Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.166/2004
Zurück zum Index I. Zivilabteilung 2004
Retour à l'indice I. Zivilabteilung 2004


4C.166/2004 /ech

Arrêt du 16 septembre 2004
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Favre et Pagan, Juge suppléant.
Greffier: M. Ramelet.

X. ________ AG,
défenderesse et recourante, représentée par Me Jean-Yves Schmidhauser,

contre

Masse en faillite de Y.________ SA,
demanderesse et intimée, représentée par Me Jean-Luc Chenaux.

contrat de bail; reprise cumulative de dette,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois du 15 octobre 2003.

Faits:

A.
A.a Y.________ SA (ci-après: Y.________), A.________ SA et B.________ SA,
réunies en société simple, ont acquis, le 7 juillet 1988, la parcelle
Z.________, sise sur le territoire de la Commune du Mont-sur-Lausanne, qui
abrite un bâtiment administratif et commercial.

A. ________ SA et B.________ SA ont été déclarées en faillite respectivement
les 11 avril 1996 et 27 novembre 1997. Y.________ a acquis de gré à gré les
parts sociales que détenaient les faillies dans la société simple, de sorte
qu'elle est devenue, le 18 décembre 1998, seule propriétaire de la parcelle
Z.________.

A.b C.________ SA (ci-après: C.________) a été constituée à Lausanne le 22
janvier 1990; son capital-actions a été souscrit à raison de 51 % par
D.________ AG (ci-après: D.________), à Zurich, de 48 % par W.________ et de
1% par un tiers.

Le 31 décembre 1995, W.________ a vendu à D.________ les actions de
C.________ qu'il possédait; D.________ en a délivré attestation à W.________
par courrier du 15 avril 1996.

Il a été retenu que depuis la fin mai 1995, C.________ n'avait plus
d'activité propre.

D. ________ a été dissoute le 26 juin 1998 à la suite de sa fusion avec
E.________ AG, société qui est par la suite devenue X.________ AG (ci-après:
X.________ ou la défenderesse).

A.c Selon contrat de bail pour locaux commerciaux du 4 octobre 1994, les
sociétés propriétaires de la parcelle Z.________ ont loué à C.________, du
1er décembre 1994 au 1er décembre 1999, des bureaux d'une surface totale de
150 m2 sis au rez-de-chaussée du bâtiment qui y est érigé, ainsi qu'une place
de parc extérieure. Le loyer était fixé mensuellement à 2'160 fr., plus 100
fr. d'acompte de charges et 60 fr. pour la place de stationnement; le bail
était renouvelable de cinq ans en cinq ans sauf avis de résiliation donné au
moins une année à l'avance.
Le 30 novembre 1995, les mêmes parties ont conclu un second contrat de bail
portant sur un dépôt de 31 m2, stipulant un loyer de 270 fr. par mois du 1er
décembre 1995 au 1er décembre 1996, avec clause de reconduction tacite
d'année en année sauf avis de résiliation donné six mois à l'avance.

Par bail du 26 novembre 1997, Y.________ a loué du 1er décembre 1997 au 1er
décembre 1998 à C.________ la place de parc extérieure no 22a pour un loyer
mensuel de 60 fr. Ce contrat était soumis à une clause de reconduction tacite
d'une même durée, sauf avis de résiliation donné trois mois à l'avance.

A.d Au cours de la période allant du 20 janvier au 28 juin 1995, C.________ a
effectué, au profit de la représentante des bailleresses, trois versements
trimestriels de loyer pour 6'480 fr. chacun.

Par virements du 26 octobre 1995, D.________ a payé à la même représentante
520 fr. 95 et 6'480 fr. pour l'ensemble des choses louées.

Du 16 janvier au 3 juin 1996, D.________ a donné cinq ordres de paiement à
l'adresse de la représentante des bailleresses, le premier se montant à 6'480
fr., le deuxième à 1'080 fr. et les trois derniers à 2'430 fr. chacun.

Y. ________ et B.________ SA ont reçu de D.________, avec la communication
"Immeuble Science Parc bureaux + dépôt No 5", le montant de 2'430 fr. les 5
juillet, 5 août, 3 septembre, 4 octobre, 1er novembre et 3 décembre 1996,
puis encore douze fois le même montant durant la période allant du 3 janvier
au 5 décembre 1997.

Le 27 janvier 1997, les deux membres précités de la société simple ont
également été crédités de la somme de 1'065 fr. 15 à titre de supplément de
chauffage quant à l'exercice 1995-1996.

Il a été constaté que les paiements mentionnés ci-dessus n'étaient pas liés à
des "contre-affaires" et que D.________ a donc payé régulièrement le loyer de
C.________, le compte bancaire des sociétés bailleresses étant toujours
crédité du même virement, libellé au nom de "D.________ AG". Le représentant
de la régie de l'immeuble n'a pas prêté attention à l'identité du donneur
d'ordre des virements, d'autant qu'il avait le sentiment que D.________ et
C.________ constituaient une même entité.

A.e Par courrier du 15 décembre 1997, D.________, sous la signature de deux
membres de son conseil d'administration, a résilié pour le 31 mars 1998 le
contrat de bail conclu par C.________ relativement au bureau, au dépôt et à
la place de parc extérieure; les auteurs de cette lettre faisaient notamment
remarquer que les contrats de bail conclus n'étaient pas réguliers à la forme
pour le motif qu'ils avaient été signés par W.________ seul

Le 27 janvier 1998, le conseil des sociétés propriétaires a contesté le
bien-fondé d'une telle approche et fait valoir que la lettre du 15 décembre
1997 pouvait tout au plus être considérée comme valant résiliation anticipée
des baux dans la mesure où D.________ était à même de représenter C.________
et d'agir au nom de celle-ci. Ainsi, la résiliation des baux pouvait
intervenir le 31 mars 1998 pour autant que C.________ présente aux
propriétaires un nouveau locataire solvable et disposé à reprendre les
contrats aux mêmes conditions.

Le 6 mars 1998, il a été adressé un rappel à D.________ pour les loyers des
mois de janvier et février 1998, ainsi qu'un décompte concernant un
supplément de charges de chauffage pour l'année 1997, par 1'069 fr. 50.

Le 31 mars 1998, W.________ a fait parvenir à la représentante des
bailleresses une partie des clés des locaux, indiquant que les autres clés
avaient été laissées sur place.

Par courriers du 2 avril 1998 adressés tant à C.________ qu'à D.________, le
conseil de Y.________ a protesté contre cette façon de procéder et a fait
savoir que les loyers dus, y compris le supplément de charges, atteignaient
16'009 fr. 50, de sorte que, vu l'importance de ce solde, une procédure de
poursuite allait être entreprise le jour même.

Le 17 avril 1998, D.________ a payé la somme de 8'539 fr. 50, de sorte que le
solde subsistant au 30 juin 1998 a été arrêté à 7'770 fr., dont le paiement
au 20 mai 1998 a été requis concurremment de cette société et de C.________
par le conseil de Y.________.

A.f Par l'intermédiaire de son gérant, Y.________ a fait paraître des
annonces par voie de presse en avril et mai 1998, puis très régulièrement de
septembre 1998 à fin août 1999, en vue de louer à nouveau les locaux remis à
bail à C.________, lesquels ont finalement trouvé preneur dès le 1er
septembre 1999.

B.
B.aLa Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district de
Lausanne a été saisie du litige le 1er avril 1999 par requête de Y.________.
La conciliation a échoué.
Le 21 juillet 1999, Y.________ a déposé devant le Tribunal des baux du canton
de Vaud une demande en paiement de loyers dirigée contre C.________,
D.________ et W.________, portant sur une somme totale de 45'840 fr. en
capital, plus divers frais.

Après prononciation d'un jugement par défaut de D.________, devenue
entre-temps X.________, et l'admission de la demande de relief de celle-ci,
Y.________ a conclu à ce que X.________ et W.________ lui versent 39'755 fr.
10 en capital plus les intérêts.

Les défendeurs ont conclu à libération, X.________ faisant notamment valoir
qu'elle n'avait pas la légitimation passive, à l'instar de W.________.

Au cours de l'audience d'instruction tenue le 28 janvier 2002, Y.________ a
déclaré passer expédient sur les conclusions libératoires prises par
W.________.

B.b Par jugement du 25 février 2002, le Tribunal des baux a pris acte du
passé expédient intervenu entre Y.________ et W.________ et a prononcé que
X.________ devait verser à Y.________ la somme de 39'755 fr. 10 plus intérêts
à 5%, dès le 15 novembre 1998 sur 36'720 fr., dès le 1er juillet 1998 sur
2'160 fr. et dès le 1er avril 1999 sur 875 fr. 10.

Après avoir retenu que les baux litigieux avaient été valablement conclus par
la seule signature de W.________, les premiers juges ont considéré qu'il y
avait eu reprise de dette interne entre C.________ et D.________. Il existait
un faisceau d'indices concordants démontrant que D.________ entendait agir
comme débitrice des loyers et non comme représentante de C.________: il
suffisait de se référer aux vingt-quatre paiements de loyers opérés par
D.________, au supplément de chauffage versé par celle-ci le 27 janvier 1997,
ainsi qu'à la lettre de résiliation des baux signée par cette même société.
Cette reprise de dette interne n'était pas intervenue à titre gratuit, mais
était fondée sur le fait que D.________ avait procédé au rachat des actions
de C.________.

A supposer qu'il faille admettre que D.________, en payant les loyers, n'ait
pas offert à la demanderesse de reprendre la dette de la locataire mais
seulement de payer en son nom, il faudrait alors considérer que c'est
D.________ qui a accepté l'offre de Y.________ de reprendre ladite dette
lorsque celle-là a effectué, sans réserve aucune, le paiement du 17 avril
1998.

Confrontée à une résiliation anticipée des baux, la demanderesse avait fait
preuve de la diligence que l'on pouvait attendre d'elle, de sorte qu'elle
était en droit de prétendre à une indemnité représentant le montant des
loyers dus jusqu'à l'échéance contractuelle.

Les bureaux, avec la place de parc qui leur était rattachée, étant demeurés
libres du 1er avril 1998 au 31 août 1999, soit pendant dix-sept mois,
Y.________ avait droit à une indemnité de 36'720 fr. (2'160 fr. x 17), avec
intérêts à 5 % dès l'échéance moyenne du 15 novembre 1998.

L'échéance du contrat de bail relatif au dépôt étant la date du 1er décembre
1998, l'indemnité allouée à ce titre se montait 2'160 fr. (270 fr. x 8), plus
intérêts dès le 1er juillet 1998 (terme moyen).

Il incombait encore à la défenderesse de payer le solde relatif aux charges
1997-1998, soit 875 fr. 10 avec intérêts dès le 1er avril 1999.

B.c Saisie d'un recours de la défenderesse, la Chambre des recours du
Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté par arrêt du 15 octobre 2003.

Pour tout état de fait, la Chambre des recours s'est bornée à se référer aux
constatations des premiers juges, qu'elle a fait siennes. Puis, la cour
cantonale a considéré que D.________ n'avait pas consenti à C.________ une
promesse de libération à titre gratuit, en ce sens qu'elle n'avait commencé à
payer les loyers réclamés par Y.________ qu'après avoir repris l'entier du
capital-actions de C.________ et avoir décidé que celle-ci serait mise en
veilleuse. Ensuite, l'autorité cantonale a relevé que les paiements de loyers
opérés par D.________ ne faisaient pas tous mention de C.________, si bien
que la bailleresse était fondée à penser que D.________ assumait les
obligations nées des baux. L'autorité cantonale en a conclu que X.________
contestait à tort ne pas être débitrice de l'indemnité correspondant aux
loyers dus jusqu'à l'échéance des baux.

C.
X.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt
précité. Elle requiert le rejet de toutes les conclusions prises à son
encontre.

La demanderesse est tombée en faillite à une date indéterminée. La masse en
faillite de celle-ci propose le rejet du recours dans la mesure de sa
recevabilité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires et
dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un
tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en
réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile
(art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al.
1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129
III 618 consid. 3).
Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties (qui
ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'est
pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine). Le Tribunal
fédéral peut donc rejeter un recours en opérant une substitution de motifs,
c'est-à-dire en adoptant une autre argumentation juridique que celle retenue
par la cour cantonale (ATF 130 III 136 consid. 1.4 in fine).

2.
L'autorité cantonale pouvait se référer en bloc aux constatations de fait du
Tribunal des baux.

Une telle manière de procéder - qui semble une nouvelle pratique de la
Chambre des recours -, quand bien même elle ne facilite pas la tâche du
Tribunal fédéral, est admissible si le jugement de première instance
satisfait aux exigences de l'art. 51 al. 1 let. c OJ (cf. ATF 119 II 478
consid. 1d, qui se réfère à Poudret, COJ II, n. 1 ad art. 51 OJ, p. 361).

Tel est le cas en l'espèce, l'état de fait dressé par les premiers juges
étant complet.

3.
En substance, la recourante fait grief à la Chambre des recours:

- d'avoir admis l'existence d'une reprise de dette interne entre C.________
et D.________;

- d'avoir enfreint l'art. 243 CO pour avoir perdu de vue qu'une reprise de
dette concédée à titre gratuit est soumise à la forme écrite;

- d'avoir retenu qu'il y avait eu reprise de dette externe selon l'art. 176
CO passée par actes concluants, les faits constatés ne permettant pas
d'aboutir à une telle solution;

- d'avoir dénié toute application de l'art. 68 CO pour avoir refusé de
considérer que les paiements effectués par D.________ puissent avoir été
effectués par intervention, sans qu'ils impliquent une reprise globale de
toutes les dettes, actuelles ou futures, incombant à C.________;

- d'avoir considéré comme une offre un document qui n'en avait pas les
caractéristiques, en violation des art. 3 et 5 CO;

- d'avoir méconnu l'art. 8 CC en retenant l'existence d'une reprise de dette
sans exiger de la partie qui l'invoquait la preuve de son existence.

4.
4.1 Il n'est pas contesté que les relations juridiques à l'origine du présent
litige se rapportent à un contrat de bail ayant pour objet des locaux
commerciaux.

4.2 A titre liminaire, on peut remarquer que Y.________ étant devenue
l'unique propriétaire de la parcelle Z.________ à la suite des faillites de
A.________ SA et B.________ SA, sociétés dont elle a acquis les parts de
copropriété, les baux conclus les 4 octobre 1994 et 30 novembre 1995 ont été,
en vertu de l'art. 261 al. 1 CO, transférés à l'intimée, qui en est devenue
le seul bailleur (David Lachat, Commentaire romand, n. 2 ad art. 261 CO).

Ainsi, Y.________ disposait bien de la légitimation active - question qui
doit être examinée d'office (ATF 126 III 59 consid. 1a p. 63) - pour
actionner D.________ relativement à ces deux baux.
Il n'y a aucun problème de qualité pour agir en ce qui concerne le bail du 26
novembre 1997, dès lors qu'il a été conclu à l'origine par la seule société
Y.________.

4.3 D.________ a été dissoute le 26 juin 1998 pour être absorbée, dans le
cadre d'une fusion, par la société E.________ AG, devenue X.________ AG après
changement de raison sociale.

Il n'en est résulté aucune liquidation de D.________, qui a ainsi été reprise
par la recourante (Peter Forstmoser/Arthur Meier-Hayoz/PeterNobel,
Schweizerisches Aktienrecht, 1996, § 57 n. 9, p. 874). Par conséquent, tous
les actifs et passifs, droits et obligations ayant trait à D.________ ont été
transférés à la défenderesse sur la base d'une succession universelle, au
point que celle-ci s'est trouvée dans la même situation qu'un héritier à qui
est dévolu une succession (Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, op. cit., § 57 n.
10, p. 874).
Ainsi, la recourante est bien revêtue de la légitimation passive quant au
solde de loyers réclamé à D.________.

5.
5.1 D'après l'état de fait déterminant, il appert qu'à partir du 26 octobre
1995, D.________ s'est acquittée, sans restrictions ni réserves, des loyers
dus par C.________.

Cette manière de procéder n'a donné lieu à aucune contestation de la part de
Y.________. Le représentant du bailleur en charge de la gestion de l'immeuble
considérait du reste que C.________ et D.________ formaient une même entité.

A cela s'ajoute que, le 15 décembre 1997, c'est D.________ qui a manifesté
son intention de résilier les baux concernant C.________ pour le 31 mars
1998, ce qui a suscité une réaction des sociétés propriétaires, lesquelles
ont relevé que le locataire des locaux était toujours C.________.

Néanmoins, un rappel a été adressé le 6 mars 1998 à D.________ pour le
paiement des loyers de janvier et février 1998 et d'un supplément de frais de
chauffage relatif à l'année 1997. D.________ ne s'est aucunement élevée
contre cette interpellation.

Enfin, à la suite de la réclamation qui a été adressée le 2 avril 1998 par
Y.________ tant à D.________ qu'à C.________ en raison de la façon dont les
locaux avaient été restitués, D.________ a payé le 17 avril 1998, sans
formuler la moindre réserve quant au rôle qu'elle jouait, un acompte de 8'539
fr. 50.

5.2
5.2.1Il ressort de ce rappel des faits que D.________ s'est acquittée pendant
une longue période (i.e. plus de deux ans) des loyers dus par C.________.

Dans un tel contexte, qui n'est pas banal en droit du bail, il convient
manifestement de se demander s'il n'y a pas eu en l'occurrence, quant aux
loyers dus par C.________, reprise cumulative des dettes de celle-ci par
D.________, en lieu et place de la reprise privative de dette retenue par les
juges vaudois et critiquée par la recourante.
En effet, il apparaît que D.________ a fait bien plus que simplement
s'entremettre pour payer la dette de C.________. Son rôle a sans conteste
dépassé le cadre d'une intervention au sens de l'art. 68 CO, qui vise les cas
où une personne ne fait que payer, sans la reprendre, la dette d'un tiers sur
la base d'un contrat ou d'un quasi-contrat intervenant entre le tiers et le
débiteur, le plus souvent sous forme d'un mandat ou d'une gestion d'affaires,
voire d'une donation (Pierre Engel, Traité des obligations en droit suisse,
2e éd., p. 612 et 613).

De toute manière, l'art. 68 CO n'est pas applicable in casu, dans la mesure
où cette disposition concerne uniquement l'intérêt que peut avoir le
créancier à l'exécution personnelle de la dette par le débiteur, et non point
l'exécution de l'obligation par un tiers (Fabienne Hohl, Commentaire romand,
n. 3 ad art. 68 CO).

5.2.2 Non réglementée par la loi, la reprise cumulative de dette, acte non
formel, est fondée sur la liberté contractuelle; un tiers, que l'on appelle
également le reprenant, se constitue débiteur aux côtés de l'obligé, de sorte
que le créancier est désormais en présence de deux débiteurs solidaires (ATF
129 III 702 consid. 2.1 p. 704; Engel, op. cit., p. 902).

Une telle figure juridique peut découler d'une convention conclue par le
débiteur et le reprenant en faveur du créancier ou d'une convention entre ce
dernier et le reprenant.

Pour qu'une reprise cumulative de dette soit admise en vertu d'un accord
entre le débiteur et le reprenant, il n'est pas nécessaire que le créancier
donne son accord dans la mesure où il ne lui est imposé ni obligation ni
charge; il s'agit d'une stipulation pour autrui et le créancier demeure libre
de refuser l'attribution qui lui est faite.

De même, dans l'hypothèse d'une convention entre le créancier et le
reprenant, le consentement du débiteur n'est pas requis pour le motif que sa
situation n'est pas aggravée du fait de l'adhésion du reprenant, l'accord du
débiteur ne devenant nécessaire que si le reprenant entrait dans le contrat
principal conclu entre le créancier et le débiteur, de sorte que cet acte
devrait être modifié (Engel, op. cit., p. 902 et 903).
En revanche, dans le cas d'une reprise privative de dette, qui suppose un
accord entre les trois parties concernées, le débiteur est libéré de son
obligation par l'intervention du reprenant qui devient débiteur en son lieu
et place; elle suppose, outre un accord entre le débiteur et le reprenant
(reprise de dette interne), un contrat conclu par celui-ci et le créancier
(reprise de dette externe), dont le consentement est nécessaire par le fait
que le débiteur primitif sera libéré (Engel, op. cit., p. 896 et 897); ce
dernier contrat est en principe non formel (Thomas Probst, Commentaire
romand, n. 4 ad art. 176 CO).

En cas de doute entre ces deux figures de reprise de dette, il faut recourir
aux règles d'interprétation des contrats, aucune présomption n'existant en
faveur de l'une ou de l'autre (Engel, op. cit., p. 903). A cette fin, il y a
lieu de se référer au principe de la confiance (Peter Gauch/Walter R.
Schluep/Jörg Schmid/Heinz Rey,, Schweizerisches Obligationenrecht,
Allgemeiner Teil, 8e éd., n. 3845 p. 309), question de droit que le Tribunal
fédéral peut examiner librement (ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 425; 129 III
702 consid. 2.4 p. 707).

Pour résoudre cette question, il faut se fonder sur le contenu des
manifestations de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent des
faits (ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 425; 129 III 118 consid. 2.5 p. 123).
Le juge doit donc rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait
être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF
130 III 417 consid. 3.2; 129 III 702 consid. 2.4 p. 707).

5.3 D'après les éléments de fait rappelés ci-dessus, il faut admettre que, de
bonne foi, le comportement concluant de D.________ impliquait une reprise
cumulative de dette, en ce sens que celle-ci s'est portée débitrice, aux
côtés de C.________, des loyers dus à l'intimée.

En effet, D.________ a non seulement, durant une longue période, assuré le
paiement des loyers incombant à C.________, mais elle a encore manifesté son
intention d'être partie prenante au sort des baux intéressant cette autre
société en dénonçant ceux-ci le 15 décembre 1997.

Cette circonstance atteste l'intérêt propre et marqué que D.________ avait à
l'exécution de l'obligation de paiement incombant à C.________, société dont
elle avait pris le contrôle dès le 31 décembre 1995 et maintenait le cadre
d'actions, bien que l'activité propre de C.________ ait été réduite au strict
minimum. Or, l'intérêt économique du reprenant constitue bien l'élément
caractéristique de la reprise cumulative de dette (cf. arrêt 4C.191/1999 du
22 septembre 1999 consid. 1a, in SJ 2000 I p. 307; cf. Probst, op. cit., n.
11 ad Intro. art. 175-183 CO).

On ne voit pas comment l'intimée aurait pu objectivement attribuer une autre
signification à l'attitude de D.________, dès l'instant où celle-ci, jusqu'en
avril 1998, s'est pliée sans réserve aux requêtes de la bailleresse.

Il n'est pas inutile de rappeler à la recourante que le principe de la
confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de son comportement,
même s'il ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid.
3.2).

Autrement dit, D.________ doit se laisser opposer l'attitude concluante
qu'elle a adoptée, laquelle signifiait sans doute possible qu'elle était
également débitrice des loyers dus primitivement par C.________ seulement.

Va enfin à l'encontre de la thèse de la reprise privative de dette la
circonstance que la demanderesse s'est adressée le 2 avril 1998 tant à
C.________ qu'à D.________ pour obtenir le versement d'un solde de loyers de
16'009 fr.50.
Comme la théorie de la confiance permet de retenir que l'intimée a pu
considérer de bonne foi que D.________ s'était portée débitrice des loyers
litigieux en vertu d'une reprise cumulative de dette, peu importe que
C.________ ait donné ou non son accord à cette intercession (cf. consid.
5.2.2 ci-dessus).

Devenue coobligée de C.________ du point de vue des loyers dus à la
demanderesse, D.________ était également tenue de verser l'indemnité pour
résiliation anticipée des baux pouvant être réclamée à C.________. En effet,
la reprise cumulative de dette n'implique aucun changement de débiteur, mais
un renforcement de la situation du créancier qui a désormais en face de lui
deux débiteurs solidaires (Gauch/Schluep/Schmid/Rey, op. cit., n. 3846 p.
309). Et la prétention du bailleur en cas de résiliation anticipée du contrat
demeure une créance de loyer (Lachat, op. cit., n. 11 ss ad art. 264 CO).

6.
Le grief tiré de la violation de l'art. 8 CC est dénué de fondement. Sur la
base d'une appréciation des preuves, la cour cantonale a été convaincue que
D.________ avait repris la dette de C.________, certes sur la base d'une
reprise privative de dette, ce qui ne change rien quant au résultat consacré
par le présent arrêt. L'art. 8 CC ne dictant pas comment le juge peut forger
sa conviction (ATF 127 III 519 consid. 2a et les arrêts cités),
l'appréciation des faits à laquelle a procédé l'autorité cantonale ne peut
être considérée à la lumière de l'art. 8 CC qui ne trouve donc plus
application.

7.
En conclusion, le recours doit être rejeté, l'arrêt attaqué étant confirmé
par substitution de motifs. Compte tenu de l'issue de la cause, la recourante
supportera l'émolument de justice et versera à l'intimée une indemnité de
dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 16 septembre 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: