Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.114/2004
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4C.114/2004 /fzc

Arrêt du 9 juillet 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Cornaz.

A. ________,
B.________,
C.________,
D.________,
défendeurs et recourants,
tous les quatre représentés par Me Jean-Jacques Schwaab, avocat,

contre

Communauté des copropriétaires de X.________,
demanderesse et intimée,
représentée par Me Robert Fox, avocat,

contrat de bail; hausses de loyer,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois du 10 février 2004.

Faits:

A.
Respectivement les 20 et 23 novembre 1998, la Communauté des copropriétaires
de X.________ (ci-après: la bailleresse), propriétaire d'un immeuble sis à
Nyon, a remis à bail à D.________ et C.________, d'une part, et à A.________
et B.________, d'autre part (ci-après: les locataires), deux appartements de
quatre pièces et demie pour un loyer mensuel net de 1'960 fr., ainsi que deux
places de parc au prix de 140 fr. par mois. Ces baux ont été signés à la
suite d'une transaction passée devant le Tribunal des baux du canton de Vaud,
qui prévoyait des indexations annuelles à concurrence de 80 % de l'indice des
prix à la consommation (IPC) de novembre 1998.

Le 12 octobre 2001, la bailleresse a notifié aux deux couples de locataires
des hausses de loyer à respectivement 2'012 fr. et 143 fr., d'une part, et
2'011 fr. et 143 fr., d'autre part, devant entrer en vigueur le 1er janvier
2002.

Ces notifications ont été effectuées sur des formules officielles agréées le
10 décembre 1998 par le Département de l'économie du canton de Vaud. Le 8 mai
2001, cette autorité a agréé une nouvelle formule de notification de hausse
de loyer de la Chambre vaudoise immobilière (ci-après: CVI), comportant des
modifications rédactionnelles de forme par rapport à la version précédente.
La liste des nouvelles formules agréées, dont celle susmentionnée, a été
publiée dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud (ci-après: FAO)
le 11 septembre 2001. Cette publication précisait qu'à partir de cette date,
seules les formules figurant dans cette liste seraient considérées comme des
formules officielles homologuées dans le canton de Vaud.

La CVI a estimé que les modifications apportées à la formule de hausse de
loyer du 10 décembre 1998 étaient "purement cosmétiques" et n'avaient qu'une
"portée marginale", de sorte qu'elle n'a pas jugé utile d'informer ses
membres, les anciennes formules demeurant à son avis valables au sens de la
jurisprudence.

B.
Les 6 et 7 novembre 2001, les locataires ont contesté ces hausses, en
invoquant leur nullité. Suite à l'échec de la conciliation, la bailleresse a
ouvert action, le 7 mars 2002 devant le Tribunal des baux, en concluant à la
validité des hausses litigieuses et à l'augmentation des loyers des
locataires à 2'171 fr. par mois pour chaque appartement et à 143 fr. par mois
pour chaque place de parc, dès le 1er janvier 2002. Les locataires n'ont pas
contesté les motifs des hausses, ni leur montant. Ils ont persisté dans leur
grief de nullité, les formules utilisées n'étant selon eux plus valables du
fait du nouvel agrément.

Par jugement du 17 décembre 2002, dont la motivation a été envoyée pour
notification le 29 avril 2003, le Tribunal des baux a augmenté à 2'011 fr. le
loyer des locataires A.________ et B.________ et à 2'012 fr. celui des
locataires C.________ et D.________, le loyer mensuel des places de parc
étant porté à 143 fr., dès le 1er janvier 2002. En substance, les premiers
juges ont considéré que, comme les anciennes formules de majoration utilisées
avaient la même teneur matérielle que les nouvelles formules agréées le 8 mai
2001, les hausses notifiées le 12 octobre 2001 devaient être considérées
comme valables.

Le 12 mai 2003, les locataires ont saisi la Chambre des recours du Tribunal
cantonal d'un recours en réforme. Cette juridiction l'a rejeté par arrêt du
12 septembre 2003, dont la motivation a été envoyée pour notification le 10
février 2004, aux motifs que les anciennes formules comprenaient les mentions
exigées par l'art. 19 de l'ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le
bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (ci-après: OBLF), que les
nouvelles modifications agréées le 8 mai 2001 étaient sans portée matérielle
et que le but de protection visé était atteint.

C.
Contre cet arrêt, les locataires (les défendeurs) déposent un recours en
réforme. Reprenant leurs précédents moyens, ils demandent au Tribunal fédéral
de déclarer nulles, subsidiairement annuler les hausses de loyer litigieuses
et de prononcer que les loyers ne sont pas augmentés à partir du 1er janvier
2002, avec suite de dépens.

La bailleresse (la demanderesse) conclut au rejet du recours, avec suite de
frais et dépens.

La Chambre des recours se réfère aux considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1  Interjeté par les défendeurs qui ont succombé dans leurs conclusions
libératoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 OJ), sur une contestation civile
dont la valeur litigieuse, calculée en application de l'art. 36 al. 5 OJ,
dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en
principe recevable puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ)
et dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.2  Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ).

Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible
d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4; 127
III 248 consid. 2c p. 252). Il ne peut être présenté de moyens de preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas
ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations
de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3;
128 III 271 consid. 2b/aa p. 277).

2.
En substance, les défendeurs soutiennent que les hausses de loyer les
concernant sont nulles, parce qu'elles ont été notifiées en violation de
l'art. 269d CO. Selon eux, la décision du Service du logement, chargé, au
sein du Département de l'économie du canton de Vaud, de l'homologation de la
formule officielle de notifications de hausses de loyer et/ou de nouvelles
prétentions en vertu de l'art. 269d al. 1 CO, publiée dans la FAO du 11
septembre 2001, constituerait une révocation des agréments antérieurs devant
être assimilée à une absence d'agrément, en ce qui concerne la formule
utilisée par la demanderesse. Dès lors, le juge ne pourrait que constater la
nullité de la hausse, indépendamment de sa conformité aux mentions prescrites
à l'art. 19 OBLF. En ne se limitant pas à examiner la validité formelle de la
hausse, le juge se serait ainsi substitué à l'autorité d'agrément et aurait
outrepassé ses compétences.

2.1  Selon la jurisprudence citée par la cour cantonale et les parties, des
motifs de clarté, d'application uniforme et de sécurité du droit rendent
nécessaire l'usage d'une formule agréée par le canton, qui seule garantit une
information complète aux locataires sur les voies de droit et leur permet
d'apprécier le plus simplement possible leurs chances de contester avec
succès la hausse de loyer (cf. ATF 121 III 214 consid. 3b p. 217 s. et les
arrêts cités). Une réserve est éventuellement faite en faveur d'une formule
agréée par un canton incompétent, mais qui remplit l'ensemble des conditions
posées par le canton compétent pour qu'elle obtienne son agrément. Dans ce
cas, la formule non agréée devrait être tenue pour valable (cf. ATF 121 III
214 consid. 3b in fine et les références citées). Ultérieurement, le Tribunal
fédéral a considéré comme un cas de formalisme excessif le fait de frapper de
nullité une formule qui se référait à un arrêté périmé, pour autant que la
formule officielle agréée sous l'empire de l'ancien droit contienne les mêmes
informations aux locataires que celles reconnues sur la base du droit en
vigueur (cf. arrêt 4C.457/1996 du 24 mars 1997, publié in: Cahiers du bail
[CdB] 1997 p. 97 consid. 2b).

Il découle de cette jurisprudence que l'élément essentiel, impliqué par la
protection des locataires, réside dans le contrôle étatique des
renseignements donnés à ceux-ci, qui doivent être conformes aux prescriptions
de l'art. 19 al. 1a et c OBLF. Les arrêts précités mettent l'accent sur la
validité matérielle de la formule, qui doit être officielle, alors qu'un
document privé ne répond pas aux exigences légales de l'art. 269d al. 1 et 2
let. a CO, même s'il comporte toutes les mentions requises par l'art. 19 al.
1 de l'ordonnance (cf. Lachat, Commentaire romand, art. 269d CO n. 8).
Lorsque les conditions matérielles sont réalisées, au sens de l'art. 19 al. 1
OBLF, et qu'un contrôle par une autorité cantonale publique a été opéré, la
nullité de la hausse ne doit en principe pas être prononcée.

2.2  Dans la présente espèce, les défendeurs voient une différence entre leur
cas et la jurisprudence susmentionnée dans le fait que la publication, le 11
septembre 2001, de la décision du Service du logement agréant de nouvelles
formules aurait selon eux révoqué la décision d'agrément du 19 décembre 1998,
servant de fondement à la formule utilisée par la demanderesse le 12 octobre
2001.

La révocation d'un acte administratif se rapporte principalement aux actes
viciés, qui doivent être réparés au terme d'une pesée des intérêts
contradictoires en présence, entre le principe du respect du droit objectif
et celui de la sécurité juridique, en fonction de la gravité de la violation
de la loi (cf. Häfelin/Müller, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4ème édition,
Zurich 2002, p. 203 s. n. 994 et 997; Knapp, Précis de droit administratif,
4ème édition, Bâle 1991, p. 270 s. n. 1268 ss).

Dans le cas particulier, à supposer que la publication du 11 septembre 2001
constitue la "révocation des agréments antérieurs", ce que les défendeurs
soutiennent dans leur recours mais qui est douteux au regard des exigences de
la procédure administrative (cf. Knapp, op. cit., p. 271 n. 1275), on ne voit
pas quelle violation des art. 269d al. 1 et 2 let. a CO et 19 al. 1 OBLF le
Service du logement aurait voulu éliminer, dès lors que les formules
antérieures et postérieures au 11 septembre 2001 ont la même teneur et
respectent les dispositions légales et réglementaires qu'elles mettent en
oeuvre, dans l'intérêt de l'information des locataires. La publication du 11
septembre 2001 apparaît comme une règle d'ordre destinée à faciliter la
sécurité juridique et à rappeler aux intéressés, notamment aux bailleurs, que
seules répondent aux exigences légales les formules approuvées par l'autorité
cantonale, à l'exclusion de tout document privé, qui en remplirait par
ailleurs scrupuleusement tous les réquisits.

Dans ces conditions, le grief de violation de l'art. 269d CO doit être écarté
et la formule de hausse de loyer, qui avait reçu l'agrément de l'autorité
cantonale en 1998, considérée comme valable. En retenant que le but de
protection visé par l'exigence de la formule agréée était respecté et que
cette dernière était valable et efficace pour notifier la hausse contestée,
la Chambre des recours du Tribunal cantonal a rendu une décision conforme au
droit fédéral. Son arrêt sera en conséquence confirmé, le recours des
défendeurs étant rejeté.

3.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
des défendeurs, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7, ainsi que 159
al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des défendeurs,
solidairement entre eux.

3.
Les défendeurs, débiteurs solidaires, verseront à la demanderesse une
indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 9 juillet 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière :