Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.420/2004
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4C.420/2004 /ech

Arrêt du 4 mai 2005
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Philippe Nordmann,

contre

B.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Alexandre Reil.

cession de créances,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud du 3 mai 2004.

Faits:

A.
A.a Au mois de mars 1991, C.________ a remis à B.________ deux montres
anciennes en or d'une valeur totale de 65'000 fr. Ces montres ont été volées
entre le 28 et le 30 mars 1991.

Statuant sur la demande formée par C.________ contre B.________, la Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois, par jugement du 5 février 1997, a
condamné le second à payer au premier la somme de 57'000 fr. plus intérêts à
5 % dès le 11 septembre 1991, sous déduction de 4'000 fr. d'acompte, valeur
au 25 avril 1996. Le Tribunal fédéral a confirmé ce jugement par arrêt du 16
décembre 1998 (affaire 4C.509/1997).

A.b Par acte écrit du 21 mars 1995, C.________ a cédé à A.________ sa créance
contre B.________.

Il a été retenu qu'il n'y a pas eu de rétrocession.

Le conseil de C.________, Me Z.________, a informé le débiteur cédé
B.________, par lettre du 24 septembre 1998, de l'existence de la cession,
sans lui indiquer le nom du cessionnaire.

Toutefois, l'avocat Z.________ a adopté par la suite une attitude
contradictoire, en accomplissant des actes de poursuite au nom du cédant
C.________ en qualité de créancier. C'est ainsi que Me Z.________ a notamment
fait notifier le 22 février 1999 à B.________, pour C.________, un
commandement de payer (poursuite n° ... de l'Office des poursuites et
faillites de Lavaux) la somme de 69'698 fr. plus intérêts, suivi, après
opposition du débiteur, d'une requête de mainlevée. Ayant obtenu la levée
définitive de l'opposition sur la base du jugement précité rendu par la Cour
civile, l'avocat Z.________ a requis la continuation de la poursuite; un avis
de participation à la saisie a été notifié au poursuivi le 21 septembre 1999.

Le 22 septembre 1999, C.________ a écrit à l'office des poursuites pour
demander que la saisie, prévue pour le 23 septembre 1999, soit repoussée à
une date ultérieure, au motif qu'une solution transactionnelle était
recherchée entre les parties.
Toujours le 22 septembre 1999, l'avocat Z.________ est intervenu auprès de
l'office des poursuites pour faire valoir que C.________ n'était que le
représentant fiduciaire du véritable propriétaire de la créance, qui était
A.________.

A.c Dans ce contexte, C.________ et B.________ ont conclu une convention,
datée du 23 septembre 1999, qui prévoit que le premier accepte, en règlement
de la poursuite n° ..., pour solde de tout compte deux billets à ordre
(Eigenwechsel), à savoir un effet de 50'000 fr. payable au 28 novembre 2003
et un effet de 36'000 fr. payable au 21 décembre 2005.

Le 24 septembre 1999, l'office des poursuites a avisé B.________ que c'était
A.________, et non plus C.________, qui était le créancier dans la poursuite
n° .... L'opposition tardive au sens de l'art. 77 LP formée par le poursuivi
contre ce changement de créancier a été définitivement rejetée selon décision
du juge civil compétent prise le 21 janvier 2000.

B. ________ s'est acquitté par acomptes auprès de l'office de la somme
réclamée en poursuite, laquelle a ainsi été soldée le 13 août 2001. Il a
ainsi versé, y compris les intérêts et les frais de poursuite, le montant
total de 124'716 fr.90.

B.
Le 3 août 2000, B.________ a ouvert à l'encontre de A.________ devant la Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois une première action en annulation,
subsidiairement en suspension de la poursuite précitée selon l'art. 85a LP,
qu'il a transformée le 17 avril 2002, après l'extinction de la poursuite, en
une action en répétition de l'indu. Dans cette seconde action, le demandeur a
pris la conclusion suivante:
"A.________ est le débiteur de B.________ et lui doit immédiat paiement de la
somme de Frs 124'716 fr. 90 (...) avec intérêts à 5 % dès le 10 juillet
2000".
Le demandeur invoque la convention du 23 septembre 1999.

Par jugement du 3 mai 2004, la Cour civile a entièrement admis l'action en
répétition de l'indu, hormis le point de départ des intérêts qu'elle a fixé
au 8 mai 2002.

C.
C.a A.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut
principalement au rejet de l'action du demandeur. A titre subsidiaire, il
requiert l'annulation du jugement cantonal, la cause étant renvoyée à la cour
cantonale pour nouveau jugement au sens des considérants.

L'intimé propose le rejet du recours.

C.b Le défendeur avait formé auprès de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois un recours en nullité contre le jugement du 3 mai 2004,
qu'il a retiré le 5 novembre 2004, ce dont le Président de ladite Chambre a
pris acte par arrêt du 8 novembre 2004.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129
III 618 consid. 3).

1.2 Au vu de ce qui précède, le recourant n'est pas recevable à soutenir que
l'intimé avait été informé avant le 24 septembre 1998 que C.________ avait
cédé au premier sa créance contre le second. De même, l'intimé s'écarte des
faits constatés en instance cantonale lorsqu'il allègue que les parties
avaient la volonté réelle que les dettes établies par les billets à ordre
remplacent par novation la dette originale. C'est donc à la seule lumière de
l'état de fait posé dans le jugement cantonal que les griefs du défendeur
seront examinés.

2.
2.1 L'action en répétition de l'indu de l'art. 86 LP est un moyen de défense
du débiteur lié aux particularités de la législation fédérale sur la
poursuite pour dettes. Etant donné qu'en Suisse, l'exécution forcée s'opère
sur la simple demande du créancier, sans jugement préalable d'un tribunal et
la plupart du temps sans contrôle judiciaire, la loi met à disposition du
poursuivi, qui a payé le poursuivant pour éviter l'exécution forcée, bien que
la créance déduite en poursuite soit dénuée de fondement matériel, l'action
en répétition de l'indu du droit des poursuites, cela comme correctif et
moyen ultime. L'action en cause est une sorte de restitutio in integrum pour
le débiteur qui a payé ce qu'il ne devait pas sous la menace d'une procédure
d'exécution forcée (ATF 31 II 158 consid. 6 p. 166; 21 717 consid. 6 p. 724;
arrêt 5P.108/1997 du 6 juin 1997, consid. 4a/aa et les références; Bernhard
Bodmer, Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 86 LP). L'action en répétition
compète également au poursuivi si le créancier a obtenu paiement de la dette
ensuite de la réalisation forcée des biens du débiteur, dès l'instant où le
droit de répétition d'une non-dette ne saurait dépendre du point de savoir si
les moyens nécessaires pour faire obstacle à l'exécution forcée sont ou non à
disposition du poursuivi (Bodmer, op. cit., n. 11/12 ad art. 86 LP).

2.2 A supposer que l'existence de la créance en poursuite ait été constatée
avant la poursuite ou parallèlement à celle-ci par un jugement au fond, le
débiteur ne paie plus à la suite d'un commandement de payer resté sans
opposition ou passé en force après la levée de l'opposition, mais sur la base
d'un jugement exécutoire prononcé dans une procédure ordinaire, lequel a
définitivement statué sur le fondement matériel de la créance. Dans cette
hypothèse, le débiteur ne peut plus intenter l'action de l'art. 86 LP (ATF 53
I 151 consid. 2 p. 156; 31 II 158 consid. 3 p. 162). L'action en répétition
de l'indu reste toutefois admissible pour établir, par l'invocation de faits
nouveaux, que la dette constatée dans le premier jugement a été éteinte
(arrêt 5P. 108/1997 du 6 juin 1997, consid. 4a/bb). Aussi ladite action en
répétition peut-elle être fondée sur le fait que la dette constatée
judiciairement a par la suite été réduite par transaction, si bien que le
poursuivi a en réalité payé plus qu'il ne devait dans le cadre de l'exécution
forcée (cf. arrêt 5P.177/1990 du 9 octobre 1990, consid. 3).

3.
En l'occurrence, la cour cantonale a jugé à bon droit que l'issue de la
querelle dépendait de la question de savoir si la créance objet de la
poursuite n° ... a été acquittée, totalement ou partiellement, par la
convention conclue entre C.________ et le demandeur le 23 septembre 1999. Il
n'est plus contesté que l'action en répétition de l'indu du demandeur a été
introduite en temps utile, soit dans le délai d'une année après le paiement
de la somme prétendument indue (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de la
loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 43 s. ad art. 86
LP). L'autorité cantonale a également considéré à bon escient que la preuve
de l'inexistence de la créance alléguée par le poursuivant incombe au
poursuivi (ATF 119 II 305 consid. 1). Il a enfin été retenu que la cession
n'a pas été révoquée. Il n'y a pas à revenir sur ces points.

4.
4.1 Le recourant se prévaut d'une violation de l'art. 167 CO. Il soutient que
l'intimé avait été informé dès 1998 du fait que C.________ avait cédé sa
créance à un tiers, ce qui suffirait à exclure que le demandeur ait été de
bonne foi une année plus tard, lors de la passation de la convention du 23
septembre 1999. Puis, le défendeur critique le "rétablissement de la bonne
foi" chez le demandeur qu'ont admis les magistrats vaudois. Il fait valoir,
d'une part, que la notification de la caducité de la cession ne saurait
intervenir de manière implicite, mais bien par écrit en vertu du parallélisme
des formes; d'autre part, il prétend que lorsque l'ancien créancier aliène sa
créance, il est fréquent que celui-ci continue d'agir fiduciairement pour le
nouveau créancier, ce que le débiteur, s'il a été dûment avisé de la cession,
doit souffrir.

Le recourant allègue enfin que, malgré la mention "pour solde de tout compte"
figurant dans l'accord du 23 septembre 1999, cet acte n'a pas d'effet
novatoire au sens de l'art. 116 CO, comme l'ont bien compris les premiers
juges. De toute manière, poursuit-il, même s'il fallait admettre qu'il y ait
eu novation, l'intimé aurait été amené à payer non pas un indu, mais une
dette non encore exigible, ce qui sortirait du cadre de l'art. 86 LP.

4.2
4.2.1Il a été constaté définitivement (art. 63 al. 2 OJ) que l'ancien
créancier - i. e. C.________ -, par l'entremise de l'avocat Z.________, a
informé le demandeur le 24 septembre 1998 qu'il avait cédé la créance qu'il
possédait contre celui-ci à un tiers, dont il n'a pas révélé le nom.
Pourtant, ledit conseil a continué de procéder à des actes de poursuite au
nom du cédant C.________. Il a ainsi successivement fait notifier pour le
cédant un commandement de payer au demandeur, requis la mainlevée de
l'opposition du poursuivi, puis, après obtention de celle-ci, sollicité la
continuation de la poursuite.

Le comportement de l'avocat Z.________ a été in casu manifestement source de
grande confusion pour l'intimé. Les explications que donne cet avocat pour
justifier son attitude - laquelle doit être imputée au défendeur comme
représenté - ne convainquent pas. Si l'ancien créancier, après la cession,
pouvait toujours agir à titre fiduciaire pour le nouveau créancier, le
contrat de base qui a donné lieu à la cession comporterait nécessairement une
sorte de rétrocession, hypothèse qui est contraire à l'état de fait
déterminant.

Il suit de là que l'on peut admettre, avec la cour cantonale, que le
demandeur, confronté aux agissements susdécrits du conseil du cédant, pouvait
croire de bonne foi (laquelle est présumée, art. 3 al. 1 CC) que ce dernier
n'avait pas cédé sa créance à un tiers. Autrement dit, l'intimé peut se
prévaloir de l'art. 167 CO, qui donne exceptionnellement un effet libératoire
au paiement effectué par le débiteur cédé au non-créancier.

4.2.2 L'art. 167 CO mentionne uniquement le paiement comme moyen d'exécution
de la dette du débiteur cédé, supposé de bonne foi, à l'endroit de l'ancien
créancier. En accord avec une ancienne jurisprudence (cf. ATF 45 II 664
consid. 2 p. 672), approuvée par la doctrine récente (Thomas Probst,
Commentaire romand, n. 3 ad art. 167 CO; Eugen Spirig, Commentaire zurichois,
n. 36 ad art. 167 CO; Daniel Girsberger, Commentaire bâlois, n. 18 ad art.
167 CO), il convient d'admettre que le texte légal est trop restrictif et que
doivent être assimilées au paiement en particulier la novation, la remise de
dette et la compensation.

4.2.3 C'est le lieu d'interpréter la convention conclue le 23 septembre 1999
entre l'ancien créancier C.________ et le demandeur.

4.2.3.1 Il n'apparaît pas que la cour cantonale a pu déterminer la volonté
commune et réelle desdites parties contractantes. Dans un tel cas, il y a
lieu d'interpréter les déclarations et les comportements selon la théorie de
la confiance. Il convient de rechercher comment une déclaration ou une
attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des
circonstances (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5).

L'application du principe de la confiance est une question de droit que le
Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement.
Pour trancher cette question juridique, il faut cependant se fonder sur le
contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles
relèvent du fait (ATF 130 III 417 ibidem).

4.2.3.2 Il a été retenu que C.________ a accepté, pour solde de la totalité
de ses prétentions à l'endroit du demandeur, deux billets à ordre, le premier
de 50'000 fr. payable au 28 novembre 2003, le second de 36'000 fr. payable au
21 décembre 2005. Autrement dit, par la remise de ces effets de change, le
créancier C.________ se déclarait entièrement désintéressé en capital,
intérêts et frais. Partant, l'intimé, par la formulation "pour solde de tout
compte" dans la convention du 23 septembre 1999, devait comprendre de bonne
foi qu'en fournissant deux reconnaissances de dette abstraites sous la forme
de billets à ordre (cf., à ce sujet, ATF 127 III 559 consid. 3a), il se
libérait totalement et que le créancier consentait à renoncer à d'autres ou
plus amples prétentions à son encontre par la conclusion d'un contrat de
remise de dette partielle (art. 115 CO).

Il est vrai que l'on ignore la quotité de la somme en poursuite au 23
septembre 1999. Toutefois, l'aspect d'une remise de dette découle de l'octroi
de délais de paiement inhabituels (respectivement de 50 mois et de 75 mois),
qui plus est sans que des intérêts courent jusqu'aux échéances fixées dans
les effets de change.

4.2.3.3 Il est de jurisprudence que, contrairement à la remise d'une lettre
de change, celle d'un billet à ordre n'a un effet libératoire que si, à titre
exceptionnel, il lui est conféré un effet novatoire (ATF 127 III 559 consid.
3b). Or la novation ne se présume point (art. 116 al. 1 CO). En particulier,
sauf convention contraire, la novation ne résulte pas de la signature d'un
nouveau titre de créance (art. 116 al. 2 CO in medio). Par exemple, de
simples transformations du contenu de l'obligation primitive, qui n'affectent
aucunement sa nature mais en modifient le montant, l'échéance, le taux des
intérêts ou les sûretés constituées en faveur du créancier, n'emportent pas
d'effet novatoire (ATF 107 II 479 consid. 3 et les références).

Il résulte sans conteste de ces précédents que les cocontractants, lors de la
signature de l'accord du 23 septembre 1999, n'avaient pas la volonté
juridique d'éteindre l'ancienne obligation, découlant de l'arrêt du Tribunal
fédéral rendu le 16 décembre 1998, en lui substituant une obligation
nouvelle, complètement distincte de l'ancienne. Ils avaient bien au contraire
la volonté objective de régler les modalités de son exécution, en arrêtant
définitivement le montant dû par le débiteur, auquel des délais de paiement
étaient accordés. Des considérations opposées à cette déduction ne trouvent
aucun appui dans les faits posés souverainement en instance cantonale. Il
s'ensuit que c'est en parfait accord avec le droit fédéral que la Cour civile
a nié qu'il y ait eu in casu novation de la créance déduite en poursuite.

4.2.3.4 La remise de dette constitue un contrat bilatéral non formel conclu
entre le créancier et son débiteur (Denis Piotet, Commentaire romand, n. 10
ad art. 115 CO).

En l'espèce, le contrat de remise de dette litigieux n'était pas sans
condition ou contre-prestation; le débiteur (i. e. le demandeur) devait
remettre au créancier deux billets à ordre.

Mais, à l'inverse de la lettre de change, dont la remise a une fonction
libératoire de paiement, c'est-à-dire d'exécution de l'obligation (art. 114
al. 1 CO), un billet à ordre n'est qu'une reconnaissance de dette, qui est
également soumise à la réglementation des papiers-valeurs (ATF 127 III 559
consid. 3a et les nombreuses références doctrinales). Il n'y a donc
extinction de la dette reconnue que dans la mesure où les billets à ordre
sont payés aux échéances spécifiées.

Toutefois, selon les constatations du jugement déféré, le demandeur s'est
acquitté auprès de l'office des poursuites de la totalité de sa dette en
plusieurs acomptes, laquelle a été soldée le 13 août 2001. On voit donc que
le recourant, cessionnaire du créancier originaire C.________, a obtenu le
règlement intégral de ses prétentions dans le cadre de la poursuite en cause
n° ..., bien avant l'échéance du premier billet à ordre fixée au 28 novembre
2003.

Dans ces conditions, il n'est nul besoin d'examiner si la condition ou la
contre-prestation prévue par le contrat de remise dette passé le 23 septembre
1999 a été respectée.

Les motifs exposés ci-dessus font justice du moyen du recourant.

5.
5.1 Le recourant prétend que l'autorité cantonale a consacré une fausse
application de l'art. 86 LP quant au montant de la somme qu'il a été condamné
à restituer à l'intimé. Il avance que les montants que le demandeur a payés à
titre de frais ou dépens d'exécution forcée ou à titre d'intérêts échus
doivent rester acquis au défendeur.

5.2 Comme on l'a vu, le demandeur, en sa qualité de débiteur cédé de bonne
foi, peut opposer au véritable créancier, à savoir le recourant, en vertu de
l'art. 167 CO, le contrat de remise de dette qu'il a conclu avec le créancier
originaire C.________.

Avant de poursuivre l'intimé, le recourant aurait donc dû attendre que le
premier billet à ordre vienne à échéance, lequel était payable le 28 novembre
2003. Il incombe en conséquence au défendeur poursuivant de supporter les
frais de la poursuite encourus après le 23 septembre 1999, date de la
signature du contrat de remise de dette.

Il résulte du considérant 4 ci-dessus que le demandeur a obtenu remise du
montant dépassant les dettes reconnues dans les deux billets à ordre,
lesquelles se montent à 86'000 fr. (50'000 fr. + 36'000 fr.). Le recourant
ayant été intégralement payé avant la première échéance des effets de change,
il faut admettre que ces derniers auraient bien été réglés aux termes fixés.
Il suit de là que le recourant, auquel est opposable la convention du 23
septembre 1999 conclue pour solde de tout compte, ne saurait réclamer à
l'intimé un montant dépassant 86'000 fr. Ce qui signifie que les frais de la
poursuite pour la période antérieure à la date de l'accord précité ainsi que
les intérêts de la dette ont été remis au demandeur, qui n'a pas à les
prendre en charge.

En définitive, du moment que le recourant a perçu dans la poursuite précitée
la somme totale de 124'716 fr.90, alors qu'il n'avait droit qu'à 86'000 fr.
pour solde de tout compte, l'action en répétition de l'indu de l'intimé est
fondée à concurrence de la différence entre ces deux montants, soit 38'716
fr.90, ce qui conduit à l'admission partielle du recours. Cette somme, dont
le recourant doit restitution, portera intérêts à 5 % dès le 8 mai 2002,
comme l'a retenu la cour cantonale sans tomber sous le feu de la critique.

6.
Vu l'issue du différend, il appartiendra à la cour cantonale de rendre une
nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale.

Le recourant obtient une réduction d'un peu plus des deux tiers du montant
qu'il a été condamné à restituer à son adverse partie en instance cantonale.
Dans ces conditions, l'émolument judiciaire de 5'000 fr. sera mis pour deux
tiers à la charge de l'intimé et pour un tiers à la charge du recourant,
lequel aura encore droit au versement d'une indemnité de dépens réduite selon
cette proportion (art. 156 al. 3 et 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis en ce sens que le défendeur doit verser au
demandeur la somme de 38'716 fr.90. avec intérêts à 5 % l'an dès le 8 mai
2002. L'action en répétition de l'indu est rejetée pour le surplus.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis pour les deux tiers à la charge
du demandeur et pour un tiers à la charge du défendeur.

3.
Le demandeur versera au défendeur une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens réduits.

4.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les
frais et dépens de la procédure cantonale.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 4 mai 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: