Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.445/2004
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4C.445/2004 /viz

Arrêt du 17 mars 2005
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

A. ________,
demandeur et recourant,
représenté par Me Monica Bertholet, avocate,

contre

X.________ S.A.,
défenderesse et intimée,
représentée par Me Jean-Paul Vulliéty, avocat.

contrat de mandat; transaction

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
genevoise du 8 octobre 2004).

Faits:

A.
A. ________ est un avocat qui dirige, comme le faisait déjà son père, deux
Etudes sises respectivement à Klagenfuhrt, en Autriche, et à Ljubljana, en
Slovénie.

X. ________ S.A. (ci-après : l'Assurance), qui est inscrite au Registre du
commerce de Genève depuis janvier 1968, exploite une assurance de protection
juridique.

A.a Dans les années 1970, une collaboration s'est mise en place entre
l'Assurance et le père de A.________. Ce dernier représentait l'Assurance et
ses clients dans les litiges relevant de la loi sur la circulation routière,
en particulier devant les autorités judiciaires autrichiennes et slovènes.
A partir de 1990, le règlement des notes d'honoraires de l'avocat a pris du
retard. Le 1er mars 1993, le père de A.________ a réclamé le règlement d'une
somme totale de 295'757,10 fr., pour laquelle l'Assurance a déclaré renoncer
à se prévaloir de la prescription en précisant "bis auf weiteres". Entre le
15 juin 1993 et le 4 mai 1994, vingt-deux notes d'honoraires supplémentaires
totalisant 306'719,15 fr. ont encore été remises à l'Assurance.

A.b En août 1994, le père de A.________ est décédé et son fils a repris les
discussions avec l'Assurance à propos des arriérés d'honoraires. Le 28
février 1996, ceux-ci s'élevaient à 524'386,25 fr., compte tenu de 78'090 fr.
versés à titre d'acompte depuis 1991. Sur la base d'une transaction
intervenue ce même jour, les parties se sont mises d'accord pour le règlement
d'un montant forfaitaire de 257'629,31 fr. pour solde de tout compte. Le
versement de ce montant était subordonné à la production par A.________ d'un
certificat confirmant sa qualité d'héritier universel et unique de feu son
père. Cet accord a fait l'objet d'une déclaration écrite, établie sur papier
à en-tête de l'Assurance et datée du 28 février 1996.
Par lettre du 8 avril 1996, A.________ a confirmé son accord au sujet de la
transaction intervenue et a promis de signer la déclaration en même temps
qu'il transmettrait le certificat d'héritier sollicité.

A.c Comme la succession du père de A.________ a donné lieu à un litige dont
la résolution a pris beaucoup de temps, le certificat d'héritier réclamé n'a
été obtenu par l'avocat que le 25 juillet 2001 et l'Assurance en a été avisée
par téléphone le 3 août 2001.
Par courrier du 7 août 2001, A.________ a transmis à l'assurance le
certificat d'héritier et a sollicité une entrevue à Genève pour venir
encaisser le montant de 257'629,31 fr. conformément à l'accord du 28 février
1996.
Le 9 août 2001, l'Assurance s'est prévalue de l'entrée en force de la
prescription et a refusé le paiement réclamé.

A. ________, par lettre du 17 août 2001, a mis l'Assurance en demeure
d'honorer ses engagements. Le 28 août 2001, il l'a sommée d'exécuter l'accord
conclu en 1996, en lui fixant un délai supplémentaire de 8 jours pour
s'exécuter. Par lettre du 13 septembre 2001, A.________, constatant que
l'exécution n'était pas intervenue dans le délai imparti, a annoncé qu'il
ferait valoir en Suisse "den gesamten seinerzeitigen Kostenanspruch". Le 15
avril 2002, son avocate a avisé l'Assurance qu'elle déposerait une demande en
paiement devant les Tribunaux genevois si le montant de 257'629,31 fr. avec
intérêt à 5 % l'an dès le 30 avril 1993 et la somme de 9'500 euros n'étaient
pas versés d'ici au 30 avril 2002 en faveur de A.________.
Ce dernier, représenté par un nouveau mandataire, a fait notifier, le 12
juillet 2002, un commandement de payer à l'Assurance portant sur les sommes
de 257'629,31 fr. avec intérêt à 5 % dès le 30 avril 1993 et 20'000 fr. avec
intérêt à 5 % dès le 17 juin 2002.

A.d A la suite de ces échanges, un accord partiel est intervenu entre les
parties dont les termes ne sont pas connus, mais duquel il résulte que
l'Assurance a versé, le 27 septembre 2002, à A.________ un capital de
257'629,30 fr. plus une somme de 14'681,35 fr. représentant les intérêts
calculés à un taux de 5 % pour la période du 4 août 2001 au jour du paiement.

B.
Par demande introduite le 17 avril 2003 devant les autorités judiciaires
genevoises, A.________ a réclamé à l'Assurance le versement de 85'857,38 fr.
au titre d'intérêts moratoires à 5 % courus de l'émission des notes de frais
et d'honoraires par son père au 28 février 1996, de 71'062 fr. au titre
d'intérêts moratoires à 5 % courus sur le montant de 257'629,30 fr. entre le
29 février 1996 et le 3 août 2001 et, enfin, de 13'270,10 fr. au titre
d'honoraires d'avocats avant l'introduction de la cause.
Par jugement du 18 décembre 2003, le Tribunal de première instance a condamné
l'Assurance à payer à A.________ 13'958,35 fr. à titre de frais d'avocats
avant procès, tout en le déboutant de ses autres conclusions.
Contre ce jugement, A.________ a interjeté un appel. Reprenant ses
conclusions portant sur le versement d'intérêts moratoires, il conclut
encore, à titre subsidiaire, à ce que l'Assurance soit condamnée au paiement
de 121'300,40 fr. correspondant à des intérêts moratoires à 5 % sur la somme
de 257'639,31 fr. dès le 30 avril 1993 jusqu'au 27 septembre 2002.

C.
Par arrêt du 8 octobre 2004, la Chambre civile de la Cour de justice a
confirmé le jugement de première instance du 18 décembre 2003. Les juges ont
en substance admis la compétence des tribunaux genevois et ont considéré que
le droit suisse était applicable, ce qui correspondait au droit choisi par
les parties. Ils ont relevé que, le 28 février 1996, l'Assurance avait
proposé à A.________ une transaction extrajudiciaire portant sur les créances
d'honoraires litigieuses de feu son père, que l'avocat avait acceptée le 8
avril 1996, sans que la forme écrite n'ait été réservée par les parties.
Selon cet accord, l'Assurance s'engageait à verser un montant de 257'629,31
fr. à la condition que l'avocat remette un certificat d'héritier. Cette
condition a été réalisée au moment où A.________ a fourni le certificat
d'héritier à l'Assurance et la transaction extrajudiciaire est devenue
exécutable. Après une mise en demeure infructueuse de l'Assurance, la cour
cantonale a retenu qu'en indiquant, le 13 septembre 2001, qu'il ferait valoir
en justice la totalité de la prétention en paiement initial de ses
honoraires, l'avocat s'était tout d'abord départi du contrat de transaction
extrajudiciaire. Il avait ensuite conclu une nouvelle transaction avec
l'Assurance. Cette dernière avait du reste versé à A.________, le 27
septembre 2002, un capital de 257'629,30 fr. plus 14'681,35 fr. représentant
les intérêts durant la période allant du 4 août 2001 au jour du paiement. La
cour cantonale a ainsi constaté que les parties avaient choisi de reconduire
la volonté qui était la leur au moment de la première transaction des 28
février et 8 avril 1996 et qu'en concluant la seconde transaction
extrajudiciaire, elles avaient repris l'esprit de la première transaction.

D.
Contre l'arrêt du 8 octobre 2004, A.________ (le demandeur) interjette un
recours en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 8
CC, il conclut principalement à ce que l'Assurance soit condamnée au paiement
d'une somme de 121'300 fr. correspondant aux intérêts moratoires à 5 % courus
sur la somme de 257'639 fr. entre le 30 avril 1993 et le 23 septembre 2002,
sous déduction de 14'681,35 fr. correspondant au règlement par l'Assurance,
le 23 septembre 2002, des intérêts moratoires courus sur le montant de
257'639 fr. entre le 4 août 2001 et le 22 septembre 2002. A titre
subsidiaire, il propose le renvoi de la cause à l'instance cantonale pour
instruction dans le sens des considérants.
L'Assurance (la défenderesse) propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par le demandeur, qui a succombé dans ses conclusions, et
dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un
tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le recours porte sur une contestation
civile (cf. ATF 129 III 415 consid. 2.1) dont la valeur litigieuse dépasse le
seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Il a en outre été déposé en temps utile
(art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). Il convient donc
d'entrer en matière.

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale, parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Les critiques portant
seulement sur la façon dont l'autorité inférieure a apprécié les preuves ne
sont pas recevables dans un recours en réforme (ATF 130 III 145 consid. 3.2
p. 160; 129 III 618 consid. 3 et les arrêts cités).

2.
Le demandeur invoque une violation de la prescription de droit fédéral sur la
preuve prévue à l'art. 8 CC.

2.1 Cette disposition répartit - sous réserve de règles particulières
contraires - pour toutes les prétentions fondées sur le droit fédéral, le
fardeau de la preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6). Elle définit quelle partie
doit supporter les conséquences de l'absence de preuve et garantit à la
partie qui a la charge de la preuve un droit à présenter ses offres de
preuve. Ce droit suppose cependant que la preuve ait été offerte
régulièrement, dans les formes et les délais prévus par la loi de procédure
cantonale applicable (ATF 126 III 315 consid. 4a p. 317; 122 III 219 consid.
3c p. 223). L'art. 8 CC ne prescrit pas au tribunal quelles mesures
probatoires doivent être ordonnées, ni comment le juge peut forger sa
conviction, pas plus qu'il n'exclut une appréciation anticipée des preuves
(ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522). Ainsi, lorsque l'appréciation des
preuves convainc le juge qu'une allégation de fait a été établie ou réfutée,
la répartition du fardeau de la preuve devient sans objet (ATF 128 III 271
consid. 2b/aa in fine). Seul le moyen tiré d'une appréciation arbitraire des
preuves, à invoquer impérativement dans un recours de droit public, est alors
recevable (ATF 130 III 321 consid. 5; 119 III 60 consid. 2c p. 63).

2.2 Pour établir si un contrat a été conclu ou pour connaître son contenu, il
faut tout d'abord s'interroger sur la commune et réelle intention des parties
(cf. art. 18 al. 1 CO). Or, déterminer ce que les parties ont effectivement
voulu de manière concordante relève des constatations de fait et ne peut être
remis en cause dans un recours en réforme (ATF 129 III 118 consid. 2.5; 126
III 375 consid. 2e/aa p. 379; 118 II 365 consid. 1 p. 366).
En l'espèce, la cour cantonale, appréciant les circonstances, a retenu
qu'après la résiliation de la première transaction extrajudiciaire par le
demandeur le 13 septembre 2001, les parties avaient conclu une deuxième
transaction extrajudiciaire. Même si elles n'ont pas produit le texte de ce
nouvel accord, les juges ont constaté que les parties avaient choisi de
reconduire la volonté qui était la leur lors de la première transaction du 28
février/8 avril 1996 et en avaient repris l'esprit. Cet accord a été exécuté
lors du versement par la défenderesse, le 27 septembre 2002, d'un capital de
257'629,30 fr. plus 14'681,35 fr. à titre d'intérêt pour la période du 4 août
2001 au jour du paiement, ce qui correspondait, sous réserve des intérêts
postérieurs à la mise en demeure, à ce qui avait été convenu les 28 février/8
avril 1996. Aucune réserve n'avait d'ailleurs expressément été faite
s'agissant des intérêts, bien qu'au moment de la seconde transaction et de
son exécution une poursuite était pendante à l'encontre de la défenderesse et
que le procès concernant le paiement des intérêts était déjà en préparation.

2.3 Il en découle que la cour cantonale, après examen des circonstances,
s'est forgée la conviction que les parties avaient effectivement conclu une
deuxième transaction que la défenderesse avait exécutée le 27 septembre 2002.
La cour cantonale n'a pas tiré cette conclusion de l'absence de preuves, pas
plus qu'elle n'a procédé, sur ce point, à une répartition du fardeau de la
preuve au sens de l'art. 8 CC. Elle a avant tout constaté la volonté réelle
des parties sur la base d'une appréciation des preuves, qui lie le Tribunal
fédéral en instance de réforme, peu importe que cette appréciation puisse
paraître arbitraire, comme le demandeur le prétend lorsqu'il soutient que la
cour cantonale aurait retenu l'existence d'une nouvelle transaction de façon
manifestement erronée, en contradiction flagrante avec les allégués
concordants des parties. Dans la mesure où le demandeur voulait se plaindre à
ce sujet d'une violation de la Constitution, son grief n'est pas admissible
(art. 43 al. 1 OJ) et, dans la mesure où il entendait invoquer une
inadvertance manifeste au sens de l'art. 55 al. 1 let. d OJ, il lui
appartenait d'indiquer, de manière précise, la pièce du dossier que le juge
aurait omis de prendre en considération ou qu'il aurait mal comprise (cf. ATF
115 II 399 consid. 2a; cf. également 129 III 135 consid. 2.3.2.1 p. 145 et
2.3.2.2 p. 147). On ne peut tirer du renvoi à la procédure cantonale dans son
ensemble et aux nombreux allégués invoqués l'existence d'une inadvertance
manifeste telle que visée par l'art. 55 al. 1 let. d OJ. En renvoyant aux
allégués des parties formés dans le cadre de la procédure cantonale, desquels
il ressortirait soi-disant des déclarations concordantes en contradiction
avec les constatations cantonales remises en cause, le demandeur s'en prend
de manière caractéristique à l'appréciation des preuves à laquelle ont
procédé les juges cantonaux.

2.4 Il apparaît ainsi que le grief tiré d'une violation de l'art. 8 CC est
infondé, dans la mesure où le demandeur ne méconnaît pas la portée de cette
disposition.
Enfin, on ne peut déduire du mémoire du recours aucun autre grief recevable
au sens de l'art. 43 OJ.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

3.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
du demandeur, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Ceux-ci sont
fixés conformément à la valeur litigieuse (art. 153a OJ), sur la base des
tarifs en vigueur pour les contestations de nature pécuniaires.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du demandeur.

3.
Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 6'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice genevoise.

Lausanne, le 17 mars 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: