Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.167/2004
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4C.167/2004 /ajp

Arrêt du 3 août 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Krauskopf.

X. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Philippe-Edouard Journot, avocat,

contre

A.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Christophe Piguet, avocat,

Contrat de bail à loyer; résiliation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du
25 février 2004.

Faits:

A.
A.  ________, propriétaire d'une villa sise à B.________, est lié à
X.________
par un contrat de bail conclu le 23 mai 1980, tacitement renouvelable d'année
en année. Le loyer s'élève, depuis 1990, à 5'500 fr. par mois. En mars 2000,
le locataire a adressé à la régie en charge de l'immeuble une liste des
travaux qu'il estimait nécessaires d'entreprendre dans la villa. Le 18
octobre 2000, la gérance a répondu que le propriétaire devait faire face à
des frais importants et ne pouvait ainsi effectuer les travaux souhaités.
Elle a, le 6 décembre 2000, proposé au locataire de bloquer le loyer et de
répartir entre les parties les frais relatifs à certains travaux qui seraient
entrepris. A la demande du locataire, les parties se sont réunies le 30
janvier 2001 et le 5 février 2001, le locataire a fait parvenir à la régie
une liste des travaux complétée, faisant état de travaux qu'il avait déjà
entrepris à ses frais.

Le 11 décembre 2001, le bailleur a résilié le bail pour la prochaine
échéance, soit le 30 juin 2002. Malgré la demande du locataire, le bailleur
n'a pas motivé le congé.

B.
Le locataire a saisi, le 10 janvier 2002, la Commission de conciliation en
matière de baux à loyers du district de Nyon, concluant à l'annulation du
congé et, subsidiairement, à ce qu'il lui soit accordé une prolongation
maximale de quatre ans. A.________ a expliqué avoir un besoin propre de sa
villa, évoquant ses problèmes de santé et ceux de son épouse, la volonté de
se rapprocher des membres de sa famille et de s'installer en un lieu
permettant la mise en place d'un système d'assistance à domicile et plus
adapté que son actuel logement à L.________. Par décision du 29 mai 2002, la
Commission de conciliation a confirmé la résiliation et accordé une unique
prolongation de trois mois, soit jusqu'au 30 septembre 2002.

Statuant sur requête du locataire, le Tribunal des baux a étendu la
prolongation unique au 31 décembre 2003.

Le 25 février 2004, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de
Vaud a rejeté le recours interjeté par X.________.

C.
Ce dernier exerce un recours en réforme contre cet arrêt. Il conclut
principalement à ce que celui-ci soit réformé en ce sens que la résiliation
soit annulée et, subsidiairement, qu'une prolongation soit accordée jusqu'au
30 juin 2006. A.________ propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227; 128 II 56 consid. 1 p.
58).

1.1  Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à
faire constater la nullité de la résiliation du bail et subsidiairement à
obtenir la durée maximale de la prolongation de celui-ci, et dirigé contre un
jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur
(art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ; cf. ATF 119 II 147 consid. 1 p.
148; 113 II 406 consid. 1 p. 407), le recours en réforme, interjeté en temps
utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), est en
principe recevable.

1.2  Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter
les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte de faits pertinents, régulièrement allégués (art. 64 OJ). Dans la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu
dans la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait,
ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 130
III 140 consid. 1.4 et les références citées).

1.3  Aux termes de l'art. 55 al. 1 let. c OJ, l'acte de recours doit indiquer
les règles de droit fédéral violées par la décision attaquée et en quoi
consiste cette violation. Il est indispensable que le recourant discute
effectivement les motifs de la décision entreprise, qu'il précise quelles
dispositions auraient été violées, qu'il indique pourquoi elles auraient été
méconnues. Des considérations générales, sans lien manifeste, ni même
perceptible avec des motifs déterminés de la décision entreprise, ne
répondent pas à ces exigences (ATF 130 III 28 consid. 2.2 p. et les
références citées).

2.
Le demandeur reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 271a al. 1
let. a et b CO. La résiliation serait intervenue en raison de sa demande
tendant à ce que des travaux d'entretien soient effectués. En refusant de
motiver le congé, le bailleur aurait pris le risque, qu'il devrait supporter,
que celui-ci soit interprété à la lumière de cette demande et soit ainsi
considéré comme un congé de représailles. Le besoin propre allégué par le
défendeur ne serait par ailleurs pas établi.

2.1  De manière générale, un congé est annulable lorsqu'il contrevient aux
règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). Tel est le cas quand il ne répond
à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (arrêt 4C.305/1995
du 15 février 1996 consid. 4a; ATF 120 II 31 consid. 4a p. 32). Selon l'art.
271a al. 1 let. a CO, une résiliation émanant du bailleur est annulable
lorsqu'elle est donnée parce que le locataire fait valoir de bonne foi des
prétentions découlant du bail. Le motif pour lequel un congé est donné relève
des constatations de fait (ATF 115 II 484 consid. 2b p. 486; 113 II 460
consid. 3b p. 462).

L'auteur du congé n'a l'obligation de le motiver que si l'autre partie le
demande (art. 271 al. 2 CO). Une résiliation qui demeure non motivée malgré
la requête du destinataire n'est pas nécessairement abusive; en effet, s'il
avait voulu qu'il en soit ainsi, le législateur aurait posé une présomption
dans ce sens. L'absence de motivation ne saurait cependant rester sans
conséquence, au risque de priver l'art. 271 al. 2 CO de toute portée. Ainsi,
celui qui donne un motif de congé doit, en cas de litige, en démontrer
l'exactitude. S'il tarde à motiver le congé, il doit justifier ce retard;
sinon, il court le risque que la résiliation soit considérée comme abusive.
Même si le fardeau de la preuve d'une résiliation contraire à la bonne foi
incombe à celui qui s'en prévaut, l'auteur du congé doit contribuer à la
manifestation de la vérité, en donnant les raisons de cette mesure et en les
rendant au moins vraisemblables (arrêt 4C.305/1995 du 15 février 1996,
consid. 4a).

2.2
2.2.1Le Tribunal des baux, aux constatations duquel la Chambre des recours se
réfère, a retenu que le bailleur n'était pas opposé au principe
d'entreprendre des travaux. Il aurait donné le congé parce qu'il entendait,
en raison de ses problèmes de santé et de ceux de son épouse, s'installer
dans la villa, voisine de celle de son fils. Comme on l'a indiqué plus haut,
le motif pour lequel le bail a été résilié relève du fait, qui - sous réserve
des exceptions prévues aux art. 63 al. 2 et 64 OJ, non invoquées en l'espèce,
- ne peut être revu dans la procédure du recours en réforme. Saisi d'un tel
recours, le Tribunal fédéral peut uniquement examiner si les conséquences
juridiques que l'autorité cantonale a tirées de cette constatation sont
conformes au droit fédéral. En tant que le demandeur conteste les
constatations relatives au motif du congé, son grief est donc irrecevable
(consid. 1.2).
2.2.2  L'arrêt entrepris retient de manière à lier la Cour de céans (art. 63
al. 2 OJ) que le bailleur n'a pas exposé les motifs de la résiliation avant
d'être interrogé par la Commission de conciliation, car il ne souhaitait pas
faire état de ses problèmes de santé et de ceux de son épouse, qui l'avaient
décidé à se rapprocher de son fils en s'installant dans la villa à
B.________. Comme le considère à juste titre l'autorité cantonale, cette
réticence, qui explique le retard dans la communication des motifs de la
résiliation, ne dénote nullement un comportement contraire aux règles de la
bonne foi. L'on ne saurait au demeurant pas non plus dire que le besoin
propre établi par le bailleur ne répond à aucun intérêt légitime. Partant,
c'est à bon droit que l'autorité cantonale a estimé que la résiliation
n'était pas abusive.

3.
Le locataire invoque ensuite la violation de l'art. 272 al. 1 CO. Il soutient
que compte tenu de la durée du bail (22 ans), de son âge (64 ans), de ses
habitudes professionnelles (il travaillerait le matin dans la villa), de la
situation tendue du marché immobilier dans l'Ouest vaudois, de ses recherches
infructueuses de trouver un nouveau logement et des prolongations accordées
dans d'autres cas, il se justifierait de prolonger le bail de quatre ans.

3.1  L'art. 272b al. 1 CO prévoit que la durée de la prolongation pour des
baux d'habitation est de quatre ans au maximum, limite dans laquelle une ou
deux prolongations peuvent être accordées. Contrairement à ce que semble
soutenir le demandeur, la durée de la prolongation ne peut être déterminée
schématiquement. Dans chaque cas, le juge doit procéder à une pesée des
intérêts en jeu en se fondant sur les critères énumérés à l'art. 272 al. 1 et
2 CO (cf. arrêt 4C.139/2000 du 10 juillet 2000, consid. 2). Il dispose,
lorsqu'il détermine la durée de la prolongation, d'un large pouvoir
d'appréciation. Le droit fédéral n'est violé que s'il sort des limites fixées
par la loi, s'il se laisse guider par des considérations étrangères à la
disposition applicable ou s'il tire des déductions à ce point injustifiables
que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 125 III 226
consid. 4b p. 230, 118 II 50 consid. 40 p. 55).

3.2  L'autorité cantonale a estimé que la prolongation d'un an et demi
accordée par les premiers juges tenait suffisamment compte de tous les
éléments en présence, à savoir la durée du bail, la difficulté de retrouver
un logement comparable, le peu de recherches effectuées par le demandeur, sa
situation financière confortable, l'âge du défendeur (84 ans), sa nécessité
de se rapprocher de sa famille, le fait que la villa fasse partie de son
patrimoine familial et qu'il dispose d'un appartement de six ou sept pièces à
L.________.

3.3  Le demandeur ne s'en prend absolument pas à cette motivation et ne
démontre pas en quoi l'autorité cantonale aurait violé l'art. 272 CO. Il est
donc douteux que son grief satisfasse aux conditions minimales de motivation
prescrites par l'art. 55 al. 1 let. c OJ (cf. consid. 1.3). Cela étant, la
manière de procéder de l'autorité cantonale n'est pas critiquable. Il
n'apparaît pas que celle-ci aurait omis de tenir compte d'éléments importants
ressortant du dossier ou aurait pris en considération des éléments, qui ne
sont pas pertinents. Compte tenu des intérêts en présence, l'autorité
cantonale n'a pas non plus abusé de son large pouvoir d'appréciation en
confirmant la prolongation du bail d'une année et demie.

4.
Le recours doit donc être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux
frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ), qui versera une indemnité de dépens
au défendeur (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 4'500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 5'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 3 août 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: