Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.346/2004
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4C.346/2004 /ech

Arrêt du 15 février 2005
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Cornaz.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Olivier Alber,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Olivier Jornot.

contrat de travail; résiliation en temps inopportun,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des
prud'hommes du canton de Genève du
22 juin 2004.

Faits:

A.
A compter du 1er novembre 2000, Y.________ SA, devenue par la suite
X.________ SA (ci-après: la banque) a engagé A.________ en qualité de
gestionnaire de fortune, membre de sa direction, pour un salaire mensuel brut
de 15'000 fr., payé treize fois l'an. Dès la deuxième année de service, le
délai de congé était de quatre mois.

En automne 2001, la banque a reproché à son collaborateur de n'avoir pas
rempli les objectifs d'apports de nouveaux avoirs sous gestion fixés à son
engagement. A cette époque, A.________ a consulté son médecin traitant depuis
dix ans, qui a diagnostiqué un ulcère lié à un état de stress.

Le 7 décembre 2001, le médecin a constaté que son patient souffrait d'une
dépression, qui justifiait une incapacité de travail à 100% pour une période
indéterminée, selon un certificat médical remis à celui-ci. Toutefois,
A.________ n'a pas annoncé cette incapacité à son employeur et n'a jamais
mentionné ce certificat médical. Il a continué à travailler, sans laisser
paraître de comportement anormal, jusqu'à ses vacances du 22 décembre 2001 au
6 janvier 2002. Il a ensuite participé à un cours en Ecosse, puis à un
séminaire portant sur la communication, jusqu'au 15 janvier 2002, à
l'occasion duquel il a parlé, de manière confidentielle, de son problème de
dépression à l'un des animateurs de cette session.

Dans l'ignorance de ce cas de maladie, la banque a licencié A.________ le 16
janvier 2002 pour l'échéance contractuelle du 31 mai 2002. Devant la
dégradation de l'état de santé de son patient, le médecin traitant l'a envoyé
à un professeur de psychiatrie qui a établi un certificat médical, du 12
septembre 2002, attestant d'une incapacité de travail complète dès le 1er
février 2002, date de la première consultation.

Auparavant, le 27 février 2002, le médecin traitant avait remis à son patient
un second certificat médical relatif à l'incapacité de travail à 100% dès le
7 décembre 2001, que l'avocat de ce dernier a envoyé à la banque le 3 avril
2002. Celle-ci a contesté l'incapacité de travail, puisque son collaborateur
ne lui avait pas déclaré le cas de maladie et avait été actif jusqu'à son
licenciement du 16 janvier 2002, qui était confirmé par un courrier du 23
avril 2002.
Par lettre du 25 juin 2002, la banque a rappelé qu'elle considérait le congé
du 16 janvier 2002 comme valable, en ajoutant: "pour le cas où, contre toute
attente, le congé signifié le 16 janvier 2002 devait en définitive être un
jour invalidé par les tribunaux compétents, nous résilions par la présente le
contrat de travail de Monsieur A.________ pour le plus prochain terme
contractuel". L'employeur ajoutait qu'en fixant, par hypothèse, le début de
l'incapacité de travail au 7 décembre 2001, le délai de protection était échu
le 8 mars 2002, de sorte que le licenciement confirmé par courrier du 23
avril 2002 était valable.

B.
Le 3 mars 2003, A.________ a assigné la banque devant le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève en paiement de 32'500 fr. avec intérêt à 5%
l'an dès le 1er novembre 2001, sous déduction des charges sociales usuelles,
représentant les deux mois de salaire de septembre et octobre 2002 (30'000
fr.) ainsi que le treizième salaire, calculé au prorata temporis (2'500 fr.).

Par jugement du 30 septembre 2003, le Tribunal des prud'hommes a rejeté la
demande, en retenant que le congé avait été valablement donné le 16 janvier
2002.

Statuant sur appel de A.________ pas arrêt du 22 juin 2004, la Cour d'appel
de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève a annulé la décision de
première instance. Considérant que la volonté de mettre fin aux rapports de
travail résultait du courrier du 25 juin 2002 de la banque à son ancien
collaborateur, et non pas de celui du 23 avril 2002, qui se référait à une
lettre de licenciement donnée en temps inopportun, et donc frappée de
nullité, elle a condamné la banque à payer à A.________ la somme brute de
32'500 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 1er novembre 2001, sous déduction
des charges sociales et légales usuelles.

C.
Contre cet arrêt, la banque (la défenderesse) interjette un recours en
réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la décision
entreprise et à la réforme de celle-ci en ce sens que A.________ est débouté
de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

A. ________ (le demandeur) conclut au rejet du recours, avec suite de dépens.

Parallèlement à son recours en réforme, la banque a formé un recours de droit
public, qui a été rejeté dans la mesure où il était recevable par arrêt de ce
jour.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la défenderesse, qui a succombé dans ses conclusions
libératoires, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation
civile (cf. ATF 130 III 102 consid. 1.1; 129 III 415 consid. 2.1) dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en
réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile
compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. b et 54 al. 1 OJ) et dans les
formes requises (art. 55 OJ).

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais
non pour violation d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ), ni
pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252). Saisi
d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur
la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille
rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63
al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et
clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2. p. 106, 136
consid. 1.4; 127 III 248 consid. 2c p. 252). Dans la mesure où la partie
recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la
décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF
127 III 248 consid. 2c p. 252). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour remettre
en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en
découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277).

1.3 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des
conclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifs
développés par celles-ci (art. 63 al. 1 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128
III 411 consid. 3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique suivie par la
cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22
consid. 2e/cc p. 29).

2.
En trois griefs distincts, la défenderesse se plaint tout d'abord de la
violation des art. 321a, 324a CO et 2 CC, puis de celle de l'art. 18 CO et
enfin de la violation de l'art. 8 CC.

3.
Concernant ce dernier moyen, qu'il convient d'examiner préalablement
puisqu'il a trait à l'établissement des faits pertinents dans le respect des
règles relatives à la preuve, il y a lieu de rappeler que chaque partie doit,
si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en
déduire son droit. Sous réserve d'une règle spéciale, cette disposition
répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions fondées sur le
droit privé fédéral et détermine ainsi la partie qui doit assumer les
conséquences d'une absence de preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; 129
III 18 consid. 2.6 p. 24; 127 III 519 consid. 2a p. 522).

L'art. 8 CC ne prescrit toutefois pas quelles sont les mesures probatoires à
ordonner (ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522), ni ne dicte au juge comment il
doit forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248
consid. 3a, 519 consid. 2a p. 522). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves
convainc le juge qu'un fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, la
question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus et le
grief tiré de la violation de l'art. 8 CC devient sans objet (ATF 128 III 271
consid. 2b/aa p. 277; 119 III 103 consid. 1). L'art. 8 CC ne saurait être
invoqué pour faire corriger l'appréciation des preuves, qui ressortit au juge
du fait et ne peut être revue que dans le cadre d'un recours de droit public
pour arbitraire (ATF 130 III 321 consid. 5 p. 327; 127 III 519 consid. 2a p.
522).

Dans le cas présent, la défenderesse a méconnu que la cour cantonale était
convaincue de l'inaptitude au travail du demandeur dès le 7 décembre 2001, au
terme d'une appréciation des preuves qui a été jugée non-arbitraire (cf.
arrêt 4P.214/2004 du 15 février 2004 consid. 3.3.1), de sorte que le moyen
pris de la violation de l'art. 8 CC ne peut plus être invoqué, conformément à
la jurisprudence mentionnée ci-dessus.

4.
La cour cantonale a retenu que le délai de protection au sens de l'art. 336c
al. 1 let. b CO partait du 7 décembre 2001, soit de la date de la
constatation de la maladie du demandeur, malgré le fait qu'il ait continué
d'exercer son activité professionnelle et qu'il n'ait pas avisé l'employeur
de l'atteinte à sa santé.

4.1 Aux termes de l'art. 336c al. 1 let. b CO, l'employeur ne peut pas
résilier le contrat après le temps d'essai pendant une incapacité totale ou
partielle résultant d'une maladie ou d'un accident non imputables à la faute
du travailleur, et cela, durant nonante jours de la deuxième à la cinquième
année de service. Cette disposition s'applique clairement à l'incapacité
partielle de travail; elle a été introduite non pas du fait que le
travailleur ne peut chercher un emploi à cause de l'empêchement de
travailler, mais parce qu'un engagement du travailleur par un nouvel
employeur à la fin du délai de congé ordinaire paraît hautement
invraisemblable, en raison de l'incertitude quant à la durée et au degré de
l'incapacité de travail (ATF 128 III 212 consid. 2c p. 217 et la référence
citée). C'est au salarié qu'il incombe d'apporter la preuve d'un empêchement
de travailler (art. 8 CC; art. 324a CO analogie; arrêt 4C.331/1998 du 12 mars
1999 consid. 1b et les références citées; plus récemment
Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, Commentaire du contrat de travail, 3e éd.,
Lausanne 2004, n. 3 ad art. 324a CO; Aubert, Commentaire romand, n. 16 ad
art. 324a CO; Rehbinder/Portmann, Commentaire bâlois, n. 3 ad art. 324a CO).
En cas de maladie ou d'accident, le travailleur aura le plus souvent recours
à un certificat médical. Celui-ci se définit comme un document destiné à
prouver l'incapacité de travailler d'un patient pour des raisons médicales
(arrêt 4C.331/1998 du 12 mars 1999 consid. 1b et la référence citée; cf.
également Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, op. cit., n. 3 ad art. 324a CO). Le
certificat médical ne constitue toutefois pas un moyen de preuve absolu
(arrêt 4C.331/1998 du 12 mars 1999 consid. 1b; cf. également
Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, op. cit., n. 3 ad art. 324a CO; Aubert, op.
cit., n. 16 ad art. 324a CO; Favre/Munoz/Tobler, Droit du travail, Code
annoté, Berne 2002, n. 1.13 ad art. 324a CO).

En l'espèce, la Cour d'appel a admis, contrairement à l'opinion de la
défenderesse et de façon qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme
(art. 63 al. 2 OJ), l'existence d'une incapacité partielle, entraînant en
principe l'application de l'art. 336c CO.

4.2 Nonobstant la controverse doctrinale sur la question de savoir si un
travailleur qui produit un certificat d'arrêt de travail - ou dont
l'incapacité de travailler a été constatée d'une autre manière qui a
convaincu le juge, comme dans le cas présent -, mais qui continue néanmoins à
exercer son activité, peut bénéficier de la protection de l'art. 336c CO, le
Tribunal fédéral a jugé que cette disposition s'appliquait, sauf si
l'atteinte à la santé s'avérait insignifiante au point de ne pas empêcher
l'employé d'occuper, le cas échéant, un nouveau poste de travail (cf. ATF 128
III 212 consid. 2c p. 217; arrêt 4C.331/1998 du 12 mars 1999 consid. 2a et
b).

En l'occurrence, comme il découle des faits souverainement établis par les
précédents juges (art. 63 al. 2 OJ) que le demandeur souffrait d'une
dépression moyenne dès le 7 décembre 2001, qui est devenue massive après le
licenciement du 16 janvier 2002, une telle circonstance permet d'en déduire
que l'atteinte à la santé était suffisamment importante dès le 7 décembre
2001 pour l'empêcher de reprendre, le cas échéant, une nouvelle activité.
Dans ces conditions, le demandeur bénéficiait de la protection de l'art. 336c
al. 1 let. b CO dès la date de la constatation de sa maladie (cf. arrêt
4C.331/1998 du 12 mars 1999 consid. 2b), ce qui entraîne la nullité du
licenciement du 16 janvier 2002, la protection légale s'étendant du 7
décembre 2001 au 7 mars 2002 (cf. ATF 128 III 212 consid. 3a p. 218).

5.
La défenderesse reproche à la cour cantonale de n'avoir pas sanctionné la
violation, par le demandeur, de son devoir de fidélité, en ce qu'il n'avait
pas communiqué à son employeur son incapacité de travail; elle voit dans ce
comportement, en rapport avec la volonté de bénéficier de la protection
conférée par l'art. 336c al. 2 CO, un abus de droit.

5.1 Effectivement, le devoir de fidélité, énoncé à l'art. 321a al. 1 CO,
impose au travailleur d'informer immédiatement l'employeur sur son état de
santé en cas d'absence (arrêt 4C.331/1998 du 12 mars 1999 consid. 3b et la
référence citée; cf. également Staehelin/Vischer, Commentaire zurichois, n. 5
ad art. 324a CO).

Dans le cas présent, l'employé était tenu d'aviser la banque en vertu de
cette obligation de fidélité, qui subsistait aussi longtemps que les rapports
de travail n'avaient pas pris fin (cf. Brunner/Bühler/Waeber/ Bruchez, op.
cit., n. 3 ad art. 321a CO), soit au plus tôt à l'échéance du délai de congé
- contesté -, au 31 mai 2002. S'il ressort des faits souverainement établis
par la cour cantonale (art. 63 al. 2 OJ) que le demandeur "donnait le change"
jusqu'au 15 janvier 2001, au contraire à partir de son licenciement et
surtout des consultations médicales qui ont suivi, chez le médecin traitant,
puis chez un spécialiste, il devait effectuer cette démarche simple, dès
qu'il était sorti de la phase aiguë de la maladie, sans attendre près de
trois mois comme il l'a fait, avant d'agir par l'intermédiaire de son avocat,
le 3 avril 2002. Même s'il était au bénéfice de la période de protection
jusqu'au 8 mars 2002, ce que l'employeur ignorait avant de le contester,
l'employé devait communiquer cette incapacité de travail pour que l'employeur
puisse sauvegarder ses droits à son égard, soit notamment par la notification
d'une nouvelle déclaration de résiliation claire et univoque, après
l'échéance du délai de protection de l'art. 336c al. 1 let. b CO, puisque les
incapacités de travail des 7 décembre 2001 et 1er février 2002 n'étaient pas
cumulables, s'agissant d'une aggravation de la même maladie (cf.
Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, op. cit., n. 14 ad art. 336c CO; Aubert, op.
cit., n. 9 ad art. 336d CO; Favre/Munoz/Tobler, op. cit., n. 1.18 ad art.
336c CO). Ainsi, en tardant à remettre les certificats médicaux, ou à faire
connaître son incapacité de travail, l'employé a porté atteinte aux intérêts
légitimes de l'employeur, même si, dans le cas concret, il n'en est pas
résulté de préjudice pour ce dernier.

5.2 En relation avec ce retard dans la communication de l'incapacité de
travail, la défenderesse estime que le demandeur a commis un abus de droit
pour bénéficier de la protection de l'art. 336c al. 2 CO. En réalité, il
convient d'examiner ce moyen de la violation de l'art. 2 al. 2 CC dans le
cadre de l'art. 336c CO et non pas dans celui des art. 321a et 324a CO.

5.3 Le principe de la bonne foi, ancré à l'art. 2 al. 1 CC, s'applique à
l'ensemble des domaines du droit, y compris le droit du travail. D'après la
jurisprudence du Tribunal fédéral, seules des circonstances tout à fait
exceptionnelles permettent à l'employeur de se prévaloir d'un abus de droit
(art. 2 al. 2 CC) de la part du travailleur (ATF 129 III 618 consid. 5.2 p.
622 et les arrêts cités).

Les cas typiques d'abus de droit sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un
droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la
disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans
ménagement ou l'attitude contradictoire (cf. ATF 129 III 493 consid. 5.1 p.
497 et les arrêts cités).

Conformément à la doctrine que citent les deux parties, afin de déterminer si
le travailleur qui invoque la protection de l'art. 336c CO commet un abus de
droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC, il convient d'examiner dans le cas
particulier sur quel intérêt supérieur se fonde la norme en question et quel
est le poids de cet intérêt par rapport à la violation du principe de la
bonne foi (Favre/Munoz/Tobler, op. cit., n. 1.3 ad art. 336c CO).

5.4 En l'espèce, l'intérêt supérieur du demandeur à la protection contre le
licenciement notifié le 16 janvier 2002, alors qu'il était malade et en
incapacité de travail dès le 7 décembre 2001, d'après les constatations de la
cour cantonale qui lient le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63
al. 2 OJ), l'emporte sur l'atteinte au principe de la bonne foi que constitue
la violation du devoir de fidélité, commise à l'occasion de la remise tardive
du second certificat médical à l'employeur. Compte tenu de la maladie du
travailleur, et de la dégradation de la santé de celle-ci, retenue
souverainement par les précédents juges pour la période de fin janvier-début
février 2002, il est raisonnable d'admettre que l'avis à l'employeur devait
intervenir à fin février, ou au plus tard dans le courant du mois de mars,
lorsque le demandeur était suffisamment apte à faire cette démarche. Comme il
n'a agi que le 3 avril 2002, l'on peut reprocher au travailleur d'avoir violé
son devoir de fidélité et d'avoir tenté d'obtenir de fait un délai de
licenciement plus long d'un mois, en empêchant l'employeur de se déterminer
plus rapidement, notamment par la notification d'un nouveau congé régulier
après l'échéance de la période de protection, soit après le 8 mars 2002.

Étant précisé que, dans le cas particulier, l'on peut penser que l'employé
avait de la peine à avouer son état et qu'il n'a pas agi sciemment pour
repousser le deuxième congé, cette circonstance ne constitue néanmoins pas un
abus de droit manifeste dans la pesée des intérêts contradictoires en
présence, opposant la protection du travailleur à une violation légère du
principe de la bonne foi, consistant dans une atteinte au devoir de fidélité,
alors que la relation de travail était près de s'éteindre et que l'employeur
n'a pas manifesté immédiatement après la communication de l'incapacité de
travail - et l'écoulement du délai de protection - son intention claire et
univoque de renouveler la résiliation du contrat, cette fois-ci en temps
opportun.

5.5 En effet, le courrier du 23 avril 2002, qui constitue la première
réaction de l'employeur, apparaît essentiellement comme la contestation de
l'incapacité de travail de l'employé dès le 7 décembre 2001 et une simple
confirmation de la lettre de licenciement du 16 janvier 2002, qui, au vu de
tous les éléments apportés par l'employé et son avocat, risquait fort d'être
considérée comme nulle en application de l'art. 336c al. 1 let. b CO. Au vu
de ceux-là, l'employeur devait, si telle était son intention, immédiatement
notifier un nouveau congé clair et indubitable, régulier parce qu'adressé
après l'échéance de la période de protection, ce qu'il n'a pas fait avant le
25 juin 2002.

A cet égard, la cour cantonale était fondée à considérer, au terme d'une
interprétation de la lettre du 23 avril 2002 selon le principe de la
confiance (sur cette notion, cf. ATF 130 III 417 consid. 3.2 et les arrêts
cités), que ce courrier ne revêtait pas les caractéristiques d'une lettre de
licenciement et qu'il était insuffisant à obtenir cet effet, par la seule
référence à la résiliation nulle du 16 janvier 2002 (cf. Wyler, Droit du
travail, Berne 2002, p. 429; Staehelin/Vischer, op. cit., n. 18 ad art. 336c
CO), et cela d'autant plus que, s'il subsiste un doute quant à la volonté de
mettre fin au rapport de travail, la déclaration doit être interprétée en
défaveur de son auteur (Brunner/Bühler/Waeber/ Bruchez, op. cit., n. 4 ad
art. 335 CO; Staehelin/Vischer, op. cit., n. 4 ad art. 335 CO; cf. également
arrêt 4C.151/2003 du 28 août 2003 consid. 4.3).

6.
Il n'est pas contesté que la lettre de licenciement du 25 juin 2002 est
régulière, univoque et effective, de sorte que le travailleur a droit à son
salaire et aux prétentions annexes, dont les montants ne sont pas litigieux,
jusqu'à l'échéance du délai de préavis de quatre mois, soit au 31 octobre
2002. Dès lors que la banque a déjà payé les salaires et accessoires jusqu'au
31 août 2002, elle doit en conséquence être condamnée à verser au demandeur
les salaires des mois de septembre et octobre 2002, ainsi que la
participation au treizième salaire, selon ses conclusions implicites
(Poudret, COJ II, n. 3.3 ad art. 59 et 61 OJ p. 491). En conséquence, le
recours sera rejeté, ce qui implique la confirmation de l'arrêt entrepris.

7.
Comme la valeur litigieuse, selon les prétentions du demandeur à l'ouverture
de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41), dépasse 30'000 fr., la
procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO). Les frais et dépens
seront mis à la charge de la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.

3.
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 15 février 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: