Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.128/2004
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4C.128/2004 /ech

Arrêt du 10 juin 2004
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.
Greffière: Mme Krauskopf.

A. ________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Mercedes Novier,
contre

Association X.________
défenderesse et intimée, représentée par Me Olivier Subilia.

contrat de travail; salaire,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 23 février 2004.

Faits:

A.
A. ________ a été engagée le 19 novembre 1999 par l'Association
X.________(ci-après: X.________) en tant qu'"infirmière B en soins généraux".
Le salaire était fixé par renvoi aux classes de salaire 14-16 de l'échelle de
traitements de l'Etat de Vaud. Le contrat a été modifié avec effet au 1er
janvier 2001, le titre de A.________ devenant "infirmière A en soins
généraux" et son salaire passant aux classes 16-18. Cette modification était
due à la décision de l'employeur de revaloriser, de manière générale, les
conditions salariales du personnel soignant et d'anticiper ainsi une
directive attendue du Conseil d'Etat dans ce sens.

Début 2002, ce dernier a pris une décision de reclassification générale des
professions de la santé, qui prévoyait pour les infirmières B une hausse de
trois classes et le nouveau titre d'"infirmière". Suite à cette directive,
X.________ a proposé, le 22 mars 2002, à A.________ de l'augmenter encore
d'une classe de salaire et de modifier son titre, avec effet au 1er janvier
2002.

Contestant cette proposition, A.________ a saisi, le 21 septembre 2002, le
Tribunal de Prud'hommes de l'arrondissement de l'Est vaudois, concluant à ce
que son salaire passe, avec effet au 1er janvier 2002, des classes 16-18 aux
classes 19-21 et que son augmentation annuelle brute de salaire pour 2002
soit de 960 fr.

B.
Le 30 juin 2003, le Tribunal de Prud'hommes a débouté A.________ de ses
conclusions.

Par arrêt du 30 octobre 2003, notifié le 23 février 2004, la Chambre des
recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours interjeté par
A.________.

C.
Celle-ci a déposé un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle reprend ses
conclusions de première instance. X.________ conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Formé par la partie qui a succombé dans ses conclusions et dirigé contre
un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal
supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile (cf. ATF 129 III 301
consid. 1.2.2 et les références) dont la valeur litigieuse (calculée selon
l'art. 36 al. 4 OJ; soit 20 x 960 fr. = 19'200 fr.) atteint le seuil de 8'000
fr. (art. 46), le recours, déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les
formes requises (art. 55 OJ), est en principe recevable.

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter
les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte de faits pertinents, régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c p. 252 et les références citées). Dans la mesure où un
recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la
décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte. Il ne
peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou
de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas
ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations
de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140).

2.
L'autorité cantonale a estimé que le changement de dénomination du poste
(infirmière B - infirmière A) et de collocation en 2001 ne constituait pas
une promotion due aux mérites de la demanderesse, mais à une volonté de
revaloriser, de manière générale, les conditions salariales des infirmières
B. Cette revalorisation serait intervenue - ce qui aurait été reconnaissable
pour la demanderesse - par anticipation d'une prochaine directive de
revalorisation générale des professions de la santé que le Conseil d'Etat
allait adopter. Au regard de son statut antérieur au 1er janvier 2001, la
demanderesse aurait en définitive été augmentée de trois classes, ce qui
correspondrait à la directive du Conseil d'Etat, de sorte qu'il ne serait pas
nécessaire de trancher la question de l'application directe de la décision de
reclassification prise par celui-ci. Enfin, la demanderesse ne pouvait se
plaindre d'une inégalité de traitement par rapport à sa collègue C.________,
première infirmière: la liberté contractuelle s'opposerait au principe
d'égalité de traitement et l'augmentation de salaire de sa collègue aurait
été fondée sur les qualités propres à celle-ci.

3.
La demanderesse se plaint, notamment, d'une inadvertance manifeste dans la
constatation des faits et d'un état de fait lacunaire. Dès lors que
l'admission de ces griefs peut influer sur l'examen des autres griefs
soulevés par la demanderesse, ceux-là seront traités en premier lieu.

3.1
3.1.1Il y a inadvertance au sens de l'art. 63 al. 2 OJ lorsque l'autorité
cantonale a ignoré, mal lu, transcrit inexactement ou incomplètement une
pièce versée au dossier (ATF 130 III 45 consid. 1 et les arrêts cités). Il
n'y a toutefois pas inadvertance lorsque la constatation résulte d'une
appréciation des preuves. Celui qui invoque une inadvertance, au sens de
l'art. 63 al. 2 OJ, doit, dans son acte de recours, indiquer la constatation
incriminée et la pièce du dossier qui la contredit (art. 55 al. 1 let. d OJ;
ATF 130 III 45 consid. 1). L'inadvertance doit porter sur un fait pertinent
(arrêt 4C.42/2000 du 18 juillet 2000, consid. 1d).

3.1.2 L'art. 64 OJ est conçu pour l'hypothèse où, généralement en raison
d'une analyse juridique erronée, la cour cantonale n'a pas tenu compte de
certains faits parce qu'elle n'en a pas saisi la pertinence; dans ce cas,
plutôt que de renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale (art. 64 al. 1 OJ),
le Tribunal fédéral peut lui-même compléter l'état de fait (art. 64 al. 2
OJ), pour autant qu'il s'agisse d'ajouter des points accessoires,
régulièrement allégués et clairement établis (arrêt 4C.152/2002 du 22 juillet
2002, consid. 1.3.3; Poudret, COJ II, n. 3.2 ad art. 64 OJ; Corboz, Le
recours en réforme au Tribunal fédéral, in: SJ 2000 II p. 68).

3.2 La demanderesse fait valoir que l'autorité cantonale aurait omis de tenir
compte de la pièce 56, qui contiendrait son nouveau cahier des charges, signé
avant l'avenant à son contrat de travail de 2001. Cela démontrerait que sa
reclassification en 2001 correspondait à une promotion et non à une simple
anticipation de la décision du Conseil d'Etat. Cette omission devrait être
rectifiée en application des "art. 63 al. 2 et/ou 64 OJ".
La pièce 56 contient un descriptif des charges de la demanderesse. Elle a été
établie le 19 novembre 1999, soit en même temps que le contrat de travail.
Ainsi, même s'il fallait admettre que l'autorité cantonale a omis de tenir
compte de cette pièce, l'on voit mal comment celle-ci pourrait attester d'une
modification du cahier des charges initial. Comme le point ne pourrait
influer sur l'issue du litige, il n'y a, partant, de toute manière pas lieu à
rectification.

3.3 La demanderesse soutient par ailleurs que les témoignages de B.________
et C.________ attestant du fait qu'elle accomplit le même travail et assume
les mêmes responsabilités que cette dernière, auraient été retranscrits de
manière incomplète; il conviendrait de compléter l'état de fait en tenant
compte de ces dépositions. La demanderesse semble en tirer la conclusion que
l'avenant à son contrat de travail en 2001 devrait être considéré comme une
promotion et qu'elle remplirait de toute manière les conditions pour
bénéficier du salaire d'une première infirmière.

En réalité, la demanderesse cherche à ajouter les éléments de preuve, qui
militent en faveur de sa thèse, de manière à inviter le Tribunal fédéral à
revoir les conclusions de la cour cantonale sur les motifs ayant conduit la
défenderesse à modifier son contrat de travail en 2001 et en 2002 et sur ce
dont elle avait conscience lorsque ces modifications sont intervenues. Cette
démarche est étrangère au recours en réforme, qui - comme on l'a vu - n'est
pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des
constatations de fait qui en découlent.

Il n'y a donc lieu ni de rectifier ni de compléter l'état de fait.

4.
La demanderesse reproche à l'autorité cantonale de ne pas avoir recherché la
réelle et commune intention des parties au sujet des conditions salariales
convenues, violant ainsi les art. 18, 319, 320 et 322 CO et les principes de
la confiance, de l'interprétation contra stipulatorem et de la bonne foi. Il
ressortirait du contrat de travail et du Statut de X.________ que le
traitement salarial de la demanderesse doit suivre celui des employés de
l'Etat de Vaud. En cas de doute sur l'application directe de la décision du
Conseil d'Etat au personnel de la défenderesse, il conviendrait d'interpréter
la clause du contrat de travail, qui renvoie à l'échelle des traitements de
l'Etat de Vaud, en défaveur de la défenderesse, rédactrice du contrat.
L'avenant signé en 2001 comporterait une véritable promotion, puisque la
désignation de la fonction ainsi que le cahier des charges de la demanderesse
auraient été modifiés et qu'il n'avait pas été mentionné que ce changement
intervenait par anticipation de la décision du Conseil d'Etat. Partant, elle
aurait dû être reclassée par rapport à sa situation en 2001 et non à celle de
2000.

4.1 En tant que la demanderesse soutient que le changement de classe en 2001
constituerait une promotion à raison de ses mérites personnels, elle s'écarte
des constatations de fait de l'autorité cantonale. Cette dernière a en effet
retenu que la nouvelle collocation en 2001 ne correspondait pas à une
promotion due aux qualités spécifiques de la demanderesse, mais à une
revalorisation générale, notamment, de la fonction d'infirmière B. Dans la
mesure où il est fondé sur des faits qui ne ressortent pas de l'arrêt
cantonal, le grief est irrecevable (consid. 1.2).

Il en va de même lorsque la demanderesse, se référant aux témoignages de Mme
D.________, de MM. E.________ et F.________, affirme que la volonté de la
défenderesse de revaloriser globalement les professions de la santé en 2001
n'était pas reconnaissable pour elle; cette critique s'en prend également à
la constatation des faits. La question de savoir ce qu'une personne savait,
relève en effet de la constatation des faits, qui ne peut être revue dans la
procédure du recours en réforme (consid. 1.2; cf. ATF 130 IV 20 consid. 1.3
p. 23).

4.2 Contrairement à ce que soutient la demanderesse, il n'est pas nécessaire
de trancher la question de savoir si ses conditions salariales sont
strictement identiques à celles des employés du canton de Vaud et, partant,
si la décision du Conseil d'Etat est directement applicable à son contrat de
travail.

L'autorité cantonale a retenu de manière à lier la Cour de céans (art. 63 al.
2 OJ) que l'augmentation de deux classes de salaire et le nouveau titre
attribué à la demanderesse en 2001 concrétisaient l'intention de l'employeur
de revaloriser, notamment, la fonction d'infirmière B. La cour cantonale a en
outre constaté que cette intention était reconnaissable pour la demanderesse
et que la revalorisation est intervenue par anticipation de la directive
qu'allait adopter le Conseil d'Etat. Lorsque celui-ci a arrêté sa directive
en 2002, il est apparu qu'il prévoyait une augmentation, pour les infirmières
B, de trois classes. La défenderesse a alors proposé à la demanderesse de
l'augmenter encore d'une classe et de modifier la dénomination de son poste,
afin de se conformer à la directive de l'exécutif cantonal concernant les
infirmières B. Selon les constatations souveraines de l'autorité cantonale,
l'avenant proposé par la défenderesse place la demanderesse dans la position
qui serait la sienne, si les conditions salariales des employés publics de la
santé de l'Etat de Vaud lui avaient été directement applicables tout au long
de son contrat. Il ressort en effet de l'arrêt entrepris que, dans ce cas, la
demanderesse n'aurait pas été augmentée de classe de salaire en 2001 et
n'aurait profité des mesures de revalorisation générale des professions de la
santé qu'en 2002 où son salaire serait passé des classes 14-16 à 17-19. Les
questions soulevées par la demanderesse n'ayant ainsi qu'une portée
théorique, il est superflu de les examiner plus avant.

5.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Si, en raison de la valeur litigieuse, elle n'a pas à supporter de
frais de justice (art. 343 al. 2 et 3 CO), la demanderesse devra verser une
indemnité de dépens à la défenderesse (ATF 115 II 30 consid. 5c p. 42).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 10 juin 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: