Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.377/2004
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4C.377/2004 /ech

Arrêt du 2 décembre 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.

X. ________ S.A.,
demanderesse et recourante, représentée
par Me Nicolas Stucki,

contre

A.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Yves Grandjean.

contrat de bail; réduction de loyer; défaut

(recours en réforme contre l'arrêt de la Cour de cassation civile du Tribunal
cantonal neuchâtelois du 13 septembre 2004).

Faits:

A.
Le 8 janvier 1990, X.________ SA et A.________ ont conclu un contrat de bail
portant sur un appartement de quatre pièces sis à Neuchâtel. Le loyer mensuel
initial était de 1'800 fr. plus 150 fr. de charges; il a été augmenté de 70
fr. dès le 1er février 1991. A.________ désirant utiliser l'appartement en
tant que cabinet d'ophtalmologie, la bailleresse a accepté divers travaux
d'aménagement, les frais de transformation étant à la charge du locataire,
qui s'est engagé à remettre les locaux en état à la fin du bail.

Par lettre du 7 septembre 2000, A.________ s'est plaint auprès de la gérance
de nuisances qu'il subissait. Il évoquait notamment le bruit causé depuis
deux ans par deux chantiers proches de son appartement, l'un concernant la
démolition et la reconstruction de l'immeuble voisin et l'autre la
construction de Y.________. Il a sollicité une réduction de son loyer de
l'ordre de 40% depuis le début des chantiers. Par courrier du 11 septembre
2000, la gérance a répondu qu'elle ne disposait pas encore de tous les
éléments lui permettant de statuer sur sa requête. Par lettre du 27 septembre
2000, A.________ a résilié le contrat de bail pour le 31 mars 2001. Il a
offert de quitter les locaux à la fin de l'année 2000, alléguant ne plus
pouvoir travailler dans ces conditions et avoir trouvé de nouveaux locaux; il
a proposé d'être libéré du paiement du loyer dès le 1er octobre 2000 en
compensation partielle de la réduction de loyer sollicitée. X.________ SA n'a
pas accepté cette proposition.

Par requête du 20 octobre 2000, A.________ a saisi l'Autorité régionale de
conciliation de Neuchâtel, sollicitant qu'il lui soit accordé une réduction
de loyer de 40% depuis le début des chantiers, soit dès l'automne 1998 pour
le chantier de l'immeuble voisin et dès le 15 mars 1999 pour celui de
Y.________. Par réponse du 13 novembre 2000, X.________ SA a conclu au rejet
de cette requête. Dans le même temps, elle a dénoncé le litige à la ville de
Neuchâtel et à la société propriétaire de l'immeuble voisin en cause, qui s'y
sont toutes deux opposées.

A. ________ a quitté les locaux à la fin du mois de décembre 2000, sans
proposer de locataire de remplacement.

A. ________ ne s'étant plus acquitté du loyer depuis le mois d'octobre 2000,
X.________ SA lui a adressé trois commandements de payer pour des montants de
2'020 fr. (loyer d'octobre 2000), 4'040 fr. (loyers de novembre et décembre
2000) et 6'060 fr. (loyers de janvier, février et mars 2001).

Le 17 juillet 2001, X.________ SA a déposé devant l'Autorité régionale de
conciliation de Neuchâtel une requête reconventionnelle en paiement dans le
cadre de la procédure déjà en cours. Elle y revendiquait un montant de 12'120
fr. pour les loyers impayés d'octobre 2000 à mars 2001, plus intérêt à 5% et
210 fr. de frais de poursuite, ainsi qu'un montant de 11'992 fr. 55 à titre
d'indemnité pour les frais de remise en état de l'appartement, dans la mesure
où A.________ avait quitté les locaux sans procéder à leur rétablissement
dans leur état d'origine, tel que prévu dans le contrat de bail.

La procédure de conciliation devant l'Autorité régionale de conciliation de
Neuchâtel n'a pas abouti.

B.
X.________ SA a saisi le Tribunal civil du district de Neuchâtel d'une
demande en paiement portant sur la somme de 12'120 fr. (loyers d'octobre 2000
à mars 2001), plus intérêt et frais de poursuite, tels que requis
antérieurement. Elle a au surplus demandé la mainlevée définitive des
oppositions formées aux commandements de payer susmentionnés. Elle a
également réclamé le remboursement de 4'463 fr. 10 à titre de frais de remise
en état de l'appartement. Au total, sa demande se montait à 16'793 fr. 10,
plus intérêt.

A. ________ a reconnu ne pas s'être acquitté des loyers revendiqués par
X.________ SA, ni des frais de remise en état des locaux, admettant quant à
ces derniers devoirs une participation à concurrence de 460 fr. Il a
toutefois conclu au rejet de la demande en invoquant la compensation, dans la
mesure où il considère avoir droit à une réduction de loyer dans une
proportion de 40% pour toute la durée des travaux (vingt-sept mois), soit une
somme totale supérieure à 20'000 fr.

Par jugement du 29 décembre 2003, le Tribunal civil du district de Neuchâtel
a rejeté la demande. En substance, le premier juge a retenu qu'au vu des
témoignages recueillis et de l'ensemble du dossier, les chantiers de
Y.________ et du bâtiment contigu, qui se sont déroulés en parallèle, ont
suscité des nuisances d'une ampleur importante, justifiant une réduction de
loyer. Il a estimé que A.________ avait droit à une réduction de loyer de 80%
pour la période de mi-avril 1999 à mi-juin 1999 et de quinze jours durant le
mois de septembre 1999, de 45% durant treize mois au total, de 30% de janvier
à mi-mars 1999 et de 15% de juillet 2000 à mars 2001, ce qui correspondait à
une réduction de loyer de 37% calculée sur une période de vingt-sept mois. Il
a ainsi calculé que la réduction de loyer globale se montait à 18'606 fr. 50
et que A.________ était en droit de compenser ce montant avec la somme en
capital requise par X.________ SA.

Par arrêt du 13 septembre 2004, la Cour de cassation civile du Tribunal
cantonal neuchâtelois a rejeté le recours déposé par X.________ SA à
l'encontre du jugement du 29 décembre 2003.

C.
X.________ SA (la demanderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 13 septembre 2004,
principalement à la réforme de celui-ci en ce sens que son recours du 28
janvier 2004 et sa demande du 6 septembre 2001 sont admis, que la réduction
de loyer compensable sollicitée par A.________ est admise à concurrence de
30% pendant deux mois et demi et donc arrêtée à 1'515 fr., toutes autres
conclusions de celui-ci étant rejetées, subsidiairement au renvoi de la cause
à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants,
sous suite de frais et dépens des trois instances.

A. ________ (le défendeur) conclut au rejet du recours, sous suite de frais
et dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 II 65 consid. 1, 321 consid. 1).

1.1 Interjeté par la demanderesse qui a succombé dans ses conclusions
condamnatoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation
civile (cf. ATF 130 III 102 consid. 1.1; 129 III 415 consid. 2.1) dont la
valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le présent
recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps
utile (54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.2 L'acte de recours doit contenir l'indication exacte des points attaqués
de la décision et des modifications demandées (art. 55 al. 1 let. b OJ).
Selon la jurisprudence, les conclusions qui portent sur une somme d'argent
doivent être chiffrées (ATF 125 III 412 consid. 1b p. 414). En l'espèce, la
demanderesse se limite à conclure à l'admission de sa demande du 6 septembre
2001. Le défendeur soutient que le recours devrait déjà être déclaré
irrecevable pour ce motif, avis qui ne saurait être suivi. Le recours qui ne
contient pas de conclusions chiffrées est en effet recevable si sa
motivation, en relation avec l'arrêt attaqué, permet de discerner de manière
certaine quels sont les montants réclamés par le recourant (ATF 128 IV 53
consid. 6a p. 70; 127 IV 141 consid. 1c p. 143; 125 III 412 consid. 1b p.
414). Tel est en particulier le cas lorsque le recours tend à l'admission de
la demande, dont le contenu exact ressort de l'arrêt entrepris
(Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich
1992, p. 152). Il en va ainsi dans la présente affaire, puisque l'arrêt
querellé reproduit les conclusions de la demande. La formulation des
conclusions du recours ne s'oppose dès lors pas à ce qu'il soit entré en
matière sur celui-ci.

1.3 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1
OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252 et
les arrêts cités). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit
conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la
décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de
preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations
reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille
compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a
pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ).
Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible
d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il
ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits
ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en
réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et
les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129
III 618 consid. 3).

2.
La demanderesse se plaint d'une violation de l'art. 259d CO. En premier lieu,
elle conteste l'existence d'un défaut susceptible de justifier une réduction
de loyer.

2.1 Selon l'art. 259d CO, si la chose louée est affectée d'un défaut qui
entrave ou restreint l'usage pour lequel elle a été louée, le locataire peut
exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment
où le bailleur a eu connaissance du défaut jusqu'à l'élimination de ce
dernier. La prétention en réduction de loyer peut être invoquée par le biais
de la compensation, ainsi que le défendeur l'a fait en l'espèce (Lachat,
Commentaire romand, n. 4 ad art. 259d CO; SVIT-Kommentar Mietrecht, 2ème éd.,
Zurich 1998, n. 32 ad art. 259d CO).

Faute de définition légale, la notion de défaut doit être rapprochée de
l'état approprié à l'usage pour lequel la chose a été louée, au sens de
l'art. 256 al. 1 CO; elle suppose la comparaison entre l'état réel de la
chose et l'état convenu. L'objet de référence est celui sur lequel le
locataire peut sincèrement compter d'après le contenu du contrat, car le
défaut se définit comme l'absence d'une qualité dont l'existence avait été
promise ou à laquelle la partie contractante pouvait s'attendre selon les
règles de la bonne foi (arrêt 4C.527/1996 du 29 mai 1997, publié in SJ 1997
p. 661, consid. 3a p. 664 et les références citées; plus récemment Tercier,
Les contrats spéciaux, 3ème éd., Zurich 2003, n. 1868 ss p. 271 ss; cf.
également Higi, Commentaire zurichois, n. 17 ad art. 256 CO et n. 27 ss ad
art. 258 CO). Le défaut peut avoir sa source non seulement dans la chose
elle-même, mais aussi dans le voisinage ou l'attitude de tiers (arrêt
4C.527/1996 du 29 mai 1997, publié in SJ 1997 p. 661, consid. 3a p. 664;
C.144/1985 du 24 septembre 1985, publié in SJ 1986 p. 195, consid. 1b p.
197).

En particulier, les immissions provenant d'un chantier voisin (bruit,
poussière, secousses) peuvent constituer un défaut justifiant une réduction
de loyer. Peu importe qu'elles échappent ou non à la sphère d'influence du
bailleur (arrêt 4C.527/1996 du 29 mai 1997, publié in SJ 1997 p. 661, consid.
3a p. 664 s.; C.144/1985 du 24 septembre 1985, publié in SJ 1986 p. 195,
consid. 1b p. 197; plus récemment Weber, Commentaire bâlois, n. 1 ad art.
259d CO). La demanderesse admet ce principe, mais fait valoir que le chantier
de Y.________ était d'intérêt public et exigeait des voisins directs un seuil
de tolérance particulier. Seules devraient donc être prises en considération
les nuisances excédant celles inhérentes au fait de vivre dans une cité.

2.2 Le fait que le chantier de Y.________ ait été d'intérêt public signifie
seulement que les nuisances qui y sont liées doivent être tolérées et qu'il
s'agit de perturbations inévitables, qui excluent toute action en cessation
de trouble. Il ne veut toutefois pas dire qu'une réduction de loyer fondée
sur l'art. 259d CO soit également exclue. Cela ne découle ni de la loi, ni de
la jurisprudence citée par la demanderesse. L'arrêt C.228/1996 du 14 novembre
1986, publié in SJ 1987 p. 145, n'est en effet pas pertinent, dans la mesure
où il y est question d'une prétention en dommages-intérêts et non en
réduction de loyer, comme c'est le cas dans la présente affaire. Par
ailleurs, dans l'arrêt C.144/1985 du 24 septembre 1985, publié in SJ 1986 p.
195, le Tribunal fédéral a appliqué par analogie les principes qu'il avait
posés dans le cadre des art. 679 et 684 CC pour concrétiser la notion
d'amoindrissement notable de l'usage de la chose louée, telle qu'elle était
prévue dans l'ancien droit (art. 255 aCO). Depuis la révision du droit du
bail entrée en vigueur en 1990, l'ouverture du droit à une réduction de loyer
ne suppose toutefois plus un "usage notablement amoindri" (cf. arrêt
4C.97/2003 du 28 octobre 2003 consid. 3.3; cf. également Weber, op. cit., n.
2 ad art. 259d CO; Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997, n. 3.2 p. 168;
Zihlmann, Das Mietrecht, 2ème. éd., Zurich 1995, p. 76; Higi, op. cit., n. 8
ad art. 259d CO). La demanderesse ne peut ainsi pas asseoir sa position sur
ce dernier arrêt.

Pour le surplus, la doctrine relève à juste titre la différence entre la
protection contre les immissions dans le domaine du droit du voisinage et la
prétention en réduction de loyer du locataire selon l'art. 259d CO. Les
voisins au sens des droits réels ne sont unis par aucun lien contractuel,
alors que, dans le cas de la prétention en réduction de loyer, il s'agit de
compenser le déséquilibre entre les prestations contractuelles résultant du
défaut (cf. Weber, op. cit., n. 1b ad art. 259d CO; plus détaillé Brunner,
Störungen der Mieterinnen und Mieter durch Immissionen, insbesondere Bau- und
Verkehrslärm - zivil- und öffentlichrechtliche Rechtbehelfe und deren
Durchsetzung, Mietrechtpraxis [mp] 2000, pp. 97 ss et 153 ss).

2.3 L'argument de la demanderesse, selon lequel seules les nuisances excédant
celles inhérentes au fait de vivre dans une cité devraient être prises en
considération, ne pourrait être suivi qu'en tant que l'art. 259d CO concerne
l'usage convenu. S'agissant de locaux sis en ville, savoir en quoi consiste
l'usage convenu se détermine en fonction des conditions de la vie citadine,
qui peuvent varier. Ce qui importe est de savoir ce que le locataire pouvait
raisonnablement attendre d'après les circonstances de l'espèce (Weber, op.
cit., n. 4 ad art. 256 CO). En l'occurrence, il n'est toutefois nullement
établi qu'il ne s'agissait que de nuisances inévitablement liées à la vie en
ville. Sur la base des constatations contenues dans l'arrêt entrepris, qui
lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), l'on ne peut pas dire que les
immissions provenant des deux chantiers étaient inhérentes à la vie urbaine.
Dans son recours, la demanderesse critique en réalité les constatations de
fait et l'appréciation des preuves à laquelle l'autorité cantonale s'est
livrée. Un tel procédé est toutefois inadmissible dans le cadre d'un recours
en réforme, de sorte qu'il ne sera tenu aucun compte de ces éléments (cf.
consid. 1.3).
2.4 Il en va de même s'agissant de la critique de la demanderesse relative à
une prétendue violation de l'art. 8 CC, au motif que la cour cantonale aurait
dû individualiser les perturbations supposées et, partant, différencier les
deux chantiers en cause.

Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, l'art. 8 CC, en
l'absence d'une disposition spéciale contraire, répartit le fardeau de la
preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les
conséquences de l'échec de la preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; 129
III 18 consid. 2.6 p. 24; 127 III 519 consid. 2a p. 522). Il confère à la
partie chargée du fardeau de la preuve la faculté de prouver ses allégations,
pour autant qu'elle ait formulé un allégué régulier selon le droit de
procédure, que les faits invoqués soient juridiquement pertinents au regard
du droit matériel et que l'offre de preuve correspondante satisfasse, quant à
sa forme et à son contenu, aux exigences du droit cantonal (ATF 126 III 315
consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c p. 223 et les arrêts cités).

L'argumentation que la demanderesse présente à l'appui de son grief de
violation de l'art. 8 CC consiste en une vaine critique de l'appréciation des
preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale, qui n'a pas sa place
dans un recours en réforme (cf. consid. 1.3). Pour le surplus et
contrairement à l'opinion de la demanderesse, il est possible de considérer
plusieurs défauts dans leur ensemble (cf. arrêt 4C.306/1998 du 28 mai 1999
consid. 4). Par ailleurs, la prétention en réduction de loyer découlant du
droit du bail existe et doit être calculée indépendamment de toute prétention
du bailleur à être indemnisé par des tiers (voisins, commune) (Brunner, op.
cit., p. 167 s.). Pour résoudre la question qui se posait dans la présente
affaire, il n'était dès lors pas décisif de définir en détail de quel
chantier émanaient les différentes nuisances. En conséquence, il n'apparaît
pas que l'art. 8 CC ait été violé.

2.5 Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
considérant que l'objet loué était entaché d'un défaut au sens de l'art. 259d
CO, justifiant l'octroi d'une réduction de loyer.

3.
La demanderesse critique également le pourcentage de la réduction de loyer
accordée au défendeur. Elle soutient que la réduction de loyer compensable
peut être admise à concurrence de 30% pendant deux mois.

3.1 La réduction de loyer que peut exiger le locataire en application de
l'art. 259d CO doit être proportionnelle au défaut et se détermine par
rapport à la valeur de l'objet sans défaut. Elle vise à rétablir l'équilibre
des prestations entre les parties (cf. ATF 126 III 388 consid. 11c p. 394).
En principe, il convient de procéder selon la méthode dite relative ou
proportionnelle, telle qu'elle est pratiquée dans le contrat de vente: la
valeur objective de la chose avec défaut est comparée à sa valeur objective
sans défaut, le loyer étant ensuite réduit dans la même proportion.
Cependant, le calcul proportionnel n'est pas toujours aisé, notamment lorsque
le défaut est de moyenne importance. Il est alors admis qu'une appréciation
en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à
la casuistique, n'est pas contraire au droit fédéral (arrêt 4C.527/1996 du 29
mai 1997, publié in SJ 1997 p. 661, consid. 4a p. 665 s. et les références
citées; plus récemment arrêt 4C.97/2003 du 28 octobre 2003 consid. 3.5).
Chaque fois qu'une autorité cantonale procède en équité (art. 4 CC), le
Tribunal fédéral ne substitue pas sa propre appréciation à celle de
l'instance inférieure; il n'intervient que si celle-ci a abusé de son pouvoir
d'appréciation, c'est-à-dire si elle a retenu des critères inappropriés, si
la décision rendue aboutit à un résultat manifestement injuste ou à une
iniquité choquante (ATF 130 III 504 consid. 4.1 p. 508; 129 III 380 consid. 2
p. 382, 715 consid. 4.4 p. 725; 128 III 428 consid. 4 p. 432).

3.2 En l'occurrence, la cour cantonale a approuvé la méthode de calcul
appliquée par le premier juge, qui avait distingué chronologiquement quatre
phases, indiquant pour chacune d'elles la source des nuisances endurées par
le locataire (chantier immeuble contigu et/ou Y.________) et le pourcentage
de réduction de loyer auquel il avait droit, avant d'indiquer que la
diminution de loyer global correspondait à environ 37% du montant du loyer
qui aurait dû être payé pendant la période de vingt-sept mois.

3.3 La fixation du montant de la réduction de loyer selon les règles de
l'équité est correcte, dans la mesure où un calcul concret de la diminution
de valeur de l'objet entaché du défaut n'était pas possible. Il s'ensuit que
le procédé choisi, consistant à distinguer chronologiquement quatre phases
selon l'intensité des immissions, n'est pas critiquable, puisque l'état
défectueux s'est prolongé sur une longue période, soit vingt-sept mois, au
cours desquels l'intensité des nuisances a varié. C'est précisément dans ce
genre de cas qu'il sied d'évaluer en équité la diminution de jouissance de la
chose louée, car les preuves de l'intensité des nuisances et de l'entrave à
l'usage ne peuvent pas être fournies au jour le jour (cf. Lachat, op. cit.,
Lausanne 1997, n. 3.4 p. 169).

Comme précédemment relevé (cf. consid. 2.4), il est possible de considérer
plusieurs défauts dans leur ensemble (cf. arrêt 4C.306/1998 du 28 mai 1999
consid. 4), ainsi que le Tribunal fédéral l'a par exemple fait dans un cas où
plusieurs parties d'un bâtiment étaient excessivement sales (arrêt
4C.527/1996 du 29 mai 1997, publié in SJ 1997 p. 661, consid. 4b p. 666), de
même que dans un autre où les travaux effectués dans le cadre d'un chantier
avaient engendré différents désagréments (arrêt 4C.81/1997 du 26 janvier 1998
consid. 3b/aa).

Le juge doit apprécier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu
se trouve diminué (Corboz, Les défauts de la chose louée, SJ 1979 p. 129 ss,
spéc. p. 140). Cette appréciation doit tenir compte des particularités de
chaque cas d'espèce (cf. Higi, op. cit., n. 14 ad art. 259d CO). En
l'occurrence, les locaux litigieux ont été loués à l'usage d'un cabinet
d'ophtalmologie. A cet égard, la cour cantonale a à juste titre relevé que
les immissions provenant des deux chantiers avaient précisément eu des effets
sur cette activité convenue. Ce faisant, elle n'a nullement pris en
considération des circonstances subjectives propres à un locataire, ce qui
n'aurait pas été correct (cf. Higi, op. cit., n. 14 ad art. 259d CO), mais
bien plutôt l'usage convenu. Dans le cadre de son activité professionnelle,
l'ophtalmologue doit faire montre de concentration ainsi que de précision, et
emploie des instruments précis, raisons pour lesquelles des immissions de
bruit et des secousses massives, telles qu'elles ont été constatées en
l'espèce, engendrent une forte diminution de l'usage. A cet égard, l'on ne
saurait reprocher à l'autorité cantonale d'avoir mésusé de son pouvoir
d'appréciation. La décision rendue par celle-ci, qui accorde une réduction de
loyer globale de 37%, n'aboutit en outre pas à un résultat manifestement
injuste ou à une iniquité choquante. Le Tribunal fédéral n'a ainsi aucune
raison d'intervenir (cf. consid. 3.1).

4.
La demanderesse se plaint enfin d'une violation indirecte de droits
constitutionnels, plus particulièrement d'arbitraire dans la constatation des
faits et de la preuve ainsi que d'une motivation insuffisante.

Il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ces critiques. Certes, la voie du
recours en réforme est celle par laquelle il faut agir lorsqu'un droit
constitutionnel est violé de manière indirecte, mais que le problème soulevé
touche en réalité la bonne application du droit fédéral (cf. Corboz, Le
recours en réforme au Tribunal fédéral, SJ 2000 p. 1 ss, spéc. 35). Cela ne
signifie à l'inverse pas que le grief selon lequel une violation du droit
fédéral constituerait également une violation indirecte d'un droit
constitutionnel, notamment de l'interdiction de l'arbitraire, ait une portée
propre.

Dans la présente affaire, dans laquelle la voie du recours en réforme est
ouverte, le Tribunal fédéral pouvait examiner librement le reproche de
violation des art. 8 CC et 259d CO. Le grief tenant à l'application
arbitraire de ces dispositions n'a toutefois pas de portée propre. Lorsque
l'application du droit fédéral, revue librement, apparaît correcte, il est
superflu de procéder à un examen sous l'angle de l'arbitraire. Les critiques
de la demanderesse relatives à l'appréciation des preuves à laquelle
l'autorité cantonale s'est livrée n'ont pas leur place dans un recours en
réforme (cf. consid. 1.3). Pour ce qui est enfin du grief de motivation
insuffisante, la demanderesse semble se fonder sur l'art. 29 al. 2 Cst., dont
la violation ne peut pas être invoquée dans le cadre d'un recours en réforme
(art. 43 al. 1 OJ; cf. consid. 1.3).

Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, le recours est mal
fondé et doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.

5.
Compte tenu de l'issue du litige, la demanderesse supportera l'émolument de
justice et versera au défendeur une indemnité à titre de dépens (art. 156 al.
1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la demanderesse.

3.
La demanderesse versera au défendeur une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois.

Lausanne, le 2 décembre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: