Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.276/2004
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4C.276/2004 /ech

Arrêt du 12 octobre 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

A. ________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Joanna Bürgisser,

contre

X.________ AG,
défenderesse et intimée, représentée par Me Monica Bertholet.

contrat de travail; licenciement abusif; harcèlement psychologique ou sexuel;
mobbing

(recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des
prud'hommes du canton de Genève
du 2 octobre 2003).

Faits:

A.
X. ________ AG (ci-après: X.________) est une société dont le siège est à
Zurich et qui exploite une agence de presse à Genève. Elle a été créée en
1960, notamment par B.________, un journaliste sportif réputé, considéré
comme l'un des connaisseurs les plus expérimentés du football helvétique.

Après avoir effectué un stage de journaliste rédactrice chez X.________,
A.________ a été engagée auprès de cette société en qualité de journaliste à
partir du 1er janvier 1991. A cette époque, le bureau de Genève était dirigé
par B.________, qui était également responsable de la rubrique football.
C.________ était chef de la rubrique athlétisme et ski-nordique, alors que
D.________, le fils de B.________, était le chef de la rubrique tennis.

Selon le contrat d'engagement formellement signé le 20 novembre 1995 par les
parties, le salaire mensuel brut de A.________ s'élevait à 5'500 fr., plus
300 fr. de frais de représentation, ainsi qu'un 13ème salaire. Il était
précisé que : "Pour tous les points n'étant pas traités par le présent
contrat, on se réfère au Code des obligations et à la Convention collective
de travail URJ/SSJ".

Le dernier salaire mensuel brut de A.________ se montait à 7'224 fr., y
compris la participation forfaitaire de 300 fr.

B.
Jusqu'en 1995, les parties ont entretenu de bonnes relations de travail, le
bureau de Genève étant constitué d'une petite équipe, travaillant sans
hiérarchie bien établie, dans une ambiance plutôt paternaliste et détendue.

Ainsi, B.________, compte tenu de sa grande différence d'âge, de sa forte
personnalité et du fait qu'il connaissait A.________ depuis longtemps,
faisait preuve d'aménité à son égard. Considérant qu'elle avait un psychisme
fragile ou vulnérable, il estimait normal d'avoir un mot gentil pour elle. Il
avait coutume de l'appeler "belle enfant" et il lui est arrivé de lui
demander de lui faire un café. D.________ et A.________ se tutoyaient.
C.________ appelait A.________ par son prénom ou parfois "bichounette" et
celle-ci lui répondait "bichounet".
En ce qui concerne le langage utilisé, il a été retenu qu'il régnait parfois
un assez grand stress dans une agence de presse et que chacun s'exprimait de
façon crue, y compris A.________. L'usage du langage familier, voire parfois
grossier était de mise et celle-ci n'utilisait pas des termes
particulièrement châtiés.

Quant à l'attitude de X.________ vis-à-vis des femmes travaillant pour
l'agence, il apparaît que l'employeur a pris les mesures adéquates lorsqu'un
collaborateur a importuné une collègue. En outre, A.________ n'a pas été
traitée de manière différente et ses conditions salariales n'étaient pas
inférieures à celles de ses collègues. Elle n'était pas la seule à préparer
des cafés pour B.________, d'autres collaborateurs de sexe masculin ne
rechignaient pas à rendre ce service.

En 1995, B.________, âgé alors de 65 ans, a transmis la direction du bureau
de Genève à C.________, mais il a gardé son activité de chef de la rubrique
football. Deux ans plus tard, D.________ a été nommé rédacteur en chef.

A partir de 1995, la situation s'est détériorée entre A.________ et son
employeur. Celle-ci a ressenti une très grande déception de ne pas avoir été
nommée cheffe de la rubrique football et elle s'est plainte de ce que le
travail le plus intéressant lui était peu à peu retiré et qu'elle partait
moins souvent en déplacement. Chacun a constaté depuis lors un changement de
comportement de la part de cette collaboratrice, qui s'est isolée
progressivement. Ses performances ont baissé et elle a manifesté de
l'agressivité. Les contacts avec les collègues de travail sont devenus
difficiles. A.________ manifestait une insatisfaction quasi-permanente et sa
susceptibilité exacerbée rendait impossible les relations de travail avec les
autres collaborateurs de X.________, en particulier de sexe féminin.

En août 1995, A.________ avait des problèmes de concentration liés à une
dépression. Son travail et son rendement n'étaient pas bons, ce qu'elle
admettait. Elle a ensuite souffert de migraines et a pris des antidépresseurs
depuis la fin de l'année 1996. Au début du mois de janvier 1998, elle a été
victime d'une commotion cérébrale, ce qui a accentué ses problèmes de
migraine et de concentration.

X. ________ a formulé de nombreux reproches à l'égard de A.________ et s'est
plainte, tant oralement que par écrit, de son comportement. L'employeur lui a
fait des remontrances, parfois trop vives, dues à l'énervement et au fait que
le travail livré ne pouvait pas donner satisfaction. Les critiques reposaient
sur des faits objectifs et non sur de faux prétextes destinés à écarter cette
collaboratrice de l'entreprise.

Il a été retenu que les difficultés relationnelles et la baisse de
performance de A.________ étaient liées à sa déception de ne pas avoir été
nommée cheffe de rubrique et à l'état dépressif dont elle a commencé à
souffrir depuis 1995 au moins.

En raison d'une dépression profonde, A.________ a été complètement incapable
de travailler du 10 juillet au 12 août 2000, puis elle a suivi une cure
anti-stress du 13 au 26 août 2000.

A son retour, le 28 août 2000, elle a reçu une lettre de licenciement pour le
28 février 2001, avec dispense de l'obligation de travailler. Dans cette
lettre, l'employeur a invoqué la qualité du travail qui n'a cessé de se
détériorer, ainsi que la multiplication des erreurs de A.________ et
l'attitude de celle-ci au bureau, qui était devenue si exécrable que
pratiquement plus aucun rédacteur ne voulait assurer le service avec elle.

Dans la mesure où il a été attesté que A.________ était encore en incapacité
de travail le 28 août 2000, le congé lui a été de nouveau signifié le 12 mars
2001, pour le 30 septembre 2001.

C.
Selon le médecin-traitant de A.________, celle-ci est toujours incapable de
travailler en raison de cette dépression, qu'elle attribue à un mobbing. Une
demande de rente d'invalidité a été présentée.

D.
Le 28 mars 2002, A.________ a introduit une action auprès de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève à l'encontre de X.________, portant sur
le versement, par son ancien employeur, de la somme totale de 595'318,52 fr.
comprenant : 10'513,75 fr. à titre de différence de salaire pour la période
allant de 1999 à 2001, 8'558,60 fr. pour le salaire afférent aux vacances
durant cette même période, 4'050,67 fr. à titre de 13ème salaire pour 2001,
22'191 fr. correspondant à une indemnité de trois mois de salaire pour
licenciement abusif, 40'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral, 10'005
fr. en réparation du dommage effectif et, enfin, 500'000 fr. correspondant à
cinq ans de salaire selon la CCT (durée estimée de l'incapacité de travail),
sous déduction des prestations sociales. En substance, A.________ a soutenu
avoir fait l'objet de mobbing ainsi que de discrimination à raison du sexe,
et a reproché à son employeur de ne pas avoir pris les mesures adéquates pour
protéger sa personnalité.

En cours de procédure, l'employeur a versé à A.________ 7'345,15 fr.
correspondant aux vacances de l'année 2000.

Par jugement du 20 janvier 2003, le Tribunal de prud'hommes a débouté
A.________ de toutes ses conclusions.

A. ________ a déposé un appel contre ce jugement. Après avoir entendu de
nouveaux témoins, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a, par
arrêt du 2 octobre 2003, confirmé le jugement du 20 janvier 2003.

E.
Contre l'arrêt du 2 octobre 2003, A.________ (la demanderesse) interjette un
recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la
décision attaquée et à la condamnation de X.________ à lui verser la somme
totale de 583'204,75 fr., à savoir 40'000 fr. pour tort moral, 22'191 fr. à
titre d'indemnité pour licenciement abusif et 10'513,75 fr. sous déduction
des charges sociales, ces trois montants portant intérêt à 5 % dès le 1er
octobre 2001, auxquels s'ajoutent 510'500 fr. à titre de dommages-intérêts
liés à son incapacité de travail, sous déduction des prestations éventuelles
de l'assurance-invalidité.

X. ________ (la défenderesse) propose le rejet de toutes les conclusions de
A.________ et la confirmation de l'arrêt attaqué.

Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public
déposé parallèlement par A.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la demanderesse, qui a entièrement succombé dans ses
conclusions en paiement, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière
instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le recours
porte sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse largement
le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Il a en outre été déposé en temps utile
(art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). Il convient donc
d'entrer en matière.

2.
2.1 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit mener son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et l'arrêt cité). Dans la mesure où une partie
recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la
décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF
127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ).

2.2 Tout en rappelant ces principes en début de recours, la demanderesse
cherche à se fonder sur des faits ne ressortant pas de l'arrêt entrepris, en
invoquant l'existence d'inadvertances manifestes de la part de la cour
cantonale. Ce faisant, elle semble oublier que l'inadvertance manifeste,
susceptible d'être rectifiée d'office par le Tribunal fédéral en application
de l'art. 63 al. 2 OJ, suppose que l'autorité, par simple inattention, ait
omis de prendre en considération tout ou partie d'une pièce déterminée,
versée au dossier, l'ait mal lue ou mal comprise (cf. ATF 121 IV 104 consid
2b p. 106; 115 II 399 consid. 2a). L'absence de mention d'une pièce dans le
cadre de l'appréciation des preuves ne signifie pas encore qu'il y ait
inadvertance manifeste. Il faut que ladite pièce n'ait pas été examinée, même
implicitement; en d'autres termes que le juge n'en ait pas pris connaissance
ou l'ait purement et simplement laissée de côté. L'inadvertance manifeste ne
saurait être confondue avec l'appréciation des preuves. Dès l'instant où une
constatation de fait repose sur l'appréciation, même insoutenable, d'une
preuve, d'un ensemble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue
(arrêt du Tribunal fédéral 4C.149/1995 du 5 décembre 1995 in SJ 1996 p. 353,
consid. 3a). La voie du recours en réforme ne permet en effet pas de remettre
en cause l'appréciation des preuves (ATF 130 III 145 consid. 3.2 p. 160).

C'est précisément ce que cherche à obtenir la demanderesse, dès lors que,
sous le couvert de l'art. 63 al. 2 OJ, elle cite plus de dix extraits de
témoignages qui démontreraient le langage non seulement grossier utilisé,
mais aussi sexiste, de nature à fonder une discrimination à raison du sexe.
Loin d'avoir occulté ces éléments, la cour cantonale a relevé que, dans
l'agence de Genève, l'usage d'un langage familier, voire parfois grossier,
était de mise et que chacun s'exprimait de façon crue, y compris la
demanderesse, ce qui démontre bien qu'elle a tenu compte des déclarations des
témoins rapportant les échanges verbaux qui se déroulaient à l'agence. Si les
juges n'ont pas retenu l'existence de propos de nature sexiste, ce n'est donc
à l'évidence pas à la suite d'inadvertances manifestes répétées, portant sur
de nombreuses pièces versées au dossier, mais à la suite d'une appréciation
des preuves.

Le grief lié à l'art. 63 al. 2 OJ est donc irrecevable. Il en découle qu'il
n'y a pas lieu de compléter les faits ressortant de l'arrêt entrepris, de
sorte que c'est exclusivement à leur lumière que la Cour de céans se penchera
sur les autres critiques soulevées par la demanderesse.

3.
La demanderesse soutient qu'en niant l'existence de harcèlement sexuel, la
cour cantonale a violé les art. 328 CO et 4 LEg. (RS 151.1).
3.1 Le devoir de protection de la personnalité du travailleur par l'employeur
est prévue à l'art. 328 CO, qui a été complété, lors de l'introduction de la
LEg., par la mention expresse de la protection contre le harcèlement sexuel
(ATF 126 III 395 consid. 7b/aa p. 397). Les remarques sexistes et les
commentaires grossiers ou embarrassants entrent dans la définition du
harcèlement sexuel. Bien que l'art. 4 LEg. ne se réfère qu'à des cas d'abus
d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns de
caractère sexuel, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de
travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées (cf. ATF 126 III 395
consid. 7b/bb p. 397 et les références citées, confirmé in arrêt du Tribunal
fédéral non publié 4C.187/2000 du 6 avril 2001, consid. 2b). Le fait que
l'employée qui se plaint de harcèlement ait elle-même eu recours au même
vocabulaire ne saurait en principe justifier l'admission par l'employeur de
remarques sexistes, grossières ou embarrassantes, en particulier de la part
d'un supérieur hiérarchique dont le comportement peut déteindre sur celui de
ses subordonnés, sous réserve de l'hypothèse où un tel langage aurait été
utilisé dans un contexte a priori personnel, comme des messages échangés
entre collègues de travail (cf. ATF 126 III 395 consid. 7d p. 399).

3.2 Dans la mesures où, pour démontrer des actes de harcèlement sexuel, la
demanderesse se fonde sur des faits non constatés par la cour cantonale, ses
critiques ne sont pas admissibles (cf. supra consid. 2).

Si l'on s'en tient aux éléments figurant dans l'arrêt attaqué, il ressort
que, dans la société défenderesse, chacun s'exprimait de façon crue et ce
depuis de nombreuses années, sans qu'il n'ait été constaté que la
demanderesse se serait plainte des propos de ses collègues auprès de son
employeur. Si le langage utilisé n'était pas des plus châtié, rien ne permet
d'en conclure qu'il ait eu une connotation sexuelle ou qu'il ait été grossier
au point de pouvoir être qualifié de comportement importun de caractère
sexuel. Dans ce contexte, le fait que D.________ ait traité la recourante de
"conne", voire d'"arpette", dans le feu de l'action, notamment parce qu'elle
n'avait pas réservé correctement un billet d'avion, ou qu'il soit arrivé au
rédacteur en chef, à des moments bien précis, dans le stress d'une agence de
presse en fin de journée, de dire que les articles de la demanderesse étaient
de la "merde", s'avère certes critiquable, mais ces remarques trop vives
étaient dues à de l'énervement et à la mauvaise qualité du travail.
Objectivement fondées et exprimées dans le langage habituel de l'agence, de
telles critiques ne suffisent pas pour conclure à du harcèlement sexuel. Il
en va de même de l'appellation "belle enfant" utilisée par B.________ pour
désigner la demanderesse, dès lors qu'il a été constaté que celui-ci faisait
preuve d'aménité à l'égard de cette employée, qui par ailleurs ne
s'offusquait pas d'être désignée ainsi. La demanderesse ne peut davantage se
plaindre de ce que, jusqu'en 1995, C.________ l'ait parfois appelée
"bichounette", celle-ci lui répondant alors "bichounet". En effet, il régnait
à cette époque, dans l'agence, une ambiance détendue et les relations de
travail étaient bonnes, de sorte que l'on ne saurait y voir des propos
déplacés, de nature à rendre le climat de travail hostile. De plus, à partir
de 1995, dès que C.________ est devenu officiellement directeur, soit le
supérieur de la demanderesse, il a cessé de l'appeler ainsi. Enfin, si
B.________ a parfois demandé à la demanderesse de lui faire un café, il a été
retenu que d'autres collaborateurs de sexe masculin ne rechignaient pas à
rendre ce service.

En pareilles circonstances, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit
fédéral, nier l'existence de harcèlement sexuel.

4.
Invoquant l'art. 328 CO, la demanderesse reproche également à la cour
cantonale de ne pas avoir retenu qu'elle avait été victime de harcèlement
moral (mobbing).

4.1 L'employeur qui n'empêche pas que son employé subisse un mobbing
contrevient à l'art. 328 CO (ATF 125 III 70 consid. 2a p. 73).

Le harcèlement psychologique, appelé aussi mobbing, se définit comme un
enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment
pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus
cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu
de travail (arrêt du Tribunal fédéral non publié 2C.2/2002 du 4 avril 2003,
consid. 2.3). II n'y a toutefois pas harcèlement psychologique du seul fait
qu'un conflit existe dans les relations professionnelles, qu'il règne une
mauvaise ambiance de travail, qu'un membre du personnel serait invité - même
de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions
disciplinaires ou d'une procédure de licenciement - à se conformer à ses
obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu'un
supérieur hiérarchique n'aurait pas satisfait pleinement et toujours aux
devoirs qui lui incombent à l'égard du personnel. Il résulte des
particularités du mobbing que ce dernier est généralement difficile à
prouver, si bien qu'il faut savoir admettre son existence sur la base d'un
faisceau d'indices convergents, mais aussi garder à l'esprit qu'il peut
n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se
protéger contre des remarques et mesures pourtant justifiées (arrêt du
Tribunal fédéral non publié 2P.207/2002 du 20 juin 2003, consid. 4.2).
4.2 Pour démontrer le mobbing, la demanderesse se fonde à nouveau sur
d'autres éléments que ceux retenus dans l'arrêt attaqué, se contentant d'une
approche partielle de la réalité, limitée aux déclarations des témoins
favorables à sa thèse. Dès lors qu'il ne saurait en être tenu compte en
instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), le grief de la demanderesse perd
toute consistance. Quoi qu'en dise l'ancienne employée, les faits constatés
ne permettent pas d'en déduire que la défenderesse ou ses collègues se
seraient acharnés sur elle, en vue de la marginaliser ou de l'exclure de son
lieu de travail, par des propos ou des agissements hostiles et répétés. Il a
au contraire été constaté que le comportement de la demanderesse avait changé
en 1995, non pas à cause d'actes de mobbing, mais en raison de la déception
de ne pas avoir été nommée cheffe de la rubrique football et d'épisodes
dépressifs, liés à des problèmes de concentration. La demanderesse s'était
ainsi progressivement isolée et était devenue agressive, manifestant une
insatisfaction quasi-permanente et une susceptibilité exacerbée, rendant
impossible les relations de travail avec ses collègues, en particulier de
sexe féminin. Quant aux reproches formulés par l'employeur, ils reposaient
sur des faits objectifs et ne constituaient pas de faux prétextes destinés à
écarter une collaboratrice de l'entreprise. Bien que la dégradation de ses
relations de travail ait pu être ressentie de manière douloureuse par la
demanderesse, on ne discerne pas dans les éléments retenus un faisceau
d'indices permettant d'en conclure à du mobbing.

5.
La demanderesse invoque en vain le caractère abusif du congé au sens des art.
336 al. 1 CO et 2 CC, au motif que l'employeur aurait été responsable de ses
difficultés professionnelles à l'origine du licenciement.

Selon la jurisprudence, un licenciement peut être qualifié d'abusif lorsqu'il
est prononcé en raison des mauvaises prestations du travailleur, si celles-ci
se révèlent être consécutives à un mobbing (ATF 125 III 70 consid. 2a p. 72
s.). En l'occurrence, on vient de voir que les éléments figurant dans l'arrêt
attaqué ne permettent pas d'en conclure à l'existence d'actes de harcèlement
sexuel ou de mobbing à l'encontre de la demanderesse. Par conséquent, on ne
voit pas que l'employeur puisse être tenu pour responsable de la baisse de la
qualité des prestations de la demanderesse et de son comportement difficile à
l'origine du licenciement. En considérant que le congé signifié à la
demanderesse n'était pas abusif, les juges cantonaux n'ont donc pas violé le
droit fédéral.

6.
La recourante soutient que la cour cantonale a grossièrement contrevenu aux
art. 3 et 6 LEg., dès lors qu'elle aurait été discriminée en raison de la
nomination de B.________ au poste de responsable de la rubrique football.

6.1 L'art. 3 al. 2 LEg. réprime notamment la discrimination à la promotion.
Il y a discrimination prohibée en particulier lorsqu'une femme n'est pas
retenue pour une promotion, alors qu'elle est mieux qualifiée qu'un collègue
masculin promu ou que les femmes ne sont généralement pas promues à certains
postes (pour d'autres exemples, cf. Freivogel, Commentaire de la loi sur
l'égalité, Lausanne 2000, no 66 ad art. 3 LEg.). L'art. 6 LEg. introduit en
ce domaine un assouplissement du fardeau de la preuve par rapport au principe
général de l'art. 8 CC, dans la mesure où il suffit à la partie demanderesse
de rendre vraisemblable l'existence de la discrimination dont elle se prévaut
(ATF 130 III 145 consid. 4.2; 127 III 207 consid. 3b). Pour sa part, le juge
n'a pas à être convaincu du bien-fondé des arguments de la partie
demanderesse; il doit simplement disposer d'indices objectifs suffisants pour
que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir
exclure qu'il puisse en aller différemment (ATF 130 III 145 consid. 4.2 p.
162 et les référence citées).

6.2 Lorsque la défenderesse affirme que la discrimination a été rendue
vraisemblable en renvoyant à son mémoire d'appel, son grief n'est pas
recevable (cf. art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 115 II 83 consid. 3 p. 85; 110 II
74 consid. I/1 p. 78).

6.3 Sur la base des faits constatés, il apparaît que B.________ a été désigné
comme chef de la rubrique football en fonction de critères objectifs, car il
était un journaliste réputé, fondateur de la société défenderesse, qui
connaissait très bien le football. Il était ainsi particulièrement qualifié
pour exercer cette fonction. Quant à la demanderesse, elle avait une
meilleure maîtrise des outils informatiques et des langues, mais moins
d'expérience. En outre, elle n'avait même pas postulé.

Aucun de ces éléments ne laissant transparaître la vraisemblance d'une
discrimination à la promotion, les juges cantonaux n'ont violé ni l'art. 3 ni
l'art. 6 LEg. en ne retenant pas celle-ci.

La demanderesse indique également qu'elle aurait été discriminée dans
l'attribution des tâches et l'aménagement des conditions de travail, mais
sans expliquer à quel propos la cour cantonale aurait dû retenir de telles
discriminations, de sorte que ses critiques ne sont pas recevables (art. 55
al. 1 let. c OJ).

7.
La demanderesse soutient encore que l'arrêt attaqué méconnaît l'art. 357 CO,
dès lors qu'il rejette ses prétentions salariales fondées sur les salaires
prévus par la Convention collective URJ/FSJ, alors que les parties se sont
référées à ce texte dans le contrat de travail.

7.1 Ce faisant, la demanderesse confond les effet directs et impératifs avec
les effets indirects que peuvent déployer les conventions collectives de
travail (CCT).

Il découle de l'art. 357 al. 1 CO que les clauses relatives notamment au
contenu des contrats individuels de travail n'ont en principe d'effet direct
et impératif qu'envers les employeurs et travailleurs qu'elles lient. De
telles clauses s'appliquent automatiquement, sans incorporation dans le
contrat de travail, et les parties ne peuvent y déroger contractuellement au
détriment du salarié (cf. Aubert, Commentaire romand, no 3 s. ad art. 357
CO). Comme l'indique expressément l'art. 357 al. 1 CO, ces effets supposent
que les deux parties sont liées. Tel est le cas si l'employeur est
personnellement partie à la convention, si l'employeur et le travailleur sont
membres d'une association contractante (art. 356 al. 1 CO), ou encore si
l'employeur et le travailleur ont fait une déclaration de soumission
volontaire au sens de l'art. 356b CO et ont obtenu le consentement des
parties (cf. ATF 123 III 129 consid. 3a; Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum
Arbeitsvertragsrecht, 5e éd. Zurich 1992, art. 356b CO no 2 s.). Par
ailleurs, le champ d'application de la CCT peut être étendu par décision
d'une autorité cantonale ou fédérale (art. 1 de la loi fédérale du 28
septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention
collective de travail; RS 221.215.311), de sorte que ses clauses s'appliquent
également aux employeurs et travailleurs auxquels elle est étendue (ATF 123
III 129 consid. 3a).

S'agissant des contrats individuels de travail conclus par des employeurs ou
des travailleurs non liés, la CCT ne déploie qu'un effet indirect si les
parties conviennent de l'appliquer en l'intégrant au contrat. Dans cette
hypothèse, la convention ne produit aucun effet impératif, les parties
restant libres d'y déroger au détriment du travailleur (Aubert, op. cit., no
8 ad art. 357 CO).

7.2 Le contrat de travail conclu entre les parties en 1995 contenait une
clause renvoyant, pour tous les points qu'il ne traitait, pas au Code des
obligations et à la Convention collective de travail URJ/FSJ, soit à la CCT
conclue entre l'Union romande des éditeurs de journaux et périodiques (URJ)
et la Fédération suisse des journalistes (FSJ) du 23 décembre 1994. Or, la
défenderesse n'était pas membre de l'URJ ni personnellement partie à la CCT
et il n'a pas été allégué qu'elle aurait fait une déclaration de soumission
volontaire admise par les parties à la convention au sens de l'art. 356b CO.
En outre, la CCT en cause n'a pas été étendue. Par conséquent, le renvoi
figurant dans le contrat de travail ne pouvait que déployer des effets
indirects, de sorte que les parties restaient libres de déroger au salaire
prévu conventionnellement. Ainsi, la défenderesse n'était pas tenue
d'octroyer à la demanderesse les augmentations de salaire prévues par le
tarif conventionnel. En rejetant les prétentions formulées sur cette base, la
cour cantonale n'a donc en rien méconnu le droit fédéral.

Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.

8.
Une partie des prétentions réclamées par la demanderesse repose sur
l'existence de discriminations à raison du sexe et, dans la présente
procédure, celle-ci conteste notamment le refus de la cour cantonale
d'admettre des violations de la LEg. Il se justifie donc de ne pas percevoir
de frais (cf. art. 12 al. 2 LEg.- RS 151.1 - et art. 343 al. 3 CO). Cela ne
dispense pas la demanderesse, qui succombe, de verser des dépens à la
défenderesse (art.159 al. 1 CO).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Il ne sera pas perçu de frais.

3.
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 8'000 fr. à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 12 octobre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: