Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.401/2004
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4C.401/2004 /ech

Arrêt du 9 mars 2005
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Kiss.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Dominique Morard,

contre

SUISA, Société suisse pour les droits des auteurs d'oeuvres musicales,
demanderesse et intimée.

droit d'auteur; droit de reproduction de vidéocassettes; action en
interdiction

(recours en réforme contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de
Fribourg, IIe Cour d'appel, du 27 août 2004).

Faits:

A.
Depuis 1992 environ, A.________ a exploité un laboratoire de duplication de
vidéocassettes, sous l'enseigne de "Y.________". Après la fermeture de ce
laboratoire, il a exercé une activité de duplication plus restreinte dans les
locaux de W.________ S.A. (devenue à fin 2001 Z.________ S.A.), dont il était
l'administrateur. Il dupliquait alors des vidéocassettes pour cette société
et pour quelques clients restants de Y.________, disposant à cet effet d'une
vingtaine de magnétoscopes.

Dans le courant de l'année 2002, A.________ a cessé son activité de
duplication et, le 5 août 2002, la faillite de Z.________ S.A. a été
prononcée.

En octobre 2003, A.________ a recommencé à dupliquer des vidéocassettes avec
la société V.________ S.A. dont il est l'administrateur unique. Le matériel
utilisé, qui comprend une cinquantaine de machines neuves, a plus que doublé
par rapport à la période précédant la cessation des activités de duplication.
Il appartient personnellement à A.________, qui exerce lui-même cette
activité.

Le nombre de copies produites a rarement été inférieur à 10, oscillant en
général entre 20 et 70. Il s'est élevé à sept reprises entre 100 et 1'000.

A. ________ a admis que les supports qu'il fabriquait pour une partie de ses
clients étaient destinés à la distribution au public par vente, location,
donation ou autre mise en circulation. Il n'a pas contesté qu'il ne
recherchait pas si une autorisation avait été donnée. Il a déclaré que ses
clients faisaient ce qu'ils voulaient des copies commandées. Même lorsqu'un
client était une grande société, A.________ partait de l'idée qu'il n'en
ferait qu'un usage personnel. En outre, en tant que simple duplicateur, il ne
se prétendait pas concerné par les droits sur la musique, considérant que les
droits par rapport au film de son client englobaient ceux relatifs aux
oeuvres musicales utilisées.

B.
La société coopérative Suisa, Société suisse pour les droits des auteurs
d'oeuvres musicales (ci-après : Suisa), dont le siège est à Zurich, a en
particulier pour but de gérer à titre fiduciaire les droits des auteurs
d'oeuvres musicales non théâtrales qui lui ont été cédés par les auteurs et
éditeurs. Elle est la seule société au bénéfice d'une autorisation portant
notamment sur la gestion des droits de confection de vidéogrammes d'oeuvres
musicales non théâtrales, délivrée par l'Institut fédéral de la propriété
intellectuelle.

En avril 1996, Suisa a soumis à A.________ un projet de contrat tendant à
autoriser ce dernier à fabriquer, sur commande de producteurs titulaires
d'une licence, des supports contenant de la musique de son répertoire, en lui
imposant de s'assurer, avant d'exécuter les commandes, que les producteurs
étaient au bénéfice d'une autorisation et de lui déclarer les duplications
effectuées. A.________ a refusé de signer ce contrat, se considérant comme un
simple fabricant et estimant que la convention proposée par Suisa portait
atteinte à ses secrets d'affaires.

Le 10 juillet 1997, la société américaine X.________ a déposé une plainte
pénale contre A.________, à laquelle s'est jointe Suisa, pour violation du
droit d'auteur. L'enquête pénale a révélé que celui-ci avait fabriqué des
vidéocassettes contrefaites ("pirates") pour le compte de B.________.
A.________ avait dupliqué une dizaine de films pour ce client. En cours de
procédure, il a déclaré qu'il ignorait que B.________ n'avait pas payé les
redevances à Suisa, ce dernier lui ayant menti en affirmant avoir des droits
d'auteur.

Le 27 octobre 1999, Suisa a appris que A.________ avait effectué 2'000 copies
du film "H.________" de D.________. Les droits de reproduction sur la musique
de ce film, composée par C.________, avaient été cédés à Suisa.

C.
Le 11 novembre 1999, Suisa, parallèlement à une requête de mesures
provisionnelles qu'elle a finalement retirée, a déposé une demande auprès de
la Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, tendant à
interdire à A.________ d'utiliser les oeuvres de son répertoire. Elle a par
la suite précisé ses conclusions en les détaillant.

Dans un premier temps, la procédure a été limitée à la recevabilité de la
demande et à la qualité pour défendre de A.________. Par jugement incident du
24 novembre 2000, la IIe Cour d'appel a admis la recevabilité de la demande
de Suisa, qualifiant ses conclusions de claires, et elle a rejeté l'exception
de défaut de qualité pour défendre.

Le 15 mars 2001, à la suite d'articles doctrinaux révélant une controverse
sur l'existence des droits de gestion de Suisa sur la musique de film
originale, celle-ci a modifié ses conclusions, les limitant à l'interdiction
de duplication de vidéocassettes contenant de la musique préexistante, à
savoir de la musique qui n'a pas été composée spécialement pour une oeuvre
audiovisuelle déterminée.

Par arrêt du 15 novembre 2001, le Tribunal cantonal a rejeté la demande dans
la mesure de sa recevabilité. Reconnaissant le droit pour Suisa de réduire
ses conclusions, il a toutefois considéré que celle-ci n'avait ni
correctement allégué ni prouvé sa qualité pour agir en fonction de ses
conclusions modifiées du 15 mars 2001, tout en émettant des doutes quant à
leur recevabilité.

D.
Le 6 mai 2002, le Tribunal fédéral a admis le recours en réforme interjeté
par Suisa à l'encontre de l'arrêt du 15 novembre 2001 et a renvoyé la cause à
la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Contrairement à l'autorité cantonale, la Cour de céans a considéré que la
qualité pour agir en justice de Suisa en vue de la protection des droits de
reproduction sur les musiques de film préexistantes devait être reconnue.
Elle ne s'est pas prononcée sur la recevabilité des conclusions du 15 mars
2001, car cette question n'avait pas été formellement tranchée dans l'arrêt
cantonal. Enfin, qualifiant l'action intentée d'action en interdiction, le
Tribunal fédéral a considéré que les faits retenus ne permettaient pas de se
prononcer sur le risque imminent d'une violation future des droits de Suisa,
qui consistaient en l'occurrence dans le fait que A.________ procède à
l'avenir à des duplications de vidéocassettes de films comprenant de la
musique préexistante. Il convenait donc de renvoyer la cause à la cour
cantonale pour qu'elle complète le dossier sur ce point et qu'elle statue à
nouveau.

E.
Devant l'instance cantonale, les parties ont à nouveau pu se déterminer et
compléter leurs allégués. Suisa a modifié une nouvelle fois ses conclusions
en ne distinguant plus entre les musiques de film préexistantes et
originales. Elle a finalement demandé à ce que la cour cantonale :
a) Interdise à M. A.________ de fabriquer sans autorisation de Suisa,
sur commande de tierces personnes, des supports audio-visuels contenant de la
musique dont les droits de reproduction ont été cédés fiduciairement à Suisa
par ses membres ou dont Suisa assume en Suisse la gestion des droits de
reproduction sur la base de contrats passés avec des sociétés de gestion
étrangères.
b) Dise que l'interdiction susmentionnée ne vaudra que si les personnes
ayant commandé les supports à M. A.________ n'ont pas non plus obtenu
d'autorisation de Suisa alors que les supports sont destinés à être
distribués au public par vente, location, donation ou autre mise en
circulation.
c) Menace M. A.________ des peines d'arrêts ou d'amende prévues à l'art.
292 CP pour le cas où l'interdiction susmentionnée serait transgressée.
Tout en s'en remettant à justice quant à la recevabilité de cette dernière
modification des conclusions de Suisa, A.________ a conclu au rejet de
l'action.

Par arrêt du 27 août 2004, la IIe Cour d'appel a admis l'action de Suisa et
déclaré en conséquence :
1.1 Interdiction est faite à A.________ de fabriquer sans autorisation de
Suisa, sur commande de tierces personnes, des supports audio-visuels
contenant de la musique dont les droits de reproduction ont été cédés
fiduciairement à Suisa par ses membres ou dont Suisa assume en Suisse la
gestion des droits de reproduction sur la base de contrats passés avec des
sociétés de gestion étrangères.

1.2  L'interdiction selon chiffre 1.1 ci-dessus ne vaudra que si les
personnes ayant commandé les supports à A.________ n'ont pas non plus obtenu
d'autorisation de Suisa alors que les supports sont destinés à être
distribués au public par vente, location, donation ou autre mise en
circulation.

1.3  A.________ est avisé qu'en cas de non-respect de cette interdiction,
il pourra être poursuivi pénalement et puni des peines d'arrêts ou d'amende
prévues à l'art. 292 CP.

F.
Contre l'arrêt du 27 août 2004, A.________ (le défendeur) interjette un
recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à l'admission de son
recours et à la réforme de l'arrêt entrepris dans le sens d'un rejet de
l'action en interdiction formée par Suisa, pour autant qu'elle puisse être
considérée comme recevable.

Suisa (la demanderesse) propose, pour sa part, le rejet du recours et la
confirmation de la décision attaquée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Dirigé contre l'arrêt cantonal rendu à la suite du renvoi de la cause par le
Tribunal fédéral en application de l'art. 64 al. 1 OJ, le présent recours est
en principe recevable (art. 66 al. 2 OJ), puisqu'il a été déposé en temps
utile (art. 32 al. 2 et 54 al. 1 OJ; art. 1 de la loi fédérale du 21 juin
1963 sur la supputation des délais comprenant un samedi) et dans les formes
requises (art. 55 OJ).

2.
Postérieurement à l'arrêt de renvoi de la Cour de céans du 6 mai 2002, la
demanderesse a été autorisée par l'autorité cantonale à amplifier ses
conclusions. Alors qu'elles ne portaient que sur les droits relatifs à la
musique de film préexistante, à l'exclusion de la musique originale, Suisa a
supprimé cette limitation, faisant valoir ses prétentions sur toute la
musique dont les droits de reproduction lui ont été cédés fiduciairement.

2.1 On peut se demander si une telle amplification des conclusions est
conforme à l'art. 66 al. 1 OJ, dont il découle en particulier que le point
litigieux délimité par l'arrêt de renvoi ne peut être étendu ou fixé sur une
base juridique nouvelle (ATF 116 II 220 consid. 4a, confirmé notamment in
arrêts du Tribunal fédéral 5C.108/2004 du 16 novembre 2004 destiné à la
publication, consid. 5.2, et 4C.246/2004 du 5 octobre 2004, consid. 2.1).
2.2 Une telle question peut toutefois demeurer indécise dès lors que, d'une
part, le défendeur lui-même ne s'en plaint pas dans la présente procédure
(cf. art. 55 al. 1 let. c OJ) et que, d'autre part, la limitation des
conclusions de Suisa à la musique de film préexistante découlait d'une
situation juridique incertaine, qui a été précisée postérieurement à l'arrêt
de renvoi du 6 mai 2002. En effet, par arrêt du 24 mars 2003, le Tribunal
fédéral a tranché la controverse portant sur le point de savoir si les
oeuvres musicales non théâtrales dont Suisa est autorisée à gérer
collectivement les droits comprenaient aussi la musique de film originale. Il
a été admis que les oeuvres musicales non théâtrales recouvraient toutes les
musiques de film, tant préexistantes qu'originales (cf. arrêt du Tribunal
fédéral 2A.288/2002 du 24 mars 2003, in sic! 9/2003 p. 699, consid. 3).
Compte tenu de la clarification apportée par cette dernière jurisprudence,
l'amplification des conclusions de la demanderesse aux musiques de film
originales peut s'intégrer dans le cadre juridique figurant dans l'arrêt de
renvoi du 6 mai 2002 (arrêt du Tribunal fédéral 4C.28/2002, in sic! 9/2002 p.
599), auquel la Cour de céans est liée s'agissant d'un recours contre la
nouvelle décision cantonale (ATF 125 III 421 consid. 2a). Tout d'abord, les
arguments présentés dans l'arrêt du 6 mai 2002 pour admettre la légitimation
active de Suisa s'agissant des musiques de film préexistantes (cf. sic!
9/2003 p. 699, consid. 3.2) peuvent s'appliquer par analogie aux musiques
originales. Ensuite, le point sur lequel la cause a été renvoyée aux juges
cantonaux, qui concerne l'existence d'un risque imminent que le défendeur
procède à l'avenir à des duplications de vidéocassettes contenant des
musiques de film préexistantes sur lesquels Suisa peut faire valoir des
droits, conserve la même portée; seul le spectre des musiques concernées
s'est accru, incluant désormais toutes les musiques de film. Dans ces
circonstances, même si l'objet du litige a été amplifié par les conclusions
de la demanderesse formulées après l'arrêt de renvoi, la Cour de céans est en
mesure d'examiner la conformité de la décision attaquée avec le droit
fédéral, tout en demeurant liée par son arrêt de renvoi. A titre exceptionnel
et pour des motifs d'économie de procédure, il convient donc d'entrer en
matière.

3.
En premier lieu, le défendeur soutient que l'arrêt attaqué revient à
prononcer une interdiction générale et préventive de dupliquer des films,
sous réserve d'une autorisation de la demanderesse, ce qui irait au-delà de
la portée des droits de défense prévus à l'art. 62 al. 1 let. a LDA (RS
231.1) et serait ainsi contraire au droit fédéral.

3.1 L'art. 62 al. 1 let. a LDA prévoit que la personne qui subit ou risque de
subir une violation de son droit d'auteur ou d'un droit voisin peut demander
au juge de l'interdire, si elle est imminente. Comme toutes les actions en
abstention ou en interdiction, il faut que le comportement dont
l'interdiction est requise soit défini de manière précise (ATF 97 II 92 p.
93). La partie concernée par l'interdiction doit être en mesure de saisir ce
qu'elle ne doit plus faire et les autorités d'exécution ou les autorités
pénales doivent savoir quels sont les actes qu'elles sont tenues d'empêcher
ou qu'elles peuvent assortir d'une peine (ATF 88 II 209 consid. III/2 p.
240). Si l'on fait valoir auprès de ces autorités que le défendeur a commis
un acte interdit malgré l'injonction du juge civil, celles-ci doivent
seulement avoir à vérifier si les conditions de fait invoquées sont remplies;
en revanche, elles ne doivent pas être amenées à qualifier sur le plan
juridique le comportement en cause (arrêt du Tribunal fédéral 4C.290/2001 du
8 novembre 2002, in sic! 4/2003 p. 323, consid. 2; ATF 84 II 450 consid. 6 p.
458). Il est donc déterminant que le défendeur puisse connaître les limites
de l'interdiction sans efforts d'interprétation et qu'aucune difficulté ne
puisse surgir au moment de l'exécution du jugement. Des conclusions
générales, comme par exemple la demande tendant à interdire au défendeur de
violer les droits de la marque du demandeur, sont inadmissibles (Troller,
Précis de droit suisse des biens immatériels, Bâle 2001, p. 363). En
revanche, la voie de l'action en interdiction permet à une société de gestion
d'obtenir un ordre interdisant toute utilisation d'oeuvres protégées,
lorsqu'il est établi que le défendeur ne paiera pas les redevances dues selon
le tarif (Dessemontet, Le droit d'auteur, Lausanne 1999, no 745; cf. aussi en
ce sens, Barrelet/Egloff, Le nouveau droit d'auteur, 2e éd. Berne 2000, no 2
ad art. 44 LDA ).

3.2 Selon le dispositif de l'arrêt attaqué, interdiction est faite au
défendeur de fabriquer sans autorisation de Suisa, sur commande de tierces
personnes, des supports audiovisuels contenant de la musique dont les droits
de reproduction ont été cédés fiduciairement à Suisa par ses membres ou dont
Suisa assume en Suisse la gestion des droits de reproduction sur la base de
contrats passés avec des sociétés de gestion étrangères (ch. 1.1). Il est
précisé que cette interdiction ne vaut que si les personnes ayant commandé
les supports au défendeur n'ont pas non plus obtenu d'autorisation de Suisa,
alors que les supports sont destinés à être distribués au public par vente,
location, donation ou autre mise en circulation (ch. 1.2).

Contrairement à ce que soutient le défendeur, on ne voit pas que cette
interdiction apparaisse comme trop étendue ou trop vague par rapport aux
droits que peut faire valoir Suisa. Il ne faut pas perdre de vue que Suisa,
au travers des accords conclus avec les sociétés de gestion étrangères (sur
ce mécanisme, cf. Wegener, Musik & Recht, Starnberg et Munich 2003, p. 63
s.), gère environ les quatre/cinquièmes des oeuvres musicales existant dans
le monde entier (cf. Dessemontet, op. cit., no 608). En outre, Suisa est la
seule société autorisée à gérer collectivement en Suisse les droits de
reproduction sur les musiques non théâtrales (Hefti, Die Tätigkeit der
schweizerischen Verwertungsgesellschaften, SIWR II/1, Urheberrecht und
verwandte Schutzrechte, Bâle 1995, p. 463 ss, 481), qui comprennent, comme
l'a précisé récemment la jurisprudence, les musiques de film tant
préexistantes qu'originales (cf. supra consid. 2.2; arrêt 2A.288/2002
précité, in sic! 9/2003 p. 699, consid. 3). Dans un tel contexte,
l'interdiction prononcée à l'encontre du défendeur en vue d'empêcher la
duplication de vidéocassettes en violation des droits de reproduction de
Suisa ne peut qu'être conçue de manière large, car tous les films dupliqués
par le défendeur sont de nature à contenir de la musique appartenant au
répertoire géré par Suisa.
Par ailleurs, l'interdiction est clairement exprimée et indique de manière
précise à quelles obligations le défendeur doit se soumettre. Ce dernier est
donc parfaitement en mesure de comprendre quel est le comportement qu'il doit
adopter et, si des autorités devaient être saisies par la suite, elles
seraient également à même de vérifier, sur la base des seuls faits, si le
défendeur s'est ou non conformé à ses obligations. On ne voit donc pas que
l'interdiction prononcée ait une teneur qui ne respecte pas les exigences
propres à l'action en interdiction prévue à l'art. 62 al. 1 let. a LDA.

3.3 Les critiques formulées dans le recours à ce sujet sont du reste
dépourvues de tout fondement. Ainsi, le défendeur ne peut être suivi
lorsqu'il affirme qu'il lui serait impossible de se plier à l'injonction
imposée par la cour cantonale. Le fait qu'il doive en pratique s'adresser
quasi systématiquement à Suisa avant de dupliquer des vidéocassettes et qu'il
soit désormais tenu de demander à ses clients s'ils ont une autorisation de
Suisa complique certes les activités commerciales du défendeur. Toutefois, il
ne s'agit que de la conséquence liée au respect des droits d'auteur, dont le
défendeur a jusqu'à présent fait fi.

Le défendeur se méprend lorsqu'il soutient que les autres activités que la
duplication de vidéocassettes, qu'il exerce par le biais de sa société
V.________ et qui consistent en la couverture télévisée de différents
événements, seraient également touchées. Comme le relève la demanderesse,
l'interdiction ne vise que la fabrication par le défendeur lui-même de
supports audio-visuels qui sont destinés à être distribués au public par
vente, location, donation ou autre mise en circulation. Elle ne saurait donc
concerner la couverture télévisée d'événements réalisée par V.________.

Enfin, le défendeur ne peut rien tirer du fait que les juges cantonaux, dans
leur premier jugement, avaient émis des doutes quant aux conclusions de
Suisa. Ces hésitations étaient dictées par la controverse liée à l'étendue
des droits de Suisa sur les musiques de film originales et par la difficulté
à différencier les vidéocassettes selon qu'elles contiennent de la musique
préexistante ou originale. Or, la jurisprudence a supprimé cette distinction
et Suisa a modifié ses conclusions (cf. supra consid. 2.2), de sorte que le
contexte prévalant lors de l'arrêt du 15 novembre 2001 n'est plus le même.

4.
En second lieu, le défendeur, se fondant toujours sur l'art. 62 al. 1 let. a
LDA, soutient que la cour cantonale a violé cette disposition en prononçant
une interdiction, alors que les conditions n'en étaient pas réalisées.

4.1 Comme la Cour de céans l'a déjà indiqué dans son arrêt de renvoi,
l'action en interdiction d'une violation imminente ne suppose aucun dommage
passé (cf. arrêt 4C.28/2002 précité, in sic! 9/2002 p. 599, consid. 5.1).
Elle est subordonnée à la vraisemblance d'une atteinte future (cf.
Dessemontet, op. cit., no 743). Une mise en danger seulement hypothétique et
que rien ne concrétise ne suffit pas (Barrelet/Egloff, op. cit., no 4 ad art.
62 LDA). Lorsque le défendeur a déjà commis une violation et qu'il ne
reconnaît pas les droits du demandeur, il y a lieu de présumer qu'il existe
un danger de répétition des actes incriminés, sous réserve de circonstances
particulières permettant d'exclure que de tels actes ne se reproduisent
(arrêt 4C.28/2002 précité in sic! 9/2002 p. 599 consid. 5.1 et les références
citées; cf. également en ce sens von Büren/Marbach, Immaterialgüter- und
Wettbewerbsrecht, 2e éd. Berne 2002, no 844). Dans cette hypothèse, il ne
faut pas se montrer trop sévère quant à la preuve de l'imminence de la
violation (Troller, op. cit., p. 363).

4.2 En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que l'activité du défendeur
n'était pas exclusivement destinée à l'usage privé de ses clients (cf. art.
19 LDA), de sorte qu'elle n'échappe pas aux droits de rémunération découlant
de la LDA (art. 20 al. 1 LDA a contrario). Il a également été constaté, d'une
manière qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2
OJ), qu'hormis un cas, le défendeur a toujours contesté avoir commis des
violations aux droits d'auteur, car, en tant que simple duplicateur, il ne
s'estimait pas concerné par les droits sur les musiques de film. Il ne
recherchait donc pas si une autorisation avait été donnée par Suisa, car il
estimait que celle-ci n'avait pas à donner ou à refuser un quelconque
consentement. Dans ces circonstances, on se trouve de manière caractéristique
en présence d'une situation où le défendeur a déjà commis des violations aux
droits d'auteur gérés par Suisa, mais ne reconnaît pas les droits de
celle-ci, sans que l'on puisse discerner des circonstances permettant
d'exclure qu'une telle violation ne se reproduise. Au contraire, il ressort
des faits que le défendeur a accru son parc de machines et entend poursuivre
de manière plus intense que par le passé ses activités de duplication.

Sur la base de ces éléments, on ne peut reprocher à la cour cantonale d'avoir
admis que les conditions d'une action en interdiction au sens de l'art. 62
al. 1 let. a LDA étaient réalisées.

Au surplus, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur l'argumentation
présentée par le recourant à l'appui de son grief, dès lors que celui-ci
critique les faits retenus et se fonde sur des éléments qui ne ressortent pas
de l'arrêt entrepris, sans se prévaloir de l'une des exceptions permettant au
Tribunal fédéral de s'en écarter, ce qui n'est pas admissible dans le cadre
d'un recours en réforme (cf. art. 63 al. 2 et 64 OJ; ATF 130 III 102 consid.
2.2; 127 III 248 consid. 2c).

Le recours doit par conséquent être rejeté.

5.
Eu égard à ce qui précède, les frais seront mis à la charge du défendeur, qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il ne sera pas alloué de dépens à la
demanderesse, qui n'est pas représentée par un avocat et qui n'a pas justifié
avoir supporté des dépenses particulières (cf. ATF 125 II 518 consid. 5b; 113
Ib 353 consid. 6b).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge du défendeur.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal cantonal
de l'État de Fribourg, IIe Cour d'appel.

Lausanne, le 9 mars 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: