Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.170/2004
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4C.170/2004 /ech

Arrêt du 27 août 2004
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Klett, Juge présidant, Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

X. ________ SA,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Damien Bonvallat,

contre

A.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Christian Buonomo, avocat.

contrat de bail; résiliation, prolongation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers du canton de Genève du 8 mars 2004.

Faits:

A.
A.a  Par contrat de bail du 14 décembre 2000, A.________ a loué à X.________
SA, pour qu'elle y exploite une fiduciaire, des bureaux d'une surface de 160
m2, sis au rez-de-chaussée d'un immeuble bâti, à Genève. Le contrat était
conclu pour 5 ans, soit du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005; il se
renouvelait ensuite d'année en année, sauf préavis de résiliation donné une
année avant son échéance. Le loyer annuel initial, arrêté à 30'288 fr., était
indexé à l'indice suisse des prix à la consommation (art. 64 al. 2 OJ).

A.b  Le 11 juin 2002, la bailleresse, par l'entremise d'une gérance
immobilière, a fait notifier à la locataire, sur formule officielle, un avis
de résiliation du bail pour l'échéance du contrat; cette résiliation ne
comportait aucune motivation.

Le 25 juin 2002, X.________ SA a requis auprès de la Commission de
conciliation en matière de baux et loyers de Genève l'annulation de la
résiliation du bail et, subsidiairement, une prolongation de bail de 6 ans.
Par décision du 2 septembre 2002, la Commission de conciliation a validé le
congé pour le 31 décembre 2005 et déclaré irrecevable la requête en
prolongation de bail.

X.  ________ SA a saisi le Tribunal des baux et loyers de Genève d'un recours
contre la décision de la Commission de conciliation. Elle a sollicité
l'annulation de la résiliation du 11 juin 2002, car le motif du congé invoqué
par A.________, soit le besoin de celle-ci de disposer desdits locaux pour
les mettre à disposition de son fils médecin, serait contraire aux règles de
la bonne foi, du moment que ce dernier est titulaire d'un bail dont
l'échéance se situe en février 2008. A titre subsidiaire, la locataire a
demandé une prolongation de son bail de 6 ans, compte tenu des conséquences
pénibles qu'aurait pour elle un déménagement et des problèmes qu'elle
rencontrerait pour retrouver des locaux équivalents à un loyer comparable.
Encore plus subsidiairement, elle a demandé à ce que les parties soient
acheminées "à prouver, par toutes voies de droit, les faits allégués dans le
présent recours".
Il résulte des enquêtes que X.________ SA sous-loue depuis le 1er décembre
2002 (art. 64 al. 2 OJ) à un cabinet d'architecte une partie des locaux
loués, soit un bureau meublé avec accès à une salle de conférence et au
secrétariat.

Il a été constaté que des locaux de remplacement ont été proposés à la
locataire, qui a refusé de les prendre en considération.

Lors de l'audience de plaidoiries du 24 février 2003, la bailleresse a
confirmé qu'elle avait l'intention de remettre les locaux en question à son
fils pour qu'il puisse exercer son activité professionnelle dans des locaux
plus spacieux et mieux situés que ceux qu'il occupe pour l'heure, à Genève.

Par jugement du 2 mai 2003, le Tribunal des baux et loyers a constaté la
validité de la résiliation de bail notifiée à la locataire le 11 juin 2002
pour le 31 décembre 2005 et entièrement débouté X.________ SA de sa demande
en prolongation de bail, sur laquelle la Commission de conciliation, à tort,
n'était pas entrée en matière.

B.
Saisie d'un appel de X.________ SA, la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers du canton de Genève, par arrêt du 8 mars 2004, a confirmé le jugement
précité. En substance, l'autorité cantonale a considéré que la bailleresse
avait indiqué de manière constante qu'elle souhaitait résilier le bail la
liant à sa locataire pour l'échéance contractuelle afin de pouvoir - de
manière non urgente - y reloger son fils, lequel souhaite agrandir son
cabinet médical. Dans ce contexte, il n'est pas possible de prétendre que le
congé est abusif au sens de l'art. 271 CO. A propos de la requête en
prolongation de bail, la cour cantonale a retenu que la locataire bénéficiait
d'un préavis de près de 30 mois, qu'elle n'avait pas démontré que la
résiliation de son bail provoquerait la perte d'une partie de sa clientèle,
pas plus qu'elle n'avait établi avoir effectué de nombreuses démarches pour
retrouver de nouveaux locaux, si bien qu'il ne se justifiait pas de lui
octroyer une quelconque prolongation.

C.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la mesure de
sa recevabilité par arrêt de ce jour, X.________ SA exerce un recours en
réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Concluant à l'annulation
de cette décision, la recourante requiert que la cause soit retournée à
l'autorité cantonale pour instruction conformément aux indications de la
juridiction fédérale, ou "si mieux n'aime" celle-ci, que le congé qui lui a
été notifié le 11 juin 2002 soit annulé ou, subsidiairement, que son bail
soit prolongé de six ans, soit jusqu'au 31 décembre 2011.

L'intimée propose que les pièces nouvelles produites par la recourante soient
déclarées irrecevables et, cela fait, que le recours soit rejeté, l'arrêt
déféré étant intégralement confirmé.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1  Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à
faire constater la nullité de la résiliation de son bail et, subsidiairement,
à obtenir la durée maximale de la prolongation, et dirigé contre une décision
finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur sur
une contestation civile (ATF 129 III 415 consid. 2.1), le recours est
recevable ratione valoris. En effet, selon la jurisprudence, la période à
prendre en considération, en cas de contestation portant sur la validité d'un
congé, est celle pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la
résiliation n'est pas valable et qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un
nouveau congé peut être donné, soit en tout cas jusqu'au terme de la période
de protection de trois ans instituée par l'art. 271a let. e CO. Comme en
l'occurrence le loyer annuel dépasse 30'000 fr., la limite de 8'000 fr. de
l'art. 46 OJ est largement dépassée (ATF 111 II 384 consid. 1, confirmé in
ATF 119 II 147 consid. 1). Au sujet de la prolongation de bail, compte tenu
de la durée maximale qui aurait pu être accordée par la cour cantonale pour
des locaux commerciaux (art. 272b al. 1 CO), le contrat aurait couru jusqu'au
31 décembre 2011, de sorte que la valeur litigieuse en jeu est à nouveau
franchie.

1.2  Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art.
43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Le recours n'est pas
ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de
fait qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4;
129 III 618 consid. 3). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ). Partant, les pièces nouvelles, cotées 12 à 16, produites
dans la cause connexe, auxquelles se réfère la recourante au ch. 14 de son
mémoire de recours en réforme, sont irrecevables.
Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties (qui
ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'est
pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine).

2.
La recourante prétend que le congé qui lui a été notifié le 11 juin 2002 doit
être annulé, parce qu'il contrevient aux règles de la bonne foi. Plus
particulièrement, la demanderesse reproche à la Chambre d'appel d'avoir
totalement méconnu la portée de l'art. 271 CO, qui impose au bailleur de
motiver avec franchise le congé qu'il notifie. De plus, en retenant comme
avéré le motif de résiliation avancé par l'intimée, la cour cantonale aurait
transgressé l'art. 274d CO et encore enfreint l'art. 8 CC, puisque la
recourante n'aurait pas eu la possibilité d'établir les faits pertinents
qu'elle avait allégués en instance cantonale.

2.1  A côté d'une liste d'exemples où une résiliation émanant du bailleur est
annulable (art. 271a al. 1 CO), la loi prévoit, de manière générale, que le
congé donné par l'une ou l'autre partie est annulable lorsqu'il contrevient
aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO).
Selon la jurisprudence, la protection accordée par l'art. 271 al. 1 CO
procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de
l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), tant il est vrai qu'une
distinction dogmatique rigoureuse n'a pas de portée pratique en cette matière
(cf. ATF 120 II 31 consid. 4a, 105 consid. 3a p. 108).
Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit,
utilisation d'une institution juridique contrairement à son but,
disproportion grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans
ménagement, attitude contradictoire) justifient l'annulation du congé; à cet
égard, il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de l'auteur du congé
puisse être qualifiée d'abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2
CC (ATF 120 II 105 consid. 3a p. 108).
Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif s'il ne répond à aucun
intérêt objectif, sérieux et digne de protection (arrêt 4C.65/2003 du 23
septembre 2003, consid. 4.2). Est abusif le congé purement chicanier dont le
motif n'est manifestement qu'un prétexte (ATF 120 II 31 consid. 4a p. 32). La
résiliation de bail peut être annulée si le motif sur lequel elle repose se
révèle incompatible avec les règles de la bonne foi qui régissent le rapport
de confiance inhérent à la relation contractuelle existante (par exemple, le
congé fondé sur un motif raciste) (ATF 120 II 105 consid. 3a in fine; cf.
également ATF 120 II 31 consid. 4a).

Le motif pour lequel un congé est donné relève des constatations de fait (ATF
115 II 484 consid. 2b p. 486).

L'auteur du congé n'a l'obligation de le motiver que si l'autre partie le
demande (art. 271 al. 2 CO). Une résiliation qui demeure non motivée malgré
la requête du destinataire n'est pas nécessairement abusive; en effet, s'il
avait voulu qu'il en soit ainsi, le législateur aurait posé une présomption
dans ce sens. A l'inverse, l'absence de motivation ne saurait rester sans
conséquence, au risque de priver l'art. 271 al. 2 CO de toute portée.
L'obligation de motivation doit être prise au sérieux. En particulier, celui
qui donne un motif de congé doit, en cas de litige, en démontrer
l'exactitude. De même, celui qui attend deux mois avant de motiver le congé
court le risque que la résiliation soit considérée comme abusive. En effet,
même si le fardeau de la preuve d'une résiliation contraire à la bonne foi
incombe à celui qui s'en prévaut - généralement le locataire -, l'auteur du
congé - généralement le bailleur - doit contribuer à la manifestation de la
vérité, en donnant les raisons de cette mesure et en les rendant au moins
vraisemblables (arrêt 4C. 305/1995 du 15 février 1996, consid. 4a).

2.2  Examiné à la lumière de ces principes, l'arrêt attaqué, qui a admis que
le congé notifié à la demanderesse le 11 juin 2002 n'était pas abusif, est
parfaitement conforme au droit fédéral.

2.2.1  La recourante paraît soutenir que le motif de congé avancé par la
défenderesse serait mensonger. Il a été retenu que la bailleresse avait
affirmé tout au long de la procédure, sans désemparer, qu'elle a résilié le
bail de la demanderesse, parce qu'elle avait l'intention de remettre les
locaux à son fils, qui est médecin, afin qu'il y exerce son activité
professionnelle. Ce point, comme on l'a vu, relève des constatations de fait
(cf. ATF 115 II 484 consid. 2b), de sorte qu'il lie le Tribunal fédéral en
instance de réforme. La juridiction fédérale ne peut que contrôler si les
conséquences juridiques que la cour cantonale a tirées de ces constatations
respectent le droit fédéral.

2.2.2  La demanderesse se prévaut de l'art. 274d CO. Cette norme, à son al.
3,
prescrit au juge d'établir d'office les faits, les parties devant soumettre à
celui-ci toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Elle
instaure le principe d'une maxime inquisitoriale sociale, à ne pas confondre
avec la maxime officielle absolue. Ainsi, le juge ne doit pas instruire
d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position, mais il
doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration
et de production des preuves. L'initiative du juge ne va pas au-delà de
l'invitation faite aux parties de mentionner les preuves et de les présenter.
La maxime inquisitoriale sociale du droit du bail ne permet pas d'étendre ad
libitum l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves
possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a p. 238/239).

La recourante, dans le mémoire de recours qu'elle a déposé devant le Tribunal
des baux et loyers, a elle-même offert de prouver, par toutes voies utiles,
les faits qu'elle alléguait. Du moment qu'elle a proposé de son propre
mouvement sa collaboration à l'établissement des faits, on ne voit pas pour
quelles raisons la locataire aurait dû être formellement interpellée à cet
égard par les premiers juges.

Mais la demanderesse, contrairement à ce qu'elle avait annoncé, n'a pas
fourni en temps utile de pièces pour montrer que le motif du congé allégué
par la défenderesse ne correspondait pas à la réalité. Il n'appartenait pas
au tribunal de première instance de suppléer par des mesures probatoires à la
carence de la locataire, qui ne lui a pas apporté de documents probants ni
proposé l'audition de témoins déterminés sur des faits précis. Les exigences
de la maxime inquisitoire instaurée par l'art. 274d al. 3 CO ont donc bel et
bien été respectées.

2.2.3  La recourante se réfère encore à l'art. 8 CC. La violation du droit à
la preuve découlant de cette disposition n'a, en l'occurrence, pas de portée
propre, mais se confond avec le grief de violation de l'art. 274d al. 3 CO,
dont il vient d'être fait justice ci-dessus. Partant, il convient de se
dispenser d'examiner ce moyen.

2.2.4  Dans le cas présent, la bailleresse a établi avoir besoin des locaux
pour son fils médecin, qui souhaite exercer son art dans des locaux à la fois
plus grands et mieux placés. Il est exclu d'admettre qu'un tel besoin ne
réponde à aucun intérêt digne de protection. Un congé pareillement motivé ne
saurait aucunement porter atteinte aux règles de la bonne foi au sens de
l'art. 271 al. 1 CO.

La recourante fait grand cas que le fils de la bailleresse n'a pas encore
résilié le bail du cabinet médical qu'il exploite. On ne peut à ce sujet que
souscrire à l'argument de bon sens développé tant par le Tribunal des baux et
loyers que par la Chambre d'appel, selon lequel, à considérer les aléas
inhérents à toute procédure judiciaire, on ne saurait exiger d'un locataire
qu'il résilie son propre bail prématurément avant d'avoir la certitude d'être
à même d'exercer son activité professionnelle dans d'autres locaux, dont le
locataire actuel sollicite de l'autorité judiciaire l'annulation du congé et,
subsidiairement, la prolongation de son bail.

3.
La demanderesse se prévaut ensuite de l'art. 272 CO. Elle prétend que la cour
cantonale, par son refus d'instruire la cause, n'a pas été en mesure de
procéder à la pesée des intérêts requise par cette norme.

3.1  Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation
d'un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat
aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts
du bailleur ne le justifient. L'art. 272 al. 2 CO énumère ensuite une série
de critères à prendre en considération, comme la situation personnelle,
familiale et financière des parties ainsi que leur comportement (let. c), le
besoin du bailleur des locaux et l'urgence de ce besoin (let. d), ou encore
la situation sur le marché local du logement (let. e).
La pesée des intérêts prescrite par l'art. 272 al. 1 et 2 CO pour décider
d'octroyer ou non une prolongation de bail sert également pour déterminer la
durée de celle-ci.

Comme le montre l'emploi de l'adverbe "notamment", les éléments
d'appréciation énoncés à l'art. 272 al. 2 CO, sous let. a à e, ne revêtent
pas un caractère exclusif et le juge peut tenir compte d'autres intérêts
pertinents (Peter Higi, Commentaire zurichois, n. 120 ad art. 272 CO; Pierre
Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 210). Il gardera à l'esprit que
la prolongation a pour but de donner du temps au locataire pour trouver une
solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4b) ou, à tout le moins,
tend à adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du
contrat selon les règles ordinaires (ATF 116 II 446 consid. 3b).

Lorsqu'il est appelé à se prononcer sur une prolongation de bail, le juge
dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour en déterminer la durée, dans
les limites fixées par la loi; il ne transgresse pas le droit fédéral en
exerçant le pouvoir d'appréciation que le code des obligations lui accorde;
le droit fédéral n'est violé que s'il sort des limites fixées, s'il se laisse
guider par des considérations étrangères à la disposition applicable ou s'il
tire des déductions à ce point injustifiables que l'on doive parler d'un abus
du pouvoir d'appréciation (ATF 125 III 226 consid. 4b).

3.2  L'autorité cantonale a refusé toute prolongation de bail, parce que la
demanderesse était au bénéfice d'un préavis de près de 30 mois (recte: de
plus de 30 mois) et qu'elle n'avait établi ni que le congé devait lui
occasionner une perte de clientèle, ni qu'elle avait effectué de nombreuses
démarches pour rechercher de nouveaux locaux.

N'en déplaise à la recourante, les intérêts en présence ont été soupesés avec
soin par la Chambre d'appel. Les facteurs qu'elle a pris en compte dans cette
démarche sont en outre conformes au droit fédéral (cf., à propos du critère
relatif au délai de résiliation exceptionnellement long - comme c'est le cas
en l'espèce -, ATF 125 III 226 consid. 4c). En effet, le besoin légitime du
bailleur, ou de ses proches, d'occuper les locaux prévaut généralement sur
les intérêts du locataire (David Lachat, Le bail à loyer, p. 502, ch. 3.8),
le but de la prolongation n'étant pas d'assurer au locataire le maintien
indéfini d'une situation favorable (cf. ATF 116 II 446 consid. 3b; Higi, op.
cit., n. 88 ad art. 272 CO).
Les éléments que la recourante fait valoir ne sont pas déterminants. Ainsi,
la durée qui s'est écoulée depuis la conclusion du bail (art. 272 al. 2 let.
b CO) ne doit être prise en compte que si elle est très courte (quelques
mois) ou, au contraire très longue (dix ans et plus) (Higi, op. cit., n. 144
à 147 ad art. 272 CO). Or, in casu, la demanderesse était locataire des
bureaux de la défenderesse depuis un peu plus de 17 mois lorsqu'elle a reçu
le congé contesté.

On ne voit pas quelles conséquences particulièrement pénibles pourrait
déployer la résiliation pour la clientèle de la recourante. Celle-ci
exploitant une fiduciaire, les clients sont, à vues humaines, bien plus
attachés à l'établissement en raison des services prodigués, qu'en raison du
lieu de l'exploitation.

Enfin, s'agissant de la difficulté à retrouver d'autres bureaux, il a été
retenu que des locaux de remplacement, d'un prix semblable à ceux loués, ont
été proposés à la recourante, laquelle a refusé de les prendre en
considérations au motif, notamment, que leur surface était inférieure à celle
des locaux qu'elle occupe actuellement. A ce propos, on ne peut qu'abonder
dans le sens de la cour cantonale, qui a qualifié cette attitude de
surprenante, dès l'instant où la demanderesse sous-loue depuis le 1er
décembre 2002 une partie des locaux loués à un cabinet d'architecte, ce qui
démontre avec éclat que la surface remise à bail par l'intimée ne lui est pas
indispensable pour exercer ses activités commerciales.

Le moyen est infondé.

4.
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Compte tenu de l'issue de la cause, la recourante supportera l'émolument de
justice et versera à l'intimée une indemnité de dépens (art. 156 al. 1 et 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 5'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 27 août 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

La Juge présidant:   Le greffier: