Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.188/2004
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4C.188/2004 /svc

Arrêt du 4 octobre 2004
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, président, Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

P. ________,
Caisse de chômage A.________,
demanderesses et recourantes, toutes deux représentées par Me Pierre Gauye,
avocat,

contre

R.________,
défendeur et intimé, représenté par
Me Vincent Hertig, avocat,

résiliation du rapport de travail par accord des parties,

recours en réforme contre le jugement de la
Cour civile II du Tribunal cantonal du canton
du Valais du 31 mars 2004.

Faits:

A.
R. ________, pharmacien, a engagé P.________, assistante en pharmacie, pour
la période du 18 octobre 1999 au 31 mai 2000. Le salaire était de 3'100 fr.
brut par mois, auquel s'ajoutait la mise à disposition d'un "raccard" meublé
pour un loyer mensuel de 500 fr.

Le 7 février 2000, P.________ a fait parvenir à son employeur un certificat
médical faisant état d'une incapacité de travail à 100 % dès cette date pour
une durée indéterminée. Le lendemain, la travailleuse a écrit à son patron
qu'elle quittait son travail à la suite de leurs divergences et de leur
incompatibilité d'humeur. Elle demandait à être libérée de son emploi soit
avec effet immédiat, soit dans un délai de trente jours correspondant au
délai de congé, "donc d'ici au 9 mars 2000". Elle résiliait également le bail
pour cette même date. Elle ajoutait qu'elle attendait confirmation de sa
décision ainsi que le décompte des montants qui lui restaient dus.

R. ________ a répondu qu'il supposait qu'elle ne reprendrait pas son emploi
et qu'il la priait de libérer sur-le-champ le logement mis à sa disposition.
Il réclamait une "contre-expertise médicale". Après consultation du Service
social de protection des travailleurs et des relations du travail, P.________
a indiqué le 10 février 2000 qu'elle conserverait le logement jusqu'à la fin
"du mois de préavis, c'est-à-dire au 31 mars", et précisé que le certificat
médical avait été établi en bonne et due forme. Elle réclamait en outre le
paiement du salaire de février 2000.

Le 11 février 2000, l'employeur l'a licenciée avec effet immédiat en raison
de ses manquements professionnels et de ses mensonges. Il relevait qu'elle
avait suivi un cours d'arts martiaux le 9 février 2000 pour en déduire
qu'elle était capable de travailler, si bien qu'elle avait abandonné son
poste de travail. P.________ est restée en incapacité de travail jusqu'au 6
mars 2000. Selon son médecin, il n'y avait aucune contre-indication à ce
qu'elle suive un cours de sport.

B.
Le 7 mars 2000, P.________ a assigné R.________ devant le Tribunal du travail
du canton de Valais en paiement de 18'600 fr. à titre de salaires pour les
mois de février à mai 2000 ainsi que d'indemnité pour licenciement
injustifié. Le défendeur a conclu au rejet de la demande et à la condamnation
de la demanderesse à lui verser 652 fr. 25 avec intérêts à 5 % dès le 7
février 2000, soit une indemnité en sa faveur de 1'447 fr. 10 dont à déduire
794 fr. 85 correspondant au décompte produit lors de la séance de
conciliation. Subsidiairement, l'employeur admettait devoir verser à la
demanderesse 794 fr. 85. La Caisse de chômage A.________ (ci-après: la Caisse
de chômage) a demandé le remboursement de ses prestations.

Par jugement du 22 mai 2001, le Tribunal du travail a condamné l'employeur à
verser à P.________ le montant net de 4'102 fr. 20, à prélever les charges
sociales sur le montant brut de 857 fr. 15 et à les verser aux caisses
sociales concernées ainsi qu'à distraire de ce montant la somme nette de 374
fr., à verser à la Caisse de chômage.

Sur appel des demanderesses, la Cour civile II du Tribunal cantonal du Valais
a, par jugement du 31 mars 2004, condamné le défendeur à payer, d'une part, à
P.________ la somme de 3'797 fr. 45 avec intérêts à 5 % dès le 1er juillet
2000, sous déduction des charges sociales sur le montant brut de 857 fr. 15,
et, d'autre part, à la Caisse de chômage la somme de 374 fr. avec intérêts à
5 % dès le 1er juillet 2000.

C.
P.________ et la Caisse de chômage exercent un recours en réforme contre ce
jugement. Elles réclament principalement la condamnation du défendeur au
paiement de 18'600 fr. avec intérêts, sous déduction des cotisations
sociales, dont 3'178 fr. 40 en faveur de la Caisse de chômage et
subsidiairement l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause
à l'autorité cantonale. Le défendeur invite le Tribunal fédéral à confirmer
le jugement entrepris.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la partie qui n'a pas obtenu le plein de ses conclusions, et
dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un
tribunal supérieur (art. 48 OJ) sur une contestation civile dont la valeur
litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme
est en principe recevable puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al.
1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.1 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ).

Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible
d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252). Il ne peut être
présenté de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours
en réforme n'est donc pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des
preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136
consid. 1.4).
1.2 Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties
(qui ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il
n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 130 III 136 consid. 1.4).

2.
Les demanderesses reprochent à l'autorité cantonale d'avoir méconnu les art.
1 et 115 CO. En particulier, il n'y aurait pas eu d'échange de manifestations
de volonté réciproques et concordantes entre les parties au sujet de la
résiliation. L'employée cherchait à être libérée de son travail "selon les
conditions contractuelles", alors que l'employeur aurait supposé, sans
preuves, qu'elle avait abandonné son emploi.

2.1 La jurisprudence admet que les parties puissent mettre fin au contrat de
travail d'un commun accord, pour autant que ce dernier comporte des
concessions réciproques et qu'il s'agisse nettement d'un cas de transaction
(Aufhebungsvertrag; cf. art. 341 al. 1 CO; ATF 118 II 58 consid. 2b p. 61;
110 II 171 consid. 3b et les références). L'accord entre les parties doit
être interprété restrictivement et ne peut constituer un contrat de
résiliation conventionnelle que dans des circonstances exceptionnelles,
notamment lorsqu'est établie sans équivoque la volonté des deux parties de se
départir du contrat (arrêt 4C.310/1998 du 8 janvier 1999, in SJ 1999 I p. 277
consid. 2c et les références).
Selon l'art. 1er al. 1 CO, le contrat est parfait lorsque les parties ont,
réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté sur tous
les éléments essentiels. Si les parties se sont correctement comprises, leurs
déclarations seront interprétées selon la volonté réelle de chacune d'elles.
L'établissement de la volonté réelle des parties est une question de fait,
qui, sous réserve des exceptions prévues aux art. 63 al. 2 et 64 OJ, échappe
au contrôle de la juridiction de réforme. Si le juge ne parvient pas à
déterminer cette volonté, il recherchera quel sens les parties pouvaient et
devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de
volonté réciproques (principe de la confiance); il résoudra alors une
question de droit (ATF 127 III 348 consid. 3f p. 255; 119 II 449 consid. 3a
p. 451; 118 II 365 consid. 1 p. 366).

2.2 L'autorité cantonale a constaté que l'employée avait, par courrier du 8
février 2000, demandé à son employeur d'être soit libérée immédiatement de
son contrat, soit de prendre acte de son congé dans un délai de trente jours.
De son côté, l'employeur est parti de l'idée que son assistante ne
reprendrait plus son travail et a accepté l'offre de son employée d'être
libérée sans délai. La cour cantonale retient expressément que les parties
ont manifesté réciproquement et de manière concordante leur volonté réelle de
rompre le contrat avec effet immédiat, soit au 8 février 2000. Le grief des
demanderesses tend à remettre en cause cette constatation. Ce faisant, elles
s'en prennent à l'appréciation des preuves, ce qui n'est pas admissible dans
un recours en réforme; leur grief est dès lors irrecevable.

3.
A suivre les demanderesses, l'employeur aurait eu une attitude détestable
dans ses courriers des 9 et 11 février 2000. Au vu de son agressivité
gratuite, il aurait agi de manière contraire à la bonne foi en prétendant
qu'une résiliation consensuelle était intervenue.

3.1 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé
par la loi. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les
circonstances concrètes du cas (ATF 121 III 60 consid. 3d), en s'inspirant
des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine
(ATF 129 III 493 consid. 5.1 et les nombreuses références). Les cas typiques
sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une
institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des
intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude
contradictoire (ATF 120 II 105 consid. 3a p. 108).

3.2 Il ressort des constatations de fait, qui lient la Cour de céans (art. 63
al. 2 OJ), que c'est l'employée qui a décidé de quitter son travail et
demandé à être libérée soit immédiatement, soit le 9 mars 2000. Dans ces
circonstances, il est douteux que l'on puisse reprocher à l'employeur de
commettre un abus de droit lorsqu'il se réfère à une résiliation
conventionnelle proposée par l'employée.

Cela étant, l'autorité cantonale a violé le droit fédéral en ne constatant
pas la nullité de cette convention. Aux termes de l'art. 20 al. 1 CO, le
contrat est nul s'il a pour objet une chose impossible, illicite ou contraire
aux moeurs. Selon la jurisprudence, les contrats contraires à une règle de
droit ne sont nuls que si cette nullité est expressément prévue par la loi ou
qu'elle découle de l'esprit et du but de la norme violée (ATF 129 III 209
consid. 2.2.; 111 II 384 consid. 2d et les arrêts cités).

L'art. 336c al. 2 CO prévoit que le congé donné pendant la période de
protection (al. 1) est nul. La jurisprudence admet que les parties peuvent
néanmoins mettre fin, d'un commun accord, au contrat pendant cette période, à
moins qu'elles ne cherchent par ce biais à détourner une disposition
impérative de la loi (ATF 119 II 449 consid. 2a; 115 V 437 consid. 4b; 110 II
168 consid. 3a). Les parties pouvaient donc en principe convenir d'une
résiliation anticipée, quand bien même la demanderesse était incapable de
travailler pour cause de maladie. Il convient toutefois d'examiner si cet
accord ne se heurte pas à la disposition impérative de l'art. 341 al. 1 CO,
qui empêche le travailleur de renoncer, pendant la durée du contrat et durant
le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions
impératives de la loi. La Cour de céans a précisé que si l'art. 341 al. 1 CO
prohibe la renonciation unilatérale du travailleur, il ne fait pas obstacle à
la validité d'un arrangement comportant des concessions réciproques, pour
autant qu'il s'agisse nettement d'un cas de transaction (118 II 58 consid. 2b
p. 61).

En l'espèce, on cherche en vain des concessions réciproques; l'on ne discerne
pas le caractère de transaction. Au contraire, seule la travailleuse a
renoncé à des prétentions. Lorsque le contrat a été résilié d'un commun
accord le 8 février 2000, la demanderesse était malade depuis un jour et
l'est restée jusqu'au 6 mars 2000. Selon l'art. 324a al. 2 CO, elle pouvait
prétendre au paiement de son salaire en tout cas pendant les trois premières
semaines de sa maladie. Selon l'art. 324a al. 1 CO, si un employé est empêché
de travailler pour cause de maladie, l'employeur doit lui verser le salaire
pendant une durée limitée. Cette disposition est d'ordre impératif (art. 362
CO); l'employé ne peut y renoncer. Etant donné qu'elle dérogeait à des règles
de droit strict (art. 336c et 341 CO), la renonciation conventionnelle était
donc illicite (art. 19 al. 2 CO) et partant nulle (art. 20 al. 1 CO).

4.
Il convient dès lors d'examiner si l'autorité cantonale a violé l'art. 337c
CO en ne retenant pas le caractère injustifié du congé avec effet immédiat
signifié le 11 février 2000, comme le soutiennent les demanderesses.

Selon les constatations de fait, celui-ci était fondé sur de prétendus
manquements professionnels et des mensonges proférés par l'employée. Dès lors
que l'autorité cantonale s'est fondée sur la résiliation conventionnelle pour
admettre la fin des rapports de travail, elle ne s'est pas penchée sur les
motifs du congé immédiat signifié le 11 février 2000. Il convient donc de lui
renvoyer la cause afin qu'elle se prononce sur cette question. Il sied
d'observer que si les prétendus mensonges étaient ceux relatifs à l'état de
santé de la demanderesse, ils ne seraient pas avérés, car la demanderesse
était effectivement incapable de travailler pour cause de maladie, selon les
constatations souveraines de l'autorité cantonale.

5.
Comme la valeur litigieuse ne dépassait pas 30'000 fr. à l'ouverture de
l'action, la procédure est gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO; ATF 115 II 30
consid. 5b p. 41). Les demanderesses, qui obtiennent gain de cause, ont
toutefois droit à des dépens (cf. art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable, le
jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale
afin qu'elle statue à nouveau.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le défendeur versera aux demanderesses, créancières solidaires, une indemnité
de 3'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 4 octobre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: