Gourmet à Texas Pacific, une société tierce.

A.b Pour pallier les conséquences des licenciements devenus indispensables,
Swissair, puis SAirGroup ont élaboré, dès 1993, avec les syndicats des
travailleurs concernés, plusieurs plans sociaux successifs, valables pour
l'ensemble du groupe. L'un de ceux-ci, adopté en 1995, prévoit, entre autres
mesures, des retraites anticipées et un statut de préretraité.

D'une manière générale, le personnel au sol du groupe Swissair, devenu
SAirGroup, est assujetti à un contrat-cadre élaboré par la maison-mère. Les
employés de Gate Gourmet Genève SA, puis de Gate Gourmet Switzerland Sàrl,
sont, quant à eux, soumis à des conditions générales d'engagement pour le
personnel de Gate Gourmet SA, entrées en vigueur le 1er janvier 1993, et leur
annexe, à une convention collective de travail conclue entre Gate Gourmet
Switzerland SA et un syndicat, entrée en vigueur le 1er janvier 1996, et son
annexe, ainsi qu'à un règlement d'entreprise de Gate Gourmet Switzerland
SA-Catering de Genève.

A.c L.________ a travaillé à plein temps pour le compte de Swissair, depuis
le 1er octobre 1963, en qualité de "responsable économat restauration de
bord", dans le service chargé du "catering", à savoir des activités relatives
à la production de repas, de boissons et, plus généralement, à la
restauration en cours de vol. Son dernier salaire mensuel brut était de 7'185
fr. 30.

Dès la reprise des activités de "catering" par la filiale Gate Gourmet Genève
SA, le 1er janvier 1993, L.________ a travaillé pour cette société. Un
nouveau contrat de travail a alors été établi.

Les salaires de tous les employés du groupe Swissair ont continué à être
payés par la société-mère, qui tenait une comptabilité générale dans laquelle
chaque filiale était identifiée par un chiffre.

Par lettre du 4 juillet 1996, Gate Gourmet Genève SA a confirmé à L.________
que, conformément à de récents entretiens, il serait mis à la retraite
anticipée le 1er novembre 1996. Ce courrier fixait en détail les prestations
qui seraient versées à l'intéressé depuis cette dernière date.

L. ________ a pris sa retraite à la date prévue. Les prestations promises lui
ont été régulièrement versées du 1er novembre 1996 jusqu'en septembre 2001.
Le préretraité a également touché la mensualité d'octobre, moyennant cession
de ses droits en faveur d'établissements bancaires, et celle du mois de
novembre 2001. Ont aussi été régulièrement versées à la Caisse générale de
prévoyance de SAirGroup (ci-après: CGP) les cotisations employeur/employé
pour toute la durée courant jusqu'à l'âge de la retraite normale de
L.________, ceci au moyen d'un fonds patronal indépendant mis sur pied par
Swissair.

A.d Le 1er novembre 2001, SAirGroup a adressé à tous les préretraités du
groupe, L.________ inclus, une lettre circulaire les informant qu'en raison
du sursis concordataire dont elle bénéficiait, elle n'était définitivement
plus en mesure d'effectuer le paiement des prestations prévues dans le plan
social, soit le versement des salaires de retraite anticipée. Aussi
renvoyait-elle les bénéficiaires de ces prestations à faire valoir leurs
droits dans le cadre de la procédure de concordat ou de faillite. Dans une
nouvelle lettre circulaire, elle leur a rappelé la nécessité de produire
leurs créances en temps opportun en mains du commissaire au sursis. Celui-ci
a bloqué les fonds destinés par SAirGroup au financement des plans sociaux.

Le concordat par abandon d'actifs de SAirGroup a finalement été homologué le
20 juin 2003.

A.e En novembre 2001, la CGP a informé L.________ qu'elle allait lui verser
sa retraite de manière anticipée, en l'invitant à choisir entre le versement
d'une rente et celui d'un capital. Elle estimait, en effet, que ses statuts
"et certains arrêts du Tribunal fédéral" l'obligeaient, en raison de la
procédure de sursis concordataire touchant SAirGroup, à servir leur retraite
de manière anticipée aux collaborateurs qui ne percevaient plus les
prestations de préretraite. Cette retraite a été calculée sur la base d'une
durée complète de cotisations, mais sans tenir compte des intérêts devant
courir entre la fin 2001 et la date de la retraite réglementaire normale. Les
montants versés faisaient ainsi l'objet d'un abattement par rapport aux
montants de la retraite normale.

L. ________ a opté pour une rente mensuelle. Il a perçu, à ce titre, 46'668
fr. 40 par an dès le 1er décembre 2001. Sa rente aurait représenté un montant
annuel de 47'649 fr. s'il l'avait perçue à l'âge de 61 ans.

A.f L.________ a réclamé à Gate Gourmet l'ensemble des montants demeurés
impayés. Il a également produit sa créance en mains du commissaire au sursis
de SAirGroup. Il résulte de différents messages électroniques échangés entre
la direction de Gate Gourmet et le commissaire au sursis que ce dernier
considérait ladite société comme étant la seule débitrice des montants dus au
titre de la préretraite.

B.
Par demande du 5 juillet 2002, L.________ a assigné Gate Gourmet Switzerland
SA (sous son ancien nom de Gate Gourmet Genève SA) devant la juridiction
prud'homale genevoise en vue d'obtenir le paiement de 93'176 fr. 75, intérêts
en sus. Le demandeur fondait ses prétentions sur l'inexécution des
engagements résultant du courrier du 4 juillet 1996.

La défenderesse a conclu au rejet intégral de la demande. Elle contestait sa
légitimation passive en faisant valoir que SAirGroup était la seule débitrice
des prestations prévues dans le plan social. Au demeurant, selon elle, plus
aucun versement n'était dû au demandeur, étant donné que celui-ci avait perçu
les prestations de la CGP de manière anticipée.

Par jugement du 12 mai 2003, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève
a condamné la défenderesse, sous sa nouvelle raison sociale Gate Gourmet
Switzerland Sàrl, à verser au demandeur la somme nette de 22'132 fr. plus
intérêts.
Statuant par arrêt du 21 septembre 2004, sur appel principal de la
défenderesse et appel incident du demandeur, la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes a condamné la défenderesse à verser au demandeur
la somme nette de 70'857 fr. 50, à titre de mensualités échues au 31 août
2004, avec intérêts à 5% dès la date moyenne du 15 avril 2003. Elle a, en
outre, constaté que la défenderesse était débitrice du demandeur des
prestations non encore échues au 31 août 2004, telles qu'elles ressortaient
du courrier du 4 juillet 1996, à savoir de la somme de 1'940 fr. net du 1er
septembre 2004 au 31 août 2005, ceci 12 fois l'an.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté, dans la mesure
où il était recevable, par arrêt séparé de ce jour, la défenderesse a déposé
un recours en réforme pour violation des art. 8 CC, 18 CO, 176 CO et 333 CO.
Elle y invite le Tribunal fédéral à constater qu'elle ne possède pas la
légitimation passive dans le présent procès et, partant, à débouter le
demandeur de toutes ses conclusions. A titre subsidiaire, la défenderesse
requiert le renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle administre
des preuves sur la question du montant que le demandeur touchera dans le
cadre du concordat de SAirGroup.

Le demandeur conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé pour l'essentiel dans ses
conclusions libératoires et dirigé contre une décision finale rendue en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000
fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme soumis à l'examen du Tribunal fédéral
est recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et
dans les formes requises (art. 55 OJ).

2.
Dans un premier moyen, la défenderesse reproche aux juges précédents d'avoir
violé l'art. 8 CC en n'administrant aucune preuve sur la question de savoir
quel montant le demandeur percevra dans la procédure concordataire concernant
SAirGroup. A son avis, les constatations de l'autorité cantonale devraient
être complétées sur ce point (art. 64 al. 1 OJ). Toujours en ce qui concerne
les constatations, faites par cette autorité, la défenderesse soutient, en
outre, que l'une d'elles résulterait d'une inadvertance manifeste (art. 63
al. 2 OJ).

2.1
2.1.1L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions
fondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des
parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 127 III
519 consid. 2a p. 522; 126 III 189 consid. 2b, 315 consid. 4a). On en déduit
également un droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 126 III 315 consid.
4a), à la condition qu'il s'agisse d'établir un fait pertinent (ATF 126 III
315 consid. 4a; 123 III 35 consid. 2b p. 40), qui n'est pas déjà prouvé (ATF
127 III 519 consid. 2a p. 522; 126 III 315 consid. 4a), par une mesure
probatoire adéquate (cf. ATF 90 II 224 consid. 4b) qui a été régulièrement
offerte selon les règles de la loi de procédure applicable (ATF 126 III 315
consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c p. 223).

En revanche, l'art. 8 CC ne dicte pas au juge la manière dont il doit forger
sa conviction. Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge
qu'un fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, la question de la
répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus et le grief tiré de la
violation de l'art. 8 CC devient sans objet. Il s'agit alors d'une question
de pure appréciation des preuves; celle-ci ne peut être soumise au Tribunal
fédéral que par la voie d'un recours de droit public pour arbitraire (ATF 127
III 519 consid. 2a; 122 III 219 consid. 3c).

2.1.2 En l'occurrence, la défenderesse entendait prouver une allégation
relative non pas à un fait qui s'était déjà produit, mais à une circonstance
à venir. Or, il va sans dire qu'un fait futur ne peut logiquement pas faire
l'objet d'une preuve. Le grief formulé sur ce point par la défenderesse
tombe, dès lors, à faux. Pour le même motif, celle-ci reproche en vain à la
Cour d'appel d'avoir procédé à des constatations de fait incomplètes, au sens
de l'art. 64 OJ, en ne se prononçant pas sur la question de savoir quel sera
le montant que le demandeur touchera dans le cadre du concordat de SAirGroup.

Le grief en question repose d'ailleurs sur le présupposé selon lequel une
obligation solidaire s'éteint dans la mesure où l'un des débiteurs
désintéresse le créancier (cf. art. 147 al. 1 CO). Cependant, en vertu de
l'art. 144 al. 2 CO, les débiteurs demeurent tous obligés jusqu'à
l'extinction totale de la dette. Si l'un d'entre eux est recherché par le
créancier, les autres ne seront donc libérés que lorsque la créance aura été
éteinte en totalité (ATF 114 II 342 consid. 2b p. 344; Isabelle Romy,
Commentaire romand, n. 7 ad art. 144 CO; Anton K. Schnyder, Commentaire
bâlois, 3e éd., n. 5 ad art. 144 CO). Leur libération n'interviendra pas déjà
du seul fait qu'un autre débiteur aura été condamné à payer la dette
solidaire (ATF 79 II 382 consid. 2) ou qu'il aura été actionné à cette fin
(Andreas von Tuhr/Arnold Escher, Allgemeiner Teil des Schweizerischen
Obligationenrecht, vol. II, p. 305). L'ouverture d'une faillite ou d'une
procédure concordataire à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires
n'exerce aucune influence sur la faculté que l'art. 144 al. 1 CO accorde au
créancier d'exiger, à son choix, de tous les débiteurs solidaires ou de l'un
d'eux l'exécution intégrale ou partielle de l'obligation (ATF 113 III 128
consid. 3b p. 131). Cette faculté n'est pas limitée par le principe voulant
qu'un droit doive être exercé avec ménagement. C'est le débiteur solidaire
qui supporte les inconvénients liés à la solidarité. Il doit s'accommoder du
fait que le créancier choisisse de l'actionner, en lieu et place des autres
débiteurs, et que lui-même ne puisse pas récupérer auprès de ceux-ci, le cas
échéant, ce qu'il a payé au-delà de sa part.

Au regard de ces principes, rien n'interdisait au demandeur de s'en prendre
exclusivement à la défenderesse pour l'exécution intégrale de l'obligation
litigieuse. Qu'il eût l'espoir d'être désintéressé un jour par la débitrice
en liquidation concordataire ne l'empêchait nullement d'ouvrir action contre
une autre partie qu'il considérait comme débitrice solidaire de la même
obligation, ni de réclamer à cette partie la totalité du montant impayé. La
somme que le demandeur touchera dans la procédure concordataire pendante
relative à SAirGroup ne constitue donc pas un fait pertinent pour la solution
du présent litige. Aussi la cour cantonale n'a-t-elle pas violé le droit à la
preuve de la défenderesse en n'administrant pas de preuve au sujet d'un tel
fait, lequel ne pouvait de toute façon pas être établi en l'état, comme on
l'a déjà souligné.

2.2 La Cour d'appel se voit encore reprocher d'avoir tenu pour constant, par
suite d'une inadvertance manifeste, que les fiches de salaire concernant le
demandeur portaient l'en-tête de la défenderesse. Le reproche est dénué de
tout fondement. La cour cantonale constate en effet, sous let. C., dernier §,
de son arrêt (p. 9), que "les fiches de paie postérieures à la date de sa
préretraite, concernant L.________, n'ont pas été produites", et que celles
reçues par d'autres préretraités de la défenderesse portent tantôt l'en-tête
de cette dernière, tantôt l'en-tête de SAirGroup. En tout état de cause,
comme on le démontrera plus loin (cf. consid. 4 ci-après), savoir qui a
établi les fiches de salaire n'est pas un fait pertinent pour la solution du
différend. Ce qu'il importe de déterminer, c'est qui a promis la prestation
litigieuse.

3.
Dans la présente espèce, la question de l'applicabilité de l'art. 333 CO ne
se pose pas, dès lors que, postérieurement à la reprise de l'entreprise par
la défenderesse, de nouveaux contrats de travail ont sans conteste été
passés, qui désignaient expressément celle-ci comme employeuse. Que la
défenderesse ait repris les contrats de travail n'est ainsi pas douteux. Eu
égard au texte clair du contrat de travail liant les parties, il n'est pas
non plus contestable que c'est bien la défenderesse, et non la société-mère,
qui a revêtu la qualité d'employeuse, en dépit du fait que cette dernière
versait les salaires et établissait les décomptes y relatifs. Par conséquent,
les arguments de la défenderesse qui se rapportent à l'art. 333 CO tombent à
faux.

4.
4.1 La mise à la retraite anticipée du demandeur s'est faite sur la base d'une
lettre de la défenderesse, dans laquelle celle-ci indiquait le moment où
l'activité prendrait fin et précisait les prestations auxquelles le demandeur
aurait droit depuis lors. Du point de vue juridique, cette lettre consistait
en une offre de modification des rapports contractuels en vigueur, à savoir
le contrat de travail. Le demandeur a accepté cette offre. Il en est résulté
un nouveau contrat qui doit être interprété.

En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout
d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties,
sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu
se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la
convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 128 III 419 consid. 2.2 p. 422; 127 III 444
consid. 1b). Déterminer ce qu'un cocontractant savait et voulait au moment de
conclure relève des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (ATF
128 III 419 consid. 2.2 p. 422; 118 II 58 consid. 3a). Si la cour cantonale
parvient à se convaincre d'une commune et réelle intention des parties, il
s'agit d'une constatation de fait qui, sous réserve des exceptions prévues
aux art. 63 al. 2 et 64 OJ, ne peut être remise en cause dans un recours en
réforme (ATF 128 III 419 consid. 2.2 p. 422; 126 III 25 consid. 3c, 375
consid. 2e/aa). La recherche de la volonté réelle des parties est qualifiée
d'interprétation subjective (ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308). Si la
volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si les volontés
intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations et les
comportements selon la théorie de la confiance, en recherchant comment une
déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de
l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective; ATF 128 III 419
consid. 2.2 p. 422; 127 III 444 consid. 1b; 126 III 59 consid. 5b p. 68, 375
consid. 2e/aa p. 380; 125 III 305 consid. 2b p. 308). L'application du
principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral,
saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF 128 III 419
consid. 2.2 p. 422; 127 III 248 consid.3a; 126 III 25 consid. 3c, 59 consid.
5a, 375 consid. 2e/aa). Relève aussi du droit le principe selon lequel
l'interprétation subjective a la priorité sur l'interprétation objective; dès
lors, la violation de ce principe peut être sanctionnée par la juridiction
fédérale de réforme (ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308; 121 III 118 consid.
4b/aa).

4.2 Pour interpréter une clause contractuelle selon le principe de la
confiance, il convient de partir en premier lieu du texte de ladite clause.
En règle générale, les expressions et termes choisis par les cocontractants
devront être compris dans leur sens objectif. Un texte clair prévaudra en
principe, dans le processus d'interprétation, contre les autres moyens
d'interprétation. Toutefois, il ressort de l'art. 18 al. 1 CO que le sens
d'un texte, même clair, n'est pas forcément déterminant et que
l'interprétation purement littérale est au contraire prohibée. En effet, même
si la teneur d'une clause contractuelle paraît claire à première vue, il peut
résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou
d'autres circonstances que le texte de la clause litigieuse ne restitue pas
exactement le sens de l'accord conclu (ATF 128 III 265 consid. 3a; 127 III
444 consid. 1b). Pour cette raison, la jurisprudence actuelle ne considère
pas comme nécessairement décisif en soi le fait que les parties ont eu
recours à des expressions juridiques précises (pour l'opinion inverse, voir
encore l'ATF 111 II 284 consid. 2 p. 287 et Christoph M. Pestalozzi,
Commentaire bernois, n. 32 in fine ad art. 111 CO, qui se réfère à ce
précédent). En particulier, on ne saurait faire fond, sans plus ample examen,
sur le texte d'une clause lorsque la partie qu'elle oblige est une personne
étrangère ou quand cette partie a manifesté sa volonté dans une autre langue
que la sienne. Cependant, une interprétation littérale stricte pourra se
justifier à l'égard de personnes qui sont rompues à l'usage de termes
utilisés dans certaines branches (ATF 129 III 702 consid. 2.4.1 p. 708 et les
arrêts cités).
La défenderesse souligne, à juste titre, que le contrat litigieux indique
expressément que certaines prestations doivent être effectuées par Swissair.
Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'en l'occurrence, la cocontractante
du demandeur est la défenderesse et non Swissair.

4.2.1 De ce que les sociétés formant partie d'un groupe de sociétés ont une
personnalité juridique propre, il découle en principe que seules peuvent agir
pour l'une de ces sociétés les personnes qui ont le pouvoir de la
représenter, resp. qui occupent la position d'organes au sein de ladite
société et agissent pour elle (Jean Nicolas Druey/Alexander Vogel, Das
schweizerische Konzernrecht in der Praxis der Gerichte, Zurich 1999, p. 239
s.). A cet égard, les principes généraux en matière de pouvoir de
représentation sont applicables. Seul un motif particulier pourrait justifier
de s'en écarter dans le sens de la reconnaissance d'un pouvoir de
représentation plus large. Un tel motif peut consister dans une procuration.
Celle-ci peut avoir été délivrée expressément par la société-mère ou résulter
des circonstances (procuration apparente; "Anscheinsvollmacht" ou
"Duldungsvollmacht" selon la terminologie allemande). Cependant, en l'espèce,
la défenderesse n'allègue même pas l'existence d'une procuration expresse ou
tacite. Il faut en déduire que le contrat litigieux ne pouvait pas obliger
Swissair. Autrement dit, c'est bien en son propre nom que la défenderesse a
conclu ce contrat avec le demandeur.

4.2.2 Cela étant, il va de soi que le demandeur pouvait partir de l'idée que
la défenderesse ne lui avait pas simplement fait miroiter les prestations
afférentes à son futur statut de préretraité, mais qu'elle avait pris
l'engagement ferme de les lui verser. La défenderesse n'exprime d'ailleurs
pas un autre avis sur ce point dans ses écritures. Elle ne soutient pas que
le demandeur n'aurait pas acquis de créance relativement à ces prestations.
Son argumentation repose bien plutôt sur la thèse selon laquelle le sujet
passif de cette créance était une autre personne qu'elle. Cependant, comme la
défenderesse ne pouvait pas contraindre un tiers à exécuter l'obligation
litigieuse, le demandeur devait et pouvait comprendre la lettre de la
défenderesse en ce sens que cette dernière lui promettait, entre autres
choses, que la société-mère lui verserait les prestations mentionnées dans ce
courrier. On est donc en présence d'un porte-fort, régi par l'art. 111 CO.
En matière de porte-fort, la garantie est exigible dès que la prestation du
tiers n'est pas effectuée au moment convenu. Le bénéficiaire de la promesse
n'est pas tenu de mettre en demeure le tiers (Pestalozzi, op. cit., n. 12 ad
art. 111 CO), ni de le rechercher (Silvia Tevini Du Pasquier, Commentaire
romand, n. 14 ad art. 111 CO). Que le promettant ne soit pas obligé de
réaliser le fait promis, mais uniquement de réparer le dommage que le
bénéficiaire subit parce que le tiers n'a pas adopté un comportement conforme
à la promesse ne joue aucun rôle en l'espèce. En effet, la promesse avait
pour objet une prestation pécuniaire, de sorte que son inexécution entraînait
l'obligation, à charge du promettant, de payer des dommages-intérêts de même
nature et de même ampleur, auxquels viendraient s'ajouter, le cas échéant,
l'intérêt moratoire et d'autres frais.

Il est, dès lors, sans importance que, dans le contrat en cause, la
défenderesse ait promis, en partie, ses propres prestations et, en partie,
celles d'une autre société du groupe. Il n'est pas non plus décisif de
déterminer si la défenderesse a voulu s'engager à verser elle-même les
prestations promises, resp. si le demandeur pouvait interpréter dans ce sens
la manifestation de volonté émise par sa cocontractante, ou si elle a
seulement voulu promettre au demandeur que les prestations de préretraite lui
seraient versées par une autre société du groupe.

5.
La défenderesse ne peut pas être suivie lorsqu'elle fait grief à la Cour
d'appel d'avoir appliqué de manière erronée l'art. 176 CO. En effet, la cour
cantonale s'est abstenue, à bon droit, de citer cette disposition dans son
arrêt.

Dans le cas particulier, la défenderesse n'a pas repris la dette d'une autre
société. Elle a bien plutôt confirmé et détaillé, dans sa lettre du 4 juillet
1996, un engagement qu'elle avait de toute évidence pris elle-même de manière
ferme envers le demandeur lors d'entretiens antérieurs. C'est donc de
l'accord passé à cette occasion que dérivent les prestations litigieuses.
Quoi qu'en dise la défenderesse, dans la lettre précitée, elle ne se
contentait pas de donner au demandeur de simples renseignements sur les
prétentions que ce dernier pourrait éventuellement faire valoir contre de
quelconques tiers. Bien plus, elle y promettait à l'intéressé que ces
prestations lui seraient versées. La défenderesse n'a pas conseillé le
demandeur. Elle a négocié avec lui un accord concernant l'extinction des
rapports de travail et, dans le cadre de cette négociation, lui a offert les
prestations contenues dans ladite lettre à titre de contrepartie à
l'acceptation, par le travailleur, de sa mise en préretraite.

Une reprise de dette aurait, en revanche, supposé que l'engagement relatif à
ces prestations résultât d'un accord passé antérieurement entre le demandeur
et un tiers, ce qui n'est même pas allégué par l'intéressé.

6.
6.1 Sur le plan quantitatif, enfin, la défenderesse soutient que les
juridictions cantonales ont admis, à tort, que les rentes versées par
l'institution de prévoyance ne pouvaient pas être imputées sur les montants
dus par elle et qu'elles n'ont pas fixé correctement le montant de la
prestation transitoire dénommée "Pont AVS".

La défenderesse considère, à juste titre, que pour savoir comment la rente
transitoire doit être calculée et quelles prestations doivent être imputées,
il y a lieu d'interpréter les manifestations de volonté correspondantes. Il
va de soi, à cet égard, que la volonté exprimée par l'employeur dans sa
lettre du 4 juillet 1996, où il précisait les engagements souscrits par lui
envers le demandeur du chef de la mise en préretraite de ce dernier, doit
être interprétée à la lumière du plan social qui a servi de base au calcul
des prétentions du demandeur. Le but poursuivi par l'employeur, au moyen des
prestations versées au travailleur durant le laps de temps restant à courir
jusqu'au moment où celui-ci prendrait sa retraite ordinaire, était de placer
l'intéressé dans la situation qui eût été la sienne s'il avait été mis
d'emblée au bénéfice du statut de retraité ordinaire. Il fallait aussi éviter
que le demandeur subisse une perte sur le capital qui lui serait versé après
qu'il aurait atteint l'âge de la retraite ordinaire.

6.2 Eu égard au but des versements effectués à titre transitoire par
l'employeur, il n'est pas douteux que tant les prestations du premier que du
deuxième piliers devaient faire l'objet d'une imputation, pour autant
qu'elles visassent à garantir le même revenu pour la même période. Dans cette
mesure, la défenderesse soutient avec raison qu'il doit en aller de même en
ce qui concerne les versements de la caisse de prévoyance. Mais cela signifie
aussi, inversement, que lorsque le travailleur perçoit par anticipation des
prestations de vieillesse de la caisse de prévoyance, il n'y a pas matière à
imputation si, du fait de ce versement anticipé, les prestations de ladite
caisse s'en trouvent réduites. Dans ce cas, en effet, les prestations versées
ne le sont pas en plus, mais aux dépens des prétentions futures du
travailleur. Comme la Cour d'appel le constate dans son arrêt, sans être
contredite par la défenderesse, les montants versés ont fait l'objet d'un
abattement par rapport aux montants de la retraite normale. Le demandeur ne
s'est ainsi pas enrichi, de sorte que la cour cantonale a refusé à bon droit
de procéder à l'imputation requise.

6.3 Quant à l'argument de la défenderesse selon lequel le demandeur, à partir
du moment où il percevrait la rente versée par la CGP au titre de la retraite
anticipée, n'aurait plus droit, jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la
retraite ordinaire, qu'à un montant maximum de 1'940 fr. par mois, il ne fait
que répéter l'argument relatif à l'imputation des prestations de la caisse de
prévoyance, qui a déjà été réfuté. Celles-ci ne doivent être imputées que si
et dans la mesure où elles constituent des prestations supplémentaires. En
revanche, comme on l'a déjà souligné, l'imputation ne se justifie pas
lorsque, en raison du versement anticipé des prestations de vieillesse, les
prestations futures s'en trouvent réduites. Au demeurant, contrairement à ce
que soutient la défenderesse, il ne ressort pas de la convention liant les
parties que seule la prestation transitoire 2 ("Pont AVS") est versée dès
qu'une quelconque prestation est effectuée par la caisse de prévoyance. Le
passage pertinent de la lettre du 4 juillet 1996 est ainsi libellé: "Durant
la période du 01.05.2002 (début de la retraite CGP) jusqu'au 31.08.2005
inclus (âge de la retraite AVS), Swissair vous versera mensuellement un
montant de fr. 1'940.--". Du passage cité, on ne peut rien déduire d'autre
que la fixation de la date à partir de laquelle ce montant devait être versé
et l'indication du motif, énoncé entre parenthèses, pour lequel cette date a
été retenue.

7.
Les considérations qui précèdent conduisent au rejet du recours. En
application de l'art. 156 al. 1 OJ, la recourante, qui succombe, devra
supporter les frais de la procédure fédérale, laquelle n'est pas gratuite
(art. 343 al. 3 CO a contrario) puisqu'elle a trait à un différend résultant
du contrat de travail dont la valeur litigieuse dépasse le plafond de 30'000
fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO. Quant à l'intimé, il a droit à des dépens en
vertu de l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 5 août 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: