Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.438/2004
Zurück zum Index I. Zivilabteilung 2004
Retour à l'indice I. Zivilabteilung 2004


4C.438/2004 /ech

Arrêt du 5 août 2005
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Nyffeler, Favre, Kiss et Geiser, Juge
suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

Swissport Suisse SA, route de l'Aéroport 21,
1218 Le Grand-Saconnex,
défenderesse et recourante, représentée par Me Serge Fasel, avocat, rue du
31-Décembre 47, 1207 Genève,

contre

M.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me Jean-Bernard Waeber.

contrat de travail,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 21 septembre 2004.

Faits:

A.
A.a En 1998, Swissair, Société Anonyme Suisse pour la Navigation Aérienne
(ci-après: Swissair), a changé de raison sociale pour devenir SAirGroup. Dès
le début des années 1990, Swissair, puis SAirGroup ont progressivement
recentré leurs activités sur la plate-forme de Zurich et diminué le nombre de
leurs vols intercontinentaux. Elles ont, par ailleurs, cédé divers services à
des filiales. C'est ainsi que le service au sol et aux passagers de
l'aéroport de Genève a été repris, au 1er janvier 1997, par la filiale
Swissair Ground Services Geneva SA, inscrite au Registre du commerce de
Genève le 16 août 1996, dont le but consiste dans la fourniture des
prestations de services dans le domaine de la préparation au sol, de
l'embarquement et du débarquement des passagers, du fret et des bagages. La
raison sociale de cette filiale a été transformée en Swissport Genève SA
(ci-après: Swissport), le 11 février 1997. En 2002, Swissport a été rachetée
par le groupe anglais Candover.

A.b Pour pallier les conséquences des licenciements devenus indispensables,
Swissair, puis SAirGroup ont élaboré, dès 1993, avec les syndicats des
travailleurs concernés, plusieurs plans sociaux successifs, valables pour
l'ensemble du groupe. L'un de ceux-ci, adopté en 1995, prévoit, entre autres
mesures, des retraites anticipées et un statut de préretraité.

Swissport a, par ailleurs, adopté un plan social, en date du 2 avril 1998,
sous la forme d'un contrat signé par deux personnes ayant le pouvoir de
l'engager et deux membres du comité d'entreprise. La clause de ce plan
relative aux prestations de préretraite est identique, à une réserve près, à
celle du plan social de Swissair, version 1995.

A.c M.________ a travaillé à plein temps pour le compte de Swissair, depuis
le 20 mars 1970, dans le service au sol aux avions et aux passagers. Son
dernier salaire mensuel brut était de 7'088 fr.

Dès la reprise des services au sol et aux passagers de Swissair par sa
filiale Swissair Ground Services Geneva SA, le 1er janvier 1997, M.________ a
travaillé pour celle-ci. Elle a cependant continué à recevoir des fiches de
salaire portant l'en-tête de Swissair. Ladite société tenait, en effet, une
comptabilité générale dans laquelle chaque filiale était identifiée par un
chiffre. C'était donc elle qui payait les salaires de tous les employés du
groupe.
Par lettre du 31 août 1998, Swissport a confirmé à M.________ que,
conformément à leur récent entretien, elle serait mise à la retraite
anticipée le 31 décembre 1998. Ce courrier fixait en détail les prestations
qui seraient versées à l'intéressée depuis cette dernière date.

M.________ a pris sa retraite à la date prévue. Les prestations promises lui
ont été régulièrement versées du 1er janvier 1999 jusqu'à fin septembre 2001.
Le montant versé a été imputé des primes d'assurance-maladie. La préretraitée
a également touché la mensualité d'octobre 2001, moyennant cession de ses
droits en faveur d'établissements bancaires. Les décomptes relatifs à ces
paiements ont été établis à l'en-tête de Swissport. Ont aussi été
régulièrement versées à la Caisse générale de prévoyance de SAirGroup
(ci-après: CGP) les cotisations employeur/employé pour toute la durée courant
jusqu'à l'âge de la retraite normale de M.________ (62 ans), ceci au moyen
d'un fonds patronal indépendant mis sur pied par Swissair.

A.d Le 1er novembre 2001, SAirGroup a adressé à tous les préretraités du
groupe, M.________ incluse, une lettre circulaire les informant qu'en raison
du sursis concordataire dont elle bénéficiait, elle n'était définitivement
plus en mesure d'effectuer le paiement des prestations prévues dans le plan
social, soit le versement des salaires de retraite anticipée. Aussi
renvoyait-elle les bénéficiaires de ces prestations à faire valoir leurs
droits dans le cadre de la procédure de concordat ou de faillite. Dans une
nouvelle lettre circulaire, elle leur a rappelé la nécessité de produire
leurs créances en temps opportun en mains du commissaire au sursis. Celui-ci
a bloqué les fonds destinés par SAirGroup au financement des plans sociaux.

Le concordat par abandon d'actifs de SAirGroup a finalement été homologué le
20 juin 2003.

A.e En novembre et décembre 2001, la CGP a informé M.________ qu'elle allait
lui verser sa retraite de manière anticipée, en l'invitant à choisir entre le
versement d'une rente et celui d'un capital. Elle estimait, en effet, que ses
statuts "et certains arrêts du Tribunal fédéral" l'obligeaient, en raison de
la procédure de sursis concordataire touchant SAirGroup, à servir leur
retraite de manière anticipée aux collaborateurs qui ne percevaient plus les
prestations de préretraite. Cette retraite a été calculée sur la base d'une
durée complète de cotisations, mais sans tenir compte des intérêts devant
courir entre la fin 2001 et la date de la retraite réglementaire normale. Les
montants versés faisaient ainsi l'objet d'un abattement par rapport aux
montants de la retraite normale.

M.________ a opté pour un capital de 20'000 fr. et une rente. Elle a perçu, à
ce dernier titre, 3'036 fr. mensuellement dès le mois de décembre 2001.

A fin octobre 2002, le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) a versé à
M.________ une prestation d'incitation de 56'880 fr. dans le cadre des
mesures d'aide fédérales destinées aux préretraités de SAirGroup. M.________
a cédé sa créance à la Confédération à due concurrence.

A.f M.________ a réclamé à Swissport l'ensemble des montants mentionnés dans
le courrier du 31 août 1998 et demeurés impayés. Elle a également produit sa
créance en mains du commissaire au sursis de SAirGroup. Il résulte de
différents messages électroniques échangés entre la direction de Swissport et
le commissaire au sursis que ce dernier considérait ladite société comme
étant la seule débitrice des montants dus au titre de la préretraite.

B.
Par demande du 18 juin 2002, M.________ a assigné Swissport devant la
juridiction prud'homale genevoise en vue d'obtenir le paiement de 15'404 fr.
80, avec intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2002, et de 249'276 fr. avec
intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2002. La demanderesse fondait ses
prétentions sur l'inexécution des engagements résultant du courrier du 31
août 1998.

La défenderesse a conclu au rejet intégral de la demande. Elle contestait sa
légitimation passive en faisant valoir que SAirGroup était la seule débitrice
des prestations prévues dans le plan social. Au demeurant, selon elle, plus
aucun versement n'était dû à la demanderesse, étant donné que celle-ci
percevait les prestations de la CGP.

Par jugement du 18 octobre 2002, le Tribunal des prud'hommes du canton de
Genève a condamné la défenderesse à verser à la demanderesse la somme brute
de 57'554 fr. 60 plus intérêts.

Statuant par arrêt du 21 septembre 2004, sur appel principal de la
défenderesse et appel incident de la demanderesse, la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes a condamné la défenderesse à verser à la
demanderesse la somme nette de 154'245 fr. 60, avec intérêts à 5% dès la date
moyenne du 1er avril 2003, à titre de mensualités échues au 31 août 2004,
sous imputation du montant de 56'880 fr., valeur au 31 octobre 2002, que la
demanderesse avait perçu du Seco. Elle a, en outre, constaté que la
défenderesse était débitrice de la demanderesse des prestations non encore
échues au 31 août 2004, telles qu'elles ressortaient du courrier du 31 août
1998, à savoir de la somme de 1'990 fr. net du 1er septembre 2004 au 31
juillet 2007, ceci 12 fois l'an.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté, dans la mesure
où il était recevable, par arrêt séparé de ce jour, la défenderesse a déposé
un recours en réforme pour violation des art. 8 CC, 18 CO et 333 CO. Elle y
invite le Tribunal fédéral à constater qu'elle ne possède pas la légitimation
passive dans le présent procès et, partant, à débouter la demanderesse de
toutes ses conclusions. A titre subsidiaire, la défenderesse requiert le
renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle administre des preuves
sur la question du montant que la demanderesse touchera dans le cadre du
concordat de SAirGroup.

La demanderesse propose le rejet du recours.

Par lettre du 14 juillet 2005, le conseil de la recourante a informé le
Tribunal fédéral que la raison sociale de sa mandante avait été transformée
en Swissport Suisse SA après le dépôt du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Il ressort de la publication qui en a été faite dans la Feuille officielle
suisse du commerce (FOSC) n° 124 du 29 juin 2005 que la raison sociale
Swissport Genève SA a été radiée, le 23 juin 2005, du fait que les actifs et
passifs de cette société ont été repris par la société Swissport Zürich AG,
qui a modifié sa raison sociale en Swissport Suisse SA à cette occasion.
Conformément à la jurisprudence et à la doctrine, cette dernière société a
ainsi succédé de plein droit, dans la procédure fédérale, à la société radiée
(ATF 106 II 346 consid. 1; arrêt 4C.212/1998 du 16 février 1999, consid. 1a;
Jean-François Poudret, COJ, n. 2 ad art. 40 p. 343 in limine). Swissport
Suisse SA sera, dès lors, considérée comme partie recourante dans la présente
cause.

2.
Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé pour l'essentiel dans ses
conclusions libératoires et dirigé contre une décision finale rendue en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000
fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme soumis à l'examen du Tribunal fédéral
est recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et
dans les formes requises (art. 55 OJ).

3.
Dans un premier moyen, la défenderesse reproche aux juges précédents d'avoir
violé l'art. 8 CC en n'administrant aucune preuve sur la question de savoir
quel montant la demanderesse percevra dans la procédure concordataire
concernant SAirGroup. A son avis, les constatations de l'autorité cantonale
devraient être complétées sur ce point (art. 64 al. 1 OJ).

3.1
3.1.1L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions
fondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des
parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 127 III
519 consid. 2a p. 522; 126 III 189 consid. 2b, 315 consid. 4a). On en déduit
également un droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 126 III 315 consid.
4a), à la condition qu'il s'agisse d'établir un fait pertinent (ATF 126 III
315 consid. 4a; 123 III 35 consid. 2b p. 40), qui n'est pas déjà prouvé (ATF
127 III 519 consid. 2a p. 522; 126 III 315 consid. 4a), par une mesure
probatoire adéquate (cf. ATF 90 II 224 consid. 4b) qui a été régulièrement
offerte selon les règles de la loi de procédure applicable (ATF 126 III 315
consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c p. 223).

En revanche, l'art. 8 CC ne dicte pas au juge la manière dont il doit forger
sa conviction. Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge
qu'un fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, la question de la
répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus et le grief tiré de la
violation de l'art. 8 CC devient sans objet. Il s'agit alors d'une question
de pure appréciation des preuves; celle-ci ne peut être soumise au Tribunal
fédéral que par la voie d'un recours de droit public pour arbitraire (ATF 127
III 519 consid. 2a; 122 III 219 consid. 3c).

3.1.2 En l'occurrence, la défenderesse entendait prouver une allégation
relative non pas à un fait qui s'était déjà produit, mais à une circonstance
à venir. Or, il va sans dire qu'un fait futur ne peut logiquement pas faire
l'objet d'une preuve. Le grief formulé sur ce point par la défenderesse
tombe, dès lors, à faux. Pour le même motif, celle-ci reproche en vain à la
Cour d'appel d'avoir procédé à des constatations de fait incomplètes, au sens
de l'art. 64 OJ, en ne se prononçant pas sur la question de savoir quel sera
le montant que la demanderesse touchera dans le cadre du concordat de
SAirGroup.

Le grief en question repose d'ailleurs sur le présupposé selon lequel une
obligation solidaire s'éteint dans la mesure où l'un des débiteurs
désintéresse le créancier (cf. art. 147 al. 1 CO). Cependant, en vertu de
l'art. 144 al. 2 CO, les débiteurs demeurent tous obligés jusqu'à
l'extinction totale de la dette. Si l'un d'entre eux est recherché par le
créancier, les autres ne seront donc libérés que lorsque la créance aura été
éteinte en totalité (ATF 114 II 342 consid. 2b p. 344; Isabelle Romy,
Commentaire romand, n. 7 ad art. 144 CO; Anton K. Schnyder, Commentaire
bâlois, 3e éd., n. 5 ad art. 144 CO). Leur libération n'interviendra pas déjà
du seul fait qu'un autre débiteur aura été condamné à payer la dette
solidaire (ATF 79 II 382 consid. 2) ou qu'il aura été actionné à cette fin
(Andreas von Tuhr/Arnold Escher, Allgemeiner Teil des Schweizerischen
Obligationenrecht, vol. II, p. 305). L'ouverture d'une faillite ou d'une
procédure concordataire à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires
n'exerce aucune influence sur la faculté que l'art. 144 al. 1 CO accorde au
créancier d'exiger, à son choix, de tous les débiteurs solidaires ou de l'un
d'eux l'exécution intégrale ou partielle de l'obligation (ATF 113 III 128
consid. 3b p. 131). Cette faculté n'est pas limitée par le principe voulant
qu'un droit doive être exercé avec ménagement. C'est le débiteur solidaire
qui supporte les inconvénients liés à la solidarité. Il doit s'accommoder du
fait que le créancier choisisse de l'actionner, en lieu et place des autres
débiteurs, et que lui-même ne puisse pas récupérer auprès de ceux-ci, le cas
échéant, ce qu'il a payé au-delà de sa part.

Au regard de ces principes, rien n'interdisait à la demanderesse de s'en
prendre exclusivement à la défenderesse pour l'exécution intégrale de
l'obligation litigieuse. Qu'elle eût l'espoir d'être désintéressée un jour
par la débitrice en liquidation concordataire ne l'empêchait nullement
d'ouvrir action contre une autre partie qu'elle considérait comme débitrice
solidaire de la même obligation, ni de réclamer à cette partie la totalité du
montant impayé. La somme que la demanderesse touchera dans la procédure
concordataire pendante relative à SAirGroup ne constitue donc pas un fait
pertinent pour la solution du présent litige. Aussi la cour cantonale
n'a-t-elle pas violé le droit à la preuve de la défenderesse en
n'administrant pas de preuve au sujet d'un tel fait, lequel ne pouvait de
toute façon pas être établi en l'état, comme on l'a déjà souligné.

4.
La défenderesse soutient, par ailleurs, que les juges d'appel ont violé
l'art. 18 CO en interprétant son courrier du 31 août 1998 en ce sens qu'elle
y aurait pris des engagements propres envers la demanderesse.

4.1 En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit
tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des
parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles
ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de
la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 128 III 419 consid. 2.2 p. 422; 127 III
444 consid. 1b). Déterminer ce qu'un cocontractant savait et voulait au
moment de conclure relève des constatations de fait qui lient le Tribunal
fédéral (ATF 128 III 419 consid. 2.2 p. 422; 118 II 58 consid. 3a). Si la
cour cantonale parvient à se convaincre d'une commune et réelle intention des
parties, il s'agit d'une constatation de fait qui, sous réserve des
exceptions prévues aux art. 63 al. 2 et 64 OJ, ne peut être remise en cause
dans un recours en réforme (ATF 128 III 419 consid. 2.2 p. 422; 126 III 25
consid. 3c, 375 consid. 2e/aa). La recherche de la volonté réelle des parties
est qualifiée d'interprétation subjective (ATF 125 III 305 consid. 2b p.
308). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si les
volontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations et les
comportements selon la théorie de la confiance, en recherchant comment une
déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de
l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective; ATF 128 III 419
consid. 2.2 p. 422; 127 III 444 consid. 1b; 126 III 59 consid. 5b p. 68, 375
consid. 2e/aa p. 380; 125 III 305 consid. 2b p. 308). L'application du
principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral,
saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF 128 III 419
consid. 2.2 p. 422; 127 III 248 consid.3a; 126 III 25 consid. 3c, 59 consid.
5a, 375 consid. 2e/aa). Relève aussi du droit le principe selon lequel
l'interprétation subjective a la priorité sur l'interprétation objective; dès
lors, la violation de ce principe peut être sanctionnée par la juridiction
fédérale de réforme (ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308; 121 III 118 consid.
4b/aa).

4.2 On ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait méconnu ces principes.
Sans doute n'est-il pas certain, sur le vu des motifs énoncés dans l'arrêt
attaqué, qu'elle soit parvenue à dégager la volonté réelle des parties. Cela
n'est toutefois pas décisif. En effet, dans la mesure où les juges d'appel
ont admis que le texte de la lettre de la défenderesse du 31 août 1998 était
clair, ils ont aussi considéré, par là même, que la demanderesse pouvait
comprendre de bonne foi ce courrier dans son sens littéral.

La lettre, par laquelle la demanderesse a été informée de sa mise à la
retraite anticipée et des prestations auxquelles ce nouveau statut lui
donnerait droit, a été écrite au nom de la défenderesse et sur papier portant
l'en-tête de celle-ci. Il y est indiqué à plusieurs reprises que ces
prestations seront versées par la défenderesse. Ce courrier comporte
également un renvoi, sous la rubrique "Annexes", à un document intitulé "Plan
social Swissport Genève SA 1998". Aussi n'apparaît-il pas que la
demanderesse, au moment où elle avait accepté la modification contractuelle
résultant de ce courrier, ait dû déduire du texte de cet écrit et des
circonstances que ce n'était pas la défenderesse, mais SAirGroup, qui
entendait s'y obliger envers elle.

Peu importe, à cet égard, de savoir qui a mis à disposition les fonds
nécessaires au versement des prestations promises et qui a procédé aux
paiements courants. Il n'y a, en effet, rien d'extraordinaire, dans un groupe
de sociétés, à ce que les paiements soient opérés par une autre société que
celle qui a contracté une dette déterminée. Connaître l'identité de la
société qui assume le risque économique n'est pas davantage décisif. Que les
différentes sociétés faisant partie du même groupe aient une personnalité
juridique propre implique qu'une société qui a souscrit un engagement
contractuel réponde de l'exécution de cet engagement envers le créancier
quand bien même, d'après l'organisation interne du groupe, une autre société
membre de celui-ci devrait supporter le risque économique correspondant. Il
en va également ainsi lorsqu'une autre société appartenant au même groupe
s'engage aux côtés de la première à l'égard du créancier. Il est, dès lors,
sans aucune importance, en l'espèce, que la demanderesse ait aussi fait
valoir ses prétentions contre la société-mère. L'éventuelle coresponsabilité
de cette dernière à son endroit ne saurait, en effet, libérer la défenderesse
de sa propre dette aussi longtemps que l'obligation n'a pas encore été
exécutée intégralement.

La défenderesse tente en vain de tirer argument de ce que les prestations
prévues dans son plan social correspondent à celles figurant dans le plan
social de la société-mère pour en déduire que c'est cette dernière, et non la
société-fille recherchée, qui serait seule responsable de leur versement. En
effet, outre que ces prestations étaient conformes au plan social mis sur
pied par la défenderesse, auquel celle-ci se référait expressément dans sa
lettre à la demanderesse, il n'est pas interdit à un employeur de promettre à
ses travailleurs les prestations qui ont été convenues dans un plan social
établi par une autre société.

Qu'à l'époque, la demanderesse ait pu faire davantage confiance à la
société-mère qu'à la défenderesse n'est pas non plus déterminant. En
l'espèce, seul est décisif le point de savoir si la défenderesse est le sujet
passif des créances litigieuses. L'éventuelle coresponsabilité de la
société-mère est une question exorbitante du procès pendant. Et le simple
fait que, dans l'esprit de la demanderesse, une coresponsabilité de la
société-mère était peut-être souhaitable à l'époque ne permet pas d'en
conclure que les parties ont voulu exclure toute responsabilité de la
société-fille.

5.
Comme la défenderesse s'est engagée personnellement envers la demanderesse à
lui verser les prestations en cause, la question de l'applicabilité de l'art.
333 CO ne se pose pas en l'espèce. Aussi la défenderesse lui consacre-t-elle
en vain de longs développements dans son mémoire de recours. De fait, le
contrat relatif à la retraite anticipée n'a été conclu ici, par la reprenante
et la demanderesse, qu'une fois opéré le transfert de l'entreprise.

6.
6.1 Sur le plan quantitatif, enfin, la défenderesse soutient que les
juridictions cantonales ont admis, à tort, que les rentes versées par
l'institution de prévoyance ne pouvaient pas être imputées sur les montants
dus par elle et qu'elles n'ont pas fixé correctement le montant de la
prestation transitoire dénommée "Pont AVS".

La défenderesse considère, à juste titre, que pour savoir comment la rente
transitoire doit être calculée et quelles prestations doivent être imputées,
il y a lieu d'interpréter les manifestations de volonté correspondantes. Il
va de soi, à cet égard, que la volonté exprimée par l'employeur dans sa
lettre du 31 août 1998, où il précisait les engagements souscrits par lui
envers la demanderesse du chef de la mise en préretraite de cette dernière,
doit être interprétée à la lumière du plan social qui a servi de base au
calcul des prétentions de la demanderesse. Le but poursuivi par l'employeur,
au moyen des prestations versées à la travailleuse durant le laps de temps
restant à courir jusqu'au moment où celle-ci prendrait sa retraite ordinaire,
était de placer l'intéressée dans la situation qui eût été la sienne si elle
avait été mise d'emblée au bénéfice du statut de retraité ordinaire. Il
fallait aussi éviter que la demanderesse subisse une perte sur le capital qui
lui serait versé après qu'elle aurait atteint l'âge de la retraite ordinaire.

6.2 Eu égard au but des versements effectués à titre transitoire par
l'employeur, il n'est pas douteux que tant les prestations du premier que du
deuxième piliers devaient faire l'objet d'une imputation, pour autant
qu'elles visassent à garantir le même revenu pour la même période. Dans cette
mesure, la défenderesse soutient avec raison qu'il doit en aller de même en
ce qui concerne les versements de la caisse de prévoyance. Mais cela signifie
aussi, inversement, que lorsque le travailleur perçoit par anticipation des
prestations de vieillesse de la caisse de prévoyance, il n'y a pas matière à
imputation si, du fait de ce versement anticipé, les prestations de ladite
caisse s'en trouvent réduites. Dans ce cas, en effet, les prestations versées
ne le sont pas en plus, mais aux dépens des prétentions futures du
travailleur. Comme la Cour d'appel le constate dans son arrêt, sans être
contredite par la défenderesse, les montants versés ont fait l'objet d'un
abattement par rapport aux montants de la retraite normale. La demanderesse
ne s'est ainsi pas enrichie, de sorte que la cour cantonale a refusé à bon
droit de procéder à l'imputation requise.

6.3 Quant à l'argument de la défenderesse selon lequel la demanderesse, à
partir du moment où elle percevrait la rente versée par la CGP au titre de la
retraite anticipée, n'aurait plus droit, jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge de
la retraite ordinaire, qu'à un montant maximum de 1'990 fr. par mois, il ne
fait que répéter l'argument relatif à l'imputation des prestations de la
caisse de prévoyance, qui a déjà été réfuté. Celles-ci ne doivent être
imputées que si et dans la mesure où elles constituent des prestations
supplémentaires. En revanche, comme on l'a déjà souligné, l'imputation ne se
justifie pas lorsque, en raison du versement anticipé des prestations de
vieillesse, les prestations futures s'en trouvent réduites. Au demeurant,
contrairement à ce que soutient la défenderesse, il ne ressort pas de la
convention liant les parties que seule la prestation transitoire 2 ("Pont
AVS") est versée dès qu'une quelconque prestation est effectuée par la caisse
de prévoyance. Le passage pertinent de la lettre du 31 août 1998 est ainsi
libellé: "Durant la période du 1er juillet 2004 (début de la retraite
anticipée CGP/AC) jusqu'au 31 juillet 2005, Swissport vous versera
mensuellement un montant de fr. 1'990.--". Du passage cité, on ne peut rien
déduire d'autre que la fixation de la date à partir de laquelle ce montant
devait être versé et l'indication du motif, énoncé entre parenthèses, pour
lequel cette date a été retenue.

7.
La Cour d'appel s'est toutefois écartée du texte de l'accord en prolongeant
jusqu'au 31 juillet 2007 l'obligation de payer incombant à la défenderesse.
La raison en est à rechercher dans l'augmentation, par le législateur, de
l'âge de la retraite AVS des femmes de 62 à 64 ans. Que le risque lié à une
telle modification légale doive être assumé effectivement par la défenderesse
et non par la demanderesse, selon la volonté des parties, apparaît
discutable.

Cependant, la défenderesse n'a pas soulevé cette question devant les
juridictions cantonales et elle ne le fait pas non plus dans son mémoire de
recours. Or, il n'incombe pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office
l'interprétation du contrat sur ce point. Aussi n'y a-t-il pas lieu d'e
traiter plus avant cette question.

8.
Les considérations qui précèdent conduisent au rejet du recours. En
application de l'art. 156 al. 1 OJ, la recourante, qui succombe, devra
supporter les frais de la procédure fédérale, laquelle n'est pas gratuite
(art. 343 al. 3 CO a contrario) puisqu'elle a trait à un différend résultant
du contrat de travail dont la valeur litigieuse dépasse le plafond de 30'000
fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO. Quant à l'intimée, elle a droit à des dépens
en vertu de l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 5 août 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: