Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.254/2004
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4C.254/2004 /fzc

Arrêt du 3 novembre 2004
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, président, Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
B.________,
demandeurs et recourants,
tous deux représentés par Mes Maurice Harari et Anne Héritier Lachat,
avocats,

contre

C.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Mes Shelby du Pasquier et Daniel
Tunik, avocats.

contrat de courtage; transaction extrajudiciaire; lésion,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 14 mai 2004.

Faits:

A.
A.a En 1996, A.________, B.________ et D.________ Ltd ont fondé  la société
E.________ SA, active dans les télécommunications et l'informatique.

A la fin de l'année 1998, E.________ SA se trouvait en état de surendettement
et avait un besoin urgent de capitaux. A.________est alors entré en contact
avec la société genevoise C.________ SA, spécialisée dans les opérations
financières. Selon la volonté commune des parties, C.________ SA devait aider
E.________ SA et ses actionnaires à trouver de nouveaux investisseurs.

Le 22 février 1999, C.________ SA, E.________ SA et ses actionnaires ont
signé un contrat qui fixait la mission confiée à la première nommée ainsi que
la manière de calculer ses honoraires. Le contrat a été modifié, par un
avenant du 12 avril 1999, en ce sens que C.________ SA s'est vu octroyer "a
right of first refusal to act as the Company's financial advisor on any
transaction in the next 4 years..." (i.e. "un droit de première offre d'agir
en tant que conseiller financier de la Société pour toute transaction des 4
prochaines années..."). Les parties sont également convenues qu'en cas de
vente de E.________ SA, C.________ SA percevrait une commission allant de 5%,
pour une valeur de transaction inférieure à 70'000'000 fr., jusqu'à 10%, pour
une valeur supérieure à 100'000'000 fr.

A.b Par l'entremise de C.________ SA, E.________ SA a trouvé, en mai 1999,
une société - F.________ - qui a investi 17'000'000 fr. (12 millions pour des
actions nouvelles et 5 millions sous la forme d'un prêt convertible) dans
l'affaire et qui a racheté une partie des actions de A.________ pour
2'000'000 fr.

C. ________ SA a touché une commission de 850'000 fr. (5% de 17 millions) de
E.________ SA ainsi qu'un montant de 100'000 fr. (5% de 2 millions) de
A._______. Elle s'est encore vu concéder un droit d'option sur 76'328 actions
E.________ SA, droit garanti par le blocage des titres auprès d'une banque.

Un second avenant, signé le 21 mai 1999, a réduit la durée initiale du droit
de première offre accordé à C.________ SA, dont il a fixé l'échéance au 31
décembre 2001.

A.c A la fin de l'année 1999, E.________ SA a rencontré de nouvelles
difficultés financières. Approchée par A._______, la société américaine
G.________ Inc a formulé une première offre de rachat de E.________ SA qui
n'a pas été acceptée.

En mars 2000, E.________ SA était en situation de dépôt de bilan et devait
trouver d'urgence une solution. C.________ SA a recherché sans succès un
repreneur ou un investisseur.

Parallèlement, A.________ a repris contact avec G.________ Inc qui a offert,
le 5 avril 2000, de racheter E.________ SA pour un montant de 12'000'000 US$,
payable en actions G.________ Inc. Les modalités de rachat restaient
toutefois à négocier. C.________ SA n'a pas participé aux pourparlers
relatifs à cette transaction et son rôle est resté très limité. Elle s'est
consacrée presque exclusivement à la lecture des projets de contrats, puis à
des remarques sur la valeur de la contre-prestation offerte par G.________
Inc.

Les actionnaires de E.________ SA ont réussi à convaincre F.________
d'accepter que son prêt soit remboursé par la remise d'actions G.________
Inc.

Le 18 mai 2000, C.________ SA a établi pour E.________ SA, qui devait
soumettre un état de ses dettes à G.________ Inc, une note d'honoraires de
645'000 US$ fondée sur l'offre de rachat susmentionnée (5% de 12 millions,
TVA en sus). Cette note d'honoraires a déclenché des discussions intenses
entre toutes les parties. Les actionnaires de E.________ SA jugeaient une
telle rémunération totalement excessive et inacceptable. Cependant, personne
n'a contesté, à ce stade, l'existence même d'une prétention d'honoraires de
C.________ SA du chef de l'accord projeté avec G.________ Inc.

Sachant que G.________ Inc avait fixé à E.________ SA un terme péremptoire
pour la finalisation de l'accord, C.________ SA, qui était en mesure
d'empêcher le transfert à G.________ Inc des actions E.________ SA bloquées
pour garantir son droit d'option, a fermement refusé toute réduction de sa
créance d'honoraires. Elle n'a consenti qu'à libérer E.________ SA de tout
engagement à son égard et à débloquer les actions E.________ SA moyennant
paiement de ses frais d'avocat, à concurrence de 30'100 fr., et signature de
deux documents.

Le premier document fixait comme il suit les modalités du règlement des
honoraires de C.________ SA:

- les actionnaires de E.________ SA acceptaient les honoraires de C.________
SA au montant facturé de 645'000 US$, TVA comprise;
- à titre de règlement partiel de cette somme, C.________ SA recevait des
actions préférentielles de G.________ Inc représentant quelque 300'000 US$,
actions qui devaient être transformées en actions ordinaires jusqu'au 9
octobre 2000, faute de quoi les actionnaires s'engageaient à verser les
300'000 US$ en numéraire;

- en cas de perte, par C.________ SA, sur la vente de ces actions durant la
première année suivant le 9 octobre 2000, les actionnaires de E.________ SA
devaient couvrir cette perte qui s'ajoutait au solde des honoraires en
souffrance;

- les actionnaires disposaient d'une année, à compter du 9 octobre 2000, pour
vendre leurs actions G.________ Inc afin de couvrir le solde des honoraires
de C.________ SA, laquelle jouissait d'un droit préférentiel sur le produit
de la vente; si celle-ci n'était pas possible ou si son produit était
insuffisant pour couvrir le solde des honoraires, les actionnaires étaient
tenus d'acquitter leur dette en numéraire, C.________ SA devant d'abord
rechercher les premiers actionnaires de E.________ SA avant de rechercher
F.________.

Le second document portait sur la mise en dépôt, auprès d'un notaire
lausannois, des actions G.________ Inc devant revenir aux actionnaires de
E.________ SA, le notaire ayant mission de virer à C.________ SA le solde
d'honoraires, à prélever sur le produit d'une cession éventuelle des actions
G.________ Inc mises en dépôt.

Ces deux documents ont été signés le 13 juillet 2000 et les frais d'avocat de
C.________ SA ont été payés par les actionnaires de E.________ SA, lesquels,
au même titre que les administrateurs de cette société, avaient néanmoins le
sentiment d'avoir dû céder à un chantage.

Le même jour, les actionnaires de E.________ SA ont remis leurs actions à
G.________ Inc en échange d'actions de cette dernière société, après que
C.________ SA eut consenti, en date du 11 juillet 2000, à la libération des
actions E.________ SA bloquées.

A.d Le 4 octobre 2000, A.________, B.________ et D.________ Ltd ont invalidé
la convention conclue le 13 juillet 2000 en invoquant la lésion au sens de
l'art. 21 CO.

Contestant cette invalidation, C.________ SA, en date du 13 octobre 2000, a
mis les anciens actionnaires de E.________ SA en demeure de payer le montant
de 300'000 US$, car elle n'avait pas pu faire enregistrer les actions
G.________ Inc. Cette société, à l'instar de E.________ SA, est d'ailleurs
tombée en faillite, si bien que les anciens actionnaires de E.________ SA ont
subi une perte importante, de l'ordre de 12'000'000 Euros.
Faute de paiement, C.________ SA a engagé des poursuites contre A.________et
B.________ pour un montant de 532'350 fr., représentant la contre-valeur de
300'000 US$. Par jugements du 28 février 2001, le Tribunal de première
instance du canton de Genève a prononcé la mainlevée provisoire des
oppositions formées aux commandements de payer y relatifs à concurrence de la
somme précitée avec intérêts à 5% l'an dès le 13 octobre 2000.

Par la suite, C.________ SA a fait notifier aux mêmes personnes, qui y ont
fait opposition, de nouveaux commandements de payer portant sur la somme de
571'837 fr. 50 avec intérêts à 5% l'an dès le 23 août 2001. Ce montant
correspond au solde de 345'000 US$ des honoraires arrêtés dans l'accord du 13
juillet 2000.

B.
Le 22 mars 2001, A.________ et B.________ ont déposé chacun une action en
libération de dette à l'encontre de C.________ SA. Les deux procédures ont
été jointes.

La défenderesse a conclu au rejet de ces deux demandes et elle a réclamé,
reconventionnellement, que les demandeurs soient condamnés à lui payer la
somme de 645'000 US$, intérêts en sus.

Par jugement du 18 septembre 2003, le Tribunal de première instance a admis
les actions en libération de dettes, débouté la défenderesse de toutes ses
conclusions et dit que les poursuites dirigées contre les demandeurs
n'iraient pas leur voie.

Statuant par arrêt du 14 mai 2004, sur appel de la défenderesse, la Cour de
justice genevoise, après avoir annulé le jugement de première instance, a
condamné solidairement les demandeurs à payer à la défenderesse la somme de
645'000 US$ avec intérêts à 5% dès le 13 octobre 2000 sur 300'000 US$ et dès
le 23 août 2001 sur 345'000 US$. En conséquence, elle a déclaré non fondées
les oppositions formées par les débiteurs aux commandements de payer relatifs
à la contre-valeur, en francs suisses, de ces deux montants.

Parallèlement à un recours de droit public, qui a été rejeté par arrêt séparé
de ce jour, les demandeurs ont déposé un recours en réforme dans lequel ils
concluent, en substance, à ce qu'il soit dit qu'ils ne sont pas débiteurs
envers la défenderesse de 645'000 US$, plus intérêts, et que les quatre
poursuites en rapport avec ce montant n'iront pas leur cours.

La défenderesse propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par les parties demanderesses, qui ont succombé dans leurs
conclusions libératoires, et dirigé contre une décision finale rendue en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le
présent recours est recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54
al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1
OJ), ni pour violation du droit cantonal (art. 55 al. 1 let. c in fine OJ).

1.3 Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

Selon les demandeurs, la Cour de justice, en raison d'une inadvertance
manifeste (sur cette notion, cf. ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II 159
consid. 2b), aurait constaté à tort qu'ils n'avaient pas contesté l'existence
- et non pas uniquement le montant - de la créance d'honoraires de l'intimée,
au moment de signer l'accord du 13 juillet 2000. A les en croire, cette
constatation serait infirmée par la pièce 20. Il n'en est rien. Pour les
motifs indiqués dans l'arrêt séparé relatif au recours de droit public
(consid. 2.2), les juges cantonaux, non seulement n'ont pas omis de prendre
en considération la pièce en question, mais, qui plus est, ont posé la
constatation critiquée sur la base d'une appréciation des preuves exempte
d'arbitraire.

Cela étant, il n'y a pas lieu de rectifier les constatations de fait des
juges précédents.

2.
2.1 Après avoir rappelé, dans une première partie théorique, les règles et
principes régissant la lésion (art. 21 CO), la transaction extrajudiciaire,
la reconnaissance de dette (art. 17 CO) et le courtage (art. 412 ss CO),
ainsi que la manière dont la jurisprudence et la doctrine les interprètent,
la Cour de justice, appliquant ces règles et principes à l'état de fait
retenu par elle, a tenu le raisonnement résumé ci-après.

Le contrat conclu le 22 février 1999 par E.________ SA et ses actionnaires
avec C.________ SA faisait dépendre la rémunération de cette société de la
conclusion d'une affaire avec un tiers investisseur (prêt, vente d'actions ou
souscription d'actions à l'occasion d'une augmentation de capital). Il
s'agissait donc d'un courtage, au sens des art. 412 ss CO. Ledit contrat a
été modifié par deux fois ultérieurement: un avenant du 12 avril 1999 a
accordé à la défenderesse "un droit de première offre" dont l'interprétation
est litigieuse; un autre avenant, signé le 21 mai 1999, a permis à la société
F.________ de se joindre aux actionnaires comme partie au contrat de
courtage.

S'agissant de la rémunération de la défenderesse, la situation était peu
claire au moment où les actionnaires avaient trouvé eux-mêmes un acquéreur
potentiel - la société G.________ Inc - de toutes leurs actions, d'autant
plus que cet acquéreur exigeait de voir E.________ SA libérée par la
défenderesse de son obligation de payer les honoraires découlant du contrat
de courtage. Ces honoraires, qui étaient en principe payables immédiatement
(art. 75 CO) et en numéraire (art. 84 CO), ont été contestés quant à leur
ampleur par les actionnaires de E.________ SA. Il y avait donc à tout le
moins une incertitude, sinon déjà un litige, sur ce point.
C'est dans ces circonstances qu'a été passé l'accord du 13 juillet 2000, par
lequel les actionnaires se reconnaissaient débiteurs solidaires de la
défenderesse pour la totalité de la créance d'honoraires de celle-ci et
acceptaient de payer ses frais d'avocat, tandis que la défenderesse
consentait à la libération de sa débitrice E.________ SA, renonçait à son
option sur les actions bloquées de cette société, accordait aux débiteurs un
sursis pour une partie de sa créance et acceptait, pour l'autre partie, de
recevoir - à titre de dation en vue de paiement - une autre prestation (la
remise d'actions G.________ Inc) qu'un paiement en numéraire. L'accord en
question, reposant sur des concessions réciproques, doit être qualifié de
transaction extrajudiciaire.

Les actionnaires de E.________ SA ont déclaré invalider cette transaction
pour cause de lésion. Pour qu'ils l'aient fait avec succès, il faut qu'il y
ait eu une disproportion évidente entre les prestations des parties,
condition qui ne doit être admise qu'avec une certaine retenue lorsqu'il
s'agit d'une transaction. A cet égard, s'il est vrai que la défenderesse a
utilisé sciemment la faiblesse de ses cocontractants pour obtenir la
reconnaissance pleine et entière de sa créance d'honoraires, il faut
souligner, d'un autre côté, que les actionnaires de E.________ SA ne
contestaient que le montant de cette créance de sorte que les concessions
faites par la titulaire de celle-ci constituaient une contrepartie non
négligeable. Ainsi, il n'y avait pas en l'espèce de disproportion évidente
entre les prestations des parties. Au lieu de devoir payer immédiatement les
honoraires du courtier pour pouvoir vendre leurs actions à G.________ Inc,
selon une exigence formulée d'ailleurs par cette dernière société et non par
la défenderesse, les actionnaires de E.________ SA ont gagné du temps et la
possibilité de réaliser un bénéfice sur les actions G.________ Inc, pour
pouvoir payer les honoraires ultérieurement. Et si leurs espoirs de gain ont
été déçus, pour des raisons indépendantes de la volonté de la défenderesse,
ce n'est pas à cette dernière d'en supporter les conséquences par le biais
d'une invalidation de la transaction du chef de la prétendue lésion.

Enfin, la nature de cet accord empêche les demandeurs de soutenir que la
reconnaissance de dette qui y est incluse ne découle d'aucune cause valable,
au motif que la créance d'honoraires du courtier n'existerait pas.

2.2 Les demandeurs reprochent à la cour cantonale d'avoir conduit un
raisonnement insolite et "quasi circulaire" consistant à créer
artificiellement une incertitude juridique quant à la créance d'honoraires de
la défenderesse pour conclure ensuite, sur la base de cette prémisse erronée,
à l'existence d'une transaction extrajudiciaire, en laissant ainsi ouvertes
les seules questions pertinentes pour la solution du litige.

Selon les demandeurs, la Cour de justice, si elle avait tenu compte de la
chronologie contractuelle, aurait dû admettre que le contrat de courtage ne
fondait aucune garantie de salaire pour la défenderesse; que même dans
l'hypothèse inverse, celle-ci n'aurait pas pu réclamer un salaire pour la
transaction en cause; que les demandeurs n'ont jamais reconnu le principe
d'un tel salaire; que la lettre du 13 juillet ne constitue pas une
transaction mettant fin à une incertitude, mais une reconnaissance de dette
relative à une créance inexistante; qu'enfin, même s'il fallait y voir une
transaction, cet accord lésionnaire a été invalidé régulièrement.

Les arguments avancés par les demandeurs pour étayer ces différentes
propositions seront exposés plus loin dans la mesure utile.

2.3 La défenderesse souscrit, quant à elle, à l'analyse du cas telle qu'elle
a été faite par les juges précédents et elle s'emploie à réfuter les
critiques que leur adressent les demandeurs. Ses explications seront
détaillées ci-après en tant que de besoin.

3.
3.1 Il n'est pas contesté, ni contestable d'ailleurs, que les parties ont  été
liées par un contrat de courtage au sens des art. 412 ss CO.

Dans un premier groupe de moyens, les demandeurs tentent de démontrer que les
clauses du contrat de courtage et, singulièrement, celle de l'avenant du 12
avril 1999 accordant un "droit de première offre" à la défenderesse ne
pouvaient pas être interprétées en ce sens que le courtier aurait droit à un
salaire même si le contrat principal était conclu avec une partie amenée par
les mandants. Au demeurant,  à supposer que le contrat de courtage ait
comporté une telle clause d'exclusivité complète, la défenderesse ne pouvait
pas se prévaloir de cette clause en l'espèce, de l'avis des demandeurs,
puisqu'elle n'avait exercé aucune activité et n'avait pas eu de rapports avec
l'acquéreur.

La cour cantonale retient, en fait, que les demandeurs ne contestaient pas
l'existence même d'une créance d'honoraires de la défenderesse, au moment où
ils avaient signé l'accord du 13 juillet 2000, mais uniquement le montant de
cette créance, qu'ils jugeaient excessif. Cette constatation, que les
demandeurs ont attaquée sans succès dans leur recours de droit public connexe
ainsi que dans le présent recours (sous l'angle de l'inadvertance manifeste;
cf. consid. 1.3 ci-dessus), rend superflu l'examen des moyens sus-indiqués.
En effet, ce qui est décisif, pour déterminer la portée juridique de l'accord
du 13 juillet 2000, ce n'est pas de savoir si, objectivement, la défenderesse
pouvait réclamer un salaire pour la vente des actions de E.________ SA à
G.________ Inc, mais d'établir quelle était l'appréciation subjective des
parties à ce sujet. Or, il résulte de la susdite constatation souveraine des
juges du fait que seule l'ampleur de la rémunération de la défenderesse, et
non son principe même, était contestée par les demandeurs. Qu'un tribunal
appelé à se prononcer sur ce point ait pu éventuellement aboutir à la
conclusion que les conditions de la rémunération du courtier n'étaient pas
réalisées en l'occurrence ne change donc rien à l'affaire.

Au demeurant, il n'est pas du tout certain que semblable conclusion se fût
imposée dans le cas particulier, quoi qu'en disent les demandeurs.  D'abord,
on ne saurait exclure a priori que le "droit de première offre" puisse être
considéré comme une clause d'exclusivité assurant au courtier son droit au
salaire même dans l'hypothèse où l'acheteur des actions serait présenté par
un tiers ou par les mandants et sans qu'il ait participé à la conclusion du
marché. L'interprétation a contrario de la clause 2 (iv) du contrat de
courtage du 22 février 1999, selon laquelle les honoraires de la défenderesse
seraient réduits de moitié si l'acquéreur était présenté par le Crédit Suisse
First Boston France SA,   va effectivement dans le sens indiqué par
l'intéressée. En revanche, celle que proposent les demandeurs - le droit de
première offre autoriserait la défenderesse à ne pas agir comme conseiller
financier lorsque les mandants auraient amené un investisseur potentiel, ceci
pour éviter des conflits d'intérêts - apparaît bien moins convaincante, car
elle implique qu'à l'expiration du délai dont était assorti le droit en
question, la défenderesse eût été contrainte de fournir ses services, quel
que fût l'investisseur potentiel. Par ailleurs, les demandeurs s'écartent une
fois de plus des constatations de la cour cantonale, lorsqu'ils soutiennent
que la défenderesse n'a de toute façon exercé aucune activité. Les juges
précédents ont en effet admis que la défenderesse n'était pas restée
totalement inactive dans le cadre des négociations avec l'acheteur trouvé par
les actionnaires de G.________ Inc.

Les critiques des demandeurs se rapportant à l'interprétation du  contrat de
courtage litigieux et à l'exécution, par la défenderesse, des obligations en
dérivant tombent, par conséquent, à faux.
 3.2
3.2.1Une transaction extrajudiciaire est un contrat synallagmatique et
onéreux par lequel les parties terminent un litige ou mettent fin, par des
concessions réciproques, à une incertitude, subjective ou objective, touchant
les faits, leur qualification juridique, l'existence, le contenu ou l'étendue
d'un rapport de droit (ATF 121 III 495 consid. 5b p. 498; 111 II 349 consid.
1). La transaction permet ainsi aux parties de régler à nouveau leurs
rapports (ATF 114 lb 74 consid. 1 p. 78). Ces nouveaux rapports sont fondés
sur des concessions réciproques, qui peuvent prendre la forme d'une
reconnaissance de dette, d'une remise de dette, d'une remise d'intérêts
moratoires, d'un aménagement de délais de paiement, etc. (arrêt 4C.186/2002
du 22 octobre 2002, consid. 2.1). De telles concessions, qui n'ont nullement
besoin d'être égales (Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd., n.
7109), ont été admises, par exemple, dans le cas où le débiteur avait reconnu
l'intégralité de la créance litigieuse et avait obtenu en contrepartie des
facilités de paiement (cf. J. von Staudinger/Peter Marburger [2002] n. 27 ad
§ 779 BGB et l'arrêt cité).

3.2.2 Considéré à la lumière de la définition susmentionnée, telle
qu'explicitée par la jurisprudence et la doctrine citées, l'accord passé le
13 juillet 2000 doit être qualifié de transaction extrajudiciaire. De fait,
en signant cet accord, la défenderesse a renoncé à réclamer le paiement
immédiat et en numéraire de sa créance, dont le principe n'était pas contesté
par les demandeurs. Il n'importe, pour la qualification dudit accord, que
ceux-ci aient consenti un sacrifice financier plus important que celui de
leur cocontractante. Ce qui est déterminant, dans une transaction, ce sont
les concessions réciproques comme telles (Arthur Meier-Hayoz, Fiche juridique
suisse n° 463 p. 1). Or, en l'espèce, il y a bel et bien eu des concessions
de part et d'autre, fussent-elles inégales. Que la principale d'entre elles
ait pris la forme d'une reconnaissance de dette ne saurait modifier la
qualification juridique de l'accord controversé, puisqu'il s'agit là de l'une
des formes que peut revêtir une transaction extrajudiciaire.

3.3
3.3.1Comme tout autre contrat, la transaction extrajudiciaire est soumise aux
règles générales affectant sa validité, en particulier aux art. 20 ss CO
(Tercier, op. cit., n. 7151), sous certaines réserves découlant de sa nature
même (cf. ATF 130 III 49 consid. 1.2; 111 II 349 consid. 1 et les arrêts
cités).
En cas de disproportion évidente entre la prestation promise par l'une des
parties et la contre-prestation de l'autre, la partie lésée peut, dans le
délai d'un an, déclarer qu'elle résilie le contrat et répéter ce qu'elle a
payé, si la lésion a été déterminée par l'exploitation de sa gêne, de sa
légèreté ou de son inexpérience (art. 21 al. 1 CO).

La disproportion entre les prestations promises doit sauter aux yeux, violer
ouvertement le standard de la loyauté contractuelle et être le résultat d'une
exploitation usuraire (Bruno Schmidlin, Commentaire romand, n. 1 et 5 ad art.
21 CO). En matière de transaction, elle ne saurait résider dans le fait
qu'une partie aurait pu exiger davantage ou autre chose si elle avait connu
la situation juridique objective, semblable risque étant accepté par les
parties dès le moment où elles commencent à transiger. Il faut par conséquent
se placer au moment de la conclusion de l'accord pour déterminer si, au vu de
l'appréciation subjective des parties, les concessions faites par l'une
d'entre elles ne sont pas disproportionnées par rapport à celles qu'a faites
l'autre (Tercier, op. cit., n. 7152).

On est en présence d'une gêne, au sens de l'art. 21 al. 1 CO, lorsqu'une
partie se trouve, au moment de la conclusion du contrat, dans un état de
grande détresse - généralement, mais pas nécessairement, économique - qui lui
fait considérer la conclusion du contrat désavantageux pour elle comme un
moindre mal par rapport au préjudice dont elle est menacée (ATF 123 III 292
consid. 5 p. 301 et les références).

3.3.2 En l'occurrence, la défenderesse était certes en position de force au
moment de conclure la transaction litigieuse, puisqu'elle avait en face
d'elle les actionnaires d'une société aux abois. Qu'elle ait tiré parti de la
situation pour obtenir de ses cocontractants l'intégralité de ce qu'elle
estimait lui être dû est indéniable et du reste admis par les juges
cantonaux. Cet état de choses ne suffit cependant pas pour conclure à
l'existence d'une lésion. Encore faut-il, pour cela, que la défenderesse ait
exploité la gêne des demandeurs pour leur extorquer des concessions
disproportionnées par rapport aux siennes.

Si l'on tient compte de la nature spécifique de toute transaction
extrajudiciaire ainsi que du fait que les demandeurs ne contestaient pas le
principe, mais uniquement l'ampleur de la rémunération réclamée par la
défenderesse, la disproportion entre les prestations promises de part et
d'autre ne saute pas aux yeux. De fait, la défenderesse n'a pas exploité
l'état de gêne des demandeurs pour leur réclamer une rémunération
exorbitante, puisque le montant de la créance qu'elle s'est fait reconnaître
correspond à celui qui était fixé dans le contrat de courtage, à savoir 5% de
la valeur de la transaction, TVA en sus. Sans doute la défenderesse
s'est-elle fait payer par les demandeurs ses frais d'avocat à concurrence de
30'100 fr. Toutefois, il n'est pas exclu qu'une telle prétention ait pu
trouver sa justification dans la clause spécifique du contrat de courtage
relative à l'indemnisation du courtier, ainsi que la défenderesse le relève
dans sa réponse au recours. Il ne faut d'ailleurs pas perdre de vue qu'en
renonçant à percevoir immédiatement sa rémunération en numéraire,
l'intéressée a également consenti un sacrifice financier d'une certaine
importance. Enfin et surtout, comme le souligne avec raison la cour
cantonale, si les demandeurs n'ont pas pu tirer profit, après la conclusion
de l'accord du 13 juillet 2000, des actions G.________ Inc qui leur avaient
été remises en échange des actions E.________ SA, ce n'est pas à la
défenderesse d'en supporter les conséquences. On ne peut, en effet, écarter
l'hypothèse inverse où, grâce à l'acquisition de ces titres, ils auraient pu
réaliser un profit, même après avoir versé à la défenderesse le montant
reconnu par eux dans ledit accord.

Cela étant, la Cour de justice n'a pas violé le droit fédéral en refusant
d'appliquer en l'espèce l'art. 21 CO, disposition dont la mise en oeuvre doit
rester exceptionnelle d'une manière générale et, à plus forte raison,
lorsqu'elle est invoquée à l'encontre d'une transaction.

4.
Dans ces conditions, le présent recours ne peut qu'être rejeté. Ses auteurs
seront, dès lors, condamnés solidairement à payer l'émolument judiciaire
(art. 156 al. 1 et 7 OJ) et à indemniser leur adverse partie (art. 159 al. 1
et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 13'000 fr. est mis à la charge des recourants,
solidairement entre eux.

3.
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimée une
indemnité de 15'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 3 novembre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: