Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.210/2004
Zurück zum Index I. Zivilabteilung 2004
Retour à l'indice I. Zivilabteilung 2004


4C.210/2004 /ech

Arrêt du 24 août 2004
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Klett, juge présidant, Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

Banque X.________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Alain Bruno Lévy,

contre

Z.________,  demandeur et intimé, représenté par Me Hervé Crausaz,
Caisse cantonale vaudoise de chômage,
intervenante.

contrat de travail; résiliation immédiate,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des
prud'hommes du canton de Genève du
1er mars 2004.

Faits:

A.
A.a  Banque X.________ SA (ci-après: la Banque) est un établissement bancaire
genevois. Dans le courant de l'année 2000, la Banque, souhaitant développer
ses activités dans le domaine de la gestion de fortunes, a approché, puis
finalement engagé, par contrats du 4 septembre 2000, cinq personnes provenant
d'un autre établissement bancaire, au nombre desquelles figuraient Y.________
et Z.________. Le premier a été désigné en qualité de responsable des
relationship managers (i.e les gestionnaires), avec titre de directeur
adjoint; le second, subordonné directement au prénommé, s'est vu attribuer la
fonction de gestionnaire et le titre de vice-directeur. Ces deux employés,
qui oeuvraient de concert, avaient notamment pour mission d'amener une
nouvelle clientèle private banking, d'améliorer les méthodes de travail de la
Banque et de promouvoir l'image de marque de celle-ci et de ses produits.
Dans l'accomplissement de ces tâches, ils s'engageaient à respecter les
règles internes de fonctionnement, en particulier celles ayant trait à la
prévention et à la lutte contre le blanchiment de capitaux.

Le salaire annuel brut était de 260'000 fr. pour Y.________ et de 180'000 fr.
pour Z.________. Les employés avaient droit, en sus et durant deux ans, à un
bonus minimum de 100'000 fr., respectivement 50'000 fr., sous réserve d'une
résiliation immédiate de leur contrat de travail pour de justes motifs.

Y.  ________ et Z.________ sont entrés en fonction le 1er janvier 2001. Eu
égard aux clauses topiques de leur contrat, les rapports de travail ne
pouvaient s'éteindre que le 30 juin 2003 au plus tôt, sauf résiliation
immédiate justifiée.

A.b  Le 12 mars 2001, Z.________ a procédé à l'ouverture d'un compte
(ci-après: compte A) au nom d'une cliente qui lui avait été présentée, ainsi
qu'à Y.________, par un collaborateur de la Banque. Le rapport d'ouverture de
compte indiquait que cette cliente, domiciliée à Genève, était
administratrice et directrice d'une société faisant le commerce de téléphones
mobiles; que sa fortune était estimée entre 1 et 5 millions de francs
suisses; que le montant des fonds à transférer sur ledit compte, et provenant
de la banque genevoise G., s'élevait à quelque 100'000 fr.; que l'intéressée
réfléchissait à l'opportunité d'ouvrir également un compte pour une société
offshore en relation avec une banque genevoise et possédant des avoirs de
plus d'un million de francs suisses; enfin, que la cliente était identifiée
comme étant l'ayant droit économique des fonds qui allaient être déposés sur
le compte A.

Le 18 avril 2001, Z.________ a procédé à l'ouverture d'un autre compte
(ci-après: compte B) pour une cliente qui lui avait été présentée, ainsi qu'à
Y.________, par la titulaire du compte A. Le rapport d'ouverture de compte
précisait que la cliente était une retraitée, d'origine française, domiciliée
en Corse, dont la fortune globale, provenant de l'épargne, était évaluée
entre 0 et 0,5 million de francs suisses; que ledit compte allait être
crédité d'un montant de 1,3 million de francs français, en deux versements
provenant de la banque genevoise G., susmentionnée; enfin, que la cliente
était identifiée comme étant l'ayant droit économique des fonds qui allaient
être déposés sur le compte B.

Y.  ________ a été tenu au courant de l'ouverture de ces deux comptes et la
Banque a été chargée de gérer les fonds déposés sur ceux-ci.

En mars et mai 2001, le compte A a été crédité d'environ 140'000 euros virés
depuis une banque genevoise. Selon un rapport de visite du 10 juillet 2001,
305'000 euros avaient été crédités sur le même compte, en provenance d'une
structure offshore. Quant au compte B, il a été crédité, le 12 juillet 2001,
de 458'000 euros en provenance d'une autre banque genevoise (banque H).

En été 2001, Z.________ avait reçu séparément les clientes titulaires des
comptes A et B. Celles-ci lui avaient expliqué, de manière concordante, que
B, qui était la mère de la meilleure amie de A, avait avancé des fonds à A
pour financer son commerce de téléphonie mobile. Pour la rembourser, il était
prévu de liquider l'offshore et de verser par moitié le produit de cette
liquidation sur les comptes A et B. Ces explications ont été portées à la
connaissance de Y.________, avant d'être confirmées par la cliente A à
l'occasion d'une entrevue avec les deux employés de la Banque. Ceux-ci n'ont
pas établi de rapport de visite à ce sujet et ils n'ont pas davantage
effectué de démarches en vue de modifier le "profil-client" des clientes A et
B et d'y mentionner l'existence d'une relation d'affaires entre elles. A une
date qui ne ressort pas du dossier, ils ont sollicité l'avis d'un autre
gestionnaire, relativement à ces deux comptes, lequel n'a rien constaté
d'anormal.
Les 24 juillet, 6, 16, 27 et 31 août, 7 et 17 septembre 2001, les comptes A
et B ont été crédités de montants identiques, totalisant 875'220 euros,
chaque fois en provenance de la banque H., sur ordre de l'offshore précitée.
Le 19 septembre 2001, le compte B a encore été crédité de 500'000 euros,
selon la même procédure. La moitié de ce montant a été virée, le 18 octobre
2001, sur le compte A, conformément à un ordre écrit de la titulaire du
compte B.

A.c  Le 17 janvier 2002, Y.________ a eu un entretien avec la titulaire du
compte B, qui avait déjà rencontré Z.________ le 17 octobre 2001. Selon le
rapport de visite établi lors de cette entrevue, la cliente a confirmé à son
interlocuteur son besoin de liquidités pour acquérir un terrain en Corse.

Y. ________ lui a alors proposé l'octroi d'un crédit lombard à des conditions
préférentielles, afin de réduire le montant du retrait en argent liquide.
Cette proposition devait être soumise au Comité de crédit et la cliente
devait revenir le 23 du même mois pour finaliser l'opération; elle remettrait
ensuite à la Banque une copie de l'acte d'achat notarié.

Y.  ________ a informé V.________ - le compliance officer de la Banque, qui
était chargé de conseiller la direction et les employés dans l'application
des règles de diligence - de ce qui précède. Ayant consulté les documents et
relevés relatifs aux comptes A et B, ce dernier a demandé, le 22 janvier
2002, à Y.________ et à Z.________ des renseignements précis concernant ces
deux comptes et, plus particulièrement, quant aux raisons expliquant le
parallélisme parfait des sept versements opérés sur ceux-ci entre le 24
juillet et le 17 septembre 2001. Les deux employés ont fourni des
explications écrites en date du 23 janvier 2002. A sa demande, ils lui ont
encore transmis, le 1er février 2002, divers documents en relation avec
l'activité de la cliente A.

Le 2 février 2002, V.________ et W.________, directeur général de la Banque,
se sont déclarés insatisfaits des renseignements fournis et ont invité les
deux employés à informer les clientes A et B que la Banque avait décidé de
clôturer leurs comptes. Puis, par note interne du 5 février 2002, ils ont
reproché à Y.________ et à Z.________ d'avoir commis des fautes graves
consistant à n'avoir pas éclairci, de façon sérieuse et documentée, les
nombreux transferts insolites réalisés de manière parallèle sur les comptes
de deux titulaires totalement distincts. Les employés visés ont contesté ces
griefs au cours d'un entretien qu'ils ont eu le lendemain avec W.________.

D'entente avec les autres membres du conseil d'administration, le directeur
général a signifié oralement leur congé immédiat à Y.________ et à Z.________
en date du 11 février 2002. Par courrier recommandé du même jour, reprenant
les reproches formulés dans la note interne du 5 février 2002, la Banque a
confirmé aux deux employés la résiliation immédiate de leurs rapports de
travail.

En mars 2002, la Banque a mis fin à ses relations avec les clientes A et B.
Elle n'a procédé à aucune dénonciation au titre de la loi sur le blanchiment
d'argent (LBA).

Le 1er mars 2004, ni Y.________ ni Z.________ n'avaient retrouvé du travail.

B.
Le 14 mars 2002, Z.________ a assigné la Banque devant la juridiction
prud'homale genevoise. Du chef de son licenciement immédiat, qu'il estimait
injustifié, le demandeur a réclamé le paiement de 262'500 fr. brut, à titre
de salaire et d'indemnité de vacances jusqu'à l'expiration de la durée
contractuelle des rapports de travail, et de 90'000 fr. net, à titre
d'indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO, le tout avec intérêts à 5% l'an
dès le 11 février 2002.

La défenderesse a conclu au rejet intégral des conclusions du demandeur.

La Caisse cantonale vaudoise de chômage est intervenue au procès pour faire
valoir la subrogation à concurrence des indemnités versées par elle au
demandeur.

Y.  ________ a également ouvert action contre la défenderesse. Les deux
procédures, bien qu'elles n'aient pas été formellement jointes, ont fait
l'objet d'une instruction commune.

Par jugement du 17 décembre 2003, le Tribunal des prud'hommes du canton de
Genève a condamné la défenderesse à payer au demandeur la somme brute de
262'500 fr., sous déduction de la somme nette de 54'890 fr. 10 à verser à
l'intervenante, ainsi qu'une indemnité de 30'000 fr., les montants alloués au
demandeur portant intérêts à 5% l'an dès le 11 février 2002.
Saisie d'un appel principal de la défenderesse et d'un appel incident du
demandeur, la Cour d'appel des prud'hommes, statuant par arrêt du 1er mars
2004, a confirmé le jugement de première instance, en tenant compte du
montant actualisé des prétentions récursoires de l'intervenante, sauf en ce
qui concerne l'indemnité pour licenciement injustifié qu'elle a augmentée
pour la fixer à 60'000 fr., soit l'équivalent de quatre mois de salaire.

C.
La défenderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle y
reprend les conclusions libératoires qu'elle avait soumises aux juges
cantonaux.

Le demandeur propose le rejet du recours. Quant à l'intervenante, elle a
renoncé à déposer une réponse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1  Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires
et dirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale
par un tribunal supérieur (art. 48 OJ) sur une contestation civile dont la
valeur litigieuse dépasse nettement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le
présent recours en réforme est en principe recevable puisqu'il a été déposé
en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.2  Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127
III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).
Ainsi, dans la mesure où la défenderesse présente un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée ou le complète, il n'est
pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est
donc pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les
constatations de fait qui en découlent (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277;
127 III 247 consid. 2c p. 252; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid.
3a).

2.
2.1 A ce stade de la procédure, le litige ne porte plus que sur le caractère
injustifié ou non du licenciement immédiat du demandeur. Quant aux
conséquences pécuniaires de ce licenciement, à le supposer injustifié, elles
ne sont pas remises en cause par la défenderesse. La juridiction fédérale de
réforme n'aura dès lors pas à en connaître au cas où elle admettrait, à
l'instar des deux instances cantonales, que le licenciement controversé ne
reposait pas sur de justes motifs.

2.2  Selon la cour cantonale, s'il n'appartient pas à la juridiction
prud'homale de contrôler l'application des dispositions légales en matière de
diligence dans le secteur financier, l'importance particulière que revêt la
lutte contre le blanchiment d'argent commande toutefois de tenir compte du
contexte normatif en ce domaine lorsqu'il s'agit d'examiner la validité d'un
licenciement immédiat. Il est donc incontestable que le cadre bancaire qui ne
procède pas aux éclaircissements nécessaires contrevient à ses devoirs et
qu'il s'expose à un licenciement avec effet immédiat si les manquements qui
lui sont imputables peuvent être qualifiés de graves.

Tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, aucun manquement ne peut être
reproché au demandeur en relation avec les renseignements qui devaient être
recueillis au moment de l'ouverture des comptes A et B. L'intéressé s'est
acquitté correctement de cette tâche lorsqu'il a rempli et signé les formules
ad hoc. L'ouverture desdits comptes a d'ailleurs été validée par les organes
supérieurs de la Banque selon la procédure usuelle.

Par la suite, le demandeur et Y.________ ont obtenu des titulaires des
comptes A et B des renseignements concordants sur les tenants et aboutissants
des versements symétriques à intervenir sur ces deux comptes. Eu égard à ces
renseignements, les versements importants, identiques et répétés sur ces
comptes-là ne présentaient pas un caractère insolite, mais s'inscrivaient au
contraire dans la logique d'une liquidation des rapports existant entre les
deux clientes (remboursement du prêt accordé par la cliente B à la cliente A
pour financer son commerce de téléphonie mobile et partage des bénéfices). Le
fait que les versements provenaient tous du même établissement bancaire
genevois et qu'ils étaient effectués sur ordre de la même offshore n'avait
rien d'insolite dans de telles circonstances. Il y avait d'autant moins de
quoi éveiller les soupçons des gestionnaires que les fonds provenaient d'une
autre banque de la place et qu'ils ne faisaient pas que transiter par la
Banque, puisque celle-ci avait reçu le mandat de les gérer. Entre août et
octobre 2001, le demandeur n'avait ainsi aucune raison de procéder à une
clarification supplémentaire quant à l'arrière-plan économique de la
situation.

Ultérieurement, le demandeur a régulièrement informé le compliance officer de
la Banque de l'intention qu'avait manifestée la cliente B de retirer
d'importants fonds en espèces. Certes, à ce stade, il aurait été préférable
de consigner les renseignements fournis par les clientes A et B dans des
rapports de visite et de modifier le "profil-client" introduit dans le
fichier central de la Banque. Semblable omission ne revêtait cependant pas
une gravité telle qu'elle justifiât un licenciement immédiat sans
avertissement préalable.

Enfin, lorsqu'ils en ont été requis, en janvier et février 2002, le demandeur
et Y.________ ont fourni immédiatement au compliance officer de la Banque
tous renseignements et documents utiles en rapport avec les opérations
effectuées sur les comptes A et B.

La Cour d'appel note encore que l'auditeur interne de la Banque a déclaré
n'avoir aucun grief à formuler à l'égard du demandeur, dont le sérieux et la
compétence ont du reste été relevés par ses anciens employeurs et collègues;
que la défenderesse ne s'est jamais plainte auparavant de la manière dont le
demandeur appliquait les normes légales et les règles internes concernant les
devoirs de diligence incombant aux employés de banque; qu'elle n'a pas jugé
nécessaire d'informer le Bureau de communication en matière de blanchiment
d'argent; enfin, que l'empressement mis par la Banque à congédier un cadre
avant l'échéance encore lointaine de son contrat de travail pouvait peut-être
s'expliquer par le fait qu'en automne 2001 déjà, elle s'était déclarée déçue
dans ses attentes, s'agissant des avoirs en gestion que le demandeur et les
autres gestionnaires de la "dream team" étaient censés lui apporter.
Pour toutes ces raisons, les juges précédents ont considéré que le demandeur,
même en ayant égard à son statut de cadre supérieur de la Banque, n'avait pas
manqué gravement à ses devoirs de diligence au point de justifier son
licenciement immédiat sans avertissement préalable.

2.3  Dans son recours en réforme, la défenderesse maintient qu'elle avait de
justes motifs de congédier sur-le-champ le demandeur, étant donné que cet
employé n'avait pas éclairci de manière sérieuse et documentée l'arrière-plan
économique des nombreux transferts inhabituels opérés sur les comptes A et B,
contrairement aux obligations lui incombant en vertu de la loi sur le
blanchiment d'argent, des circulaires de la Commission fédérale des banques,
des règlements établis par l'organisme d'autorégulation et des directives
internes. De telles omissions étaient d'autant plus graves, à en croire la
Banque, que le demandeur occupait une fonction élevée au sein de celle-ci.

Concrètement, la défenderesse reproche au demandeur d'avoir établi des
rapports incomplets lors de l'ouverture des comptes A et B, de ne pas s'être
avisé du caractère insolite des versements opérés sur ces deux comptes, de
n'avoir rédigé aucun rapport de visite à l'occasion des entrevues avec les
titulaires de ceux-ci, de ne pas avoir modifié le "profil-client" sur le vu
des renseignements fournis par les clientes A et B, de s'être reposé sur les
seules déclarations de ces dernières, enfin d'avoir été incapable de
documenter les transactions opérées sur les comptes de ces clientes avant le
1er février 2002. Dans ce contexte, la défenderesse fait grief à la Cour
d'appel d'avoir écarté purement et simplement l'avis autorisé du spécialiste
PricewaterhouseCoopers qui imputait au demandeur un comportement gravement
fautif.

La défenderesse insiste, par ailleurs, sur le fait que les omissions imputées
au demandeur auraient pu avoir de graves conséquences pour elle au titre de
la violation de la réglementation visant à prévenir le blanchiment de
capitaux. Elle conteste, en outre, que l'on puisse tirer quoi que ce soit en
faveur de la thèse du demandeur du seul fait qu'elle n'a pas procédé à une
communication au sens de l'art. 9 LBA.

Enfin, la défenderesse nie fermement que le licenciement du demandeur
s'expliquerait par le fait qu'elle avait été déçue dans ses attentes sur la
quantité des avoirs apportés en gestion. Elle souligne, à ce propos, qu'elle
avait engagé un team, que le résultat n'était pas jugé par rapport aux deux
employés congédiés et qu'aucun autre gestionnaire de ce team n'a été
licencié.

3.
3.1 L'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat
de
travail en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO). Sont
notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui,
selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a
donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour de justes motifs doit
être admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, seul un
manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement
immédiat. Si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une
résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un ou plusieurs
avertissements (ATF 121 III 467 consid. 4d, 117 II 560 consid. 3, 116 II 145
consid. 6a p. 150). Ce n'est toutefois pas l'avertissement en soi, fût-il
assorti d'une menace de licenciement immédiat, qui justifie une telle mesure,
mais bien le fait que l'acte imputé au travailleur ne permet pas, selon les
règles de la bonne foi, d'exiger de l'employeur la continuation des rapports
de travail jusqu'à l'expiration du délai de congé. La gravité de l'acte
propre à justifier un licenciement immédiat peut être absolue ou relative.
Dans le premier cas, elle résulte d'un acte pris isolément. Dans le second,
elle découle du fait que le travailleur, pourtant dûment averti, persiste à
violer ses obligations contractuelles. Cela étant, savoir s'il y a gravité
suffisante dans un cas donné restera toujours une question d'appréciation
(ATF 127 III 153 consid. 1c).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO).
Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il
doit prendre en considération tous les éléments du cas particulier, notamment
la position et la responsabilité du travailleur, la nature et la durée des
rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements
(ATF 111 II 245 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la
décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque
celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la
jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur
des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou
encore lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû
être pris en considération; il sanctionne en outre les décisions rendues en
vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 129 III 380 consid. 2
p. 382; 127 III 153 consid. 1a p. 155, 351 consid. 4a p. 354).

3.2  Quoi qu'en dise la défenderesse, les juges d'appel n'ont pas violé ces
principes jurisprudentiels ni excédé leur large pouvoir d'appréciation en
refusant d'avaliser le licenciement avec effet immédiat du demandeur.

Confondant de toute évidence la juridiction fédérale de réforme avec une cour
d'appel, la Banque, bien qu'elle s'en défende, fonde l'essentiel de son
argumentation sur des faits qui s'écartent des constatations des juges
cantonaux. Il en va ainsi, en particulier, lorsqu'elle soutient que les
rapports d'ouverture des comptes A et B étaient incomplets et, plus encore,
lorsqu'elle allègue le caractère insolite des virements opérés sur ces
comptes en faisant fi de la constatation inverse à laquelle la Cour d'appel a
procédé souverainement (art. 63 al. 2 OJ). De même, la défenderesse n'est pas
en droit de critiquer, dans la procédure du recours en réforme, la manière
dont la cour cantonale a apprécié les éléments de preuve ressortant de son
dossier et, notamment, l'avis exprimé par la fiduciaire
PricewaterhouseCoopers au sujet du comportement du demandeur.

Si l'on s'en tient, comme il se doit, aux seuls faits retenus par les juges
précédents, il est évident que la défenderesse n'avait aucun motif
susceptible de justifier le licenciement immédiat, sans avertissement
préalable, d'un cadre supérieur qui avait donné entière satisfaction à ses
anciens employeurs, qu'elle avait été elle-même chercher pour le prendre à
son service et contre lequel elle n'avait aucun autre grief à formuler. Le
Tribunal fédéral peut dès lors se borner à faire siennes les considérations
pertinentes émises par la Cour d'appel pour exclure, lui aussi, que le
comportement incriminé ait pu justifier que son auteur soit mis à pied
incontinent. Il est d'ailleurs douteux, même dans la version des faits
proposée par la défenderesse, que les manquements imputés au demandeur aient
revêtu un caractère de gravité tel qu'un licenciement immédiat de cet
employé, sans avertissement préalable, eût été justifié. Tout porte à croire,
en réalité, comme les deux instances cantonales l'ont déjà relevé, que, par
la mesure contestée, la défenderesse a tenté de se séparer d'une personne
qu'elle estimait n'avoir pas répondu à ses attentes, qui lui coûtait beaucoup
d'argent et dont elle ne pouvait résilier le contrat de travail, sauf justes
motifs, que pour le 30 juin 2003 au plus tôt.
Cela étant, le présent recours ne peut qu'être rejeté dans la mesure où il
est recevable.

4.
Compte tenu de la valeur litigieuse, la procédure fédérale n'est pas gratuite
(art. 343 al. 2 et 3 CO). Les frais y afférents doivent donc être mis à la
charge de la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Quant au
demandeur, il a droit à des dépens, en application de l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 6'500 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 7'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 24 août 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: