Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.311/2004
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4C.311/2004 /ech

Arrêt du 10 décembre 2004
Ire Cour civile

MM. et Mmes les juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Société des produits Nestlé SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Patrick Troller,

contre

Masterfoods AG,
demanderesse et intimée, représentée par Me Gilles Favre.

constatation de la nullité d'une marque

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud du 13 février 2004.

Faits:

A.
La société Effems AG, qui a pris le nom de Masterfoods AG dès le 10 décembre
2001, est une entreprise du groupe Mars actif dans l'industrie des denrées
alimentaires et, en particulier, des confiseries. Des pastilles fourrées et
des dragées furent commercialisées dès 1941 sous sa marque "M&M's". Dès 1996
environ, le groupe Mars a mis en vente un produit "M&M's Choco Minis",
d'abord aux Etats-Unis puis, progressivement, dans quelques pays d'Europe, y
compris en Suisse. Il s'agit de pastilles de chocolat enrobées de sucre dur,
produites dans des teintes diverses. Elles sont vendues dans des emballages
en forme de tube étroit, en plastique, dotés d'une étiquette multicolore. Un
couvercle à capsule autobloquant est lié au tube par une attache. Les
pastilles sont aussi disponibles en sachets de recharge.
Les sociétés du groupe Mars sont titulaires de diverses marques. En
particulier, le 20 juin 1996, la société néerlandaise Mars BV a fait
enregistrer les marques internationales n° 657'643 et 657'642 avec priorité
au 22 décembre 1995. Ces marques furent transférées le 15 août 2000 à Effems
AG. Elles sont tridimensionnelles et ont pour objet un emballage en forme de
tube étroit. La marque n° 657'643 est dépourvue de toute couleur, inscription
ou autre décor graphique. La marque n° 657'642 comprend l'inscription
"M&M's". Les deux marques sont destinées à des produits de la classe
internationale n° 30 (cacao, sucre, pâtisserie et confiserie, etc.).

B.
La Société des produits Nestlé SA appartient au groupe Nestlé qui est actif
dans le même domaine et vend les confiseries de la marque "smarties". Il
s'agit également de pastilles de chocolat recouvertes d'un glaçage coloré et
produites dans des teintes variées. Elles sont vendues dans des emballages en
forme de tube de 40 g ou de 150 g. Le tube de 40 g a un rayon de 24 mm et une
longueur de 138 mm; celui de 150 g a un rayon de 36 mm et une longueur de 219
mm. Les deux emballages sont des cylindres étroits, fermés à un bout par une
rondelle scellée et à l'autre par un couvercle en plastique. Les "smarties"
furent introduites sur le marché anglais, en 1938, par l'entreprise Rowntree
qui est entrée en 1990 dans le groupe Nestlé. Depuis, elles ont toujours été
vendues dans des emballages cylindriques étroits, en carton, diffusés en
quantités considérables surtout en Europe, en Asie et en Amérique latine. De
1990 à 1999, la vente des "smarties" en Suisse a atteint, en moyenne, 450 t
par an, pour un chiffre d'affaires annuel moyen de 5'800'000 fr. La
présentation de l'emballage a quelque peu varié au cours des décennies mais
le couvercle de plastique, le nom "smarties" en grandes lettres et l'image
des pastilles multicolores, sur l'emballage, sont demeurés pratiquement
identiques depuis l'introduction en 1938.
Le 18 février 1994, la Société des produits Nestlé SA a déposé une marque de
forme auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle, consistant
dans un emballage en forme de tube étroit, destiné à des pastilles ou dragées
fourrées de chocolat. Cette marque fut enregistrée le 29 mai 1995 sous n°
416'341 à titre de "marque imposée". L'enregistrement reproduit la
photographie d'un emballage en forme de cylindre étroit, ouvert à un bout et
fermé à l'autre par une rondelle scellée. Le 26 avril 1995, la Société a
déposé la marque de forme internationale correspondante n° IR-637'409. La
protection lui a été refusée dans plusieurs pays.

C.
Le 5 avril 2000, Masterfoods AG a ouvert action contre la Société des
produits Nestlé SA devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud. Sa demande
tendait à faire constater la nullité de la marque de forme n° 416'341.
La défenderesse s'est opposée à la demande. Elle a pris des conclusions
reconventionnelles tendant à faire interdire à la demanderesse, sous menace
des peines d'arrêts ou d'amende à infliger aux organes fautifs, de
commercialiser en Suisse des pastilles ou dragées de confiserie, ou des
sucreries fourrées de chocolat, dans des emballages en forme de tube étroit.
La demande reconventionnelle visait à titre principal les emballages en forme
de tube étroit d'une longueur de 95 mm environ et d'un diamètre de 28 mm
environ; à titre subsidiaire, elle visait les emballages en forme de tube
étroit caractérisés par diverses particularités. Cette demande fut par la
suite amplifiée avec des conclusions nouvelles, tendant à faire constater la
nullité de l'extension suisse des marques internationales de la demanderesse
n° IR 657'643 et IR-657'642 pour le chocolat, les produits au chocolat et les
confiseries non médicinales.
Le 13 juin 2002, sur requête commune des parties, le juge instructeur a
restreint la procédure à la question de la nullité de la marque de forme n°
416'341.
Le Tribunal cantonal a rendu un jugement préjudiciel sur cette question, le
30 janvier 2004. Il a constaté la nullité de la marque précitée pour les
produits auxquels celle-ci est destinée. Il a retenu que la protection
correspondante se heurte à l'exclusion absolue prévue par l'art. 2 let. b
LPM. Selon le jugement, la forme cylindrique est techniquement nécessaire,
constitutive de la nature même du produit et au nombre des formes
élémentaires qui doivent absolument demeurer à la libre disposition de tous.
A supposer que des formes ayant d'abord appartenu au domaine public soient
susceptibles de protection après s'être imposées comme marques, la
défenderesse a de toute manière échoué, en l'occurrence, à prouver le
caractère de marque imposée dans le commerce: les tubes effectivement
utilisés pour les "smarties" ne coïncident pas avec la forme enregistrée; les
pastilles au chocolat d'autres entreprises sont elles aussi commercialisées
dans des emballages en forme de tube et, enfin, l'étude de marché de la
défenderesse n'établit pas le caractère de marque imposée dans toute la
Suisse, en particulier hors de la Suisse romande.

D.
Agissant par la voie du recours en réforme, la défenderesse requiert le
Tribunal fédéral d'annuler le jugement préjudiciel et de débouter la
demanderesse de ses conclusions tendant à l'annulation de la marque de forme
n° 416'341. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause au
Tribunal cantonal pour nouveau jugement.
La demanderesse conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En règle générale, le recours en réforme est recevable seulement contre les
décisions finales des tribunaux suprêmes des cantons (art. 48 al. 1 OJ). Le
recours est recevable contre les décisions préjudicielles ou incidentes
concernant la compétence (art. 49 OJ); exceptionnellement, il est recevable
contre d'autres décisions préjudicielles ou incidentes si une décision finale
peut ainsi être provoquée immédiatement et qu'il convient d'éviter, en
autorisant le recours immédiat au Tribunal fédéral, la durée et les frais de
la procédure probatoire (art. 50 al. 1 OJ).
Le jugement présentement attaqué ne termine pas l'ensemble du litige. Il
porte seulement sur l'annulation de la marque de forme n° 416'341 et la
demande reconventionnelle de la défenderesse demeure pendante. Il ne
constitue donc pas une décision finale selon l'art. 48 al. 1 OJ
(Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, n. 1.1.7.1 ad art. 48 OJ). Il s'agit seulement d'un jugement
partiel, réglant le sort de l'une des prétentions litigieuses. Selon la
jurisprudence, le recours en réforme immédiat est recevable contre un
jugement de ce genre lorsque la ou les prétentions concernées auraient pu
faire l'objet d'un procès séparé et qu'elles doivent être réglées
préalablement aux autres prétentions en cause (ATF 129 III 25 consid. 1.1 p.
27; 124 III 406 consid. 1a p. 409; voir aussi ATF 127 I 92 consid. 1b p. 94).
Le jugement à porter sur la validité ou la nullité de la marque de forme
suisse n° 416'341 peut exercer une influence déterminante sur le sort des
conclusions reconventionnelles relatives à la nullité de l'extension suisse
des marques internationales n° IR-657'643 et IR-657'642. Ce jugement peut
exercer une influence semblable également sur les conclusions tendant à
interdire à la demanderesse l'utilisation de certains emballages car ces
dernières reposent non seulement sur le droit de la concurrence déloyale mais
aussi sur celui des marques. Les conditions précitées concernant la
recevabilité du recours en réforme immédiat sont donc satisfaites; l'intimée
conclut d'ailleurs elle aussi à la recevabilité de ce recours. Les autres
conditions de recevabilité sont également satisfaites, de sorte que le
Tribunal fédéral doit se saisir de la cause.

2.
L'art. 1er al. 1 de la loi fédérale sur la protection des marques et des
indications de provenance (LPM; RS 232.11) définit la marque comme un signe
propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux
d'autres entreprises. L'art. 2 let. a LPM exclut de la protection légale les
signes appartenant au domaine public (consid. 4.2 ci-dessous), sauf s'ils se
sont imposés comme marques pour les produits ou les services concernés.
L'art. 2 let. b LPM vise spécialement les marques de forme, c'est-à-dire les
signes réalisés directement par la forme donnée au produit lui-même ou à son
emballage. Cette disposition exclut de la protection légale les formes
constituant la nature même du produit, ainsi que les formes du produit ou de
l'emballage qui sont techniquement nécessaires.
L'art. 2 let. b LPM circonscrit, dans le domaine des marques de forme, les
signes pour lesquels il existe un besoin absolu de libre disposition. Cette
règle n'a pas de portée propre par rapport à la clause générale de l'art. 2
let. a LPM, dans la mesure où ce qui ressort déjà de cette dernière y est
simplement répété pour les marques de forme. La portée propre de l'art. 2
let. b LPM consiste en ce que les formes inhérentes à la nature même du
produit, ou les formes du produit ou de l'emballage qui sont techniquement
nécessaires, demeurent exclues de la protection légale même si leur
utilisation comme marque a pu s'imposer dans le commerce. A la différence des
autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée
et exclusive d'une forme de ce genre ne permet pas d'en obtenir le monopole
dans le cadre du droit des marques (ATF 129 III 514 consid. 2.3 p. 517).
En l'espèce, il est nécessaire d'examiner si la forme de tube étroit,
destinée à des pastilles ou dragées fourrées de chocolat, est exclue de la
protection légale alors même que, par hypothèse, la défenderesse est parvenue
à l'imposer dans le commerce comme marque de son propre produit.

3.
La juridiction cantonale a retenu à tort chacun des deux cas d'exclusion
spécialement prévus à l'art. 2 let. b LPM.

3.1 Elle a d'abord constaté que cette forme est techniquement nécessaire pour
l'emballage de pastilles de chocolat enrobées de sucre coloré. Selon sa
propre appréciation, les concurrents de la défenderesse ne sont aucunement
contraints d'utiliser un emballage en forme de cylindre étroit pour la vente
de produits de ce type. Elle considère que le tube se définit notamment comme
un emballage cylindrique rigide, destiné à contenir des solides ou d'autres
matières, qu'il s'agit d'un emballage courant dont le commerce ne peut pas se
passer et que, par conséquent, sa forme cylindrique ne peut être l'objet
d'aucun monopole protégé par le droit des marques.
Son approche ne correspond pas à la notion de la forme techniquement
nécessaire selon l'art. 2 let. b LPM. Ce cas d'exclusion de la protection
légale est réalisé seulement lorsque, pour des raisons techniques, aucune
autre forme n'est disponible ou ne peut être raisonnablement utilisée (ATF
129 III 514 consid. 3.2.1 p. 522 et 3.2.2 p. 523). La forme techniquement
nécessaire correspond à la seule possibilité de réaliser un produit ou un
emballage doté des fonctions et aptitudes voulues (même arrêt, consid. 3.2.3
p. 523). Une forme est techniquement nécessaire aussi s'il existe, certes,
une autre possibilité, mais que celle-ci implique une exécution moins
commode, moins résistante ou plus onéreuse: on ne peut alors pas
raisonnablement attendre des concurrents qu'ils renoncent à la forme la plus
évidente et adéquate (consid. 3.2.4 p. 524).
Contrairement à l'opinion de la demanderesse, un monopole de l'emballage en
forme de tube ne l'oblige pas à utiliser elle-même des formes d'emballage
moins commodes, moins robustes ou plus coûteuses à fabriquer. Au contraire,
elle peut recourir à une variété pratiquement illimitée de formes diverses,
hormis le cylindre caractérisé par certaines proportions. De toute évidence,
la forme cylindrique n'est pas indispensable pour des emballages solides et
aptes à se refermer; les développements que cette partie consacre aux
inconvénients des sachets ou d'autres emballages instables sont, par
conséquent, dépourvus de pertinence. On ne discerne aucune nécessité
technique de conditionner des pastilles de chocolat dans des emballages
cylindriques. La juridiction cantonale n'a d'ailleurs retenu aucune nécessité
de ce genre à l'appui de son jugement; celui-ci n'est fondé que sur le
caractère banal de la forme cylindrique et sur l'opinion que celle-ci doit
rester librement disponible pour les besoins du commerce. En réalité, pour
les produits en cause, cette forme n'est pas techniquement nécessaire aux
termes de l'art. 2 let. b LPM.

3.2 L'exclusion des formes constituant la nature même du produit, prévue
également par l'art. 2 let. b LPM, a pour but d'empêcher qu'une entreprise
puisse se réserver le monopole d'un produit par le biais d'un enregistrement,
à titre de marque, de la forme propre de ce produit. Une forme ne peut
bénéficier de la protection du droit des marques que si elle se différencie
des caractéristiques fonctionnelles ou esthétiquement nécessaires du produit
concerné. La forme dictée par de telles caractéristiques n'est pas
susceptible de protection et elle demeure, au contraire, à la libre
disposition de tous les concurrents (ATF 129 III 514 consid. 2.4.1 p. 518 et
3.1.1 p. 520, avec références; Ruth Arnet, Markenschutz für Formen: Theorie
und Praxis zu den spezifischen Schutzausschlussgründen für die Formmarke
(...), sic! 2004 p. 829, p. 835 et ss).
D'ordinaire, la forme de l'emballage n'est pas dictée par les
caractéristiques du produit; l'emballage n'est d'ailleurs pas mentionné, à
l'art. 2 let. b LPM, dans la proposition "les formes qui constituent la
nature même du produit". La demanderesse soutient avec raison
qu'exceptionnellement, l'emballage peut être fonctionnellement lié au produit
de telle façon que la forme de l'emballage doit être assimilée à celle du
produit. Cette situation particulière est réalisée lorsque l'emballage sert
de manière indispensable à l'utilisation ou à la consommation du produit
(Christoph Willi, Kommentar zum schweizerischen Markenrecht (...), Zurich
2002, n. 212 ad art. 2 LPM, qui mentionne les exemples de l'atomiseur ou du
bâton applicateur).
L'emballage de pastilles de chocolat, ou de sucreries analogues, doit
permettre la garde, le transport et la présentation du produit jusqu'à sa
consommation. Au delà de ces fonctions classiques de n'importe quel
emballage, il doit éventuellement, pour faciliter une consommation graduelle
du contenu, se prêter à plusieurs ouvertures et fermetures successives. En
dépit de cette dernière particularité, on ne constate aucun rapport de
connexité particulièrement étroit entre les fonctions de l'emballage et la
consommation du produit.
La demanderesse se réfère en vain à la jurisprudence de la Cour de justice
des communautés européennes selon laquelle la forme de l'emballage doit être
assimilée à celle du produit lorsque ce dernier, en raison de son état
granuleux, pulvérulent ou liquide, est dépourvu de forme propre (CJCE, arrêt
du 12 février 2004 n° C-218/01 Henkel, ch. 33). Selon le même arrêt,
l'assimilation de la forme de l'emballage à celle du produit ne se justifie
pas lorsque celui-ci, bien que généralement commercialisé dans un emballage,
est doté d'une forme propre; sur ce point, la Cour de justice cite en exemple
les clous (ibidem, ch. 32). Or, les pastilles ou dragées de chocolat sont
elles aussi des objets petits mais néanmoins solides et, en conséquence,
dotés d'une forme propre; elles diffèrent, de ce point de vue, des produits
fabriqués en granules, en poudre ou à l'état liquide. Il en résulte que même
s'il fallait transposer au droit suisse la jurisprudence précitée concernant
ces produits, celle-ci ne serait pas concluante en faveur de la demanderesse.
Faute d'un rapport fonctionnel suffisamment étroit entre les pastilles de
chocolat et leur emballage en forme de tube, cette forme ne constitue pas non
plus la nature même du produit aux termes de l'art. 2 let. b LPM.

4.
La juridiction cantonale a aussi retenu qu'indépendamment des cas d'exclusion
de l'art. 2 let. b LPM, la forme du cylindre étroit est tellement banale
qu'elle doit demeurer à la libre disposition de tous. Cette appréciation
n'est pas conforme au droit fédéral.

4.1 Les signes appartenant au domaine public, à ce titre exclus de la
protection légale, se caractérisent par le fait qu'ils sont a priori
dépourvus de force distinctive ou assujettis au besoin de libre disposition.
Un signe du domaine public n'acquiert la force distinctive que si une
entreprise parvient à l'imposer comme marque dans le commerce. Ce signe
devient alors susceptible de protection en faveur de cette entreprise, pour
autant qu'il ne soit pas assujetti au besoin de libre disposition; dans cette
dernière hypothèse, il demeure exclu de la protection légale. Les signes
indispensables à tous les concurrents sont soumis à un besoin de libre
disposition absolu; pour d'autres signes, selon que ce besoin est plus ou
moins intense, les exigences dont dépend le caractère de marque imposée dans
le commerce, telles que l'ancienneté de l'usage, sont plus ou moins sévères
(Lucas David, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 38 et 40 ad art. 2 LPM; Willi,
op. cit., n. 34, 153, 156 et 164 ad art. 2 LPM; Arnet, op. cit. p. 830 et ss;
Jürg Müller, Unterscheidungskraft, Freihaltebedürfnis, Verkehrsdurchsetzung,
in Marke und Marketing, Berne 1990, p. 205 et ss; Eugen Marbach, Markenrecht,
in Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, vol. III, Bâle
1996, p. 33 et ss, 54 et ss).
Les signes du domaine public sont généralement répartis en trois ou quatre
catégories: il s'agit d'abord des signes banals ou communs, soit les chiffres
ou lettres isolés, les couleurs ou formes géométriques simples; un autre
groupe est constitué des signes descriptifs et des désignations génériques,
c'est-à-dire les références à la nature, aux propriétés, à la composition ou
à l'emploi d'un produit; le troisième est celui des signes libres ou
dégénérés, soit ceux qui, distinctifs à l'époque de leur création, sont
devenus des désignations génériques en raison d'un usage généralisé; il y a
enfin les indications géographiques (Marbach, op. cit. p. 33; Kamen Troller,
Précis du droit suisse des biens immatériels (...), Bâle 2001, p. 97; Arnet,
op. cit. p. 830; Müller, op. cit. p. 205 ATF 114 II 171 consid. 2a p. 172).

4.2 Les signes libres, par définition, ont perdu leur force distinctive et
ils ne peuvent guère la recouvrer; la question du besoin de libre disposition
ne se pose donc pas à leur sujet. Ainsi, en 1988, la locution "Eile mit
Weile" (hâte-toi lentement) était un signe libre pour des jeux et jouets;
elle s'était imposée dans le commerce comme désignation générique et elle
n'avait plus de force distinctive en faveur d'une entreprise en particulier
(ATF 114 II 171 consid. 3 p. 174; voir aussi ATF 130 III 113 consid. 3.1 p.
116).
Pour les signes descriptifs et les désignations génériques, la jurisprudence
reconnaît le besoin de libre disposition pour les expressions attribuant
certaines qualités à la marchandise, telles que, en français ou transposées
dans cette langue, beau, bel, belle, super, bon, fin, pour autant que ces
désignations soient descriptives en relation avec le produit concerné (ATF
100 Ib 250 consid. 1 p. 251; voir aussi ATF 128 III 447 consid. 1.5 p. 450;
127 III 160 consid. 2b/aa p. 166). Dans l'arrêt ATF 64 II 244, le Tribunal
fédéral a reconnu un besoin de libre disposition absolu pour les désignations
telles que pain, chaussure, vêtement, laine, coton; il a toutefois admis, à
titre de marque imposée dans le commerce, le signe "Wollen-Keller" composé de
l'une d'elles et d'un patronyme très courant (consid. 3 p. 251). Le mot
descriptif "touring" a été jugé librement disponible pour tous les
concurrents, donc absolument exclu de la protection légale, dans le domaine
des fournitures ou services concernant l'automobile et les voyages en
automobile (ATF 117 II 199 consid. 2b p. 203). L'expression "trois plants",
destinée à des vins, était descriptive; la question du besoin de libre
disposition fut laissée indécise parce que, de toute manière, l'expression ne
s'était pas imposée comme marque (ATF 84 II 221 consid. 2b p. 225 et ss).
Le jugement attaqué mentionne plusieurs de ces précédents et, en outre,
d'autres cas où un besoin de libre disposition n'a pas été envisagé. Ainsi,
la marque "yeni raki" (vieux raki), descriptive en langue turque, était
éventuellement susceptible de protection en vertu du droit international,
selon sa notoriété dans le milieu concerné en Suisse (ATF 120 II 144 consid.
3c p. 151). La protection obtenue dans certains Etats européens pour
"masterpiece" (chef d'oeuvre), descriptif en anglais, ne permettait pas de
revendiquer un monopole en Suisse (ATF 129 III 225). Enfin, l'indication
géographique "Appenzeller" a été reconnue à titre de marque imposée (ATF 128
III 441 consid. 1 p. 443).
Le besoin de libre disposition n'a pas toujours été clairement distingué de
l'absence de force distinctive. Quoi qu'il en soit, contrairement à l'opinion
des précédents juges, la jurisprudence relative aux signes libres, aux signes
descriptifs ou aux indications géographiques ne permet pas de retenir un
besoin de libre disposition absolu pour l'emballage en forme de tube étroit.

4.3 Selon plusieurs auteurs, les signes banals sont l'objet d'un emploi
indispensable dans le commerce et ils sont donc assujettis au besoin de libre
disposition; cependant, on n'exclut pas rigoureusement qu'une éventuelle
utilisation à titre de marque, imposée dans le commerce, puisse être prise en
considération (Müller, op. cit. p. 206; Willi, op. cit. n. 148 à 151, 156 et
157 ad art. 2 LPM; David, op. cit. n. 31 et 34 ad art. 2 LPM; Marbach, op.
cit. p. 49 et ss).
Le cas échéant, c'est en tenant compte du contexte de l'affaire que le
Tribunal fédéral constate l'assujettissement d'un signe banal à un besoin de
libre disposition absolu, sur lequel une utilisation imposée à titre de
marque ne peut en aucun cas prévaloir; à lui seul, le caractère
intrinsèquement banal du signe concerné n'est pas décisif. Par exemple, la
marque verbale "red & white" était susceptible de protection alors même que
les couleurs fondamentales doivent demeurer librement disponibles (ATF 103 Ib
268 consid. 2a p. 270). Destinée à des cigarettes, cette marque n'était pas
descriptive, cela également si les couleurs indiquées figuraient sur
l'emballage (consid. 3b p. 274). De même, la couleur rouge et la forme
géométrique simple d'un anneau sont l'une et l'autre banales et librement
disponibles; néanmoins, la marque verbale "rotring" était valable pour de
l'outillage (ATF 106 II 245 consid. 2d p. 248). Le signe verbal "duo" était
descriptif pour des jeux et jeux de société et il devait rester librement
disponible; l'hypothèse d'une utilisation imposée à titre de marque a
toutefois été réservée (ATF 118 II 181 consid. 2b et c p. 182). Au sujet du
signe figuratif consistant dans un petit rectangle rouge à apposer sur des
pantalons, le Tribunal fédéral a jugé que le rectangle et le rouge sont l'un
et l'autre des signes banals et que leur combinaison était elle-même banale;
l'exploitante n'était pas parvenue à prouver une utilisation imposée à titre
de marque et le besoin de libre disposition n'a pas été examiné (arrêt du 30
novembre 1982 in RSPI 1984 p. 120, consid. 3 et 5).
En ce qui concerne spécialement les formes banales, le Tribunal fédéral a
admis qu'une marque de forme, dotée de la force distinctive et donc
susceptible de protection légale, peut éventuellement être créée par la
combinaison d'éléments géométriquement simples qui sont individuellement
dépourvus de cette force; la protection est cependant exclue lorsque le
résultat de la combinaison coïncide avec la forme propre du produit (ATF 120
II 307 consid. 3b et c p. 310; voir aussi ATF 129 III 514 consid. 2.3 in fine
p. 518). Cette forme-ci est assujettie au besoin de libre disposition
(consid. 2 ci-dessus). La Commission fédérale de recours en matière de
propriété intellectuelle a jugé que le parallélépipède rectangle, dont une
entreprise voulait le monopole pour le conditionnement du beurre et des
préparations au beurre, est une forme géométrique banale et soumise au besoin
de libre disposition absolu. Il en résultait que la preuve de l'imposition
dans le commerce ne pouvait pas être apportée. Ce cas n'a pas été examiné au
regard de l'art. 2 let. b LPM (décision du 7 décembre 1999 "Buttermödeli";
sic! 2000 p. 101).

4.4 L'assujettissement d'un signe à un besoin de libre disposition absolu,
sur lequel une utilisation imposée à titre de marque ne peut en aucun cas
prévaloir, ne peut être retenu que si l'emploi du signe concerné est
nécessaire dans le commerce. Cette condition ne peut pas être examinée de
façon générale pour certains signes mais seulement en relation avec les
produits ou services auxquels ils sont destinés. On doit sans doute envisager
que, parmi les signes banals, certains se révéleront indispensables aux
besoins du commerce dans presque n'importe quel contexte. L'aptitude à
constituer une marque valable ne peut néanmoins pas être déniée en tout état
de cause pour des signes paraissant au premier abord banals, quand, dans un
contexte spécifique, ces signes ne sont pas nécessaires au commerce compte
tenu qu'ils ne sont pas généralement utilisés et qu'ils peuvent être
remplacés par de nombreux signes équivalents. Le caractère banal d'un signe
n'autorise pas à conclure, indépendamment du contexte dans lequel ce signe
est utilisé et pour lequel la protection est requise, qu'il doit demeurer
librement disponible pour le commerce sans égard à la force distinctive qu'il
a pu acquérir. L'existence d'un besoin de libre disposition absolu pour les
formes banales, auquel une forme déterminée serait éventuellement assujettie
alors qu'elle ne constitue pas la forme même du produit et qu'elle n'est pas
non plus techniquement nécessaire, besoin qui excéderait ainsi celui régi par
l'art. 2 let. b LPM, est donc douteuse.
Quoi qu'il en soit, en l'occurrence, un besoin de libre disposition absolu ne
peut pas être retenu. Le cylindre ou tube étroit peut bien sûr être considéré
comme une forme géométrique fondamentale. Il faut cependant prendre en
considération qu'à la différence d'une sphère ou d'un cube, cette forme n'a
pas de proportions fixes; celles-ci, de même que les dimensions absolues,
sont indéterminées. Les proportions varient d'après le rapport du diamètre à
la longueur, or ces deux caractéristiques peuvent être librement choisies. Le
choix des proportions influence l'apparence du cylindre, de sorte que leur
modification aboutit à la création de formes différentes. Dans le commerce
des pastilles ou dragées de chocolat, des proportions particulières ne
paraissent pas nécessaires. La demanderesse n'est donc pas fondée à prétendre
que la marque litigieuse lui interdira l'emploi de toute forme cylindrique
pour l'emballage des confiseries ou sucreries. La forme à examiner ici,
exclusivement, n'est pas généralement utilisée pour l'emballage du produit
concerné et il existe, à cette fin, un grand nombre d'autres solutions,
réalisables à partir de formes fondamentales différentes ou de proportions
différentes. Contrairement à l'opinion des précédents juges, le caractère
originellement banal de la forme cylindrique litigieuse, dont les proportions
sont toutefois spécifiées, n'entraîne donc pas un besoin de libre disposition
absolu. Il est ainsi possible d'apporter, le cas échéant, la preuve que cette
forme est une marque imposée dans le commerce aux termes de l'art. 2 let. a
LPM.

5.
Dans le cadre du recours en réforme, le Tribunal fédéral applique les
critères prescrits par le droit fédéral pour déterminer si, dans le commerce,
le signe en cause s'est imposé à titre de marque. Il statue sur la base des
constatations de fait de la juridiction cantonale, sous réserve des cas - qui
ne concernent pas la présente affaire - d'inadvertance manifeste ou de
violation des règles de droit fédéral en matière de preuve (art. 43 et 63 OJ;
ATF 130 III 328 consid. 1 p. 330). Le Tribunal fédéral est ainsi lié par les
constatations de l'arrêt attaqué relatives aux circonstances que la
défenderesse invoque pour établir le caractère de marque imposée, tandis
qu'il vérifie librement si, à partir de ces constatations, la juridiction
cantonale a correctement appliqué le droit.

6.
Un signe s'est imposé dans le commerce à titre de marque dès le moment où une
part importante des destinataires du produit ou des services concernés le
perçoivent comme une référence à une entreprise déterminée. Il n'est pas
nécessaire que celle-ci soit nommément connue mais le signe doit être
assimilé à une marque dans toute la Suisse. Pour les marques de forme comme
pour les signes verbaux ou figuratifs, le caractère de marque imposée peut
être constaté sur la base de faits qui, selon l'expérience, autorisent des
déductions relatives à la perception du signe dans le public. De tels faits
consistent notamment dans un volume d'affaires très important et réalisé au
cours d'une longue période avec le signe en cause, ou dans des efforts
publicitaires intenses. Il est aussi possible de déterminer directement, par
un sondage représentatif dans le public visé, si un mot, une figure ou une
forme y est perçu comme la marque de produits ou de services particuliers
(ATF 130 III 328 consid. 3.1 p. 332, avec références à de nombreux auteurs;
voir aussi ATF 128 III 441 consid. 1.2 p. 444; 127 III 33 consid. 2 p. 35).
La juridiction cantonale a constaté que les pastilles de chocolat "smarties"
sont vendue en Suisse depuis 1959, en particulier dans les kiosques et les
centres commerciaux, dans des tubes de 40 g ou de 150 g. Un volume de 500 t a
ainsi été écoulé en 1999; de 1990 à 1999, le volume annuel moyen s'établit à
450 t. Les tubes sont l'objet d'une publicité intense depuis des décennies,
notamment à la télévision; ils sont constamment présentés avec des couvercles
de couleurs variées, l'inscription "smarties" et l'image de pastilles
multicolores. Ces réclames sont diffusées aussi en Suisse.
Par ailleurs, selon les mêmes constatations, la défenderesse a chargé
l'Institut MIS Trend SA, à Lausanne, de deux études consacrées à la notoriété
des tubes de "smarties". A cette fin, des sondages furent exécutés dans cette
ville en 2000 et en 2002, respectivement auprès de 261 et 279 personnes. Les
sondeurs ont présenté aux participants un tube de "smarties" dont les
inscriptions et illustrations étaient masquées. Le tube utilisé en 2000 était
pourvu d'un couvercle coloré tandis que celui de 2002 avait un couvercle
fardé de blanc. 82% des personnes interrogées en 2000 et 62% de celles
interrogées en 2002 ont reconnu d'emblée l'emballage des "smarties". Le taux
des réponses exactes s'est élevé, respectivement, à 90% et 82% après que les
participants qui n'avaient pas reconnu le tube eurent appris que celui-ci
contenait des pastilles de chocolat enrobées de sucre.

7.
En dépit de ces faits, la juridiction cantonale retient divers motifs de
dénier à la forme litigieuse le caractère de marque imposée. Là encore, son
appréciation ne peut pas être suivie.

7.1 L'un de ces motifs est tiré du fait que pendant les trente-cinq années
précédant le dépôt de la marque de forme en Suisse, l'emballage utilisé par
la défenderesse n'était pas un tube vierge et incolore; il s'agissait au
contraire d'un tube pourvu des signes "smarties" et "Nestlé", et décoré d'une
illustration montrant les pastilles multicolores.
Cet argument méconnaît que la protection légale est requise uniquement pour
la forme de l'emballage. Le jugement indique les mensurations des tubes de 40
et 150 g mais il n'en ressort pas qu'indépendamment de toute inscription ou
ornement, la forme enregistrée ne correspondrait pas à celle effectivement
utilisée. Il est vrai qu'un volume d'affaires important et une publicité
intense ne sont aptes à établir l'imposition d'un signe à titre de marque que
s'il n'existe pas d'interférence entre ce signe et d'autres marques ou signes
que l'entreprise aurait utilisés simultanément et spécialement pour le même
produit ou service. En l'occurrence, il y avait interférence entre la forme
du tube, qui est le signe à trois dimensions présentement litigieux, et
certains des signes verbaux ou figuratifs apposés sur cet emballage. Les
sondages ont cependant été réalisés dans le but d'évaluer directement
l'impact de la forme seule, indépendamment de tout autre signe, dans le
public et pour le produit concerné. La demanderesse conteste la méthode
adoptée à cette fin, de sorte que les sondages ne sont, à son avis, pas
représentatifs, et les précédents juges ne se sont pas prononcés à ce sujet.
Si la méthode était appropriée et qu'une part importante des personnes
interrogées ont identifié la forme pure au produit de la défenderesse, on ne
peut pas dénier à celle-ci la protection légale au motif qu'elle n'utilise
pas la forme sans adjonction de signes supplémentaires. Pour autant que la
méthode soit adéquate, les sondages peuvent aboutir à des constatations
concluantes au sujet du produit éventuellement associé, dans le public, à la
forme du tube étroit; de ce point de vue, c'est à tort que la juridiction
cantonale ne prend pas ces enquêtes en considération.

7.2 Celle-ci retient encore que des producteurs autres que la défenderesse
commercialisent eux aussi des confiseries, sucreries ou produits au chocolat
dans des emballages en forme de tube étroit. Ce raisonnement ne correspond
pas non plus aux critères du droit fédéral concernant le caractère de marque
imposée dans le commerce et il ne tient pas compte des résultats obtenus par
les sondages. Il faut déterminer si la forme de tube étroit est perçue, dans
le public, comme une référence à l'entreprise de la défenderesse pour le
produit concerné. A ce sujet, le volume d'affaires important et la publicité
intense réalisés par elle, avec un emballage en forme de tube étroit, ne
constituent qu'un simple indice de la transformation de cette forme, à
l'origine banale, en un signe distinctif. L'utilisation de formes semblables
pour des produits semblables, par des concurrents de la défenderesse, peut
sans doute infirmer cet indice. Ce qui est toutefois décisif, c'est seulement
ce que les destinataires du produit associent réellement à la forme en cause.
Si un sondage concluant, par rapport aux personnes interrogées et à la
méthode employée, mène à constater que les destinataires assimilent
réellement la forme du tube étroit au produit de la défenderesse, cette forme
s'est imposée comme marque aux termes de l'art. 2 let. a LPM. L'utilisation
sporadique de signes semblables, par des concurrents, est alors inapte à
démentir cette constatation car celle-ci n'est pas déduite du volume
d'affaires important et de la publicité intense; elle résulte au contraire
d'une élucidation directe du sens reconnu par le public à la forme en cause,
en relation avec un produit déterminé.
La demanderesse se réfère vainement à la jurisprudence selon laquelle le
caractère de marque imposée d'indications géographiques peut être reconnu à
la suite d'un usage exclusif et prolongé du signe concerné (ATF 92 II 270
consid. 2 p. 274 in medio; voir aussi ATF 117 II 321 consid. 3a p. 324/324).
Contrairement à l'argumentation présentée, cela ne signifie pas que
l'acquisition de la force distinctive, pour un signe appartenant au domaine
public, ne puisse jamais être reconnue qu'à la suite d'un usage exclusif. En
tant que la protection légale a été déniée au motif que plusieurs concurrents
avaient fait usage du signe concerné, cela ne concernait que l'hypothèse où
l'un d'eux, revendiquant cette protection, prétendait établir le caractère de
marque imposée sur la base d'indices tels que le volume d'affaires important
ou la publicité intense.

7.3 Selon le jugement attaqué, les sondages effectués par l'Institut MIS
Trend SA, pour le compte de la défenderesse, sont inaptes à établir que la
forme litigieuse se soit imposée comme marque dans toute la Suisse. Exécutés
dans une seule des trois régions linguistiques du pays, soit la Suisse
romande, ils ne sont tenus pour concluants, le cas échéant, que pour cette
région exclusivement. Cette appréciation est fondée sur un précédent qui
concernait un signe verbal imposé comme marque seulement dans le canton du
Tessin (ATF 127 III 33 consid. 2 p. 35).
Les signes verbaux sont fréquemment compris - et aussi énoncés - de façon
différente dans chacune des régions linguistiques du pays. En revanche, les
signes figuratifs et les formes ne sont pas perçus de façon différente selon
la langue des destinataires et les régions linguistiques où on les exploite.
Si le produit revêtu du signe figuratif concerné, ou conditionné dans la
forme constitutive du signe, est commercialisé de la même manière et soutenu
par une publicité équivalente dans toute la Suisse, il n'est pas nécessaire
que la force distinctive du signe soit établie séparément dans chaque région
linguistique.
Il ne ressort pas du jugement que les 450 t de "smarties" écoulées chaque
année, en moyenne, soient vendues surtout en Suisse romande. Il n'y est pas
non plus constaté que la publicité faite pour ce produit soit concentrée sur
cette région en particulier. Dans ces conditions, la juridiction cantonale
applique incorrectement la notion de marque imposée dans le commerce, en tant
qu'elle assimile les signes à trois dimensions, ou figuratifs, aux signes
verbaux, et qu'elle tient la langue des destinataires pour importante aussi
afin d'élucider la force distinctive des signes à trois dimensions ou
figuratifs. Si les sondages ont été effectués selon une méthode appropriée et
qu'il n'existe pas de différences importantes, selon les régions du pays,
dans la commercialisation des "smarties", ni dans l'effort publicitaire
accompli pour ce produit, les résultats de ces enquêtes doivent être reconnus
comme pertinents aussi à l'égard de la Suisse alémanique et de la Suisse
italophone.

7.4 Le signe litigieux est une forme géométrique banale. En comparaison avec
d'autres signes plus élaborés, celui qui prétend l'imposer comme marque a
plus de difficulté à obtenir que les destinataires l'associent à son produit
et gardent, ensuite, le souvenir de cette association. Conformément à
l'opinion des premiers juges, en raison de l'extrême banalité de la forme en
cause, il se justifie donc de soumettre à des exigences élevées la preuve de
son caractère de marque imposée dans le commerce (ATF 130 III 328 consid. 3.4
p. 333).
Lors des sondages, plus de 60% des personnes interrogées ont reconnu
d'elles-mêmes, et sans qu'on leur fournît aucun indice, l'emballage des
"smarties" dans la forme neutre qui leur était présentée. Le taux excédait
70% à la deuxième interrogation qui était accompagnée, elle, d'une aide à la
réponse. Au regard de ces résultats, nonobstant la banalité de la forme
cylindrique étroite, la juridiction cantonale retient à tort que lesdits
résultats devraient être jugés insuffisants même si les sondages
satisfaisaient aux exigences méthodologiques à respecter.

8.
Savoir si ces exigences-ci ont été respectées est une question décisive qu'il
importe de résoudre. Le Tribunal cantonal l'ayant laissée indécise, il
s'impose d'annuler le jugement attaqué et de lui renvoyer la cause. Il lui
appartiendra d'examiner, au besoin après complètement des constatations de
fait, la validité des sondages du point de vue de la méthode appliquée; il
prononcera alors un nouveau jugement sur la validité ou la nullité de la
marque de forme n° 416'341. Lors de ce nouveau jugement, il faudra garder à
l'esprit qu'un sondage correctement conçu et exécuté constitue le moyen le
plus sûr d'élucider la perception d'un signe dans le public visé. Il faudra
cependant aussi tenir compte des indices classiques à tirer du volume
d'affaires et la publicité réalisés par la défenderesse avec le signe
concerné. Enfin, on prendra en considération que l'Institut fédéral de la
propriété intellectuelle, par l'enregistrement de la marque avec la mention
de "marque imposée", a reconnu que la défenderesse avait rendu vraisemblable
la situation de fait correspondante (David, commentaire de l'arrêt ATF 130
III 478 in PJA 2004 p. 1429 et ss, ch. 4 p. 1431).

9.
Le recours en réforme est ainsi admis conformément aux conclusions
subsidiaires de la défenderesse. A titre de partie qui succombe, la
demanderesse doit acquitter l'émolument judiciaire et les dépens à allouer à
la partie qui obtient gain de cause.

Le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, le jugement attaqué est annulé et la
cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouveau jugement conformément
aux considérants.

2.
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 15'000 fr.

3.
La demanderesse acquittera une indemnité de 17'000 fr. à verser à la
défenderesse à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 10 décembre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: