Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.432/2004
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4C.432/2004 /ech

Arrêt du 5 août 2005
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Nyffeler, Favre, Kiss et Geiser, Juge
suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

SR Technics Switzerland,  défenderesse et recourante, représentée par Me
Serge Fasel,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Bernard Waeber.

contrat de travail,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 21 septembre 2004.

Faits:

A.
A.a En 1998, Swissair, Société Anonyme Suisse pour la Navigation Aérienne
(ci-après: Swissair), a changé de raison sociale pour devenir SAirGroup. Dès
le début des années 1990, Swissair, puis SAirGroup ont progressivement
recentré leurs activités sur la plate-forme de Zurich et diminué le nombre de
leurs vols intercontinentaux. Elles ont, par ailleurs, cédé divers services à
des filiales. C'est ainsi que le service technique a été repris, au 1er
janvier 1997, par la filiale Swissair Technical Services SA, inscrite au
Registre du commerce de Zurich le 16 août 1996, dont le but consiste dans la
fourniture de prestations en relation avec le maintien, l'entretien et les
réparations des avions. La raison sociale de cette filiale a été transformée
en SR Technics SA, le 16 janvier 1997, puis en SR Technics Switzerland
(ci-après: SR Technics), le 27 octobre 2000.

A.b Pour pallier les conséquences des licenciements devenus indispensables,
Swissair, puis SAirGroup ont élaboré, avec les syndicats des travailleurs
concernés, plusieurs plans sociaux successifs, valables pour l'ensemble du
groupe. L'un de ceux-ci, adopté en 1995, prévoit, entre autres mesures, des
retraites anticipées et un statut de préretraité.

A.c A.________ a travaillé à plein temps pour le compte de Swissair, depuis
le 1er juin 1963, comme employé du service technique et spécialiste de
l'entretien des avions. Son dernier salaire mensuel brut était de 5'680 fr.
90.

Par lettre du 24 septembre 1996, à l'en-tête de Swissair Technical Services
SA, A.________ a été informé que, conformément à divers entretiens, il serait
mis à la retraite anticipée le 1er octobre 1997. Ce courrier fixait en détail
les prestations qui seraient versées à l'intéressé depuis cette dernière
date.

Dès la reprise des services techniques de Swissair par sa filiale Swissair
Technical Services SA, le 1er janvier 1997, A.________ a travaillé pour
celle-ci. Il a cependant continué à recevoir des fiches de salaire portant
l'en-tête de Swissair. Ladite société tenait, en effet, une comptabilité
générale dans laquelle chaque filiale était identifiée par un chiffre.
C'était donc elle qui payait les salaires de tous les employés du groupe. La
filiale précitée l'avait d'ailleurs chargée, par mandat écrit, de tenir sa
comptabilité.

A. ________ a cessé de travailler le 30 septembre 1997. Les prestations
promises lui ont été régulièrement versées du 1er octobre 1997 jusqu'en
septembre 2001. Il a également touché les mensualités d'octobre et de
novembre 2001, moyennant cession de ses droits en faveur d'établissements
bancaires. Les décomptes accompagnant ces versements étaient libellés au nom
de SR Technics. En revanche, les certificats de salaire établis à fin 1997 et
fin 1998 à l'intention du fisc l'ont été par le "bureau des salaires" de
SAirGroup.

A.d Le 1er novembre 2001, SAirGroup a adressé à tous les préretraités du
groupe, A.________ inclus, une lettre circulaire les informant qu'en raison
du sursis concordataire dont elle bénéficiait, elle n'était définitivement
plus en mesure d'effectuer le paiement des prestations prévues dans le plan
social, soit le versement des salaires de retraite anticipée. Aussi
renvoyait-elle les bénéficiaires de ces prestations à faire valoir leurs
droits dans le cadre de la procédure de concordat ou de faillite. Dans une
nouvelle lettre circulaire, elle leur a rappelé la nécessité de produire
leurs créances en temps opportun en mains du commissaire au sursis. Celui-ci
a bloqué les fonds destinés par SAirGroup au financement des plans sociaux.

Le concordat par abandon d'actifs de SAirGroup a finalement été homologué le
20 juin 2003.

A.e En novembre 2001, la Caisse générale de prévoyance de SAirGroup
(ci-après: CGP) a informé A.________ qu'elle allait lui verser sa retraite de
manière anticipée, au 30 novembre 2001, en l'invitant à choisir entre le
versement d'une rente et celui d'un capital. Elle estimait, en effet, que ses
statuts "et certains arrêts du Tribunal fédéral" l'obligeaient, en raison de
la procédure de sursis concordataire touchant SAirGroup, à servir leur
retraite de manière anticipée aux collaborateurs qui ne percevaient plus les
prestations de préretraite. Cette retraite a été calculée sur la base d'une
durée complète de cotisations, mais sans tenir compte des intérêts devant
courir entre la fin 2001 et la date de la retraite réglementaire normale. Les
montants versés faisaient ainsi l'objet d'un abattement par rapport aux
montants de la retraite normale.

A. ________ a opté pour le capital-retraite. La CGP lui a confirmé ce choix,
par lettre du 10 décembre 2001, et elle lui a versé la somme de 348'859 fr.
15.

A.f A.________ a réclamé à SR Technics l'ensemble des montants demeurés
impayés. Le 24 janvier 2002, il a produit une créance de 70'673 fr. en mains
du commissaire au sursis de SAirGroup. Il résulte de différents messages
électroniques échangés entre la direction de SR Technics et le commissaire au
sursis que ce dernier considérait ladite société comme étant la seule
débitrice des montants dus au titre de la préretraite, à l'exclusion de
SAirGroup.

B.
Par demande du 4 décembre 2001, A.________ a assigné SR Technics devant la
juridiction prud'homale genevoise en vue d'obtenir le paiement de 72'661 fr.
30, intérêts en sus. En cours de procédure, il a réduit ce montant à 70'773
fr. tout en amplifiant sa demande de 20'000 fr., somme représentant la
contre-valeur de facilités de transport. Le demandeur fondait ses prétentions
sur l'inexécution du plan social par SR Technics.

La défenderesse a conclu au rejet intégral de la demande. Elle niait avoir
été l'employeur du demandeur, ce dernier lui ayant été "loué" par Swissair.
Elle contestait, en outre, sa légitimation passive en faisant valoir que
SAirGroup était la seule débitrice des prestations prévues dans le plan
social. Au demeurant, selon elle, plus aucun versement n'était dû au
demandeur, étant donné que celui-ci avait touché le capital-retraite de la
CGP en décembre 2001.

Par jugement du 2 août 2002, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève
a condamné la défenderesse à verser au demandeur la somme brute de 16'037 fr.
10 plus intérêts.

Statuant par arrêt du 21 septembre 2004, sur appel principal de la
défenderesse et appel incident du demandeur, la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes a condamné la première à verser au second la
somme nette de 45'798 fr., avec intérêts à 5% dès la date moyenne du 15 avril
2003, à titre de mensualités échues au 31 août 2004. Elle a, en outre,
constaté que la défenderesse était débitrice du demandeur des prestations non
encore échues à cette date, telles qu'elles ressortaient du courrier du 24
septembre 1996, à savoir de la somme de 995 fr. net par mois, du 1er
septembre 2004 au 30 septembre 2006. La défenderesse a encore été condamnée à
mettre le demandeur au bénéfice des mêmes facilités de transport que celles
auxquelles peuvent prétendre ses retraités.

C.
Parallèlement à un recours de droit public, qui a été rejeté, dans la mesure
où il était recevable, par arrêt séparé de ce jour, la défenderesse a déposé
un recours en réforme pour violation des art. 8 CC, 18 CO et 333 CO. Elle y
invite le Tribunal fédéral à constater qu'elle ne possède pas la légitimation
passive dans le présent procès et, partant, à débouter le demandeur de toutes
ses conclusions. A titre subsidiaire, la défenderesse requiert le renvoi de
la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral.

Le demandeur conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé pour l'essentiel dans ses
conclusions libératoires et dirigé contre une décision finale rendue en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000
fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme soumis à l'examen du Tribunal fédéral
est recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et
dans les formes requises (art. 55 OJ).

2.
Dans un premier moyen, la défenderesse reproche aux juges précédents d'avoir
violé l'art. 8 CC, d'une part, en n'administrant aucune preuve sur la
question de savoir quel montant le demandeur percevra dans la procédure
concordataire concernant SAirGroup et, d'autre part, en retenant que des
rapports de travail avaient été noués entre les parties. A son avis, les
constatations de l'autorité cantonale devraient être complétées sur le
premier point (art. 64 al. 1 OJ).

2.1 L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions
fondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des
parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 127 III
519 consid. 2a p. 522; 126 III 189 consid. 2b, 315 consid. 4a). On en déduit
également un droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 126 III 315 consid.
4a), à la condition qu'il s'agisse d'établir un fait pertinent (ATF 126 III
315 consid. 4a; 123 III 35 consid. 2b p. 40), qui n'est pas déjà prouvé (ATF
127 III 519 consid. 2a p. 522; 126 III 315 consid. 4a), par une mesure
probatoire adéquate (cf. ATF 90 II 224 consid. 4b) qui a été régulièrement
offerte selon les règles de la loi de procédure applicable (ATF 126 III 315
consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c p. 223).

En revanche, l'art. 8 CC ne dicte pas au juge la manière dont il doit forger
sa conviction. Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge
qu'un fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, la question de la
répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus et le grief tiré de la
violation de l'art. 8 CC devient sans objet. Il s'agit alors d'une question
de pure appréciation des preuves; celle-ci ne peut être soumise au Tribunal
fédéral que par la voie d'un recours de droit public pour arbitraire (ATF 127
III 519 consid. 2a; 122 III 219 consid. 3c).

2.2
2.2.1S'agissant de la première branche du moyen considéré, force est
d'observer que la défenderesse entendait prouver une allégation relative non
pas à un fait qui s'était déjà produit, mais à une circonstance à venir. Or,
il va sans dire qu'un fait futur ne peut logiquement pas faire l'objet d'une
preuve. Le grief formulé sur ce point par la défenderesse tombe, dès lors, à
faux. Pour le même motif, celle-ci reproche en vain à la Cour d'appel d'avoir
procédé à des constatations de fait incomplètes, au sens de l'art. 64 OJ, en
ne se prononçant pas sur la question de savoir quel sera le montant que le
demandeur touchera dans le cadre du concordat de SAirGroup.

Le grief en question repose d'ailleurs sur le présupposé selon lequel une
obligation solidaire s'éteint dans la mesure où l'un des débiteurs
désintéresse le créancier (cf. art. 147 al. 1 CO). Cependant, en vertu de
l'art. 144 al. 2 CO, les débiteurs demeurent tous obligés jusqu'à
l'extinction totale de la dette. Si l'un d'entre eux est recherché par le
créancier, les autres ne seront donc libérés que lorsque la créance aura été
éteinte en totalité (ATF 114 II 342 consid. 2b p. 344; Isabelle Romy,
Commentaire romand, n. 7 ad art. 144 CO; Anton K. Schnyder, Commentaire
bâlois, 3e éd., n. 5 ad art. 144 CO). Leur libération n'interviendra pas déjà
du seul fait qu'un autre débiteur aura été condamné à payer la dette
solidaire (ATF 79 II 382 consid. 2) ou qu'il aura été actionné à cette fin
(Andreas von Tuhr/Arnold Escher, Allgemeiner Teil des Schweizerischen
Obligationenrecht, vol. II, p. 305). L'ouverture d'une faillite ou d'une
procédure concordataire à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires
n'exerce aucune influence sur la faculté que l'art. 144 al. 1 CO accorde au
créancier d'exiger, à son choix, de tous les débiteurs solidaires ou de l'un
d'eux l'exécution intégrale ou partielle de l'obligation (ATF 113 III 128
consid. 3b p. 131). Cette faculté n'est pas limitée par le principe voulant
qu'un droit doive être exercé avec ménagement. C'est le débiteur solidaire
qui supporte les inconvénients liés à la solidarité. Il doit s'accommoder du
fait que le créancier choisisse de l'actionner, en lieu et place des autres
débiteurs, et que lui-même ne puisse pas récupérer auprès de ceux-ci, le cas
échéant, ce qu'il a payé au-delà de sa part.

Au regard de ces principes, rien n'interdisait au demandeur de s'en prendre
exclusivement à la défenderesse pour l'exécution intégrale de l'obligation
litigieuse. Qu'il eût l'espoir d'être désintéressé un jour par la débitrice
en liquidation concordataire ne l'empêchait nullement d'ouvrir action contre
une autre partie qu'il considérait comme débitrice solidaire de la même
obligation, ni de réclamer à cette partie la totalité du montant impayé. La
somme que le demandeur touchera dans la procédure concordataire pendante
relative à SAirGroup ne constitue donc pas un fait pertinent pour la solution
du présent litige. Aussi la cour cantonale n'a-t-elle pas violé le droit à la
preuve de la défenderesse en n'administrant pas de preuve au sujet d'un tel
fait, lequel ne pouvait de toute façon pas être établi en l'état, comme on
l'a déjà souligné.

2.2.2 En tant qu'il se rapporte à l'existence d'un contrat de travail liant
les parties, le grief de violation de l'art. 8 CC, formulé par la
défenderesse, consiste avant tout dans la critique de la manière dont la cour
cantonale a apprécié les preuves et qualifié juridiquement les faits
constatés. Or, ni l'une ni l'autre de ces deux opérations ne tombe sous le
coup de la disposition citée. Pour le reste, il n'a pas échappé aux juges
précédents qu'il incombait au demandeur d'établir qu'il avait conclu un
contrat de travail avec la défenderesse s'il entendait faire valoir une
créance découlant d'un tel contrat. Quant aux parties, elles ont eu toutes
deux la possibilité de fournir des preuves à ce sujet. Les juridictions
cantonales n'ont toutefois pas apprécié ces preuves comme l'aurait souhaité
la défenderesse et elles n'ont pas tiré les mêmes conclusions que celle-ci en
appliquant le droit aux faits pertinents constatés par elles. Cela n'a rien à
voir avec l'art. 8 CC. Les arguments invoqués dans l'acte de recours pour
tenter de démontrer la prétendue violation de cette disposition imputée à la
Cour d'appel sont ainsi dénués de pertinence.

3.
La question qui constitue le noeud du litige est de savoir si la défenderesse
répond à l'égard du demandeur des créances découlant du plan social élaboré
par Swissair. Pour la trancher, en fonction des griefs articulés dans le
recours en réforme, il conviendra d'examiner, en premier lieu, si l'art. 333
CO s'applique en l'espèce, en particulier s'il n'y a pas été dérogé
valablement (consid. 4) et si l'existence d'un éventuel contrat de location
de services au sein du groupe y ferait obstacle (consid. 5). A supposer que
cette disposition soit applicable in casu, il faudra ensuite rechercher si la
responsabilité solidaire qu'elle institue vaut aussi pour les créances issues
d'un plan social (consid. 6). Dans l'affirmative, il s'agira enfin de
vérifier si la Cour d'appel a violé le droit fédéral lors du calcul des
prestations auxquelles le demandeur peut prétendre sur la base du plan social
en cause (consid. 7).

4.
4.1 L'art. 49 al. 1 de la loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la
scission, la transformation et le transfert de patrimoine (LFus; RS 221.301)
soumet le transfert des rapports de travail à l'art. 333 CO en cas de
scission de sociétés. Ladite loi, entrée en vigueur le 1er juillet 2004,
n'est cependant pas applicable, ratione temporis, à la présente contestation
(cf. art. 110 LFus). Toutefois, elle ne modifie pas la situation antérieure
en ce qui concerne le sort des rapports de travail lorsque la scission d'une
société donne lieu à un transfert d'entreprise. Que l'art. 333 CO soit
applicable dans un tel cas n'est, de fait, pas contestable. Cela ressort
également de l'art. 1er § 1 let. a de la Directive 2001/23 du Conseil de
l'Union européenne, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des
législations des Etats membres relatives au maintien des droits des
travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de
parties d'entreprises ou d'établissements (ci-après: la Directive; cf. le
Journal officiel des Communautés européennes [Jo], n° L 82 du 22 mars 2001,
p. 16 à 20; la Directive est aussi publiée par Marc Amstutz/Pascal
Pichonnaz/Thomas Probst/Franz Werro, in Droit européen, Directives choisies,
Berne 2005, p. 240 ss). En effet, selon le texte même de la disposition
citée, la Directive est applicable à un transfert "de partie d'entreprise ou
d'établissement"; elle régit donc aussi, de toute évidence, l'hypothèse dans
laquelle ce transfert résulte de la scission d'une société. Or, il convient
de prendre en considération cette Directive, qui est le résultat de
l'évolution du droit européen avec lequel une harmonisation a été souhaitée
en cette matière par le législateur fédéral (cf. ATF 129 III 335 consid. 6 p.
350), lequel a modifié l'art. 333 al. 1 CO, en lui donnant sa teneur
actuelle, entrée en vigueur le 1er mai 1994, pour le rendre eurocompatible
(cf. arrêt 4P.66/1996 du 6 août 1996, consid. 3c/aa; voir aussi le Message du
24 février 1993 sur le programme consécutif au rejet de l'accord EEE [FF 1993
I 757 ss] qui contient la nouvelle version de l'art. 333 al. 1 et 1bis CO [p.
925] et renvoie [p. 830], pour le commentaire de cette modification légale,
au Message Eurolex y relatif [FF 1992 V 396 s.]).

Pour qu'il y ait transfert au sens de l'art. 333 al. 1 CO, il suffit que
l'exploitation ou une partie de celle-ci soit effectivement poursuivie par le
nouveau chef d'entreprise (ATF 123 III 466 consid. 3a p. 468). L'exploitation
est considérée comme poursuivie en tout ou en partie par l'acquéreur
lorsqu'elle conserve son identité, c'est-à-dire son organisation et son but
(arrêt 4C.176/1999 du 23 août 1999, consid. 1a et les auteurs cités). Cette
condition est réalisée en l'espèce. La défenderesse admet, en effet,
expressément que la "filialisation" du service technique de Swissair s'est
accompagnée d'un transfert de la partie d'entreprise correspondant à ce
service. Il est dès lors indéniable qu'un tel transfert, consécutif à la
scission de la société-mère, tombe sous le coup de l'art. 333 CO.

4.2 La défenderesse soutient que, lorsque l'employeur transfère l'entreprise
à un tiers, les rapports de travail ne passent automatiquement à l'acquéreur,
en vertu de l'art. 333 CO, que si les parties ne sont pas convenues du
contraire. Selon elle, en effet, les alinéas 1, 1bis, 2 et 4 de cette
disposition n'auraient pas un caractère impératif du moment que seul le
troisième alinéa a été placé par le législateur fédéral dans la liste
figurant à l'art. 362 al. 1 CO. Il convient donc d'examiner plus avant la
nature de la norme régissant le transfert des rapports de travail.

4.2.1 Il y a quelques années déjà, le Tribunal fédéral a posé le principe
selon lequel, contrairement à la solution prévalant sous l'ancien droit, en
cas de transfert d'entreprise, les rapports de travail existant au moment du
transfert passent automatiquement à l'acquéreur, même contre le gré de ce
dernier (ATF 123 III 466 consid. 3b p. 468 et les auteurs cités; voir aussi:
Gabriel Aubert, Commentaire romand, n. 4 ad art. 333 CO; Rémy Wyler, Droit du
travail, Berne 2002, p. 314 s.). Comme cela résulte de la genèse de l'art.
333 al. 1 CO dans sa version actuelle (FF 1992 V 396), c'est donc une
véritable obligation de reprise qui incombe à l'acquéreur (Thomas Geiser,
Betriebsübernahmen und Massentlassungen im Zusammenhang mit
Zwangsvollstreckungsverfahren, in Hasenböhler/Schnyder (éd.),
Zivilprozessrecht, Arbeitsrecht, Kolloquium zu Ehren von Adrian Staehelin,
Zurich 1997, p. 104; Frank Vischer, Der Arbeitsvertrag, in Traité de droit
privé suisse, VII/4, 3e éd., p. 217; Manfred Rehbinder/Wolfgang Portmann,
Commentaire bâlois, n. 6 ad art. 333 CO). Vrai est-il, toutefois, que le
Tribunal fédéral ne s'est pas encore prononcé expressément à ce jour sur la
possibilité d'écarter cette conséquence par voie de convention dérogatoire.

4.2.2 Un transfert d'entreprise mettant en jeu trois parties - l'employeur,
le travailleur et l'acquéreur -, la question se pose de savoir lesquelles
d'entre elles pourraient passer une convention dérogatoire.

4.2.2.1 Il est hors de doute que l'employeur qui transfère l'entreprise et
celui qui la reprend ne peuvent pas conclure pareille convention. Cette
possibilité a précisément été exclue lors de la révision de 1993 (FF 1992 V
396; Geiser, ibid.; voir aussi l'ATF 127 V 183 consid. 4 p. 186 ss).

Sous l'empire de l'ancien droit, tel qu'il avait été établi par la loi
fédérale du 25 juin 1971 révisant les titres dixième et dixièmebis du code
des obligations (RO 1971 p. 1461 ss), l'acquéreur pouvait se soustraire à la
solidarité instituée par l'art. 333 al. 3 CO. Le premier alinéa de cette
disposition avait, en effet, la teneur suivante (RO 1971 p. 1474): "Si
l'employeur transfère l'entreprise à un tiers qui s'engage à reprendre les
rapports de travail, ceux-ci passent à l'acquéreur avec tous les droits et
obligations qui en découlent, au jour du transfert de l'entreprise, à moins
que le travailleur ne s'y oppose". Aussi l'acquéreur qui ne voulait pas se
lier solidairement avec l'ancien employeur devait-il simplement veiller à ne
pas convenir avec celui-ci de la reprise des rapports de travail. Il lui
était loisible de reprendre l'entreprise avec ou sans son personnel et,
partant, d'exclure toute responsabilité solidaire de sa part à l'égard des
travailleurs dans la seconde hypothèse. Cette situation juridique, qui
laissait les mains libres au reprenant, mais comportait de sérieux
inconvénients pour les travailleurs, s'est modifiée lorsque la norme du droit
fédéral régissant le sort des rapports de travail au moment du transfert
d'une entreprise a été incluse par le législateur dans le programme Swisslex
et adaptée au droit européen (cf. consid. 4.1 ci-dessus). Selon la Directive
77/187 du Conseil de l'Union européenne, du 14 février 1977, concernant le
rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des
droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements
ou de parties d'établissements (publiée au Jo n° L 061 du 5 mars 1977, p. 26
à 28), un tiers ne peut plus reprendre une entreprise sans reprendre
simultanément le personnel de celle-ci (voir aussi: Vischer, ibid.; Wyler,
op. cit., p. 295; Aubert, ibid.; Adrian Staehelin, Commentaire zurichois, n.
1 ad art. 333 CO). Dans le cadre de la procédure dite d'adaptation autonome
au droit européen ("autonomer Nachvollzug"; sur cette procédure et les
limites qu'il convient de lui assigner, voir, en dernier lieu: Franz
Nyffeler, Die Anwendung autonom nachvollzogener Normen des EU-Rechts, in 100
Jahre Aargauischer Anwaltsverband, Zurich 2005, p. 35 ss), l'art. 333 al. 1
CO a été modifié par le législateur fédéral, qui lui a donné la nouvelle
teneur suivante: "Si l'employeur transfère l'entreprise ou une partie de
celle-ci à un tiers, les rapports de travail passent à l'acquéreur avec tous
les droits et les obligations qui en découlent, au jour du transfert, à moins
que le travailleur ne s'y oppose" (cf. le ch. I de la LF du 17 décembre 1993,
en vigueur depuis le 1er mai 1994; RO 1994 p. 804). Conformément à cette
disposition, la solidarité prend naissance ex lege au moment du transfert de
l'entreprise et le consentement de l'acquéreur n'en est plus une condition
(ATF 129 III 335 consid. 5.1 et les références). Il est dès lors logique que
celui-ci ne puisse pas se soustraire à sa responsabilité solidaire en passant
un accord dérogatoire avec l'ancien employeur.

4.2.2.2 Il faut ensuite examiner si un tel accord pourrait être conclu par
l'ancien employeur avec le travailleur. Répondre par l'affirmative à cette
question, d'une manière générale et pour l'ensemble des transferts
d'entreprises à venir, reviendrait à priver l'art. 333 CO de tout effet. Le
but poursuivi par la révision de 1993, à savoir l'amélioration de la
situation des travailleurs, serait ainsi réduit à néant (Geiser, op. cit., p.
105). Mais admettre la possibilité d'une convention dérogatoire dans le cas
d'un transfert d'entreprise déterminé irait aussi manifestement à l'encontre
de ce but. Ainsi qu'il appert de l'art. 333 al. 1bis CO, le travailleur a un
besoin tout particulier de protection au moment du transfert de l'entreprise.
Le droit d'opposition qui lui est accordé (art. 333 al. 1 in fine CO)
démontre que le législateur a entendu faire dépendre le transfert des
rapports de travail, avec tous les droits et obligations qui en découlent, de
la seule volonté du travailleur. La loi règle en outre elle-même, et de
manière exhaustive, les effets de l'opposition du travailleur. En vertu de
l'art. 333 al. 2 CO, celle-ci a pour conséquence que les rapports de travail
prennent fin à l'expiration du délai de congé légal, l'acquéreur et le
travailleur étant tenus d'exécuter le contrat jusque-là.
Le Message du Conseil fédéral n'indique pas pour quel motif les nouvelles
dispositions régissant les transferts d'entreprises ne figurent ni à l'art.
361 ni à l'art. 362 CO. Contre leur inclusion dans la liste des dispositions
impératives, on pourrait avancer l'argument selon lequel le travailleur est
en droit de s'opposer au transfert des rapports de travail (art. 333 al. 1 in
fine et 2 CO). Quoi qu'il en soit, le simple fait qu'elles n'y ont pas été
insérées n'autorise pas à en déduire que les parties pourraient introduire,
dans leur contrat de travail, une clause excluant le transfert des rapports
de travail à l'occasion de toute cession future de l'entreprise (Geiser,
ibid.; Staehelin, op. cit., n. 23 ad art. 333 CO; Michael E. Winkler,
Unternehmensumwandlungen und ihre Auswirkungen auf Arbeitsverträge, thèse
Berne 2001, p. 60 s.; plus nuancé: Nino Miloni, Für welche Forderungen
besteht die Solidarhaftung nach Art. 333 Abs. 3 OR?, Diskussionspapier des
FAA-HSG n. 85, St-Gall 2002, p. 47 s.
[www.faa.unisg.ch/publikationen/diskussionspapiere//dp.85.pdf]).

4.2.2.3 L'art. 341 CO s'oppose, enfin, à ce que le transfert des rapports de
travail soit exclu par un accord passé entre l'acquéreur et le travailleur.
En effet, le transfert des rapports de travail fait naître une responsabilité
solidaire entre l'ancien employeur et l'acquéreur à l'égard du travailleur.
L'art. 333 al. 3 CO, qui institue cette solidarité, est sans conteste une
disposition impérative, au sens de l'art. 362 al. 1 CO. Or, l'art. 341 al. 1
CO interdit au travailleur de renoncer, pendant la durée du contrat et durant
le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions
impératives de la loi ou d'une convention collective. Par conséquent, le
travailleur ne peut pas renoncer à ce que l'acquéreur réponde solidairement
envers lui, ce qui serait le cas si l'applicabilité de l'art. 333 CO pouvait
être exclue par un accord dérogatoire (cf. Geiser, ibid.).
4.2.2.4 Si les parties au contrat de travail souhaitent que les rapports de
travail se poursuivent avec l'employeur actuel, ce qui pourrait parfaitement
se justifier suivant les circonstances, il leur faudra emprunter une autre
voie. Pour ce faire, le travailleur ne devra pas s'opposer au transfert des
rapports de travail, faute de quoi ceux-ci s'éteindraient par l'effet de la
loi (cf. art. 333 al. 2 CO). En revanche, une fois ce transfert opéré, il
résiliera le contrat de travail le liant à l'acquéreur et conclura un nouveau
contrat avec son ancien employeur. Ainsi, les rapports de travail le liant à
cet employeur se poursuivront sur une nouvelle base contractuelle. Il n'y
aura dès lors plus de relation contractuelle avec l'acquéreur. Cependant, la
responsabilité solidaire établie par l'art. 333 al. 3 CO subsistera pour les
créances du travailleur déjà échues, parce que, dans un premier temps, les
rapports de travail auront été transférés.

4.2.3 Force est d'admettre, pour toutes ces raisons, à l'instar des
juridictions cantonales, que les rapports de travail ont passé à la
défenderesse indépendamment de la volonté des parties. Dès lors, tous les
moyens soulevés dans le recours en réforme au sujet de cette volonté sont
dénués de pertinence.

4.3
Le demandeur n'a été mis en préretraite qu'après le transfert de
l'entreprise. Au moment déterminant, il n'avait pas encore cessé de
travailler. Aussi la question ne se pose-t-elle pas, en l'espèce, de savoir
si les rapports de travail se sont éteints lors de la mise en préretraite et
quels seraient les effets de cette circonstance sur l'application de l'art.
333 CO. Le travailleur était encore en activité lorsque les rapports de
travail ont été transférés à la défenderesse et il a continué à travailler
après le transfert de l'entreprise.

5.
La défenderesse conteste, par ailleurs, avoir été l'employeur du demandeur. A
son avis, on se trouverait, en l'espèce, dans un cas de location de services:
le demandeur, employé par une entreprise appartenant à un groupe de sociétés,
aurait été "loué" par son employeur à une autre société faisant partie du
même groupe, à savoir la défenderesse. L'intéressée fonde sa thèse, entre
autres motifs, sur le fait que c'est l'ancien employeur qui a continué à
tenir la comptabilité relative aux salaires.

5.1 Dans un groupe de sociétés, il est possible qu'une société apparaisse
comme l'employeur et qu'elle prête ses employés à d'autres sociétés du même
groupe (Jean Nicolas Druey/Alexander Vogel, Das schweizerische Konzernrecht
in der Praxis der Gerichte, Zurich 1999, p. 245 ss; Thomas Geiser/Kai-Peter
Uhlig, Arbeitsverhältnisse im Konzern, in RJB 2003 p. 757 ss, n. 3.22 p.
774). Un tel procédé est admissible, pour autant qu'il ait été prévu
expressément ou tacitement dans le contrat de travail (art. 333 al. 4 CO).

Il est, par ailleurs, évident que les modifications survenant au sein de
l'entreprise locataire n'ont pas d'incidence sur les rapports de travail des
personnes qui sont mises à la disposition de cette entreprise, partant qu'il
n'en résulte aucun changement d'employeur. A supposer que ladite entreprise
soit transférée à un tiers, c'est donc le bailleur de services qui conservera
la qualité d'employeur et non le reprenant qui l'acquerra.

5.2 Ce n'est toutefois pas de cela dont il s'agit dans la présente espèce. En
effet, la défenderesse soutient qu'à la suite de la scission ayant engendré
un groupe de sociétés, la société qui employait le demandeur avant la
scission serait devenue le bailleur de services. Aussi convient-il d'examiner
si un contrat de travail ordinaire peut être transformé en un contrat de
location de services à l'occasion d'un transfert d'entreprise.

En principe, la liberté contractuelle régit aussi le droit du travail et les
parties sont libres de modifier leurs rapports contractuels. Il est donc
possible de mettre un terme - par résiliation ou accord - au contrat de
travail existant et d'en conclure un nouveau avec une autre société, quand
bien même les services continueront à être fournis à la même place de
travail. Les anciens rapports de travail seront ainsi transformés en rapports
de location de services. Rien ne s'oppose, en théorie, à ce qu'une telle
transformation intervienne à l'occasion de la cession d'une entreprise.
Encore faut-il que cette manière de procéder n'aboutisse pas à contourner les
règles régissant le transfert d'entreprise.

Il va de soi que, si le prétendu bailleur de services est l'ancien employeur,
la transformation envisagée ne peut être opérée avant le transfert de
l'entreprise. Dans le cas contraire, le bailleur et le locataire de services
seraient identiques. Or, la location de services suppose l'existence d'un
contrat liant le bailleur de services à l'entreprise locataire (art. 22 de la
loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services [LSE]; RS
823.11). Et personne ne peut conclure un contrat avec soi-même. Pour la
période postérieure au transfert de l'entreprise, il est, en revanche, tout à
fait possible qu'un tel contrat soit conclu entre l'ancien employeur et
l'acquéreur. Il est donc aussi concevable de transformer les rapports de
travail, avec le consentement du travailleur, en rapports de location de
services. Les rapports de travail n'en auront pas moins passé d'abord à
l'acquéreur et fait naître la responsabilité solidaire de celui-ci à l'égard
du travailleur (art. 333 al. 3 CO). De fait, ce n'est qu'ensuite que les
rapports de travail pourront être transformés en rapports de location de
services. A cette occasion, il ne sera pas possible d'exclure
conventionnellement cette responsabilité solidaire, car un accord allant dans
ce sens ne pourrait tendre à autre chose qu'à contourner l'art. 333 al. 3 CO,
disposition dont le caractère impératif n'est pas sujet à discussion.

Point n'est besoin d'examiner si d'autres motifs (p. ex. l'art. 333 al. 1bis
CO) feraient aussi obstacle à la transformation dont il est ici question. Il
suffit de constater qu'un accord visant à y procéder ne pourrait pas avoir
pour effet d'exclure la légitimation passive de la défenderesse. Dans ces
conditions, peu importe de déterminer si les parties ont voulu ou non
effectuer semblable transformation.

6.
6.1 La défenderesse reproche, en outre, à la Cour d'appel d'avoir méconnu la
nature juridique du plan social en le traitant à l'égal d'une convention
collective de travail et en lui appliquant l'art. 333 al. 1bis CO.

Les plans sociaux ne font pas l'objet d'une réglementation expresse en droit
suisse. Le but d'un plan social est d'atténuer les effets, pour les personnes
concernées, de la décision d'une entreprise de réduire son personnel (cf.
Stephan Klingenberg, Die Betriebsschliessung, thèse Bâle 1986, p. 140). Eu
égard à ce but, la notion de plan social doit être comprise dans un sens
extensif. Ainsi, outre des aides financières de toutes sortes, un plan social
comprend aussi d'autres mesures, telles que le replacement, la reconversion,
etc., qui tendent à favoriser la réintégration du travailleur licencié dans
la vie active. Comme son nom l'indique, le plan social procède d'une démarche
planifiée et il est toujours destiné à une pluralité de travailleurs. On est
donc enclin à y voir une forme particulière de convention collective de
travail (dans ce sens, cf. l'ATF 130 V 18 consid. 2.3 p. 26 et les arrêts
cités). En pratique, un plan social est le fruit d'une consultation entre
partenaires sociaux, qui est généralement consigné dans un document écrit
(arrêt précité, ibid.; arrêt 4C.31/2005 du 27 mai 2005, consid. 3.1).
Cependant, un plan social ne doit pas nécessairement être établi sous la
forme d'une convention; il peut aussi résulter d'une décision unilatérale de
l'employeur (Klingenberg, op. cit., p. 193). Dans ce cas, il s'agit d'une
offre adressée par l'employeur à chacun des travailleurs concernés. Si l'un
de ceux-ci déclare vouloir accepter les mesures qui y figurent, le plan
social devient partie intégrante de son contrat individuel de travail. Mais,
en règle générale, le plan social fera suite à des négociations conduites
avec les syndicats ou la commission du personnel (Frank Vischer, Commentaire
zurichois, n. 65 ad art. 357a CO; Klingenberg, op. cit., p. 168 ss). Il
prendra alors la forme d'une convention collective de travail ou sera intégré
dans un règlement d'entreprise (Vischer, dernier op. cit., n. 64 ad art. 357a
CO). Son caractère obligatoire dépendra de l'interprétation des règles
correspondantes et son contenu de celle de l'accord conclu.

En l'espèce, la question de la nature juridique du plan social litigieux
n'est toutefois pas décisive, contrairement à l'avis de la défenderesse. Peu
importe, en effet, que cette dernière ait été tenue ou non de respecter
pendant une année encore le plan social, conformément à l'art. 333 al. 1bis
CO. Seul est déterminant le point de savoir si, avant le transfert de
l'entreprise, le demandeur était titulaire ou non, à l'encontre de son
employeur, d'une créance découlant des rapports de travail dont la
défenderesse, qui a acquis l'entreprise, répond solidairement en vertu de
l'art. 333 al. 3 CO. Dès lors, toutes les considérations émises dans le
mémoire de recours quant à la nature juridique d'un plan social sont hors
sujet.

Ces considérations ne sont, au demeurant, guère convaincantes. Un plan social
consiste soit en une déclaration d'intention unilatérale et dépourvue de
caractère obligatoire, soit en un accord. Dans la première hypothèse,
l'employeur peut le rapporter en tout temps, auquel cas le nouvel employeur,
qui a repris l'entreprise, ne saurait naturellement être lié par le plan
social rapporté. En revanche, si le plan social est le fruit d'un accord, il
pourra s'agir d'une convention passée entre l'employeur et chaque travailleur
concerné. Le plan social sera ainsi incorporé au contrat individuel de
travail et il sera transféré, avec celui-ci, au nouvel employeur. Mais ladite
convention pourra aussi avoir été conclue avec un syndicat ou une commission
du personnel. Elle constituera alors une forme de convention collective et
l'art. 333 al. 1bis CO lui sera applicable. La situation juridique qui
découle de ce système est donc relativement simple: le plan social liera
l'acquéreur de l'entreprise s'il liait déjà l'ancien employeur, et vice
versa, ce qui correspond du reste au but de l'art. 333 CO.

Le 24 septembre 1996, c'est-à-dire avant le transfert de l'entreprise à la
défenderesse, intervenu le 1er janvier 1997, la société qui employait alors
le demandeur a indiqué à ce dernier qu'il serait mis en préretraite le 1er
octobre 1997 et elle lui a confirmé en détail les prestations auxquelles son
nouveau statut lui donnerait droit. A la date précitée au plus tard, l'ancien
employeur s'est engagé à mettre le demandeur en préretraite le 1er octobre
1997 et à lui verser les prestations afférentes à ce statut. De ce fait, une
créance individuelle a pris naissance le 24 septembre 1996 en la personne du
demandeur.

6.2
6.2.1La responsabilité solidaire entre l'ancien employeur et l'acquéreur,
instituée par l'art. 333 al. 3 CO, vise toutes les créances du travailleur
échues dès avant le transfert jusqu'au moment où les rapports de travail
pourraient normalement prendre fin. L'acquéreur répond seul, en principe, des
créances devenues exigibles ultérieurement (Miloni, op. cit., p. 14). Demeure
toutefois incertain le point de savoir si l'échéance est seule déterminante
ou si le moment de la naissance de la créance l'est également (Miloni, op.
cit., p. 19 ss).

Comme la défenderesse le reconnaît elle-même, le demandeur a été informé par
son ancien employeur, le 24 septembre 1996, qu'il allait être mis en
préretraite le 1er octobre 1997 et qu'il toucherait dès cette date les
prestations prévues par le plan social et mentionnées dans ladite lettre. Le
1er janvier 1997, soit dans l'intervalle séparant cette communication de
l'entrée en préretraite du travailleur, l'entreprise a été transférée à la
défenderesse. Sur le principe, il n'est pas contesté que l'ancien employeur
et le demandeur étaient convenus avant ce transfert de la mise en
préretraite. Que celle-ci soit intervenue une fois seulement ledit transfert
opéré demeure sans incidence sur la naissance de la créance examinée. En
effet, les créances de salaire mensuelles échues durant la période allant du
moment du transfert de l'entreprise jusqu'à celui où il pouvait être mis fin
au plus tôt aux rapports de travail tombaient indéniablement sous le coup de
l'art. 333 al. 3 CO. Or, ces créances de salaire - de même que celles
résultant de la mise en préretraite - avaient trait à des circonstances qui
n'étaient point encore advenues. Dans les deux cas, les créances en question
étaient soumises à la condition que le travailleur fût encore en vie au
moment déterminant et, s'agissant des créances de salaire, qu'il fournît
alors régulièrement sa prestation de travail. Il est dès lors établi que la
responsabilité solidaire vaut aussi pour des créances conditionnelles. Par
conséquent, l'applicabilité, ratione temporis, de l'art. 333 al. 3 CO aux
créances litigieuses n'est pas douteuse.

6.2.2 La loi limite la responsabilité solidaire aux "créances du travailleur"
(art. 333 al. 3 CO). Elle entend par là que les créances doivent découler des
rapports de service (FF 1967 II 381). Savoir si ces créances doivent avoir un
fondement contractuel ou si elles peuvent aussi résulter d'un acte illicite
est un point controversé dans la doctrine (cf. Miloni, op. cit., p. 25), mais
qui ne joue aucun rôle dans le cas présent. Pour résoudre celui-ci, il faut,
en revanche, examiner si les prétentions liées à la mise en préretraite
peuvent être considérées encore comme des créances découlant des rapports de
travail.
En temps normal, les rapports de travail prennent fin lorsque le travailleur
atteint l'âge de la retraite et la rente de vieillesse n'est plus versée par
l'employeur, mais par un tiers, à savoir l'institution de prévoyance. La
prétention du retraité à l'égard de cette institution n'est pas visée par
l'art. 333 al. 3 CO, cette disposition ne s'appliquant qu'aux créances du
travailleur envers l'ancien employeur (et l'acquéreur). En l'occurrence, il
ne s'agit toutefois pas de créances dont l'institution de prévoyance serait
le sujet passif. Il est bien plutôt question ici de prestations qui ont été
promises au demandeur par son ancien employeur, lequel a mis à disposition
les capitaux nécessaires au financement du plan social, mais sans les
transférer à un autre sujet de droit dont le préretraité serait devenu
créancier. L'employeur a ainsi conservé sa qualité de débiteur du demandeur.
Quant aux créances invoquées en justice, leur fondement juridique est à
rechercher dans les rapports de travail, car elles n'existeraient pas sans
ceux-ci. Il n'y a aucun motif justifiant de les soustraire à l'art. 333 al. 3
CO. La situation juridique ne diffère guère, à cet égard, de celle où le
travailleur aurait été libéré de l'obligation de fournir sa prestation
jusqu'à l'extinction des rapports de travail.

Il suit de là que les créances découlant du plan social entraient dans le
champ d'application de l'art. 333 al. 3 CO. Par conséquent, la défenderesse
répond solidairement avec l'ancien employeur de toutes les créances de ce
type qui étaient échues avant qu'elle acquière l'entreprise et de celles qui
sont devenues exigibles avant la date à laquelle le contrat de travail
pouvait normalement prendre fin. Quant aux créances échues après cette date,
elle en répond aussi puisque les rapports de travail lui ont été transférés
et qu'il lui incombe d'exécuter les obligations en découlant, au nombre
desquelles figurent également celles qui résultent du plan social, dans la
mesure où elles sont devenues partie intégrante du contrat individuel de
travail.

7.
7.1
Sur le plan quantitatif, enfin, la défenderesse soutient que les juridictions
cantonales ont admis, à tort, que les rentes versées par l'institution de
prévoyance ne pouvaient pas être imputées sur les montants dus par elle et
qu'elles n'ont pas fixé correctement le montant de la prestation transitoire
dénommée "Pont AVS".
La défenderesse considère, à juste titre, que pour savoir comment la rente
transitoire doit être calculée et quelles prestations doivent être imputées,
il y a lieu d'interpréter les manifestations de volonté correspondantes. Il
va de soi, à cet égard, que la volonté exprimée par l'ancien employeur dans
sa lettre du 24 septembre 1996, où il précisait les engagements souscrits par
lui envers le demandeur du chef de la mise en préretraite de ce dernier, doit
être interprétée à la lumière du plan social qui a servi de base au calcul
des prétentions du demandeur. Le but poursuivi par l'employeur, au moyen des
prestations versées au travailleur durant le laps de temps restant à courir
jusqu'au moment où celui-ci prendrait sa retraite ordinaire, était de placer
l'intéressé dans la situation qui eût été la sienne s'il avait été mis
d'emblée au bénéfice du statut de retraité ordinaire. Il fallait aussi éviter
que le demandeur subisse une perte sur le capital qui lui serait versé après
qu'il aurait atteint l'âge de la retraite ordinaire.

7.2 Eu égard au but des versements effectués à titre transitoire par
l'employeur, il n'est pas douteux que tant les prestations du premier que du
deuxième piliers devaient faire l'objet d'une imputation, pour autant
qu'elles visassent à garantir le même revenu pour la même période. Dans cette
mesure, la défenderesse soutient avec raison qu'il doit en aller de même en
ce qui concerne les versements de la caisse de prévoyance. Mais cela signifie
aussi, inversement, que lorsque le travailleur perçoit par anticipation des
prestations de vieillesse de la caisse de prévoyance, il n'y a pas matière à
imputation si, du fait de ce versement anticipé, les prestations de ladite
caisse s'en trouvent réduites. Dans ce cas, en effet, les prestations versées
ne le sont pas en plus, mais aux dépens des prétentions futures du
travailleur. Comme la Cour d'appel le constate dans son arrêt, sans être
contredite par la défenderesse, les montants versés ont fait l'objet d'un
abattement par rapport aux montants de la retraite normale. Le demandeur ne
s'est ainsi pas enrichi, de sorte que la cour cantonale a refusé à bon droit
de procéder à l'imputation requise.

7.3 Les explications fournies par la défenderesse dans son mémoire de recours
au sujet du calcul de la prestation transitoire 2 ("Pont AVS") sont
incompréhensibles. Au demeurant, il n'apparaît pas, à la lecture de l'arrêt
attaqué, que le demandeur aurait touché, à ce titre, un montant supérieur à
celui d'une rente AVS complète. La question de savoir si les prestations de
la caisse de prévoyance pouvaient être imputées sur la partie de cette
prétention du demandeur doit être résolue de la même manière que pour les
autres parties de ladite prétention. Aussi n'y avait-t-il, là non plus, pas
matière à imputation, étant donné que les prestations de la caisse de
prévoyance avaient été versées aux dépens des prétentions du demandeur à
l'égard de cette institution.

8.
Les considérations qui précèdent conduisent au rejet du recours. En
application de l'art. 156 al. 1 OJ, la recourante, qui succombe, devra
supporter les frais de la procédure fédérale, laquelle n'est pas gratuite
(art. 343 al. 3 CO a contrario) puisqu'elle a trait à un différend résultant
du contrat de travail dont la valeur litigieuse dépasse le plafond de 30'000
fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO. Quant à l'intimé, il a droit à des dépens en
vertu de l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 5 août 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: