Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.412/2004
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4C.412/2004 /ech

Arrêt du 23 février 2005
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

les époux X.________,
demandeurs et recourants, représentés par
Me Dominique Lévy,

contre

Banque A.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Pierre-André Morand.

mandat; responsabilité de la banque,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 23 septembre 2004.

Faits:

A.
A.a Le 10 février 1998, les époux X.________, domiciliés en Israël, ont
ouvert un compte numérique, dénommé "M.________", auprès de la Banque
B.________ SA, devenue ultérieurement la Banque A.________ SA (ci-après: la
Banque), à Genève. Ils ont demandé que la correspondance relative à ce compte
leur soit adressée "banque restante". La Banque ne s'est pas vu confier un
mandat de gestion. Hormis la faculté qui lui a été accordée de procéder à des
dépôts fiduciaires à l'étranger, elle se bornait à exécuter les ordres de ses
clients, qui pouvaient lui être donnés par téléphone. Ses conditions
générales, signées par les époux X.________, prévoyaient qu'à défaut de
réclamation dans un délai de quatre semaines à compter de la réception des
relevés ou des avis d'exécution d'ordres, ceux-ci seraient considérés comme
tacitement approuvés par le client.

Dès avril 1998, Y.________, en raison de sa connaissance de l'hébreu, a été
chargé au sein de la Banque du suivi du compte "M.________".

Le 1er septembre 1998, lors d'un entretien téléphonique, Y.________ a proposé
à sieur X.________ de faire un placement en "Tax Sale Certificate" des
Etats-Unis d'Amérique, soit des reconnaissances de dettes souscrites par des
débiteurs américains redevables de l'impôt immobilier et garanties par les
immeubles de ceux-ci. Il lui a indiqué que le placement devait durer six
mois, lui a fait miroiter un rendement de 6% et a parlé d'une garantie totale
de remboursement. sieur X.________ a accepté cette proposition.

Entre le 2 décembre 1998 et le 8 avril 1999, les époux X.________ ont acquis,
en trois fois, un certain nombre de parts du fonds de placement N.________.
Il leur en a coûté quelque 450'000 US$. Ces achats ont fait l'objet de trois
avis adressés "banque restante" aux intéressés. Le fonds de placement
N.________ est enregistré aux Bahamas et investi en "Tax Sale Certificate".
Il ne constituait pas un placement risqué.

En avril 1999, Y.________ a été licencié par la Banque. Le 16 juin 1999, les
époux X.________ ont clôturé leur compte "M.________" et fait transférer tous
leurs avoirs à la Banque C.________. Ils ont désigné Y.________ en qualité de
gérant externe.

A.b Le 31 juillet 1999, la cotation du fonds de placement N.________ a été
suspendue en raison d'un manque de liquidités dû à l'insolvabilité du
principal débiteur du fonds. Celui-ci est entré en liquidation volontaire.

A partir du 14 février 2001, dans l'ignorance du montant du dividende de
liquidation, la Banque C.________ a fixé la valeur des parts du fonds de
placement N.________ à zéro.

A.c Par ordonnance du 22 octobre 2002, consécutive à une plainte pénale
déposée le 20 juin 2001 par sieur X.________, le Procureur général du canton
de Genève a déclaré Y.________ coupable de gestion déloyale, pour avoir
procédé à l'achat des parts du fonds N.________, et l'a condamné à quatre
mois d'emprisonnement ferme, peine complémentaire à celle de trois ans de
réclusion prononcée par la Cour correctionnelle le 9 avril 2002. Suite à
l'opposition de Y.________, le Tribunal de police, statuant par défaut, a
confirmé cette peine. Son jugement, rendu le 28 août 2003, a cependant fait
l'objet d'une opposition du condamné, si bien que la cause est toujours
pendante devant lui.

B.
B.aPar demande du 22 juin 2001, les époux X.________ ont assigné la Banque en
paiement de 262'788 fr., avec intérêts à 5% dès le 8 décembre 1998, de
304'763 fr., avec intérêts à 5% dès le 10 février 1999, et de 212'000 fr.,
avec intérêts à 5% dès le 8 avril 1999. Ils ont ainsi réclamé le
remboursement de la contre-valeur, au 31 août 2000, des sommes en dollars
débitées du compte "M.________" pour l'achat des parts du fonds de placement
N.________ aux trois dates susmentionnées. Selon eux, la Banque avait procédé
à cet achat sans être nantie d'instructions ad hoc. Il s'agissait d'une
opération particulièrement risquée, étant donné la situation financière de ce
fonds, qui leur aurait causé un dommage correspondant au montant versé pour
l'achat de ces titres.

La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle a allégué avoir
fidèlement exécuté les ordres de ses clients, lesquels avaient de toute
manière accepté tacitement les opérations boursières litigieuses qu'ils
n'avaient pas contestées dans le délai de quatre semaines à compter de la
réception des avis d'achat en "banque restante". De surcroît, le dommage
n'était pas avéré puisque le dividende de liquidation du fonds de placement
N.________ n'était pas encore connu.

B.b Le Tribunal de première instance du canton de Genève a ordonné l'apport
de la procédure pénale susmentionnée ainsi qu'un deuxième échange d'écritures
dans lequel les parties ont maintenu leurs conclusions. Lors de l'audience de
plaidoiries du 10 septembre 2003, le conseil des demandeurs a indiqué que la
cause était "en état d'être jugée", tandis que celui de la défenderesse a
sollicité l'ouverture d'enquêtes.

Statuant le 17 février 2004, la juridiction saisie a débouté les demandeurs
de toutes leurs conclusions. Le Tribunal a considéré, en résumé, que les
clients de la Banque avaient expressément donné à celle-ci l'ordre d'acheter
pour eux les parts du fonds de placement N.________ et qu'ils avaient du
reste ratifié tacitement les acquisitions litigieuses. Retenant qu'au moment
de ces acquisitions, le fonds en question constituait un placement peu
risqué, il a, par ailleurs, exclu que la défenderesse ait violé ses
obligations de mandataire, notamment son devoir d'information.

B.c Les demandeurs ont interjeté appel aux fins d'obtenir l'annulation de ce
jugement et le renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour
l'ouverture d'enquêtes. Subsidiairement, ils ont invité la juridiction
d'appel à procéder elle-même à des enquêtes. Sur le fond, ils ont repris
leurs précédentes conclusions.

La défenderesse a conclu à la confirmation du jugement attaqué.

Lors de l'audience de plaidoiries, le conseil de la défenderesse a exposé,
sans être démenti, que la liquidation du fonds de placement N.________ était
toujours en cours et que l'on pouvait tabler, en l'état, sur un dividende de
80%.

Par arrêt du 23 septembre 2004, la Cour de justice a confirmé le jugement de
première instance "dans le sens des considérants". Pour un motif tiré du
droit de procédure civile genevois, elle a estimé que les demandeurs ne
pouvaient pas exiger l'administration de preuves en appel, ni requérir le
renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour complément
d'instruction. Sur le fond, la cour cantonale a considéré que les demandeurs
avaient ouvert action prématurément dans la mesure où, la liquidation du
fonds de placement N.________ n'étant pas terminée, il n'était pas exclu que
ses créanciers soient complètement désintéressés in fine. En d'autres termes,
le dommage invoqué n'était que futur et sa survenance incertaine. Les juges
d'appel ont encore indiqué que les demandeurs n'avaient pas allégué les faits
susceptibles de déterminer le montant de leur préjudice ou, à tout le moins,
de le fixer approximativement en appliquant l'art. 42 al. 2 CO. Ils ont
constaté enfin que l'acte d'appel, à l'exemple des écritures de première
instance des demandeurs, ne renfermait aucune argumentation quant au
préjudice que ceux-ci auraient subi.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté, dans la mesure
où il était recevable, par arrêt séparé de ce jour, les demandeurs ont déposé
un recours en réforme. Ils y reprennent les conclusions condamnatoires qu'ils
avaient soumises aux deux juridictions cantonales et sollicitent, à titre
subsidiaire, le renvoi de la cause à la Cour de justice pour l'ouverture de
toutes mesures probatoires utiles à l'établissement du dommage subi par eux.

La défenderesse propose le rejet du recours en réforme.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par les parties demanderesses qui ont succombé dans leurs
conclusions condamnatoires et dirigé contre une décision finale rendue en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 OJ) sur une
contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr.
(art. 46 OJ), le présent recours en réforme est en principe recevable
puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes
requises (art. 55 OJ).

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127
III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).
Ainsi, dans la mesure où les demandeurs présentent un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée ou le complète, il n'est
pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Demeure réservé
l'examen du grief tiré de la violation de l'art. 8 CC (cf. consid. 2
ci-après). Pour le surplus, il ne suffit pas d'alléguer un certain nombre de
faits non constatés dans la décision attaquée et d'y ajouter la mention "art.
64 OJ" entre parenthèses, comme le font les demandeurs dans leur mémoire de
recours, pour obtenir un complètement de l'état de fait. Procéder de la
sorte, c'est oublier que l'art. 64 OJ ne confère pas aux parties la faculté
de compléter ad libitum les faits constatés par l'autorité cantonale, cette
disposition ne s'appliquant que si la décision cantonale ne contient pas les
constatations nécessaires à l'application du droit fédéral (Bernard Corboz,
Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II 1 ss, 67), ce que
les demandeurs ne démontrent nullement.

2.
Les demandeurs reprochent, en premier lieu, à la cour cantonale d'avoir violé
l'art. 8 CC.

2.1 L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions
fondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des
parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 127 III
519 consid. 2a p. 522; 126 III 189 consid. 2b, 315 consid. 4a). On en déduit
également un droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 126 III 315 consid.
4a), à la condition qu'il s'agisse d'établir un fait pertinent (ATF 126 III
315 consid. 4a; 123 III 35 consid. 2b p. 40), qui n'est pas déjà prouvé (ATF
127 III 519 consid. 2a p. 522; 126 III 315 consid. 4a), par une mesure
probatoire adéquate (cf. ATF 90 II 224 consid. 4b) qui a été régulièrement
offerte selon les règles de la loi de procédure applicable (ATF 126 III 315
consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c p. 223). Le juge cantonal enfreint l'art.
8 CC s'il tient pour exactes les allégations non prouvées d'une partie,
nonobstant leur contestation par la partie adverse, ou s'il refuse toute
administration de preuve sur des faits pertinents en droit. Il viole
également le droit fédéral s'il se contente de la simple vraisemblance d'un
fait allégué lorsqu'il n'a pas pu acquérir une conviction quant à l'existence
de ce fait (cf. ATF 118 II 235 consid. 3c et les références).

2.2
2.2.1Selon les demandeurs, la Cour de justice aurait refusé d'administrer des
preuves sur des faits régulièrement allégués, offerts en preuve et pertinents
- en particulier ceux relatifs au dommage que leur aurait causé l'achat des
parts du fonds de placement N.________ - bien qu'elle considérât que ces
faits n'avaient pas été prouvés par eux. Un tel refus équivaudrait à une
violation de l'art. 8 CC.

Il n'en est rien. En effet, la cour cantonale a estimé que les demandeurs ne
pouvaient pas exiger l'administration de preuves en appel, ni requérir le
renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour complément
d'instruction, parce qu'ils avaient renoncé à toutes mesures probatoires
devant le premier juge. En d'autres termes, les juges d'appel ont estimé
qu'ils n'étaient pas en présence de preuves régulièrement offertes selon la
loi de procédure civile genevoise. Cette appréciation ne peut pas être revue
par la juridiction fédérale de réforme et les demandeurs ont tenté sans
succès de la faire sanctionner par la juridiction constitutionnelle. Partant,
l'une des conditions d'application de l'art. 8 CC - la régularité de l'offre
de preuve - fait défaut en l'espèce. Le moyen pris de la violation du droit à
la preuve apparaît ainsi dénué de tout fondement.

2.2.2 Les juges d'appel se voient encore reprocher, par les demandeurs,
d'avoir tenu pour établis trois faits contestés sans recourir à des mesures
probatoires. S'il reposait sur des prémisses avérées, un tel reproche serait
effectivement constitutif d'une violation de l'art. 8 CC. Cependant, tel
n'est pas le cas.

Premièrement, la Cour de justice, à l'inverse du juge précédent, n'a pas
constaté l'existence d'instructions des demandeurs concernant l'achat de
parts du fonds de placement N.________. Elle se borne à faire état de cette
constatation dans son résumé de l'argumentation du Tribunal de première
instance, mais sans épouser l'opinion de celui-ci. De son côté, la cour
cantonale constate simplement, dans son arrêt, d'une part, la proposition
faite téléphoniquement aux demandeurs par Y.________ d'opérer un placement en
"Taxe Sale Certificate" et, d'autre part, le dépôt subséquent en "banque
restante" de trois avis concernant l'achat de parts du fonds de placement
N.________. Par ailleurs, elle fonde exclusivement le rejet de la demande sur
l'absence de preuve du dommage.

Deuxièmement, les juges d'appel n'ont pas retenu l'absence de dommage, comme
le soutiennent les demandeurs, mais l'absence de preuve du dommage, ce qui
n'est pas la même chose.
Troisièmement, la cour cantonale n'a pas tenu pour établie "l'étendue de ce
dommage", pour reprendre les termes utilisés par les demandeurs, puisqu'elle
a considéré que l'existence de celui-ci n'avait pas été prouvée.

Le moyen pris de la violation de l'art. 8 CC tombe, dès lors, à faux.

3.
3.1 Les demandeurs se plaignent ensuite de la violation des art. 42 et 43 CO.
Ils disent avoir subi un dommage de 426'000 US$ en capital, qui découlerait
directement des débits effectués sans droit sur le compte "M.________" pour
l'achat des parts du fonds de placement N.________. Ce dommage se serait
matérialisé lorsque, la cotation dudit fonds ayant été suspendue, la Banque
C.________ avait fixé la valeur des parts de celui-ci à zéro.

De l'avis des demandeurs, la cour cantonale possédait tous les éléments
nécessaires à l'évaluation du dommage. Aussi lui appartenait-il d'ouvrir les
enquêtes requises sur les autres éléments d'appréciation concernant l'étendue
du dommage, vu le désaccord des parties à ce sujet. A ce défaut, les juges
d'appel devaient déterminer équitablement le montant du dommage (art. 42 al.
2 CO) et fixer son mode de réparation (art. 43 CO), par exemple en allouant
aux lésés l'intégralité des montants débités de leur compte, moyennant
cession à la défenderesse du dividende de liquidation du fonds N.________. En
effet, le préjudice surviendrait déjà lors de l'entrée en liquidation et
c'est l'auteur du dommage, plutôt que le lésé, qui devrait pâtir de
l'incertitude quant au montant du dividende éventuel.

En refusant de fixer l'étendue du dommage et le mode de réparation, la Cour
de justice aurait donc violé le droit fédéral, selon les demandeurs.

3.2
3.2.1Le dommage juridiquement reconnu, qui constitue une notion de droit
fédéral (ATF 128 III 22 consid. 2a, 180 consid. 2d p. 184; 127 III 73 consid.
3c, 543 consid. 2b), réside dans la diminution involontaire de la fortune
nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du
lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement dommageable ne
s'était pas produit; le dommage peut se présenter sous la forme d'une
diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation
de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 129 III 331 consid. 2.1 et
les arrêts cités).

En vertu de l'art. 42 al. 2 CO, lorsque le montant exact du dommage ne peut
être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours
ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. D'après la
jurisprudence, pour que cette disposition soit applicable, il faut que les
preuves du dommage fassent défaut ou que leur administration ne puisse être
raisonnablement exigée du lésé (ATF 105 II 87 consid. 3 p. 89 et les arrêts
cités). L'art. 42 al. 2 CO ne constitue en effet pas une solution de facilité
pour le plaideur qui omet d'apporter des preuves ou qui ferait obstacle à
leur administration. L'application de cette disposition suppose en outre que
la partie à laquelle le fardeau de la preuve incombe fournisse au juge, dans
la mesure du possible, tous les éléments permettant l'évaluation ex aequo et
bono du montant du dommage (ATF 113 II 323 consid. 9c p. 343; 98 II 34
consid. 2; 97 II 216 consid. 1).

3.2.2 Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice émet notamment les
considérations suivantes au sujet du dommage (consid. 3.2, p. 9):

"D'ailleurs, les appelants n'ont pas allégué les faits susceptibles de
déterminer le montant de leur préjudice, ou à tout le moins, de le fixer
approximativement selon les réquisits de l'art. 42 al. 2 CO.

Enfin, l'acte d'appel, à l'exemple des écritures de première instance des
demandeurs, ne renferme aucune argumentation quant au préjudice que les époux
X.________ auraient subi."

Ces considérations font suite à l'argumentation des juges cantonaux relative
à la nature du préjudice invoqué - un dommage futur, selon eux - et à
l'incertitude existant quant à sa survenance. On peut s'interroger sur le
point de savoir si elles ne revêtent pas un caractère subsidiaire et
indépendant, auquel cas le grief examiné serait entièrement irrecevable,
puisque les demandeurs ne les ont pas entreprises par le moyen de droit
approprié (ATF 115 II 300 consid. 2a p. 302; 111 II 397 consid. 2b, 398
consid. 2b; cf. également ATF 122 III 488 consid. 2; 117 II 432 consid. 2a p.
441).

Quoi qu'il en soit, l'argumentation reproduite ci-dessus relève de la
constatation des faits et lie, partant, la juridiction fédérale de réforme
(art. 63 al. 2 OJ). Il en découle que les demandeurs n'ont pas satisfait aux
exigences minimales posées par la jurisprudence pour que le juge puisse faire
application de l'art. 42 al. 2 CO. Le moyen fondé sur la violation de cette
disposition ne peut ainsi qu'être rejeté.

Au demeurant, si l'on peut certes discuter, sur le vu de la jurisprudence
citée par les demandeurs (ATF 111 II 164 consid. 1), de la pertinence des
considérations émises par les juges d'appel au sujet de la détermination d'un
dommage dont l'étendue dépend d'un dividende encore incertain, il ne va pas
de soi, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, que leur dommage
consisterait simplement dans la différence entre les montants débités pour
l'achat des parts du fonds de placement N.________ et le dividende qu'ils
toucheront une fois ce fonds liquidé. En effet, si les demandeurs n'avaient
pas acquis ces parts-là, leur compte aurait néanmoins été débité d'un montant
équivalent pour l'achat des "Taxe Sale Certificate", puisqu'ils avaient
accepté la proposition qui leur avait été faite téléphoniquement à cet égard
par Y.________. Ainsi, leur éventuel dommage correspondrait, en réalité, à la
différence, supposée positive, entre la valeur de ces titres à la date
déterminante et le dividende de liquidation du fonds de placement N.________.
Or, si l'on ne connaît pas encore celui-ci, on ignore tout de celle-là. Il
est, par conséquent, impossible d'exclure d'emblée que ces reconnaissances de
dette américaines eussent elles-mêmes perdu de leur valeur après la date à
laquelle elles seraient entrées dans le portefeuille des demandeurs. On peut
d'autant moins le faire que, selon les constatations des juges d'appel, le
fonds de placement N.________, investi en "Taxe Sale Certificate", a
rencontré des problèmes de liquidités en raison de l'insolvabilité de son
principal débiteur. Toujours est-il qu'il eût appartenu aux demandeurs de
fournir tous éclaircissements utiles à ce sujet aux juges genevois, ce qu'ils
n'ont pas fait. Il n'apparaît pas, prima facie, que les intéressés eussent
été dans l'impossibilité de proposer, sur ce point, l'administration de
preuves littérales ou testimoniales, de sorte que le recours à la disposition
auxiliaire de l'art. 42 al. 2 CO n'eût pas été justifié dans ce cas.

Cela étant, le grief tiré de la violation des art. 42 et 43 CO ne pourrait
qu'être rejeté, à le supposer recevable.

4.
L'existence d'un dommage est une condition sine qua non de toute
responsabilité. Les juges d'appel ont considéré que cette condition faisait
défaut dans le cas particulier, raison pour laquelle ils n'ont pas examiné la
réalisation des autres conditions cumulatives de la responsabilité invoquée.
Le présent recours est dès lors sans objet dans la mesure où ses auteurs y
font valoir des griefs en rapport avec ces autres conditions, qu'il s'agisse
de la violation des devoirs d'information et de fidélité de la Banque (let.
C), de la responsabilité pour les auxiliaires (let. D), de la violation des
art. 100 et 101 CO (let. E) ou encore de l'abus de droit (let. F).

5.
Les demandeurs, qui succombent, seront condamnés solidairement à payer
l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ) et à indemniser la défenderesse
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 9'000 fr. est mis à la charge des recourants,
solidairement entre eux.

3.
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimée une
indemnité de 10'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 23 février 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: