Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.302/2004
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4C.302/2004 /ech

Arrêt du 20 octobre 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante,

contre

A.________,
demanderesse et intimée, représentée par
Me Christian Buonomo.

bail à loyer; résiliation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers du canton de Genève du 18 juin 2004.

Faits:

A.
A.a X.________ SA loue, depuis le 1er octobre 1983, deux arcades et deux
arrières dans un immeuble sis à Genève, dont A.________ est la propriétaire
actuelle. La locataire y exploite un commerce de vêtements. Les mêmes parties
sont liées par un second bail, conclu le 27 janvier 1987, qui porte sur un
appartement situé au premier étage du même immeuble.

En 1991, les parties sont entrées en conflit au sujet d'un couvert sur cour
utilisé par la locataire, mais qui n'était pas conforme à la législation en
vigueur. Elles sont finalement convenues que la locataire continuerait à
occuper le couvert, tout en assumant les frais d'entretien et de réparation y
relatifs, tant que la démolition n'en serait pas ordonnée. En mars 1999, le
Département compétent a ordonné la démolition de la construction litigieuse.
L'ordre de démolition a été confirmé ultérieurement, la locataire n'ayant pas
accepté certaines des conditions auxquelles avait été subordonné le maintien
à titre précaire de cette construction jusqu'au 31 décembre 2007. Par arrêt
du 5 novembre 2002, le Tribunal administratif genevois a déclaré irrecevable
le recours formé par X.________ SA contre le délai qui lui avait été fixé
pour exécuter l'ordre de démolition.

A.b Au début 2001, la bailleresse a informé la locataire que des travaux de
réfection des façades et de la toiture seraient entrepris dans l'immeuble dès
avril 2001.

X. ________ SA s'est opposée sans succès à l'exécution de ces travaux et elle
a refusé de prendre les mesures utiles à cet effet, nonobstant une mise en
demeure de la bailleresse.

Par deux avis du 30 mai 2001, celle-ci a alors résilié les baux la liant à
X.________ SA pour le 31 juillet 2001, en faisant valoir de justes motifs au
sens de l'art. 257f al. 3 CO.

La locataire a contesté en vain la validité des deux congés jusque devant le
Tribunal fédéral qui, par arrêt du 20 février 2004, a rejeté le recours en
réforme dirigé contre l'arrêt cantonal donnant raison à la bailleresse (cause
4C.306/2003).

A.c Invoquant une déficience de l'aération des locaux loués et une
infiltration d'eau résultant de la toiture du couvert, X.________ SA a
consigné les loyers dès le mois de novembre 2001.

A.d Le 26 octobre 2001, la locataire a déposé une requête dirigée contre la
bailleresse en vue de faire constater la validité de la consignation, de
faire exécuter des travaux de réparation du couvert et d'obtenir une
réduction de loyer.

La Commission de conciliation, le Tribunal des baux et la Chambre d'appel ont
tous trois écarté ladite requête en soulignant qu'elle confinait à la
témérité.

A.e Par courrier recommandé du 27 février 2002, la bailleresse a mis la
locataire en demeure de lui verser directement les loyers, faute de quoi elle
résilierait le bail.

La locataire n'ayant pas obtempéré, la bailleresse, par avis du 16 avril
2002, a résilié le bail des arcades et des arrières pour le 31 mai 2002.

B.
X.________ SA (ci-après: la défenderesse) a fait opposition au congé tandis
que A.________ (ci-après: la demanderesse) a requis l'expulsion de la
locataire. Non conciliées, les deux procédures ont été jointes.

Statuant le 12 janvier 2004, le Tribunal des baux et loyers du canton de
Genève a déclaré valable le congé litigieux et condamné la défenderesse à
évacuer immédiatement les locaux loués.

Saisie par la locataire, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a
confirmé ce jugement par arrêt du 18 juin 2004.

C.
La défenderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral aux fins
d'obtenir l'annulation du congé contesté. Elle a également requis la
suspension de la cause, ce qui lui a été refusé par ordonnance présidentielle
du 14 septembre 2004.

La demanderesse et intimée n'a pas été invitée à déposer une réponse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours en réforme n'est recevable que dans la mesure où son auteur est
lésé par la décision attaquée (ATF 120 II 5 consid. 2a et les références). De
ce point de vue, la recevabilité du présent recours est sujette à caution. En
effet, le congé qui a été notifié à la défenderesse par avis du 16 avril
2002, avec effet au 31 mai 2002, pour le bail relatif aux deux arcades et aux
deux arrières, est intervenu après un premier congé concernant le même bail,
qui avait été notifié à la locataire le 30 mai 2001, pour le 31 juillet 2001,
et dont la validité a été constatée avec force de chose jugée par l'arrêt
précité que le Tribunal fédéral a rendu le 20 février 2004. Ainsi, que le
présent recours soit admis ou non, la locataire ne peut plus faire valoir de
titre juridique lui permettant de continuer à occuper les locaux
susmentionnés et il est exclu pour elle d'obtenir une prolongation de bail
(cf. art. 272a al. 1 let. b CO). Il est vrai, toutefois, que, dans le cadre
de la première procédure, la bailleresse n'avait pas requis l'expulsion de la
locataire, contrairement à ce qui a été le cas dans la procédure subséquente.
La locataire pourrait donc avoir encore un intérêt à obtenir l'annulation de
l'arrêt attaqué afin de contraindre la bailleresse à introduire une nouvelle
requête d'expulsion sur la base du premier congé en force.

Quoi qu'il en soit, la question de la lésion des intérêts de la défenderesse
peut demeurer en suspens, étant donné que le présent recours est de toute
manière voué à l'échec.

2.
Si le locataire, lors de la consignation, part de bonne foi de l'idée que la
chose louée présente un défaut qu'il n'a pas à réparer ni à supporter, les
loyers sont réputés payés, et une résiliation extraordinaire, fondée sur
l'art. 257d CO, n'est pas valable (ATF 125 III 120 consid. 2b et les
références).

Appliquant ce principe au cas particulier, la Chambre d'appel constate que la
locataire a introduit de nombreuses procédures pour tenter de justifier ses
griefs en rapport avec la consignation sans jamais obtenir le moindre
résultat positif. S'agissant du couvert sur cour, elle note que la
défenderesse en souhaitait le maintien alors qu'il était évident qu'il
s'agissait d'une construction illicite. En définitive, pour les juges
genevois, le comportement adopté par la locataire vis-à-vis de la bailleresse
n'était de loin pas exempt de tout reproche et la consignation des loyers
relevait à tout le moins de la chicane. Partant, les conditions d'une
résiliation pour défaut de paiement du loyer étaient réunies en l'espèce.

Dans un acte de recours peu clair et touffu, qui s'apparente à un mémoire
d'appel, la défenderesse se contente d'opposer sa propre version des faits à
celle qui figure dans l'arrêt attaqué. Elle oublie, en argumentant de la
sorte, que la juridiction fédérale de réforme est liée par les constatations
souveraines des juges cantonaux concernant l'échec de ces précédentes
démarches judiciaires, le caractère illicite du couvert sur cour ou encore
l'esprit de chicane qui l'a poussée à consigner les loyers (art. 63 al. 2
OJ).

On relèvera simplement, en ce qui concerne son principal argument, que le
fait que l'arrêt susmentionné du Tribunal administratif ait été rendu bien
après le début de la consignation des loyers n'implique nullement que la
locataire ait consigné de bonne foi les loyers dans l'intervalle. La
procédure administrative portait en effet sur l'ordre de démolition du
couvert litigieux, mais n'avait pas d'incidence sur les obligations
respectives des parties au contrat de bail relativement à cet objet. Or, à
cet égard, la défenderesse est bien en peine de démontrer en quoi il eût
appartenu à la demanderesse de procéder elle-même aux réfections nécessaires.
Elle oublie, d'ailleurs, que, d'entente avec la bailleresse, elle s'était
certes réservé la possibilité de continuer à occuper le couvert tant que la
démolition n'en serait pas ordonnée, mais s'était aussi engagée à assumer
elle-même les frais d'entretien et de réparation de cette construction.

Cela étant, le présent recours ne peut qu'être rejeté dans la faible mesure
où il est recevable.

3.
La défenderesse, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale
(art. 156 al. 1 OJ). En revanche, elle n'aura pas à indemniser son adverse
partie, puisque celle-ci n'a pas été invitée à déposer une réponse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 20 octobre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: