Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.185/2004
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4C.185/2004 /ech

Arrêt du 2 juin 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

X. ________,
défendeur et requérant, représenté par Me Karin Baertschi,

contre

Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Bernard Waeber.

contrat de travail; autorisation de travail

demande de révision de l'arrêt du Tribunal fédéral du
24 mars 2004 (4C.27/2004).

Faits:

A.
Y. ________ a été engagé le 25 septembre 2001 en qualité de serveur par
A.________ SA, à Genève. Par contrat du 5 juillet 2002, cette société a cédé
son établissement à X.________ avec effet au 1er octobre 2002. A fin
septembre 2002, celui-ci a fait savoir à Y.________ qu'il ne ferait plus
partie du personnel, dès lors qu'il ne bénéficiait d'aucune autorisation de
travail à Genève.
Le 19 décembre 2002, Y.________ a assigné A.________ SA et X.________, pris
solidairement, devant la juridiction genevoise des prud'hommes, en vue
d'obtenir le paiement de 20'314 fr.

Par jugement du 22 avril 2003, le Tribunal des prud'hommes, statuant
contradictoirement à l'égard de X.________ et par défaut à l'encontre de
A.________ SA, a admis l'intégralité des conclusions du demandeur.

Saisie par X.________, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a
confirmé le jugement de première instance par arrêt du 27 novembre 2003.

B.
Le 24 mars 2004, la Ie Cour civile du Tribunal fédéral a rejeté le recours en
réforme déposé par X.________ contre ledit jugement.

C.
Le 18 mai 2004, X.________ a déposé une demande de révision de l'arrêt
fédéral. Il a conclu à l'annulation dudit arrêt et à sa libération totale des
fins de la demande formulée par Y.________.

Le requérant a également sollicité l'octroi de l'effet suspensif à sa demande
de révision.

L'intimé n'a pas été invité à déposer une réponse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet ou rejette le recours en réforme, son arrêt
se substitue à la décision attaquée; il s'ensuit que la demande de révision
doit être dirigée contre l'arrêt fédéral, et pour les motifs énumérés aux
art. 136 et 137 OJ (ATF 118 II 477 consid. 1). En l'occurrence, cette
condition est remplie dès lors que le requérant sollicite la révision de
l'arrêt rendu le 24 mars 2004 par le Tribunal fédéral sur son recours en
réforme et invoque l'art. 136 let. d OJ. La demande de révision satisfait en
outre aux exigences formelles découlant de l'art. 140 OJ et elle a été
présentée dans les 30 jours dès la réception de la communication écrite de
l'arrêt. (cf. art. 141 al. 1 let. a OJ).

Le requérant fonde sa demande de révision sur un motif expressément prévu par
la loi. Cette demande est donc recevable. Savoir si le Tribunal fédéral a
commis l'inadvertance qui lui est imputée est une question qui relève, non
pas de la recevabilité, mais du fond (cf. ATF 96 I 279 consid. 1; 81 II 475
consid. 1).

Il y a lieu, partant, d'entrer en matière.

2.
2.1 Aux termes de l'art. 136 let. d OJ, la demande de révision d'un arrêt du
Tribunal fédéral est recevable lorsque, par inadvertance, le tribunal n'a pas
apprécié des faits importants qui ressortent du dossier.
Selon la jurisprudence, le verbe "apprécier", utilisé dans le texte français,
est ambigu et doit être compris - conformément au texte allemand - dans le
sens de "prendre en considération". L'inadvertance visée par la disposition
citée suppose que le Tribunal fédéral ait omis de prendre en considération
une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'ait mal lue, s'écartant par
mégarde de sa teneur exacte; elle doit se rapporter au contenu même du fait,
à sa perception par le tribunal, mais non pas à son appréciation juridique.
La révision n'entre donc pas en considération lorsque c'est sciemment que le
juge a refusé de tenir compte d'un certain fait, parce qu'il le tenait pour
non décisif, car un tel refus relève du droit. Au demeurant, le motif de
révision de l'art. 136 let. d OJ ne peut être invoquée que si les faits qui
n'ont pas été pris en considération sont "importants"; il doit s'agir de
faits pertinents, susceptibles d'entraîner une décision différente de celle
qui a été prise et plus favorable au requérant (ATF 122 II 17 consid. 3 et
les références).

Enfin, il ne saurait y avoir inadvertance si le Tribunal fédéral ne devait
pas prendre en considération d'office le fait important dont l'auteur de la
demande de révision lui reproche de ne pas avoir tenu compte, ce qui est le
cas dans la procédure du recours en réforme (ATF 115 II 399 consid. 2a).

2.2 A l'appui de sa demande de révision, le requérant soutient que le
Tribunal fédéral n'a pas apprécié le fait important et notoire que
constituait la certitude qu'aucune autorisation de travail ne serait délivrée
par les autorités suisses à l'intimé en raison de sa nationalité brésilienne
et du nombre suffisant de travailleurs oeuvrant en Suisse dans le secteur
économique considéré. Ce fait aurait dû amener la juridiction fédérale de
réforme à ne pas laisser ouverte la question de savoir si, en cas de refus
des autorités de délivrer un permis de travail, l'acquéreur peut s'opposer au
transfert du contrat de travail (cf. consid. 3.2.2 in fine de l'arrêt du 24
mars 2004).

En argumentant ainsi, le requérant fait fi des principes jurisprudentiels
susmentionnés. Il n'indique pas si et, le cas échéant, où le fait
prétendument omis par la juridiction fédérale de réforme dans son précédent
arrêt aurait été constaté par la dernière instance cantonale. Que l'intimé
soit de nationalité brésilienne n'a du reste même pas été retenu par
celle-ci. De toute façon, le requérant donne au concept de notoriété une
signification par trop extensive lorsqu'il affirme qu'un ressortissant d'un
Etat non membre de la Communauté européenne ne saurait, à coup sûr, obtenir
une autorisation de travail pour occuper un emploi de serveur dans un
établissement public genevois. La preuve du fait en question aurait bien
plutôt dû être rapportée par lui.

Cela étant, comme il n'était pas établi que les démarches que le requérant
aurait pu entreprendre en vue d'obtenir une autorisation de travail pour
l'intimé eussent été d'emblée vouées à l'échec, le Tribunal fédéral n'a pas
commis d'inadvertance en fondant une partie de son raisonnement juridique sur
l'absence de telles démarches.

La demande de révision sera dès lors rejetée selon la procédure simplifiée de
l'art. 143 al. 1 OJ. La requête d'effet suspensif devient ainsi sans objet.

3.
Bien qu'il succombe, le requérant n'aura pas à supporter de frais. La
présente procédure est, en effet, gratuite puisqu'elle a trait à un différend
résultant du contrat de travail dont la valeur litigieuse ne dépasse pas le
plafond de 30 000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La demande de révision est rejetée.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 2 juin 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:   Le greffier: