Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.446/2004
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4C.446/2004 /ech

Arrêt du 5 août 2005
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Nyffeler, Favre, Kiss et Geiser, Juge
suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

Swissport Suisse SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Serge Fasel,

contre

I.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Bernard Waeber.

contrat de travail,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 21 septembre 2004.

Faits:

A.
A.a En 1998, Swissair, Société Anonyme Suisse pour la Navigation Aérienne
(ci-après: Swissair), a changé de raison sociale pour devenir SAirGroup. Dès
le début des années 1990, Swissair, puis SAirGroup ont progressivement
recentré leurs activités sur la plate-forme de Zurich et diminué le nombre de
leurs vols intercontinentaux. Elles ont, par ailleurs, cédé divers services à
des filiales. C'est ainsi que le service au sol et aux passagers de
l'aéroport de Genève a été repris, au 1er janvier 1997, par la filiale
Swissair Ground Services Geneva SA, inscrite au Registre du commerce de
Genève le 16 août 1996, dont le but consiste dans la fourniture des
prestations de services dans le domaine de la préparation au sol, de
l'embarquement et du débarquement des passagers, du fret et des bagages. La
raison sociale de cette filiale a été transformée en Swissport Genève SA
(ci-après: Swissport), le 11 février 1997. En 2002, Swissport a été rachetée
par le groupe anglais Candover.

A.b Pour pallier les conséquences des licenciements devenus indispensables,
Swissair, puis SAirGroup ont élaboré, dès 1993, avec les syndicats des
travailleurs concernés, plusieurs plans sociaux successifs, valables pour
l'ensemble du groupe. L'un de ceux-ci, adopté en 1995, prévoit, entre autres
mesures, des retraites anticipées et un statut de préretraité.

Swissport a, par ailleurs, adopté un plan social, en date du 2 avril 1998,
sous la forme d'un contrat signé par deux personnes ayant le pouvoir de
l'engager et deux membres du comité d'entreprise. La clause de ce plan
relative aux prestations de préretraite est identique, à une réserve près, à
celle du plan social de Swissair, version 1995.

A.c I.________ a travaillé à plein temps pour le compte de Swissair, depuis
le 1er juin 1974, dans le service au sol aux avions et aux passagers. Son
dernier salaire mensuel brut était de 4'220 fr. 60.

Dès la reprise des services au sol et aux passagers de Swissair par sa
filiale Swissair Ground Services Geneva SA, le 1er janvier 1997, I.________ a
travaillé pour celle-ci.

Par lettre du 26 août 1998, Swissport a confirmé à I.________, que,
conformément à leur récent entretien, il serait mis à la retraite anticipée
le 31 décembre 1998. Ce courrier fixait en détail les prestations qui
seraient versées à l'intéressé depuis cette dernière date.

I. ________ a pris sa retraite à la date prévue. Les prestations promises lui
ont été régulièrement versées du 1er janvier 1999 jusqu'à fin septembre 2001.
Le préretraité a également touché la mensualité d'octobre 2001, moyennant
cession de ses droits en faveur d'établissements bancaires. Ont aussi été
régulièrement versées à la Caisse générale de prévoyance de SAirGroup
(ci-après: CGP) les cotisations employeur/employé pour toute la durée courant
jusqu'à l'âge de la retraite normale de I.________, ceci au moyen d'un fonds
patronal indépendant mis sur pied par Swissair.

A.d Le 1er novembre 2001, SAirGroup a adressé à tous les préretraités du
groupe, I.________ inclus, une lettre circulaire les informant qu'en raison
du sursis concordataire dont elle bénéficiait, elle n'était définitivement
plus en mesure d'effectuer le paiement des prestations prévues dans le plan
social, soit le versement des salaires de retraite anticipée. Aussi
renvoyait-elle les bénéficiaires de ces prestations à faire valoir leurs
droits dans le cadre de la procédure de concordat ou de faillite. Dans une
nouvelle lettre circulaire, elle leur a rappelé la nécessité de produire
leurs créances en temps opportun en mains du commissaire au sursis. Celui-ci
a bloqué les fonds destinés par SAirGroup au financement des plans sociaux.

Le concordat par abandon d'actifs de SAirGroup a finalement été homologué le
20 juin 2003.

A.e En novembre 2001, la CGP a informé I.________ qu'elle allait lui verser
sa retraite de manière anticipée, en l'invitant à choisir entre le versement
d'une rente et celui d'un capital. Elle estimait, en effet, que ses statuts
"et certains arrêts du Tribunal fédéral" l'obligeaient, en raison de la
procédure de sursis concordataire touchant SAirGroup, à servir leur retraite
de manière anticipée aux collaborateurs qui ne percevaient plus les
prestations de préretraite. Cette retraite a été calculée sur la base d'une
durée complète de cotisations, mais sans tenir compte des intérêts devant
courir entre la fin 2001 et la date de la retraite réglementaire normale. Les
montants versés faisaient ainsi l'objet d'un abattement par rapport aux
montants de la retraite normale.

I. ________ a opté pour une rente. Il a perçu à ce titre 2'016 fr. 90
mensuellement dès le 1er novembre 2001, soit 23'202 fr. 80 par an. Sa rente
mensuelle aurait représenté un capital annuel de 27'271 fr. s'il avait pris
sa retraite le 1er octobre 2003, comme prévu.

A fin octobre 2002, le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) a versé à
I.________ une prestation d'incitation de 55'312 fr. 50 dans le cadre des
mesures d'aide fédérales destinées aux préretraités de SAirGroup. I.________
a cédé sa créance à la Confédération à due concurrence.

B.
Par demande du 5 décembre 2001, I.________ a assigné Swissport devant la
juridiction prud'homale genevoise en vue d'obtenir le paiement de 216'000
fr., avec intérêts à 5% l'an dès le jour du dépôt de la demande. En cours de
procédure, il a amplifié celle-ci de 20'000 fr., somme représentant la
contre-valeur de facilités de transport. Le demandeur fondait ses prétentions
sur l'inexécution des engagements résultant du courrier du 26 août 1998.

La défenderesse a conclu au rejet intégral de la demande. Elle contestait sa
légitimation passive en faisant valoir que SAirGroup était la seule débitrice
des prestations prévues dans le plan social. Au demeurant, selon elle, plus
aucun versement n'était dû au demandeur, étant donné que celui-ci percevait
les prestations de la CGP.

Par jugement du 9 septembre 2002, le Tribunal des prud'hommes du canton de
Genève a condamné la défenderesse à verser au demandeur la somme brute de
30'430 fr. 30 plus intérêts.

Statuant par arrêt du 21 septembre 2004, sur appel des deux parties, la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes a condamné la défenderesse à verser
au demandeur la somme nette de 89'841 fr. 65, avec intérêts à 5% l'an dès le
1er avril 2003, à titre de mensualités échues au 31 août 2004, sous
imputation des 55'312 fr. 50 perçus du Seco, valeur au 31 octobre 2002. Elle
a, en outre, constaté que la défenderesse était débitrice du demandeur des
prestations non encore échues au 31 août 2004, telles qu'elles ressortaient
de son plan de préretraite, à savoir de 1'990 fr. net par mois du 1er
septembre 2004 au 31 septembre 2006, ceci 12 fois l'an. La défenderesse a
encore été condamnée à mettre le demandeur au bénéfice des mêmes facilités de
transport que celles auxquelles peuvent prétendre ses retraités.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté, dans la mesure
où il était recevable, par arrêt séparé de ce jour, la défenderesse a déposé
un recours en réforme pour violation des art. 8 CC, 18 CO et 333 CO. Elle y
invite le Tribunal fédéral à constater qu'elle ne possède pas la légitimation
passive dans le présent procès et, partant, à débouter le demandeur de toutes
ses conclusions. A titre subsidiaire, la défenderesse requiert le renvoi de
la cause à la cour cantonale pour qu'elle administre des preuves sur la
question du montant que le demandeur touchera dans le cadre du concordat de
SAirGroup.

Le demandeur conclut au rejet du recours.

Par lettre du 14 juillet 2005, le conseil de la recourante a informé le
Tribunal fédéral que la raison sociale de sa mandante avait été transformée
en Swissport Suisse SA après le dépôt du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Il ressort de la publication qui en a été faite dans la Feuille officielle
suisse du commerce (FOSC) n° 124 du 29 juin 2005 que la raison sociale
Swissport Genève SA a été radiée, le 23 juin 2005, du fait que les actifs et
passifs de cette société ont été repris par la société Swissport Zürich AG,
qui a modifié sa raison sociale en Swissport Suisse SA à cette occasion.
Conformément à la jurisprudence et à la doctrine, cette dernière société a
ainsi succédé de plein droit, dans la procédure fédérale, à la société radiée
(ATF 106 II 346 consid. 1; arrêt 4C.212/1998 du 16 février 1999, consid. 1a;
Jean-François Poudret, COJ, n. 2 ad art. 40 p. 343 in limine). Swissport
Suisse SA sera, dès lors, considérée comme partie recourante dans la présente
cause.

2.
Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé pour l'essentiel dans ses
conclusions libératoires et dirigé contre une décision finale rendue en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000
fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme soumis à l'examen du Tribunal fédéral
est recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et
dans les formes requises (art. 55 OJ).

3.
Dans un premier moyen, la défenderesse reproche aux juges précédents d'avoir
violé l'art. 8 CC en n'administrant aucune preuve sur la question de savoir
quel montant le demandeur percevra dans la procédure concordataire concernant
SAirGroup. A son avis, les constatations de l'autorité cantonale devraient
être complétées sur ce point (art. 64 al. 1 OJ).

3.1
3.1.1L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions
fondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des
parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 127 III
519 consid. 2a p. 522; 126 III 189 consid. 2b, 315 consid. 4a). On en déduit
également un droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 126 III 315 consid.
4a), à la condition qu'il s'agisse d'établir un fait pertinent (ATF 126 III
315 consid. 4a; 123 III 35 consid. 2b p. 40), qui n'est pas déjà prouvé (ATF
127 III 519 consid.2a p. 522; 126 III 315 consid. 4a), par une mesure
probatoire adéquate (cf. ATF 90 II 224 consid. 4b) qui a été régulièrement
offerte selon les règles de la loi de procédure applicable (ATF 126 III 315
consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c p. 223).

En revanche, l'art. 8 CC ne dicte pas au juge la manière dont il doit forger
sa conviction. Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge
qu'un fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, la question de la
répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus et le grief tiré de la
violation de l'art. 8 CC devient sans objet. Il s'agit alors d'une question
de pure appréciation des preuves; celle-ci ne peut être soumise au Tribunal
fédéral que par la voie d'un recours de droit public pour arbitraire (ATF 127
III 519 consid. 2a; 122 III 219 consid. 3c).

3.1.2 En l'occurrence, la défenderesse entendait prouver une allégation
relative non pas à un fait qui s'était déjà produit, mais à une circonstance
à venir. Or, il va sans dire qu'un fait futur ne peut logiquement pas faire
l'objet d'une preuve. Le grief formulé sur ce point par la défenderesse
tombe, dès lors, à faux. Pour le même motif, celle-ci reproche en vain à la
Cour d'appel d'avoir procédé à des constatations de fait incomplètes, au sens
de l'art. 64 OJ, en ne se prononçant pas sur la question de savoir quel sera
le montant que le demandeur touchera dans le cadre du concordat de SAirGroup.
Le grief en question repose d'ailleurs sur le présupposé selon lequel une
obligation solidaire s'éteint dans la mesure où l'un des débiteurs
désintéresse le créancier (cf. art. 147 al. 1 CO). Cependant, en vertu de
l'art. 144 al. 2 CO, les débiteurs demeurent tous obligés jusqu'à
l'extinction totale de la dette. Si l'un d'entre eux est recherché par le
créancier, les autres ne seront donc libérés que lorsque la créance aura été
éteinte en totalité (ATF 114 II 342 consid. 2b p. 344; Isabelle Romy,
Commentaire romand, n. 7 ad art. 144 CO; Anton K. Schnyder, Commentaire
bâlois, 3e éd., n. 5 ad art. 144 CO). Leur libération n'interviendra pas déjà
du seul fait qu'un autre débiteur aura été condamné à payer la dette
solidaire (ATF 79 II 382 consid. 2) ou qu'il aura été actionné à cette fin
(Andreas von Tuhr/Arnold Escher, Allgemeiner Teil des Schweizerischen
Obligationenrecht, vol. II, p. 305). L'ouverture d'une faillite ou d'une
procédure concordataire à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires
n'exerce aucune influence sur la faculté que l'art. 144 al. 1 CO accorde au
créancier d'exiger, à son choix, de tous les débiteurs solidaires ou de l'un
d'eux l'exécution intégrale ou partielle de l'obligation (ATF 113 III 128
consid. 3b p. 131). Cette faculté n'est pas limitée par le principe voulant
qu'un droit doive être exercé avec ménagement. C'est le débiteur solidaire
qui supporte les inconvénients liés à la solidarité. Il doit s'accommoder du
fait que le créancier choisisse de l'actionner, en lieu et place des autres
débiteurs, et que lui-même ne puisse pas récupérer auprès de ceux-ci, le cas
échéant, ce qu'il a payé au-delà de sa part.

Au regard de ces principes, rien n'interdisait au demandeur de s'en prendre
exclusivement à la défenderesse pour l'exécution intégrale de l'obligation
litigieuse. Qu'il eût l'espoir d'être désintéressé un jour par la débitrice
en liquidation concordataire ne l'empêchait nullement d'ouvrir action contre
une autre partie qu'il considérait comme débitrice solidaire de la même
obligation, ni de réclamer à cette partie la totalité du montant impayé. La
somme que le demandeur touchera dans la procédure concordataire pendante
relative à SAirGroup ne constitue donc pas un fait pertinent pour la solution
du présent litige. Aussi la cour cantonale n'a-t-elle pas violé le droit à la
preuve de la défenderesse en n'administrant pas de preuve au sujet d'un tel
fait, lequel ne pouvait de toute façon pas être établi en l'état, comme on
l'a déjà souligné.

3.1.3 Dans le même contexte, on peut encore relever - ce qui semble avoir
échappé à la défenderesse, bien que la cour cantonale le constate
expressément dans son arrêt - que les différents messages électroniques
échangés entre la direction de Swissport et le commissaire au sursis de
SAirGroup révèlent que ce dernier considérait Swissport comme étant la seule
débitrice des montants dus au titre de la préretraite, à l'exclusion de
SAirGroup.

4.
La défenderesse soutient, par ailleurs, que les juges d'appel ont violé
l'art. 18 CO en interprétant son courrier du 26 août 1998 en ce sens qu'elle
y aurait pris des engagements propres envers le demandeur.

4.1 En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit
tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des
parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles
ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de
la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 128 III 419 consid. 2.2 p. 422; 127 III
444 consid. 1b). Déterminer ce qu'un cocontractant savait et voulait au
moment de conclure relève des constatations de fait qui lient le Tribunal
fédéral (ATF 128 III 419 consid. 2.2 p. 422; 118 II 58 consid. 3a). Si la
cour cantonale parvient à se convaincre d'une commune et réelle intention des
parties, il s'agit d'une constatation de fait qui, sous réserve des
exceptions prévues aux art. 63 al. 2 et 64 OJ, ne peut être remise en cause
dans un recours en réforme (ATF 128 III 419 consid. 2.2 p. 422; 126 III 25
consid. 3c, 375 consid. 2e/aa). La recherche de la volonté réelle des parties
est qualifiée d'interprétation subjective (ATF 125 III 305 consid. 2b p.
308). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si les
volontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations et les
comportements selon la théorie de la confiance, en recherchant comment une
déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de
l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective; ATF 128 III 419
consid. 2.2 p. 422; 127 III 444 consid. 1b; 126 III 59 consid. 5b p. 68, 375
consid. 2e/aa p. 380; 125 III 305 consid. 2b p. 308). L'application du
principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral,
saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF 128 III 419
consid. 2.2 p. 422; 127 III 248 consid.3a; 126 III 25 consid. 3c, 59 consid.
5a, 375 consid. 2e/aa). Relève aussi du droit le principe selon lequel
l'interprétation subjective a la priorité sur l'interprétation objective; dès
lors, la violation de ce principe peut être sanctionnée par la juridiction
fédérale de réforme (ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308; 121 III 118 consid.
4b/aa).

4.2 On ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait méconnu ces principes.
Sans doute n'est-il pas certain, sur le vu des motifs énoncés dans l'arrêt
attaqué, qu'elle soit parvenue à dégager la volonté réelle des parties. Cela
n'est toutefois pas décisif. En effet, dans la mesure où les juges d'appel
ont admis que le texte de la lettre de la défenderesse du 26 août 1998 était
clair, ils ont aussi considéré, par là même, que le demandeur pouvait
comprendre de bonne foi ce courrier dans son sens littéral.

La lettre, par laquelle le demandeur a été informé de sa mise à la retraite
anticipée et des prestations auxquelles ce nouveau statut lui donnerait
droit, a été écrite au nom de la défenderesse et sur papier portant l'en-tête
de celle-ci. Il y est indiqué à plusieurs reprises que ces prestations seront
versées par la défenderesse. Ce courrier comporte également un renvoi, sous
la rubrique "Annexes", à un document intitulé "Plan social Swissport Genève
SA 1998". Aussi n'apparaît-il pas que le demandeur, au moment où il avait
accepté la modification contractuelle résultant de ce courrier, ait dû
déduire du texte de cet écrit et des circonstances que ce n'était pas la
défenderesse, mais SAirGroup, qui entendait s'y obliger envers lui.
Peu importe, à cet égard, de savoir qui a mis à disposition les fonds
nécessaires au versement des prestations promises et qui a procédé aux
paiements courants. Il n'y a, en effet, rien d'extraordinaire, dans un groupe
de sociétés, à ce que les paiements soient opérés par une autre société que
celle qui a contracté une dette déterminée. Connaître l'identité de la
société qui assume le risque économique n'est pas davantage décisif. Que les
différentes sociétés faisant partie du même groupe aient une personnalité
juridique propre implique qu'une société qui a souscrit un engagement
contractuel réponde de l'exécution de cet engagement envers le créancier
quand bien même, d'après l'organisation interne du groupe, une autre société
membre de celui-ci devrait supporter le risque économique correspondant. Il
en va également ainsi lorsqu'une autre société appartenant au même groupe
s'engage aux côtés de la première à l'égard du créancier. Il est, dès lors,
sans aucune importance, en l'espèce, que le demandeur ait aussi fait valoir
ses prétentions contre la société-mère. L'éventuelle coresponsabilité de
cette dernière à son endroit ne saurait, en effet, libérer la défenderesse de
sa propre dette aussi longtemps que l'obligation n'a pas encore été exécutée
intégralement.
La défenderesse tente en vain de tirer argument de ce que les prestations
prévues dans son plan social correspondent à celles figurant dans le plan
social de la société-mère pour en déduire que c'est cette dernière, et non la
société-fille recherchée, qui serait seule responsable de leur versement. En
effet, outre que ces prestations étaient conformes au plan social mis sur
pied par la défenderesse, auquel celle-ci se référait expressément dans sa
lettre au demandeur, il n'est pas interdit à un employeur de promettre à ses
travailleurs les prestations qui ont été convenues dans un plan social établi
par une autre société.

Qu'à l'époque, le demandeur ait pu faire davantage confiance à la
société-mère qu'à la défenderesse n'est pas non plus déterminant. En
l'espèce, seul est décisif le point de savoir si la défenderesse est le sujet
passif des créances litigieuses. L'éventuelle coresponsabilité de la
société-mère est une question exorbitante du procès pendant. Et le simple
fait que, dans l'esprit du demandeur, une coresponsabilité de la société-mère
était peut-être souhaitable à l'époque ne permet pas d'en conclure que les
parties ont voulu exclure toute responsabilité de la société-fille.

5.
Comme la défenderesse s'est engagée personnellement envers le demandeur à lui
verser les prestations en cause, la question de l'applicabilité de l'art. 333
CO ne se pose pas en l'espèce. Aussi la défenderesse lui consacre-t-elle en
vain de longs développements dans son mémoire de recours. De fait, le contrat
relatif à la retraite anticipée n'a été conclu ici, par la reprenante et le
demandeur, qu'une fois opéré le transfert de l'entreprise.

6.
6.1 Sur le plan quantitatif, enfin, la défenderesse soutient que les
juridictions cantonales ont admis, à tort, que les rentes versées par
l'institution de prévoyance ne pouvaient pas être imputées sur les montants
dus par elle et qu'elles n'ont pas fixé correctement le montant de la
prestation transitoire dénommée "Pont AVS".

La défenderesse considère, à juste titre, que pour savoir comment la rente
transitoire doit être calculée et quelles prestations doivent être imputées,
il y a lieu d'interpréter les manifestations de volonté correspondantes. Il
va de soi, à cet égard, que la volonté exprimée par l'employeur dans sa
lettre du 26 août 1998, où il précisait les engagements souscrits par lui
envers le demandeur du chef de la mise en préretraite de ce dernier, doit
être interprétée à la lumière du plan social qui a servi de base au calcul
des prétentions du demandeur. Le but poursuivi par l'employeur, au moyen des
prestations versées au travailleur durant le laps de temps restant à courir
jusqu'au moment où celui-ci prendrait sa retraite ordinaire, était de placer
l'intéressé dans la situation qui eût été la sienne s'il avait été mis
d'emblée au bénéfice du statut de retraité ordinaire. Il fallait aussi éviter
que le demandeur subisse une perte sur le capital qui lui serait versé après
qu'il aurait atteint l'âge de la retraite ordinaire.

6.2 Eu égard au but des versements effectués à titre transitoire par
l'employeur, il n'est pas douteux que tant les prestations du premier que du
deuxième piliers devaient faire l'objet d'une imputation, pour autant
qu'elles visassent à garantir le même revenu pour la même période. Dans cette
mesure, la défenderesse soutient avec raison qu'il doit en aller de même en
ce qui concerne les versements de la caisse de prévoyance. Mais cela signifie
aussi, inversement, que lorsque le travailleur perçoit par anticipation des
prestations de vieillesse de la caisse de prévoyance, il n'y a pas matière à
imputation si, du fait de ce versement anticipé, les prestations de ladite
caisse s'en trouvent réduites. Dans ce cas, en effet, les prestations versées
ne le sont pas en plus, mais aux dépens des prétentions futures du
travailleur. Comme la Cour d'appel le constate dans son arrêt, sans être
contredite par la défenderesse, les montants versés ont fait l'objet d'un
abattement par rapport aux montants de la retraite normale. Le demandeur ne
s'est ainsi pas enrichi, de sorte que la cour cantonale a refusé à bon droit
de procéder à l'imputation requise.

6.3 Quant à l'argument de la défenderesse selon lequel le demandeur, à partir
du moment où il percevrait la rente versée par la CGP au titre de la retraite
anticipée, n'aurait plus droit, jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la
retraite ordinaire, qu'à un montant maximum de 1'990 fr. par mois, il ne fait
que répéter l'argument relatif à l'imputation des prestations de la caisse de
prévoyance, qui a déjà été réfuté. Celles-ci ne doivent être imputées que si
et dans la mesure où elles constituent des prestations supplémentaires. En
revanche, comme on l'a déjà souligné, l'imputation ne se justifie pas
lorsque, en raison du versement anticipé des prestations de vieillesse, les
prestations futures s'en trouvent réduites. Au demeurant, contrairement à ce
que soutient la défenderesse, il ne ressort pas de la convention liant les
parties que seule la prestation transitoire 2 ("Pont AVS") est versée dès
qu'une quelconque prestation est effectuée par la caisse de prévoyance. Le
passage pertinent de la lettre du 26 août 1998 est ainsi libellé: "Durant la
période du 1er octobre 2003 (début de la retraite anticipée CGP/AC) jusqu'au
30 septembre 2006, Swissport vous versera mensuellement un montant de fr.
1'990.--". Du passage cité, on ne peut rien déduire d'autre que la fixation
de la date à partir de laquelle ce montant devait être versé et l'indication
du motif, énoncé entre parenthèses, pour lequel cette date a été retenue.

7.
Les considérations qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la
mesure où il est recevable. En application de l'art. 156 al. 1 OJ, la
recourante, qui succombe, devra supporter les frais de la procédure fédérale,
laquelle n'est pas gratuite (art. 343 al. 3 CO a contrario) puisqu'elle a
trait à un différend résultant du contrat de travail dont la valeur
litigieuse dépasse le plafond de 30'000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO. Quant
à l'intimé, il a droit à des dépens en vertu de l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 5 août 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: