Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.27/2004
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4C.27/2004 /ech

Arrêt du 24 mars 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Krauskopf

X.________,
défendeur et recourant, représenté par Me Karin Baertschi,

contre

Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Bernard Waeber.

contrat de travail; autorisation de travail,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des
prud'hommes du canton de Genève du 27 novembre 2003.

Faits:

A.
Y. ________ a été engagé le 25 septembre 2001 en qualité de serveur par
A.________ SA à Genève. Par contrat du 5 juillet 2002, cette société,
représentée par son administrateur B.________, a cédé son établissement à
X.________ avec effet au 1er octobre 2002. Le 23 septembre 2002, B.________
en a avisé l'employé, précisant que X.________ allait reprendre le personnel.
A la fin du mois de septembre 2002, celui-ci a toutefois fait savoir à
Y.________ qu'il n'allait pas le conserver au sein du personnel, dès lors que
ce dernier ne bénéficiait d'aucune autorisation de travail à Genève.

B.
Y.________ a ouvert action le 19 décembre 2002 devant le Tribunal de la
juridiction des prud'hommes à Genève contre A.________ SA et X.________, leur
réclamant solidairement le paiement de 20'314 fr. 20., correspondant à un
solde de salaire depuis le 25 septembre 2001, vacances et jours fériés
compris, ainsi qu'à son salaire jusqu'au 30 novembre 2002.

Par jugement du 22 avril 2003, le Tribunal des prud'hommes, statuant
contradictoirement à l'égard de X.________ et par défaut à l'encontre de
A.________ SA, a admis l'intégralité des conclusions du demandeur.

La Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes de Genève a rejeté le 27
novembre 2003 l'appel formé par X.________.

C.
Celui-ci interjette un recours en réforme contre cet arrêt. Il conclut à
l'annulation de l'arrêt entrepris et à sa libération des prétentions formées
par Y.________. Ce dernier propose le rejet du recours et l'allocation d'une
indemnité de partie.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté en temps utile (art. 54 al. 1 OJ), compte tenu de la suspension des
délais (art. 34 al. 1 let. c OJ), par la personne qui a succombé dans ses
conclusions au fond, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière
instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), sur une
contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr.
(art. 46 OJ), le recours est recevable.

2.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter
les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte de faits pertinents, régulièrement allégués (art. 64 OJ).

3.
Comme en appel, le défendeur ne conteste ni l'existence d'un transfert
d'entreprise au sens de l'art. 333 CO, ni les montants alloués au demandeur.
Il estime cependant contraire à l'art. 333 CO de lui imposer de reprendre le
contrat illégal de travail du demandeur. Cela reviendrait à l'obliger à
commettre une infraction, réprimée par l'art. 23 LFSEE, ce dont l'autorité
cantonale aurait omis de tenir compte.

3.1 Selon cette dernière, le contrat de travail liant l'employeur au
demandeur était valable, nonobstant le fait que celui-ci ne disposait pas
d'une autorisation de travail. L'absence de celle-ci ne permettrait pas au
défendeur de se soustraire au régime juridique consacré par l'art. 333 CO et
de refuser de succéder au premier employeur. Elle a donc considéré que le
contrat de travail du demandeur avait été transféré au défendeur.

3.2
3.2.1L'absence de l'autorisation de travail imposée par le droit public
n'entraîne pas à elle seule la nullité du contrat de travail lorsque, comme
en l'espèce, l'emploi en cause ne nécessite un permis qu'en raison de la
nationalité étrangère du travailleur. Le contrat de travail conclu avec un
employé étranger dépourvu d'une autorisation de travail est ainsi valable,
sauf lorsque les parties ont subordonné sa validité à la délivrance de ladite
autorisation (ATF 122 III 110 consid. 4e p 116; 114 II 279 consid. 2d p.
283). Il incombe à l'employeur d'accomplir les démarches nécessaires à
l'obtention de celle-ci (ATF 114 II 274 consid. 5 p. 278).

3.2.2 L'art. 333 CO prévoit que si l'employeur transfère l'entreprise à un
tiers, les rapports de travail passent à l'acquéreur avec tous les droits et
obligations qui en découlent, au jour du transfert (al. 1). L'ancien
employeur et l'acquéreur répondent solidairement des créances du travailleur
échues dès avant le transfert jusqu'au moment où les rapports de travail
pourraient normalement prendre fin ou ont pris fin par suite de l'opposition
du travailleur (al. 3). Les rapports de travail existant au moment du
transfert passent donc automatiquement à l'acquéreur, même contre le gré de
ce dernier (ATF 123 III 466 consid. 3b p. 468).

La Cour de céans a précisé qu'avant de reprendre une entreprise, l'acquéreur
se doit d'en déterminer le contenu et, notamment, d'étudier les contrats de
travail qui vont lui être automatiquement transférés. Il lui incombe ainsi
d'envisager, avant que la reprise ne devienne effective, toutes les mesures
nécessaires pour qu'il n'y ait pas de lacune dans la couverture d'assurance
des employés (cf. arrêt 4C.50/2002 du 24 avril 2002, consid. 1c). De même lui
appartient-il de s'assurer de la situation régulière de ses futurs employés
et, le cas échéant, d'entreprendre, en temps utiles, les démarches
nécessaires en vue d'obtenir les autorisations requises. Ce faisant, il
évitera de se mettre dans la situation, délicate, où du fait du transfert
automatique du contrat prévu par l'art. 333 al. 1 CO, il est susceptible de
tomber sous le coup de l'art. 23 LFSEE, qui permet de sanctionner celui qui,
intentionnellement, aura occupé des étrangers sans autorisation de travail.
La question de savoir si, en cas de refus des autorités de délivrer ce
permis, l'acquéreur peut s'opposer au transfert du contrat de travail
concerné n'a pas à être tranchée en l'espèce, étant d'ailleurs rappelé que
l'acquéreur pourrait soumettre à condition la reprise de commerce elle-même.

3.3 Il ne ressort pas des constatations cantonales (art. 63 al. 2 OJ) que
l'ancien employeur ait soumis la validité du contrat de travail du demandeur
à l'octroi d'un permis de travail; le contrat était donc valable. L'autorité
cantonale ne retient pas (art. 63 al. 2 OJ) - et le défendeur n'allègue
d'ailleurs pas - qu'il aurait entrepris des démarches auprès des autorités
compétentes en vue de régulariser la situation du demandeur ni même qu'il
aurait invité le précédent employeur à le faire. Dès lors que le contrat de
travail du demandeur était valable et que le défendeur n'avait entamé aucune
démarche pour obtenir l'autorisation de travail, il ne peut s'opposer à la
reprise de ce contrat en invoquant le défaut de permis. Son grief est donc
infondé, et c'est à bon droit que l'autorité cantonale a considéré que le
contrat de travail du demandeur lui a été transféré.

4.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Si, en raison de la
valeur litigieuse, il n'a pas à supporter de frais de justice (art. 343 al. 2
et 3 CO), le défendeur devra verser une indemnité de dépens au demandeur (ATF
115 II 30 consid. 5c p. 42).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 24 mars 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: