Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.15/2004
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4C.15/2004 /ech

Arrêt du 12 mai 2004
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Kiss.
Greffière : Mme Cornaz.

1. A.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Jacques Pagan,

2. B.________,
défendeur et recourant, représenté par Me Olivier Cramer,

contre

X.________,
demanderesse et intimée, représentée par Isabelle Poncet.

remboursement d'un prêt bancaire; subrogation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 14 novembre 2003.

Faits:

A.
X. ________, société anonyme constituée le 29 juin 1960, a fait l'acquisition
de la parcelle no ..., feuille ... de la commune de V.________, sise chemin
..., sur laquelle était construit un bâtiment d'habitation.
Le 19 juin 1971, la totalité du capital de X.________ a été vendue à
C.________, qui est devenu seul propriétaire des actions de cette société.
C.________ et son épouse, née D.________, se sont alors installés dans la
villa sise sur la parcelle.
En 1987, les époux C.________ et D.________ ont divorcé. Le 15 février 1987,
D.________ a déclaré par écrit renoncer à sa part sur la maison en faveur de
son fils, B.________. En décembre 1989, elle a confirmé avoir indiqué à
C.________ à la fin de leur divorce qu'elle renonçait à la part sur la maison
à condition que cette part revienne à leur fils.
Dès le début de l'année 1988, E.________, l'amie de C.________, est venue
vivre dans la villa du chemin .... Elle a financé en grande partie des
travaux d'importance effectués dans la maison.
Le 24 août 1988, C.________ a signé une convention aux termes de laquelle il
reconnaissait devoir à E.________ la somme de 150'000 fr. qu'elle avait mise
à sa disposition afin de lui permettre d'effectuer les travaux.
Cet acte a été complété par une convention du 23 mai 1990, dans laquelle
C.________ reconnaissait notamment devoir à E.________ la somme de 75'000 fr.
et s'engageait à lui payer 6'000 fr. par an en plus de ce montant.

B.
Le 4 mars 1989, B.________ et A.________ ont fait l'acquisition d'un bateau
de type "Cruiser Fairline 27 Targa" pour le prix de 150'050 fr.
A cette fin, les époux B.________ et A.________ ont demandé un prêt à la
banque Y.________ (devenue ultérieurement Z.________ SA, ci-après :
Z.________) pour financer leur acquisition. Celle-ci a exigé la garantie d'un
tiers pour le remboursement du prêt.

B. ________ et A.________ se sont tournés vers C.________, qui a accepté de
leur venir en aide. Une cédule hypothécaire au porteur no ... grevant la
propriété du chemin ... a été créée et remise en nantissement à Z.________ en
garantie du prêt consenti à B.________ et A.________.
Cet engagement figure au pied du bilan de X.________ sous la rubrique
"caution pour B.________".
Le 28 avril 1989, Z.________ a mis la somme de 150'000 fr. à la disposition
des époux B.________ et A.________ pour l'acquisition de leur bateau. La
lettre de confirmation que la banque leur a adressée précisait que le prêt
leur avait été octroyé en qualité de codébiteurs solidaires.
Le 3 janvier 1993, B.________ et A.________, qui envisageaient leur prochain
divorce, ont conclu une convention de liquidation du régime matrimonial. Ils
ont convenu notamment que B.________ conserverait le bateau et qu'à ce titre,
il déchargeait A.________ de tout règlement en qualité de codébitrice et
s'engageait à s'acquitter seul de la dette et des intérêts, selon le prêt
hypothécaire consenti par Z.________ en date du 28 avril 1989.
Cet accord a été transmis à Z.________ le 4 janvier 1993. A.________ a
demandé à la banque de bien vouloir confirmer son accord avec les
dispositions prévues par les époux. Suite à un échange de correspondance,
Z.________ a informé B.________ et A.________, le 12 novembre 1993, qu'elle
refusait d'accepter le changement de débiteur. La banque a maintenu cette
position ultérieurement, malgré les requêtes répétées de B.________ et
A.________.
Le 7 avril 1993, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé le
divorce de B.________ et A.________ et a notamment réservé la liquidation de
leur régime matrimonial.
En 1995, C.________ a cédé des actions de X.________ à E.________ et, le 29
août 1996, E.________ est devenue administratrice de X.________, en lieu et
place de C.________.
Le 2 septembre 1997, Z.________ a mis B.________ et A.________ en demeure de
payer la somme de 3'995 fr. et les a menacés de dénoncer le compte au
remboursement en vue d'entamer des poursuites contre eux-mêmes et X.________.
Le 29 octobre 1997, C.________ est intervenu auprès de B.________ et
A.________ pour les inviter à payer des acomptes substantiels à la banque,
afin que la totalité de la dette soit remboursée à la date fixée, et a
précisé que, le cas échéant, C.________ n'hésiterait pas à procéder par
toutes voies de droit.
Par lettre du 17 janvier 1999, dont une copie était adressée à X.________, en
sa qualité de tiers garant du prêt de la banque, Z.________ a dénoncé au
remboursement intégral la cédule hypothécaire no ... pour le 26 juillet 1999.

X. ________ s'est alors mise en charge de trouver un acheteur.
Le 9 juillet 1999, E.________ et C.________ ont conclu une convention aux
termes de laquelle C.________ cédait l'intégralité du capital-actions de
X.________ à E.________. Cette convention disposait que, pour s'acquitter du
montant du prix de vente, E.________ s'engageait à "libérer les actions
actuellement nanties à la W.________ pour environ 45'000 fr. et renoncer à
une partie de la créance personnelle qu'elle a à l'encontre de C.________,
soit contre X.________, à concurrence d'un montant équivalent".
L'acte de vente de l'immeuble du chemin ... a été signé le 7 septembre 1999
et, le lendemain, X.________ a été mise en liquidation.
Selon le procès-verbal de dissolution notarié, un liquidateur a été désigné
et les pouvoirs d'administratrice de E.________ ont été radiés.
Par lettre du 29 septembre 1999, Z.________ a indiqué que le montant dont
X.________ était tiers garante s'élevait à 139'958 fr. 85. Le notaire a alors
versé la somme requise à Z.________.
Par lettre du 5 octobre 1999, Z.________ a précisé à B.________ et A.________
qu'elle avait reçu l'intégralité de sa créance et confirmé qu'ils n'étaient
plus débiteurs dans les livres de la banque, laquelle les relevait de tout
engagement.
Le 10 décembre 1999, X.________ a mis B.________ et A.________ en demeure de
lui rembourser la somme versée à Z.________ en paiement de leur dette.

A. ________ a répondu que, depuis janvier 1993, elle n'assumait plus aucune
responsabilité dans l'opération, qui avait été reprise par B.________.
Les 24, respectivement 29 mars 2000, B.________ et A.________ se sont vus
notifier des commandements de payer portant sur la somme de 139'958 fr. 85
plus intérêt à 5 % l'an dès le 21 janvier (recte : septembre) 1999, auxquels
ils se sont opposés.
Par lettre du 3 avril 2000, le conseil de C.________ a précisé à X.________
que son mandant dénonçait formellement la convention conclue avec E.________
le 9 juillet 1999, au motif qu'il n'en avait compris ni le sens ni la portée.
La lecture des bilans de X.________ de 1993 à 1999 laisse apparaître une
dette de C.________ envers la société.
Au pied du bilan 1996 figure la mention du fait que X.________ se porte
garante de son actionnaire pour 150'000 fr.

C.
Le 13 décembre 2000, X.________ a ouvert une action en paiement contre
B.________ et A.________, pris solidairement, auprès du Tribunal de première
instance du canton de Genève. Elle concluait au paiement de la somme de
139'958 fr. 85 correspondant à celle payée à Z.________ pour dégrever la
propriété du chemin ..., avec intérêt à 5 % l'an dès le 21 décembre 1999,
sous imputation de la somme de 580 fr. pour chacun, valeur au 10 septembre
2000, et demandait également la mainlevée des oppositions faites aux
commandements de payer.

B. ________ a conclu reconventionnellement à ce que X.________ soit condamnée
à lui attribuer 50 % de tous les actifs de la liquidation de X.________.
Par jugement du 13 juin 2002, le Tribunal de première instance a condamné
B.________ et A.________, pris solidairement, à payer à SI Jura Midi en
liquidation la somme de 139'958 fr. 85 avec intérêt à 5 % l'an dès le 21
décembre 1999 et débouté B.________ des fins de sa demande reconventionnelle.

B. ________ et A.________ ont tous deux formé un appel.
Par arrêt du 14 novembre 2003, la Cour de justice du canton de Genève a
confirmé le jugement de première instance.

D.
Contre cet arrêt, B.________ (le défendeur) et A.________ (la défenderesse)
interjettent chacun un recours en réforme au Tribunal fédéral.

B. ________ conclut principalement à l'annulation de l'arrêt entrepris et au
déboutement de la SI Midi Jura, subsidiairement à l'annulation de l'arrêt
entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.

A. ________ conclut à l'annulation de la décision attaquée et au déboutement
de X.________, avec suite de frais et dépens. A titre préalable, elle demande
le renvoi de l'affaire à l'autorité cantonale pour complètement du dossier et
nouvelle décision sur l'identité de l'actionnariat de X.________.

X. ________ (la demanderesse) conclut au rejet des deux recours, avec suite
de dépens.
Parallèlement à son recours en réforme, A.________ a formé un recours de
droit public, qui a été rejeté par arrêt de ce jour.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les recours émanant des deux parties concernent la même décision et
comportent des liens étroits, de sorte qu'il se justifie de les joindre pour
des motifs d'économie de procédure et de les traiter dans un seul arrêt (cf.
124 III 382 consid. 1a et les arrêts cités).

2.
Interjetés par les défendeurs qui ont succombé dans leurs conclusions
libératoires et dirigés contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation
civile (cf. ATF 129 III 415 consid. 2.1 et les arrêts cités) dont la valeur
litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), les présents recours
en réforme sont en principe recevables, puisqu'ils ont été déposés en temps
utile (art. 34 al. 1 et 54 al. 1 OJ; art. 1 de la loi fédérale du 21 juin
1963 sur la supputation des délais expirant un samedi) et dans les formes
requises (art. 55 OJ).

3.
3.1 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit mener son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252 et l'arrêt cité). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaqué, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF
130 III 102 consid. 2.2 p. 106 ; 127 III 248 consid. 2c p. 252 et l'arrêt
cité). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait,
ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

3.2 Invoquant les art. 63 et 64 OJ, la défenderesse demande que les
constatations de fait de l'autorité cantonale soient complétées. Elle se
trompe toutefois sur le sens et la portée de ces dispositions.

3.2.1 Il y a inadvertance au sens de l'art. 63 al. 2 OJ lorsque l'autorité
cantonale a ignoré, mal lu, transcrit inexactement ou incomplètement une
pièce versée au dossier (cf. ATF 115 II 399 consid. 2a p. 399; 109 II 159
consid. 2b p. 162 et les arrêts cités). Le moyen tiré de l'inadvertance
manifeste n'est recevable que si l'acte de recours contient l'indication
exacte de la constatation attaquée et la pièce du dossier qui la contredit
(art. 55 al. 1 let. d OJ; ATF 110 II 494 consid. 4 p. 497 et les arrêts
cités).
Force est d'admettre qu'en dépit de l'intitulé de son moyen, la défenderesse
ne se prévaut pas de cet aspect en l'espèce et n'invoque aucune inadvertance
manifeste.

3.2.2 L'art. 64 OJ est conçu pour le cas où, généralement en raison d'une
analyse juridique erronée, la cour cantonale n'a pas tenu compte de certains
faits parce qu'elle n'en a pas saisi la pertinence; dans ce cas, plutôt que
de renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale (art. 64 al. 1 OJ), le Tribunal
fédéral peut lui-même compléter l'état de fait (art. 64 al. 2 OJ), pour
autant qu'il s'agisse d'ajouter des points accessoires, régulièrement
allégués et clairement établis (arrêt 4C.152/2002 du 22 juillet 2002 consid.
1.3.3 et les références citées).
Dans la présente cause, la défenderesse ne se plaint pas de ce que la cour
cantonale aurait omis certains faits pertinents, elle lui reproche en
définitive d'avoir mal apprécié les faits. Or, l'appréciation des preuves et
les constatations de fait qui en découlent ne peuvent donner lieu à un
recours en réforme (cf. ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III 543
consid. 2c p. 547 et l'arrêt cité).

4.
La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir admis que la
demanderesse était subrogée aux droits de la banque alors qu'elle ne pouvait
être considérée comme un tiers au sens de l'art. 110 ch. 1 CO, du moment
qu'elle se confondait avec C.________. A titre subsidiaire, la défenderesse
fait grief à la cour cantonale d'avoir commis un abus de droit au sens de
l'art. 2 al. 2 CC en la considérant comme débitrice solidaire sans tenir
compte de sa situation personnelle.
Pour sa part, le défendeur invoque une violation du principe de la
transparence découlant de l'art. 2 al. 2 CC, du fait que les juges cantonaux
ont considéré que la demanderesse était une personne indépendante de
C.________. Pour le surplus, le défendeur ne remet pas en cause le rejet de
sa demande reconventionnelle, de sorte que ce point ne sera pas revu (art. 55
al. 1 let. b OJ).

5.
Il convient en premier lieu d'examiner la question de savoir si la
demanderesse, qui a payé à la banque la somme due par les défendeurs sur la
base du prêt qui leur avait été accordé en 1989, est bien subrogée aux droits
de cette dernière, dès lors que cet aspect est soulevé par chacun des deux
recourants.

5.1 Aux termes de l'art. 110 ch. 1 CO, le tiers qui paie le créancier est
légalement subrogé, jusqu'à due concurrence, aux droits de ce dernier
lorsqu'il dégrève une chose mise en gage pour la dette d'autrui et qu'il
possède sur cette chose un droit de propriété ou un autre droit réel.
Selon l'art. 845 al. 1 CC, le propriétaire d'un immeuble sur lequel a été
constitué une cédule hypothécaire est soumis, lorsqu'il n'est pas
personnellement tenu, aux règles applicables en matière d'hypothèques. Cette
disposition renvoie, notamment, à l'art. 827 CC, qui n'est qu'une application
de l'art. 110 ch. 1 CO. D'où il suit que le tiers qui paie pour dégrever son
immeuble est légalement subrogé aux droits du créancier qu'il désintéresse
(arrêt 4C.472/1995 du 3 octobre 1996 consid. 1b et les arrêts cités).
Il faut considérer comme un tiers, au sens de l'art. 110 CO, uniquement une
personne qui n'est impliquée en aucune qualité dans l'obligation (ATF 60 II
178 consid. 3 p. 183; 53 II 25, consid. 1 p. 29 et les références citées;
plus récemment Tevini Du Pasquier, Commentaire romand, n. 2 ad art. 110 CO;
Weber, Commentaire bernois, n. 15 et 26 ad art. 110 CO; Gonzenbach,
Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 110 CO).

5.2 Il s'agit donc d'examiner si, comme le soutient le défendeur, il existe
un lien entre la demanderesse et C.________, en ce sens que la demanderesse
ne doit pas être considérée comme une personne distincte, mais assimilée à
C.________, en vertu du principe de la transparence.
On ne peut pas s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux
personnes juridiquement distinctes lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité
de l'actif d'une société anonyme appartient soit directement, soit par
personnes interposées, à une même personne, physique ou morale; malgré la
dualité de personnes à la forme, il n'existe pas des entités indépendantes,
la société étant un simple instrument dans la main de son auteur, qui,
économiquement, ne fait qu'un avec elle; on doit dès lors admettre, à
certains égards, que, conformément à la réalité économique, il y a identité
de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également
l'autre; ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des
sujets constitue un abus de droit ou a pour effet une atteinte manifeste à
des intérêts légitimes (ATF 121 III 319 consid. 5a/aa p. 321 et les arrêts
cités; cf. également ATF 122 III 195 consid. 8c non publié et les arrêts
cités).
La société anonyme à actionnaire unique ("Einmanngesellschaft") - notamment
lorsqu'elle a pour but l'exploitation d'un immeuble, ne correspond pas à la
société anonyme type, telle que la voulait le législateur, c'est-à-dire une
société de caractère capitaliste et collectiviste qui exerce une activité
commerciale ou industrielle. Ce genre de société anonyme, création de la
pratique, est néanmoins toléré en droit suisse et, malgré l'identité
économique entre la société et l'actionnaire, on les traite en principe comme
des sujets de droit distincts, avec des patrimoines séparés. Cependant, la
jurisprudence tient parfois compte de l'identité économique entre la société
et son actionnaire lorsque, dans les rapports de la société avec des tiers,
le principe de la bonne foi en affaires exige qu'il soit fait abstraction de
son indépendance formelle; on évite ainsi, le cas échéant, de consacrer un
abus de droit (principe de la transparence [Durchgriff], déduit de l'art. 2
CC - ATF 128 II 329 consid. 2.4 et les références citées; cf. également arrêt
5C.279/2002 du 14 mars 2003 consid. 2.1, reproduit in : Pra 2003 164 894;
arrêt 4C.335/1999 du 25 août 2000 consid. 5c, reproduit in : SJ 2001 I 186).

5.3 En l'espèce, il ressort des faits constatés par l'autorité cantonale que
les patrimoines de la demanderesse et de C.________ ont toujours été séparés,
ce qu'indiquent en particulier les faits que la comptabilité de la
demanderesse mentionne une dette de C.________ envers elle, que l'engagement
de la demanderesse figurait valablement à son bilan et que la demanderesse a
accepté de rembourser le prêt dès que la banque l'a exigé.
En outre et surtout, il appert qu'en 1995, E.________ s'est vu céder une
partie des actions de la demanderesse, dont elle est devenue
l'administratrice le 29 août 1996, avant d'en acquérir l'intégralité en 1999.
A cet égard, c'est en vain que les défendeurs reviennent sur l'invalidation
de la cession, par C.________, des actions de la demanderesse à E.________,
dès lors que l'autorité cantonale, d'une manière qui lie l'autorité fédérale
de réforme (art. 63 al. 2 OJ), a relevé que l'efficience de cette
invalidation restait à démontrer.
Dans ces circonstances, on ne peut reprocher aux juges cantonaux d'avoir
considéré que la demanderesse était un sujet de droit distinct de C.________
ni, partant, violé l'art. 110 CO.

5.4 Le défendeur soutient également que la cour cantonale ne pouvait pas
admettre la subrogation, dans la mesure où son père y avait renoncé.
Certes, l'art. 110 ch. 1 CO ne trouve pas application si le tiers garant a
clairement renoncé à rechercher le débiteur (cf. ATF 108 II 188 consid. 1c et
la référence citée; Tevini Du Pasquier, op. cit., n. 8 ad art. 110 CO; Weber,
op. cit., n. 24 ad art. 110 CO; Gonzenbach, op. cit., n. 19 ad art. 110 CO).
Toutefois, l'argument du défendeur se heurte aux constatations souveraines de
la cour cantonale (art. 63 al. 2 OJ), selon lesquelles C.________ a demandé
aux défendeurs de rembourser à la demanderesse la somme prêtée. De toute
façon, cet argument tombe à faux puisque, dès lors que la demanderesse doit
être considérée comme une personne juridique distincte de C.________, une
renonciation exprimée par ce dernier n'engagerait en rien la demanderesse.
Au vu de ce qui précède, le recours du défendeur doit donc être rejeté.

6.
Il reste à se demander si la demanderesse commet un abus de droit au sens de
l'art. 2 al. 2 CC en faisant valoir sa créance à l'égard de la défenderesse.
Celle-ci invoque le caractère familial de l'affaire et les changements
intervenus dans sa vie depuis 1993. Dans ce contexte, elle reproche à la cour
cantonale de ne pas avoir procédé à une pesée des intérêts en présence en ne
tenant pas compte d'un certain nombre d'éléments.

6.1 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé
par la loi. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les
circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises
en évidence par la jurisprudence et la doctrine (ATF 129 III 493 consid. 5.1
p. 497 et les références citées). L'adjectif "manifeste" indique qu'il
convient de se montrer restrictif dans l'admission de l'abus de droit (ATF
128 III 284 consid. 5b non publié et l'arrêt cité). Les cas typiques sont
l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution
juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en
présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire
(cf. ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497 et les références citées; ATF 128 III
284 consid. 5b non publié et les références citées).
La règle prohibant l'abus de droit autorise certes le juge à corriger les
effet de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait
une injustice manifeste. Toutefois, son application doit demeurer restrictive
et se concilier avec la finalité, telle que l'a voulue le législateur, de la
norme matérielle applicable au cas concret (ATF 107 Ia 206 consid. 3b p. 211
et les références citées).

6.2 En l'espèce, la solidarité entre les ex-époux est établie puisqu'en 1993,
la banque a clairement refusé de libérer A.________ de son engagement, en
dépit de la convention de liquidation du régime matrimonial, dont les effets
n'étaient que purement internes. Ainsi, de l'aveu même de la défenderesse,
les engagements qu'elle a pris sont incontestables. En désintéressant la
banque, la demanderesse a été subrogée dans ses droits, comprenant le
bénéfice de la garantie supplémentaire que constitue la solidarité. Dès lors,
l'on ne voit pas en quoi le fait, pour la demanderesse, de réclamer non
seulement au défendeur, mais encore à la défenderesse, le remboursement de la
somme qu'elle a versée à la banque constituerait une injustice manifeste.
Dans ces circonstances, le recours de la défenderesse doit également être
rejeté.

7.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
des défendeurs, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7, ainsi que 159
al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours du défendeur est rejeté.

2.
Le recours de la défenderesse est rejeté.

3.
Un émolument judiciaire de 5'500 fr. est mis à la charge des défen-deurs,
solidairement entre eux.

4.
Les défendeurs, débiteurs solidaires, verseront à la demanderesse une
indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 12 mai 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral

Le président :  La greffière :