Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.353/2004
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4C.353/2004 /ech

Arrêt du 29 décembre 2004
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Cornaz.

A. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Nicolas Saviaux,
contre

B.________,
C.________,
défendeurs et intimés, tous deux représentés par
Me Nicolas Perret.

contrat de bail mobilier; légitimation passive,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois du 18 septembre 2003.

Faits:

A.
A tout le moins en 1995, le Garage X.________SA (ci-après: le Garage),
B.________ et C.________, respectivement président et administrateur de cette
société, ont participé à des courses internationales d'endurance sous le nom
"Team Z.________" (ci-après: le Team). C.________ dirigeait les activités du
Garage liées au Team; il s'occupait des affaires administratives de celui-ci
et signait les contrats.

Le 28 février 1995, A.________ a conclu avec le Garage un "contrat de
location" qui disposait notamment que "le Team Z.________ engage une Porsche
911 GT-2 Bi-Turbo dans le championnat BPR pour la saison 1995 dans la classe
GT3 ou LM GT2. Le garage X.________ SA (...) s'occupera de la préparation et
de la maintenance, ainsi que de l'assistance au circuit durant la saison. Le
présent contrat permet à des pilotes d'être engagé (sic) par le Team (...)
pour courir, sous forme d'une location pour une ou plusieurs courses (...)".
Le contrat prévoyait que A.________ était "engagé par le Team (...) pour la
(les) course(s) suivante(s): (...)" pour la somme totale de 180'000 fr. Il
comprenait une "annexe au contrat de location Z.________/A.________" ainsi
qu'une "annexe contrat de location Z.________/A.________".

L'exécution du contrat du 28 février 1995 a donné lieu à la rédaction d'un
certain nombre d'écrits.

Dans le cadre d'une cause "mainlevée provisoire d'opposition A.________ c/
Garage X.________ SA", le Garage a déposé un mémoire dans lequel on pouvait
notamment lire qu'"il n'est également pas contesté que Monsieur C.________ a
engagé le Team (...) comme le document susmentionné le met en évidence. Ce
contrat exprime clairement la qualité des parties. A l'appui de ce contrat,
il est manifeste que Monsieur C.________ a signé une reconnaissance de dette
soit au nom du Team susmentionné, soit en son nom. (...) le Garage X.________
SA démontre à satisfaction de droit qu'elle n'a jamais été liée
contractuellement avec le Sieur A.________ par la production du contrat du 28
février 1995 prouvant la relation contractuelle existant entre l'intimé et le
Team Z.________ SA". Dans un arrêt rendu par la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal vaudois le 27 septembre 1996, on peut
notamment lire que "dans le cas particulier, «Team Z.________» et la
poursuivie semblent constituer des entités distinctes. Bien que «Team
Z.________» ne paraisse pas avoir de consistance propre et que le contrat et
la reconnaissance de dette aient été établis sur papier à en-tête de la
poursuivie, avec son adresse et ses numéros de téléphone et de fax, aucun
élément du dossier ne permet de conclure avec certitude à l'engagement de la
société poursuivie. On ignore à qui le poursuivant a payé la somme dont il
demande de remboursement".

Respectivement les 17, 20 et 27 août 1996, le Garage, B.________ et
C.________ se sont vu notifier, à la réquisition de A.________, des
commandements de payer la somme de 100'000 fr., auxquels ils ont formé
opposition.

B.
Par demande du 3 octobre 1996 adressée à la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois, A.________ a conclu, avec dépens, à ce que le Garage, B.________ et
C.________ soient reconnus comme ses débiteurs, solidairement entre eux ou
chacun pour la part que justice dira, de la somme de 93'380 fr. avec intérêt
à 5% l'an dès le 20 septembre 1995 et à la levée des oppositions formées par
ceux-ci.

Le Garage, B.________ et C.________ ont conclu reconventionnellement, avec
dépens, à ce que A.________ soit reconnu comme le débiteur du Garage de la
somme de 65'380 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 24 juin 1995.

Le 28 mars 2000, le Juge instructeur de la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a pris acte de l'ouverture, en date du 28 février 2000, de la
faillite du Garage et a ordonné la suspension du procès, en application de
l'art. 207 LP. Le 13 mars 2003, il a ordonné la reprise de la cause et
déclaré le Garage en liquidation hors de cause et de procès, celui-ci se
poursuivant entre A.________, B.________ et C.________.

Par jugement du 18 septembre 2003, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté les conclusions de A.________ contre B.________ et
C.________, en raison du défaut de légitimation passive de ceux-ci.

C.
Contre ce jugement, A.________ (le demandeur) interjette un recours en
réforme au Tribunal fédéral. Il conclut, avec suite de frais et dépens,
principalement à la réforme de la décision entreprise en ce sens que ses
conclusions contre B.________ et C.________ sont admises, que ceux-ci sont
reconnus comme ses débiteurs, solidairement entre eux ou chacun pour la part
que justice dira, de la somme de 93'380 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 20
septembre 1995 et que les oppositions formées par ceux-ci sont définitivement
levées, subsidiairement à l'annulation du jugement attaqué.

B. ________ et C.________ (les défendeurs) concluent, avec suite de frais et
dépens, principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son
rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par le demandeur qui a succombé dans ses conclusions
condamnatoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation
civile (cf. ATF 130 III 102 consid. 1.1; 129 III 415 consid. 2.1) dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le présent
recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps
utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. b OJ et 54 al. 1 OJ) et dans
les formes requises (art. 55 OJ).

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ). Dans la mesure où
une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu
dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas
ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations
de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid.
3).

2.
Le demandeur invoque la violation du droit fédéral, dans la mesure où
l'autorité cantonale a rejeté son action pour prétendu défaut de légitimation
passive des défendeurs.

2.1 La qualité pour agir (légitimation active) et la qualité pour défendre
(légitimation passive) sont des questions de droit matériel, de sorte
qu'elles ressortissent au droit privé fédéral s'agissant des actions soumises
à ce droit (ATF 130 III 417 consid. 3.1; 126 III 59 consid. 1a p. 63; 125 III
82 consid. 1a p. 83). Elles se déterminent selon le droit au fond et leur
défaut conduit au rejet de l'action qui intervient indépendamment de la
réalisation des éléments objectifs de la prétention litigieuse (ATF 126 III
59 consid. 1a p. 63; 125 III 82 consid. 1a p. 83). Cette question doit en
particulier être examinée d'office et librement (ATF 126 III 59 consid. 1a p.
63 et les arrêts cités).

2.2 Après avoir qualifié le contrat litigieux de contrat de bail mobilier -
ce que les parties ne remettent pas en cause, de sorte que le Tribunal
fédéral n'a pas à y revenir (art. 55 al. 1 let. b et c OJ) - la cour
cantonale a relevé qu'il s'agissait de déterminer qui était le cocontractant
du demandeur.

A cet égard, elle a considéré que la thèse du demandeur, selon laquelle le
Garage et les défendeurs auraient constitué une société simple - de sorte
que, nonobstant la faillite et la mise hors de cause du Garage, la
responsabilité contractuelle des défendeurs serait engagée - ne saurait être
retenue.

Procédant à une appréciation des preuves d'espèce, elle a observé qu'en
effet, le contrat du 28 février 1995 avait été rédigé sur du papier à en-tête
du Garage, que les courriers échangés entre les parties mentionnaient très
clairement le Garage comme partenaire contractuel, que la note manuscrite
signée le 1er mars 1995 prévoyant le remboursement au demandeur d'une somme
de 15'000 fr. avait été rédigée à l'en-tête du Garage, tout comme le courrier
du 5 juillet 1995, la convention signée le même jour avec le demandeur, la
lettre du 28 septembre 1995 et celle du 2 octobre 1996 - qui se réfère au
contrat de course du 28 février 1995 -, qu'une quittance du 21 mars 1995
indiquait expressément que le demandeur devait 4'500 fr. "au Garage
X.________", enfin que le fax envoyé le 4 octobre 1995 par C.________ au
demandeur avait également été rédigé à l'en-tête du Garage.

La cour cantonale a encore relevé que le fait que de nombreuses
correspondances adressées au demandeur sous l'en-tête du Garage avaient été
signées par l'un ou l'autre des défendeurs s'expliquait par leur qualité
d'organes de cette société; ceux-ci pouvaient donc signer valablement au nom
du Garage, et non à leur nom, sans qu'il soit besoin de recourir à la
construction d'une société simple.

Elle a enfin souligné que le demandeur avait lui-même adressé sa
correspondance au Garage, et non aux défendeurs personnellement ou au nom du
Team. Ainsi, notamment, ses courriers des 26 et 29 septembre 1995
mentionnaient expressément comme destinataire le "Garage X.________ SA", le
demandeur précisant même dans ce dernier courrier: "notre" contrat de course
du 28.02.95". La cour cantonale a considéré que, dès lors, on ne saurait
admettre que celui-ci pensait de bonne foi que les défendeurs formaient une
société simple avec le Garage.

En définitive, les juges cantonaux ont estimé qu'il apparaissait que les deux
défendeurs encore en cause n'avaient pas noué de rapport contractuel avec le
demandeur, en particulier qu'ils n'avaient pas été liés par le contrat de
bail mobilier signé le 28 février 1995. En réalité, ce contrat avait été
conclu entre le Garage, aujourd'hui hors de cause et de procès suite à sa
faillite, et le demandeur. Ainsi, point n'était besoin d'examiner le détail
des prétentions déduites en justice par le demandeur étant donné qu'elles
étaient fondées sur ce contrat.

2.3 Le demandeur se prévaut de ce qu'une entité juridictionnelle faisant
également partie du Tribunal cantonal vaudois, soit la Cour des poursuites et
faillites, a considéré en 1996 que le Garage n'était pas lié
contractuellement au demandeur. Ce faisant, il perd de vue la différence de
nature existant entre la décision de mainlevée (art. 80 ss LP), qui ne
produit des effets que sur le plan du droit des poursuites, et celle rendue
dans le cadre d'une action en reconnaissance de dette (art. 79 LP), laquelle
produit des effets sur le plan du droit matériel, qui s'instruisent et se
jugent selon des procédures différentes. La première est en effet rendue en
application d'une procédure sommaire, qui suppose d'une part la limitation
des moyens de droit (le créancier ne peut requérir la mainlevée provisoire
qu'en se fondant sur un titre), d'autre part une restriction quant aux
preuves (le débiteur doit seulement rendre vraisemblable les éléments en
faveur de sa libération), alors que la seconde fait l'objet d'une procédure
probatoire ordinaire (sur l'ensemble de ces points, cf. en particulier ATF
120 Ia 83 consid. 6b et 6c et les références citées; cf. également arrêt
4P.189/2004 du 1er novembre 2004 consid. 4.1 et la référence citée). Le juge
du fond ne saurait ainsi être lié par les considérations de celui de la
mainlevée, statuant dans des circonstances procédurales différentes, et le
demandeur ne peut tirer aucun avantage du contenu de l'arrêt rendu par la
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois le 27 septembre
1996.

Pour le surplus, dans la mesure où l'argumentation du demandeur revient pour
l'essentiel à remettre en cause l'appréciation des preuves et à présenter sa
propre version des faits, soit à proposer une nouvelle lecture des pièces
figurant au dossier pour tenter de démontrer que son cocontractant serait en
réalité le Team, lequel constituerait une société simple composée du Garage,
de B.________ et de C.________, elle revêt un caractère purement appellatoire
et n'a pas sa place dans un recours en réforme (cf. consid. 1.2).

Cela étant, l'on ne voit pas, sur la base des faits souverainement retenus
par le cour cantonale (art. 63 al. 2 OJ) - selon lesquels le cocontractant du
demandeur, soit en l'occurrence le bailleur, était le Garage -, en quoi la
cour cantonale aurait violé le droit fédéral en considérant que celui-ci
avait seul la légitimation passive, à l'exclusion des défendeurs.

Compte tenu de ce qui précède, le moyen du demandeur doit être rejeté dans la
mesure de sa recevabilité.

3.
Le demandeur invoque également l'abus de droit de l'art. 2 CC. Il soutient
que les défendeurs auraient adopté des comportements contradictoires en
plaidant, en procédure de mainlevée, que le Garage n'était pas engagé mais
qu'ils l'étaient personnellement et en soutenant, dans la procédure au fond,
que la société anonyme devait répondre et qu'eux-mêmes à titre personnel
n'étaient pas concernés.

3.1 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé
par la loi. L'existence d'un abus de droit doit être établie sur la base des
circonstances du cas d'espèce, en prenant en considération les groupes de cas
établis par la doctrine et la jurisprudence. L'exercice d'un droit sans
intérêt digne de protection, ou qui conduirait à une disproportion entre des
intérêts justifiés, fait partie de ces cas. De même, on peut dire d'une
manière générale que l'exercice d'un droit est abusif lorsqu'il contredit un
comportement antérieur et les attentes légitimes que ce comportement a pu
susciter (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497 et les arrêts cités).

3.2 Comme précédemment relevé (cf. consid. 2.3), les procédures de mainlevée
et en reconnaissance de dette sont de nature différente. Devant le juge du
fond, le poursuivi n'est pas limité aux moyens invoqués devant le juge de
mainlevée (Staehelin, Commentaire bâlois, n. 26 ad art. 79 LP; Ruedin,
Poursuite pour dettes et faillite: l'action en reconnaissance de dette (art.
79 LP), FJS 979a, p. 3). En conséquence, l'on ne voit pas que les défendeurs
aient commis un abus de droit au sens de la jurisprudence susmentionnée en
modifiant leur argumentation dans le cadre de la procédure de mainlevée et de
celle en reconnaissance de dette.

Mal fondé, le moyen du demandeur ne peut qu'être rejeté, de même, par
conséquent, que son recours.

4.
Compte tenu de l'issue du litige, le demandeur supportera l'émolument de
justice et versera aux défendeurs, créanciers solidaires, une indemnité à
titre de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du demandeur.

3.
Le demandeur versera aux défendeurs, créanciers solidaires, une indemnité de
6'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 29 décembre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: