Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.347/2004
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4C.347/2004 /viz

Arrêt du 9 novembre 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président,
Nyffeler et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
défenderesse et recourante,
représentée par Me Reynald P. Bruttin, avocat,

contre

B.________,
C.________,
demandeurs et intimés.

contrat de bail à loyer; résiliation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers du canton de Genève du 5 août 2004.

Faits:

A.
A.a Par contrat de bail du 18 février 1982, la SI X.________ a loué à
D.________, ex-époux de A.________, un appartement de 4 pièces au 6ème étage
d'un immeuble sis à Genève.
Le bail a été transféré à A.________, par suite de divorce, selon avenant du
18 février 1992. Le loyer a été fixé en dernier lieu à 1'728 fr. par mois,
charges en sus.
Le 31 mai 2000, A.________ a été informée par la régie que B.________ et
C.________ étaient les nouveaux propriétaires de l'immeuble.

A.b Par lettre du 1er novembre 2002, A.________ a été mise en demeure de
verser la somme de 5'484 fr. pour les loyers de septembre, octobre et
novembre 2002, ainsi que les provisions pour charges afférentes à la même
période. La locataire a été informée, par le même courrier, que, du fait de
ce retard, les bailleurs avaient décidé d'exiger dorénavant le paiement du
loyer et des provisions pour charges par trimestre et d'avance.
Un courrier similaire a été adressé à la locataire, le 10 décembre 2002, pour
les mensualités de novembre et décembre 2002 représentant, avec les charges,
un montant global de 3'656 fr.
Par avis du 29 juillet 2003, A.________ a été mise en demeure de verser, dans
les trente jours, l'arriéré au 30 juin 2003 (1'828 fr.), les loyers de
juillet à septembre 2003 (5'184 fr.) et les provisions pour charges relatives
à la même période (300 fr.), soit un total de 7'312 fr., faute de quoi son
bail serait résilié.
Le 16 septembre 2003, alors que subsistait un arriéré de 3'284 fr., les
bailleurs ont adressé à la locataire une formule officielle de résiliation de
bail pour l'échéance du 31 octobre 2003.

B.
Contestant cette résiliation, A.________ s'est adressée à la Commission de
conciliation, le 14 octobre 2003. Non conciliée, la cause a été introduite
devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève le 17 février 2004.
De leur côté, les bailleurs ont déposé une requête tendant à l'évacuation de
la locataire pour défaut de paiement du loyer.
Après avoir joint les deux causes, le Tribunal des baux et loyers, par
jugement du 9 mars 2004, a condamné A.________ à évacuer immédiatement
l'appartement loué.
Saisie par la locataire, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a
confirmé ce jugement par arrêt du 5 août 2004.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à faire
constater la nullité du congé notifié le 16 septembre 2003 ou à en obtenir
l'annulation, le présent recours, qui vise une décision finale rendue en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur, dans une contestation
civile dont la valeur dépasse la limite de 8'000 fr. fixée à l'art. 46 OJ
(cf. ATF 119 II 147 consid. 1; 111 II 384 consid. 1), est en principe
recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans
les formes requises (art. 55 OJ).

2.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Le recours n'est pas
ouvert pour critiquer l'appréciation des preuves et les constatations de fait
qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129
III 618 con sid. 3). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de  fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ).

3.
La Chambre d'appel a jugé que les bailleurs étaient en droit d'exiger que le
loyer et les acomptes de chauffage soient payés trimestriellement à l'avance,
conformément à la clause topique du contrat de bail, tempérée par la
disposition correspondante du contrat-cadre du bail à loyer pour la Suisse
romande, dès lors que la locataire n'avait pas respecté le délai qui lui
avait été fixé, le 1er novembre 2002, pour verser les loyers arriérés ainsi
que le loyer du mois courant. Dans son recours en réforme, la locataire
soutient que les bailleurs ne pouvaient pas lui imposer unilatéralement le
versement de trois mois de loyer à l'avance, puisqu'elle avait déjà réglé les
loyers arriérés au moment où elle avait reçu le courrier du 10 décembre 2002
exigeant que les loyers soient désormais acquittés trimestriellement à
l'avance.
Savoir si un loyer a été payé et quand il l'a été sont de pures questions de
fait. Aussi est-ce en vain que la recourante tente de remettre en cause les
constatations y relatives, telles qu'elles ressortent de l'arrêt attaqué. On
ne voit pas, au demeurant, en quoi le fait que les loyers avaient été payés
mensuellement pendant près de 20 ans s'opposait en l'espèce à l'application
de la clause dérogatoire du contrat de bail, interprétée à la lumière de la
disposition correspondante du contrat-cadre, si les conditions d'application
de cette clause étaient réalisées. Pour le surplus, la recourante ne prétend
pas et, à plus forte raison, ne démontre pas que les juges cantonaux auraient
fait une application erronée de cette clause et de la règle conventionnelle,
dans l'hypothèse où il faudrait admettre - ce qui est le cas, d'après les
constatations souveraines de la Chambre d'appel - qu'il restait des loyers en
souffrance au moment du passage du paiement mensuel au paiement trimestriel
du loyer.

4.
Dans un second moyen, la recourante reproche à la Chambre d'appel d'avoir
violé l'art. 274g al. 1 CO en refusant d'ouvrir une procédure probatoire qui
lui aurait permis de démontrer que le congé litigieux contrevenait aux règles
de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO).

4.1 En vertu de l'art. 274g al. 1 CO, le juge de l'expulsion doit examiner la
cause de manière complète en fait et en droit, quel que soit le type de
procédure prévu par le droit cantonal, sans se limiter à la vraisemblance des
faits allégués ou se contenter de moyens de preuve limités (ATF 122 III 92
consid. 2c; 119 II 241 consid. 4c).
S'agissant des litiges portant sur les baux d'habitations et de locaux
commerciaux, ce devoir est précisé par l'art. 274d al. 3 CO, lequel prescrit
au juge d'établir d'office les faits et d'apprécier librement les preuves. La
maxime inquisitoriale sociale, instituée par cette disposition, ne constitue
cependant pas une maxime officielle absolue. Le juge ne doit pas instruire
d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position, mais il
doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration
et de production des preuves. Il n'est tenu de s'assurer que les allégations
et offres de preuves sont complètes seulement lorsqu'il a des motifs
objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas
au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner les preuves et de les
présenter (ATF 125 III 231 consid. 4a p. 238).

4.2 En l'occurrence, les juges d'appel n'ont nullement méconnu ces principes.
Une résiliation de bail est annulable lorsqu'elle est abusive ou contraire à
la bonne foi, même si elle a pour cause la demeure du locataire (ATF 120 II
31 consid. 4a p. 33). Partant de cette prémisse, la Chambre d'appel a examiné
si le congé litigieux contrevenait aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1
CO). Elle a retenu, à cet égard, que la locataire ne citait aucun élément
particulier pouvant donner à penser que ledit congé serait abusif; qu'il
était, au contraire, établi que l'intéressée avait reçu de nombreux rappels
pour des arriérés divers et répétés; partant, qu'elle ne pouvait avoir
conscience d'être à jour dans ses paiements de loyers. La cour cantonale a
encore relevé l'absence totale d'un indice quelconque ou d'une circonstance
évoquée par la locataire quant à une intention malvenue des bailleurs à son
encontre, raison qui l'a conduite à taxer de "manifestement dilatoire" la
demande d'ouverture d'enquêtes et d'audition de témoins. Enfin, les juges
d'appel ont souligné qu'il incombe au plaideur de dresser une offre de preuve
circonstanciée et précise pour étayer le complément d'instruction requis,
offre qui faisait entièrement défaut en l'espèce.
Dans son recours en réforme, la locataire ne fait que remettre en cause les
constatations de la cour cantonale relatives au défaut d'allégation d'une
quelconque circonstance propre à démontrer le caractère abusif du congé
contesté et à l'absence d'une offre de preuve suffisante sur ce point. En
argumentant ainsi, elle remet en cause, de manière inadmissible, les
constatations souveraines des juges du fait (art. 63 al. 2 OJ). Elle s'en
écarte également lorsqu'elle soutient que les bailleurs ont exigé son
évacuation au premier chef pour la pénaliser parce qu'elle s'était permise de
l'assigner en justice afin d'obtenir la remise en état du balcon de son
appartement.
Au demeurant, dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral a refusé de qualifier
d'insignifiant un arriéré de loyer de 286 fr. Or, en l'espèce, l'arriéré de
loyer, au moment de la notification du congé, s'élevait à 3'284 fr. Pour le
surplus, il est constant que la locataire n'a rattrapé son retard que le 10
mars 2004.
Dans ces conditions, la Chambre d'appel n'a pas violé le droit fédéral en
refusant d'admettre que le congé incriminé contrevenait aux règles de la
bonne foi.

5.
Cela étant, la recourante, qui succombe, devra payer l'émolument judiciaire
afférent à la présente procédure (art. 156 al. 1 OJ). En revanche, elle
n'aura pas à indemniser les intimés, puisque ceux-ci n'ont pas été invités à
déposer une réponse.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 9 novembre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: