Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.257/2004
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4C.257/2004 /ech

Arrêt du 8 octobre 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
demanderesse et recourante,

contre

B.________,
défendeur et recourant par voie de jonction, représenté par Me Jean-Marc
Siegrist.

contrat de bail à loyer; congé de représailles; prolongation de bail,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers du canton de Genève du 26 mai 2004.

Faits:

A.
A.a Par contrat du 22 avril 1993, B.________ a remis à bail à Me A.________,
avocate, un appartement situé au sixième étage d'un immeuble, à Genève.
Conclu pour une année, soit du 1er mai 1993 au 30 avril 1994, le bail se
renouvelait tacitement d'année en année sauf congé notifié avec un préavis de
trois mois. Le loyer annuel, payable d'avance, a été fixé à 36'000 fr.,
charges comprises. Le contrat, rédigé par A.________, comportait une clause
particulière par laquelle la locataire s'engageait à représenter le bailleur
dans toutes les questions relatives à l'appartement loué. Il était précisé
que cette activité, qui faisait partie intégrante du loyer, ne donnerait pas
lieu à la perception d'honoraires.

Par courrier recommandé du 16 janvier 1994, C.________, ami et mandataire de
B.________, s'est adressé en ces termes à A.________:
"Dear A.________,
... I am writing to you concerning the above appartment that you are at
present renting from Mr B.________.
He has told me to advise you that he wishes to increase the rent by 5% per
annum (SF 150.- per month) for the year 1st May 1994-30th.
I do hope this meets with your approuval.
Kind regards always."
Dans une lettre du 25 janvier 1994, la locataire s'est déclarée surprise et
choquée par la demande de B.________. Le lendemain, 26 janvier 1994,
A.________ a eu un entretien téléphonique avec ce dernier auquel elle a
ensuite confirmé, par courrier du même jour, qu'elle acceptait l'indexation
du loyer, mais seulement une fois que les frais de remise en état auraient
été amortis et à la condition que ses prestations d'avocat en faveur du
bailleur soient négligeables.

B. ________ ne s'est jamais déterminé par écrit sur le contenu de ladite
lettre. Dans les faits, le loyer initial a continué à prévaloir et il n'a
jamais été indexé.

A.b Par courrier simple du 28 mai 1996, B.________ a résilié le bail pour le
30 avril 1997 en faisant part à la locataire de son intention de vendre
l'appartement en question. Les 15 juillet et 7 novembre 1996, il a notifié
deux nouveaux avis de résiliation à A.________, sur formules officielles,
pour la même échéance, en envoyant le premier à l'adresse privée de la
locataire et le second, confirmatoire, à son adresse professionnelle qui
était celle prévue dans le contrat pour les notifications du bailleur.

La locataire a contesté ces trois congés. Par décision du 17 avril 1997, la
Commission de conciliation a constaté la nullité du premier congé et la
validité des deux autres. Elle a accordé à A.________ une prolongation unique
de son bail jusqu'au 30 avril 1998.

A.c Le 16 avril 1997, B.________ a conclu avec le dénommé D.________,
propriétaire d'un appartement situé au-dessus de l'appartement occupé par
A.________, une promesse de vente ayant pour objet ce dernier appartement,
lequel serait cédé pour le prix de 1'450'000 fr. à la condition qu'il soit
libéré au plus tard le 30 septembre 1997.

B.
B.aLe 15 mai 1997, A.________ a saisi le Tribunal des baux et loyers du
canton de Genève d'une demande visant à faire constater la nullité des
premier et deuxième congés, à annuler le troisième congé et, subsidiairement,
à obtenir une prolongation de bail de quatre ans. B.________ a conclu au
rejet de la demande. Il a requis que le loyer annuel soit porté à 42'000 fr.
pour le cas où la demanderesse obtiendrait une prolongation de son bail.

Par jugement du 27 avril 1998, le Tribunal des baux et loyers a constaté la
nullité du premier congé, ainsi que la validité des deux autres, avec effet
au 30 avril 1997, et il a accordé à la demanderesse une unique prolongation
de son bail jusqu'au 30 avril 1998.

Le 25 mai 1998, A.________ a saisi le Tribunal des baux et loyers d'une
"demande de révision" du jugement précité, en formulant, dans ce cadre-là,
une requête de récusation dirigée contre le président du Tribunal ayant rendu
le jugement précité. Statuant le 18 juin 1998, l'autorité saisie a rejeté
ladite requête. Cependant, par arrêt du 18 novembre 1998, le Tribunal fédéral
a annulé cette décision (cause 4P.177/1998).

Le 21 janvier 1999, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a
constaté que l'appel interjeté par A.________ contre le jugement du 27 avril
1998 était devenu sans objet à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral et
elle a renvoyé la cause au Tribunal des baux et loyers "pour instruire et
juger à nouveau".

B.b Statuant le 20 novembre 2000, sous la présidence d'un autre juge, sans
avoir refait ni complété l'instruction de la cause au fond, le Tribunal des
baux et loyers a rendu un jugement qui reprend quasiment mot pour mot les
constatations de fait, les motifs juridiques et le dispositif de celui du 27
avril 1998.

Le 21 décembre 2000, la demanderesse a saisi le Tribunal des baux et loyers
d'une "demande de révision" dudit jugement en formulant, dans ce cadre-là,
une requête de récusation dirigée contre le président du Tribunal. Cette
requête a été rejetée par décision du 31 janvier 2001. Le Tribunal fédéral a
rejeté, par arrêt du 25 avril 2001, le recours de droit public exercé par
A.________ contre cette décision (cause 4P.51/2001).

Parallèlement, la demanderesse avait appelé du jugement rendu le 20 novembre
2000. En date du 31 mai 2002, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers
a annulé ce jugement et renvoyé la cause à l'autorité de première instance
pour qu'elle procède à des enquêtes sur les faits offerts en preuve par la
locataire et rende une nouvelle décision.

B.c Après avoir instruit la cause, le Tribunal des baux et loyers, par
jugement du 27 novembre 2003, a déclaré valable le congé notifié le 15
juillet 1996 et confirmé le 7 novembre 1996, avec effet au 30 avril 1997, et
il a accordé à la demanderesse une unique prolongation de son bail pour une
durée de deux ans, soit jusqu'au 30 avril 1999. Le Tribunal a en outre fixé
le loyer de l'appartement à 42'000 fr. par an dès le 1er mai 1997.

Saisie par la demanderesse, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers,
statuant le 26 mai 2004, a confirmé ledit jugement à l'exception du point du
dispositif concernant la modification du loyer, qu'elle a supprimé.

C.
La demanderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle y
reprend les conclusions qu'elle avait soumises aux juridictions cantonales.

Le défendeur propose le rejet du recours. Agissant par la voie du recours
joint, il requiert de son côté la modification partielle de l'arrêt cantonal,
en ce sens que le loyer de l'appartement devra être fixé à 42'000 fr. par an
dès le 1er mai 1997.

La demanderesse conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du
recours joint.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à
faire annuler les congés notifiés les 15 juillet et 7 novembre 1996, pour le
30 avril 1997, et, subsidiairement, à obtenir la durée maximale de la
prolongation du bail, le recours de la demanderesse, qui vise une décision
finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur, dans
une contestation civile dont la valeur dépasse largement la limite de 8'000
fr. fixée à l'art. 46 OJ (cf. ATF 119 II 147 consid. 1; 111 II 384 consid.
1), est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54
al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ). Il en va de même du recours
joint exercé par le défendeur (art. 59 al. 2 et 3 OJ).

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Le recours n'est pas
ouvert pour critiquer l'appréciation des preuves et les constatations de fait
qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129
III 618 consid. 3). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ).

Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties (qui
ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'est
pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine).

2.
Dans une première partie de son acte de recours, intitulée "Exposé des faits
essentiels", la demanderesse se borne à présenter sa propre version des
circonstances de la cause en litige, en sélectionnant celles qu'elle juge
pertinentes pour la solution de celui-ci et en se souciant peu ou prou des
faits constatés dans la décision attaquée. Cette façon d'argumenter contredit
manifestement les règles et principes sus-indiqués. Aussi n'y a-t-il pas lieu
de s'y arrêter.

3.
La demanderesse reproche à la cour cantonale de n'avoir pas annulé les congés
litigieux, bien que ceux-ci lui aient été donnés moins de trois ans après
qu'elle s'était entendue avec le défendeur sur une prétention relevant du
bail.

3.1 Le congé est annulable, en vertu de l'art. 271a al. 1 let. e CO,
lorsqu'il est donné dans les trois ans à compter de la fin d'une procédure de
conciliation ou d'une procédure judiciaire au sujet du bail. Cette
disposition est également applicable lorsque le locataire peut prouver par
des écrits qu'il s'est entendu avec le bailleur, en dehors d'une procédure de
conciliation ou d'une procédure judiciaire, sur une prétention relevant du
bail (art. 271a al. 2 CO).

Une entente, au sens de l'art. 271a al. 2 CO, suppose que les parties
liquident à l'amiable un différend en réglant définitivement une question de
droit controversée. Par conséquent, cette disposition ne s'applique pas aux
cas dans lesquels il n'y a pas de litige, parce que l'une ou l'autre des
parties donne directement suite à la demande de son cocontractant (arrêt
4C.122/2004 du 18 juin 2004, destiné à la publication, consid. 1 et 2).

Le locataire est protégé quel que soit le contenu de la transaction. La
preuve de celle-ci doit résulter d'écrits. Il peut s'agir d'une convention
d'accord ou d'un échange de correspondance (David Lachat, Le bail à loyer, p.
484, n. 5.5.6).
3.2
3.2.1En l'espèce, la cour cantonale constate que, par l'intermédiaire de
C.________, le défendeur a fait part à la demanderesse, en date du 16 janvier
1994, de son souhait d'augmenter le loyer de 5% dès le 1er mai 1994; que le
bailleur et la locataire se sont ensuite entretenus par téléphone; que, par
une lettre du 26 janvier 2004, la demanderesse a confirmé cet entretien en ce
sens que le défendeur renonçait à la majoration de loyer et qu'elle-même
acceptait une indexation de celui-ci sous deux conditions; que le bailleur
n'a cependant jamais approuvé ni contesté le contenu de ce courrier et que,
dans les faits, l'ancien loyer a continué à prévaloir sans jamais être
indexé. Selon les juges d'appel, il ressort ainsi du comportement des parties
que le bailleur a abandonné ses prétentions et que l'indexation proposée par
la locataire n'a jamais été intégrée dans le rapport contractuel. Il en
découle que ni le courrier du bailleur, ni celui de la locataire, ni les deux
documents ensemble ne constituent la preuve écrite d'un accord en vigueur
entre les parties.

La Chambre d'appel relève, en outre, que, dans la mesure où le prétendu
accord consisterait en une renonciation pure et simple du bailleur à ses
prétentions, il n'en existe aucune preuve.

Par conséquent, de l'avis des juges genevois, la demanderesse ne saurait se
prévaloir d'une période de protection de trois ans à compter du 16 janvier
1994 pour obtenir l'annulation du congé qui lui a été notifié le 15 juillet
1996.

3.2.2 A l'encontre de cette argumentation, la demanderesse fait valoir que la
cour cantonale aurait violé l'art. 8 CC en niant l'existence d'une
transaction après l'avoir pourtant admise dans son second arrêt, qu'elle
avait rendu dans une composition différente.
La demanderesse relève encore que le défendeur a confirmé, lors de sa
comparution personnelle, qu'il avait renoncé à l'augmentation de 5% par
année. En exigeant malgré tout la preuve d'une telle renonciation, soit d'un
fait non contesté, la Chambre d'appel aurait violé derechef l'art. 8 CC.

Donné moins de trois ans après cette renonciation avérée, le congé en cause
devrait dès lors être annulé, à suivre la demanderesse.

3.2.3 A la lecture du passage de l'arrêt de la Chambre d'appel du 31 mai 2002
(le second arrêt selon la terminologie utilisée par la demanderesse) cité
sous chiffre 12 de l'acte de recours (p. 6), on ne discerne pas en quoi
l'arrêt présentement attaqué contredirait le précédent arrêt. Au reste, en
irait-il ainsi qu'il n'y aurait pas matière à intervention de la juridiction
fédérale de réforme, au titre de la violation de l'art. 8 CC. La demanderesse
en est bien consciente, qui souligne que le motif de recours invoqué par elle
"se rapproche d'ailleurs de celui tiré de l'arbitraire".

De même, il n'a pas échappé à la cour cantonale que le défendeur a confirmé,
en comparution personnelle, qu'il avait renoncé à sa prétention visant à
obtenir une majoration de loyer. Les juges d'appel en font expressément état
à la page 28, avant-dernier alinéa, de leur arrêt. En soutenant le contraire,
la demanderesse leur adresse un reproche gratuit.

Pour le surplus, les déductions que l'autorité cantonale a tirées du
comportement respectif des parties quant à la volonté interne de chacune
d'elles relèvent du domaine des faits et échappent, partant, à l'examen de la
juridiction fédérale de réforme (ATF 123 III 165 consid. 3a; 121 III 414
consid. 2a p. 418 et les arrêts cités).

Dès lors qu'il n'y a pas, in casu, de preuve écrite d'une entente entre les
parties, au sens de l'art. 271a al. 2 CO, et que, par ailleurs, cette
disposition ne s'appliquerait pas si, comme semble le soutenir la
demanderesse, le défendeur avait renoncé d'emblée à la majoration de loyer
envisagée par lui, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
n'annulant pas le congé litigieux du seul fait qu'il avait été donné moins de
trois ans après l'échange de correspondance susmentionné.

4.
4.1 La demanderesse soutient aussi que la résiliation de son bail, qui lui a
été notifiée successivement en mai, juillet et novembre 1996, constitue un
congé de représailles, au sens de l'art. 271a al. 1 let. a CO, voire un
congé-pression au sens de l'art. 271a al. 1 let. b CO. Les congés litigieux
lui auraient, en effet, été donnés parce qu'elle avait refusé la proposition
du bailleur d'augmenter le loyer de 5%.

Le motif pour lequel un congé est donné relève des constatations de fait (ATF
115 II 484 consid. 2b p. 486). A cet égard, la cour cantonale retient qu'il
n'existe aucun indice permettant de conclure à l'existence d'un lien de
causalité entre la résiliation de mai 1996 et les prétentions que la
locataire avait formulées dans le cadre de la tentative de majoration du
loyer en janvier 1994. Selon elle, le motif de résiliation résidait bien
plutôt dans le désir du bailleur, légitime en soi, de réaliser son bien.

Ces constatations de fait relatives au motif réel du congé et à l'absence de
lien de cause à effet entre le refus de la locataire d'accepter la
proposition de majoration de loyer et la résiliation ultérieure de son bail
ne peuvent pas être examinées par la juridiction fédérale de réforme. Aussi
la demanderesse tente-t-elle en pure perte de les remettre en cause sous le
couvert du grief de violation de l'art. 8 CC, disposition dont elle ne se
sert que pour critiquer l'appréciation des preuves à laquelle ont procédé les
juges d'appel.

4.2 Pour la même raison, le grief fait à la cour cantonale de n'avoir pas
admis l'existence d'un congé-vente, sanctionné par l'art. 271a al. 1 let. c
CO, tombe manifestement à faux. La Chambre d'appel a, en effet, constaté
souverainement que la demanderesse n'a pas établi que le défendeur l'aurait
placée devant l'alternative d'acheter son logement ou de voir son bail
résilié. L'art. 8 CC, également invoqué par la demanderesse dans ce contexte,
ne lui est d'aucun secours car c'était bien à elle qu'il incombait de prouver
que le bailleur l'avait placée devant une telle alternative.

4.3 Les remarques qui précèdent s'opposent également à l'admission du grief
tiré de la violation de l'art. 271 al. 1 CO, disposition qui déclare
annulable le congé contrevenant aux règles de la bonne foi.

Selon la cour cantonale, les enquêtes n'ont pas établi l'existence d'indices
probants laissant à penser que la locataire aurait reçu des assurances quant
à la possibilité de rester plus de trois ans dans l'appartement litigieux. Il
n'est pas non plus établi que le bailleur aurait conclu en ayant connu le
souhait de la locataire d'occuper les lieux à long terme tout en la laissant
dans cette illusion, alors que lui-même n'aurait eu aucune intention de se
lier de manière durable.

A en croire la demanderesse, il serait prouvé par titres que le défendeur lui
avait donné de telles assurances avant la signature du bail, assurances sur
la foi desquelles elle avait refusé plusieurs appartements qui lui avaient
été offerts en location.

Une fois de plus, la demanderesse se contente de critiquer l'appréciation des
preuves et les constatations qui en ont été tirées par les juges cantonaux en
proposant sa propre version des faits pertinents. Qu'elle invoque l'art. 8 CC
pour étayer son grief ne suffit pas à rendre ce dernier recevable.

En définitive, cet ultime moyen, à l'instar des précédents, ne démontre
nullement que la Chambre d'appel aurait violé le droit fédéral en déclarant
valable le congé notifié le 15 juillet 1996 à la demanderesse, avec effet au
30 avril 1997, et confirmé le 7 novembre 1996.

5.
La demanderesse s'en prend, pour terminer, au refus de la cour cantonale de
lui accorder une prolongation de bail d'une durée de quatre ans.

Que l'intéressée puisse soulever de bonne foi semblable grief est pour le
moins douteux dès lors qu'elle a déjà bénéficié en fait d'une prolongation de
son bail supérieure à sept ans en raison de la durée inhabituelle de la
procédure cantonale.

En tout état de cause, son argumentation, qui tient en quelques lignes, ne
consiste, à nouveau, que dans la critique inadmissible, toujours sous le
couvert du grief de violation de l'art. 8 CC, d'une constatation de fait
opérée souverainement par les juges d'appel. Ceux-ci ont en effet retenu,
entre autres motifs, que la locataire n'avait pas prouvé avoir fait un
sérieux effort de recherche pour une solution de relogement. Or, la
demanderesse se borne à affirmer le contraire et à se prévaloir de
l'existence d'un volumineux dossier attestant la réalité de ses recherches.
C'est méconnaître la nature du recours en réforme que d'argumenter de cette
manière.

Il en va de même lorsque la demanderesse affirme que la pénurie de logements
à Genève étant un fait notoire, la cour cantonale ne pouvait pas lui imposer
de prouver qu'elle avait fait de sérieux efforts pour tenter de se reloger.
Aussi bien, à pareille affirmation il faut derechef opposer la constatation
souveraine des juges d'appel selon laquelle les revenus de la locataire "lui
auraient permis de trouver relativement rapidement un appartement à l'époque
de la résiliation du bail", étant donné que la crise du logement n'avait
alors pas encore atteint les niveaux actuels, en particulier pour les objets
de luxe.

6.
Il résulte de cet examen que le recours en réforme interjeté par la
demanderesse est dénué de tout fondement sur les points où il n'est pas
irrecevable. Par conséquent, son auteur devra payer les frais judiciaires y
afférents (art. 156 al. 1 OJ) et indemniser le défendeur (art. 159 al. 1 OJ).

7.
7.1 Aux termes de l'art. 272c al. 1 CO, une partie peut demander que la
décision de prolongation modifie le contrat en l'adaptant à la nouvelle
situation. Invoquant cette disposition, le bailleur avait conclu à ce que le
loyer annuel soit augmenté de 6'000 fr., pour être fixé à 42'000 fr., au
motif que la locataire ne rendait plus les services d'avocat prévus dans le
bail, soit une prestation devant être considérée comme valant paiement d'une
partie du loyer.

Dans son jugement du 27 novembre 2003, le Tribunal des baux et loyers a fait
droit à cette conclusion. Considérant que le bailleur ne sollicitait pas une
hausse de loyer, en réalité, mais simplement le remplacement d'une prestation
de service par une prestation en argent, il a évalué, selon une estimation
grossière, à une vingtaine d'heures par année les tâches accomplies par la
demanderesse pour le compte du défendeur, admettant que celles-ci auraient
justifié la perception de quelque 7'000 fr. d'honoraires sur la base d'un
tarif horaire de 350 fr.

La cour cantonale a, au contraire, rejeté la conclusion topique du défendeur.
Elle l'a fait, d'une part, pour la raison que, selon l'accord conclu en
janvier 1994 par les intéressés, l'activité de l'avocate ne devait être que
d'importance négligeable et, d'autre part, parce que le facteur de hausse du
loyer invoqué en cours de bail par le défendeur ne constituait pas un motif
de majoration tel que prévu aux art. 269 et 269a CO, ce que l'intéressé avait
du reste fort bien compris. Ainsi, pour la Chambre d'appel, on est en
présence de services dont le caractère "personnalissime" (sic) ne permet pas
la substitution, même en espèces.

7.2
7.2.1A l'appui de son recours joint, le défendeur reproche à la cour
cantonale d'avoir violé l'art. 272c al. 1 CO en n'adaptant pas le contrat de
bail du 22 avril 1993 à la situation en vigueur depuis le mois de juin 1996.
Selon lui, le loyer de l'appartement litigieux, tel qu'il était fixé dans
ledit contrat, se subdivisait en deux composantes distinctes, à savoir, d'une
part, le versement d'une somme de 36'000 fr. par an et, d'autre part, la
représentation du bailleur par la locataire-avocate pour toutes les questions
relatives à l'appartement. Le défendeur s'emploie ensuite à démontrer, en se
référant à des écrits émanant de la demanderesse, que l'activité déployée par
cette dernière représentait un montant de l'ordre de 6'000 fr. Comme cette
activité a cessé à fin mai 1996, il en déduit que le loyer de l'appartement
n'a été que partiellement réglé depuis lors. Aussi conviendrait-il, à son
avis, de rétablir l'équilibre instauré par le contrat de bail en augmentant
la part du loyer payée en espèces et en la portant à 42'000 fr. par an.

7.2.2 Dans sa réponse au recours joint, la demanderesse soulève, à titre
préalable, l'exception de chose jugée. A l'en croire, la conclusion prise par
le demandeur dans son recours joint aurait, en effet, déjà été rejetée
définitivement par le Tribunal des baux et loyers dans son jugement du 20
novembre 2000 (reprenant en tous points celui du 27 avril 1998) contre lequel
le défendeur n'avait formé ni appel principal ni appel incident. Quant à
l'arrêt de renvoi rendu le 12 février 2001 (recte: le 31 mai 2002) par la
Chambre d'appel, il n'avait porté que sur la question de la validité des
congés contestés.

La demanderesse soutient, par ailleurs, que le recours joint ne serait pas
recevable, car il ne s'en prendrait pas aux deux motifs indépendants énoncés
dans l'arrêt attaqué et parce qu'il ne consisterait au surplus que dans la
remise en cause inadmissible des faits constatés par les juges cantonaux.
Elle souligne, en outre, que c'est le bailleur qui a pris l'initiative de se
priver des services gratuits qu'elle était pourtant disposée à lui rendre
plus avant. Enfin, la locataire indique qu'elle aurait été en droit de
requérir une diminution de son loyer, eu égard à l'évolution favorable du
taux hypothécaire de référence.

7.3
7.3.1Au considérant 2 de son arrêt, la Chambre d'appel démontre de manière
convaincante, au terme d'un exposé chronologique du déroulement de la
procédure cantonale, qu'aucune décision judiciaire n'est encore en force au
sujet de la hausse de loyer requise par le bailleur pour la durée de la
prolongation du bail. Il n'y a rien à y ajouter, sauf à dire que la
demanderesse remet en cause, de manière irrecevable, l'application du droit
cantonal (art. 55 al. 1 let. c in fine OJ) lorsqu'elle expose quelles sont,
en procédure civile genevoise, les conséquences qu'emporte l'absence d'appel
et d'appel incident et quel est l'effet d'un arrêt de renvoi.

En rejetant l'exception de chose jugée soulevée par la locataire, les juges
d'appel n'ont donc pas violé le droit fédéral.

7.3.2 La lecture du recours joint fait ressortir le caractère essentiellement
appellatoire de l'argumentation qui y est développée. Effectivement, le
défendeur cherche à démontrer la valeur pécuniaire des services d'avocat
rendus par sa locataire, en se fondant sur diverses pièces et écritures
signées par celle-ci, comme s'il plaidait devant une juridiction d'appel. En
revanche, il laisse intacts les arguments, résumés ci-dessus, que la Chambre
d'appel a avancés pour rejeter sa prétention, qu'il s'agisse de l'importance
négligeable que devait revêtir l'activité litigieuse ou de l'impossibilité de
substituer par de l'argent un service à ce point personnalisé. Faute d'une
motivation suffisante, le recours joint n'est dès lors pas recevable (art. 59
al. 3 OJ en liaison avec l'art. 55 al. 1 let. c OJ).

Au demeurant, lorsque le bailleur fait grief à la locataire d'avoir modifié
unilatéralement l'équilibre contractuel, en violation du principe pacta sunt
servanda, pour avoir cessé de défendre ses intérêts depuis le mois de juin
1996, il n'est pas de bonne foi puisqu'il ressort de sa première lettre de
congé, datée du 28 mai 1996, qu'il a lui-même invité la demanderesse à ne
plus agir pour lui dans les questions relatives à son appartement. Ayant pris
l'initiative de renoncer aux services de cette avocate, dont il ne prétend
pas qu'ils ne lui aient plus été d'aucune utilité ni que celle-ci n'ait plus
été disposée à les lui fournir gracieusement, le défendeur ne saurait ainsi
venir réclamer a posteriori leur contrepartie en argent.

8.
Vu le sort qui a été réservé à son recours joint, le défendeur devra payer
l'émolument judiciaire y afférent (art. 156 al. 1 OJ). En revanche, il n'aura
pas à verser des dépens à la demanderesse, celle-ci n'ayant pas établi avoir
assumé des frais particuliers pour la défense de ses intérêts (cf. art. 159
al. 1 OJ; ATF 125 II 518 consid. 5b; 113 Ib 353 consid. 6b).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours principal est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recours joint est irrecevable.

3.
Un émolument judiciaire de 3'500 fr. est mis à la charge de la demanderesse.

4.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du défendeur.

5.
La demanderesse versera au défendeur une indemnité de 4'000 fr. à titre de
dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 8 octobre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: