Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.10/2004
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4C.10/2004 /ech

Arrêt du 29 avril 2004
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Krauskopf.

X. ________,
Y.________,
demandeurs et recourants,
tous deux représentés par Me Robert Lei Ravello,

contre

A.________ SA,défenderesse et intimée, représentée par Me Baptiste Rusconi,
Caisse publique cantonale vaudoise de chômage,
intervenante et intimée.

contrat de travail; résiliation immédiate,
recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud du 14 mai 2003

Faits:

A.
A.a A.________ SA est active dans le domaine du développement et de la
maintenance de logiciels informatiques, notamment pour des établissements
bancaires et financiers. Le 5 juin 1984, elle a engagé X.________ en qualité
de directeur responsable du département support, recherches et développement
de logiciels, puis comme directeur du département recherches et
développements. Y.________ a été engagé le 13 juin 1988 en tant que directeur
du département support et développement. X.________  est devenu actionnaire
minoritaire de A.________ SA le 17 février 1988. Les deux contrats de travail
prévoyaient une clause détaillée de confidentialité et de fidélité.

A.b Les deux employés ont signé le 5 avril 1993 une convention d'association
et de collaboration avec Z.________, qui est devenu l'employé de la société
B.________ formée par la suite par ces trois personnes. X.________ et
Y.________ étaient responsables au sein de cette société du développement et
de la mise au point de logiciels destinés au "grand public pour ordinateur
personnel (PC)". Ils n'ont jamais informé leur employeur de cette
association. B.________ a réalisé le produit "N.________", premier logiciel
d'analyse et de fabrication des grilles de la loterie à numéro.

Le 20 octobre 1994, C.________ et D.________ ont lancé un appel d'offres pour
la mise sur pied de l'informatisation d'une méthode d'évaluation des
ressources en soins infirmiers. Le projet était intitulé "M.________". La
société E.________ a déposé une offre. X.________ et Y.________ ont signé le
25 novembre 1994 une convention avec cette société par laquelle ils
s'engageaient à réaliser entièrement le projet M.________. Derechef, ils
n'ont pas informé leur employeur de cette convention.

A.c Lors d'une discussion, le 1er décembre 1994, entre X.________ et
MW.________, l'un des trois frères administrateurs de A.________ SA, ce
dernier a indiqué qu'il était particulièrement attentif à la réorganisation
probable de l'informatique de l'Etat où de nouveaux débouchés étaient
envisageables. Il a été surpris de constater une certaine gêne de la part de
X.________ à la mention d'un nouveau marché à trouver avec l'Etat. Cela l'a
perturbé au point de mandater un détective privé, qui a effectué le 4
décembre 1994 un contrôle sur l'ordinateur de X.________. Le détective y a
découvert des documents intitulés "M.________", destinés à C.________. Il a
constaté le 21 décembre 1994 que X.________ avait quitté ce jour-là son lieu
de travail à 16h48 pour se rendre aux locaux de E.________ jusqu'à 19h.
MW.________ a consigné ces constatations dans un rapport qu'il a présenté le
5 janvier 1995 au Conseil d'administration. Il y relevait également que selon
le secrétariat de A.________ SA, X.________ et Y.________ avaient eu de
nombreux entretiens téléphoniques avec Z.________, le directeur informatique
de C.________ et l'administrateur de E.________, qu'un contrôle effectué le
10 décembre 1994 sur les ordinateurs des deux employés avait révélé que le
projet "M.________" avait bien évolué et qu'il restait des traces de
documents effacés concernant ce projet et, enfin, qu'un rendez-vous entre
ceux-ci et un représentant de D.________ avait eu lieu le 4 janvier 1995.

A.d Par courrier recommandé du 9 janvier 1995, A.________ SA a licencié les
deux employés avec effet immédiat.

Le même jour, elle a déposé plainte pénale à leur encontre pour concurrence
déloyale, délits informatiques et violation du droit d'auteur. Le 22 avril
1998, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, confirmée le
25 juin 1998 par le Tribunal d'accusation.

B.
Le 21 février 1995, X.________ et Y.________ ont saisi le Tribunal cantonal
du canton de Vaud d'une demande en paiement contre A.________ SA. X.________
a réclamé, après deux amplifications, les sommes de 203'311 fr. 05 avec
intérêt à 5% dès le 11 janvier 1995, de 192'500 fr. avec intérêt à 5% dès le
22 avril 1998 et un montant "qui n'est pas inférieur à 150'000 fr." avec
intérêt à 5% dès le 31 décembre 1994. Y.________, qui a également amplifié
deux fois ses conclusions, a demandé le paiement du montant de 192'705 fr. 55
avec intérêt à 5% depuis le 11 janvier 1995, de 192'500 fr. avec intérêt à 5%
dès le 22 avril 1998 ainsi que d'une somme "qui n'est pas inférieure" à
60'000 fr. avec intérêt à 5% dès le 31 décembre 1994. A.________ SA a formé
une demande reconventionnelle tendant à la constatation que les demandeurs
sont ses débiteurs "dans la mesure que justice dira" et lui doivent la somme
de 40'000 fr. avec intérêt à 5% dès le 15 avril 1999. Agissant en tant
qu'intervenante, la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage a fait
valoir contre A.________ SA le remboursement des montants qu'elle avait
versés à X.________ et Y.________.

Par jugement expédié le 12 novembre 2003, le Tribunal cantonal a condamné
A.________ SA à verser à X.________ la somme de 11'767 fr. 05 avec intérêt à
5% dès le 11 janvier 1995 et à Y.________ celle de 5'354 fr. 15 avec intérêt
à 5% dès le 11 janvier 1995. Il a débouté pour le surplus les parties et
l'intervenante de leurs conclusions.

C.
X.________ et Y.________ ont déposé un recours en réforme contre cette
décision. Ils concluent à ce que celle-ci soit réformée en ce sens que
A.________ SA soit condamnée à verser au premier la somme de 194'988 fr. 20
et au second le somme de 178'610 fr. 60, ces montants portant intérêt à 5%
dès le 11 janvier 1995. A.________ SA propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227; 128 II 56 consid. 1 p.
58).

1.1 Le jugement rendu par la Cour civile cantonale, qui est un tribunal
supérieur, revêt le caractère d'une décision finale qui ne peut faire l'objet
d'un recours ordinaire de droit cantonal (cf. art. 451a CPC/VD; JT 2004 III
99/100), soit d'un recours ayant effet dévolutif et suspensif (cf. ATF 120 II
93 consid. 1b p. 95), de sorte que la voie du recours en réforme au Tribunal
fédéral est ouverte (art. 48 al. 1 OJ).

1.2 Interjeté par le travailleur qui a été débouté de la plupart de ses
conclusions en paiement, le présent recours porte sur une contestation civile
dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Il a
été déposé en temps utile (art. 54 OJ) et dans les formes requises (art. 55
OJ), de sorte qu'il est en principe recevable. Les observations de la
défenderesse ont également été formées dans le délai imparti (art. 59 OJ).

1.3 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter
les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte de faits pertinents, régulièrement allégués (art. 64 OJ). Dans la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu
dans la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait,
ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 130
III 140 consid. 1.4 et les références citées).

2.
Les premiers juges ont estimé que les demandeurs ont violé, bien que très
accessoirement, leur obligation de travail en consacrant des heures de
travail au logiciel "N.________" et au projet "M.________", même si leur
travail auprès de la défenderesse n'en avait pas souffert. Ils auraient en
revanche violé de manière crasse leur devoir de fidélité, strictement réglé
dans leur contrat, en omettant d'annoncer la création de la société
B.________ et leur participation au développement du logiciel "N.________".
En s'engageant dans le projet "M.________", qui entrait directement en
concurrence avec l'activité de la défenderesse et dont le développement
devait commencer en février 1995, les demandeurs auraient également violé
leur devoir de fidélité. Il ne s'agissait plus de la simple préparation d'une
activité future, puisque les demandeurs n'auraient pu donner leur congé que
pour fin juillet 1995. La seule perspective de la réalisation de ce projet
justifiait leur licenciement immédiat. Ces violations du devoir de fidélité
devaient être appréciées avec d'autant plus de rigueur que les demandeurs
assumaient une fonction de cadre, que le délai de congé ordinaire était d'une
durée supérieure à la moyenne et que les rapports de confiance étaient
particulièrement importants au vu de l'activité de la défenderesse, qui
bénéficie d'accès privilégiés aux réseaux informatiques de ses clients. Le
cumul de violations du devoir de fidélité et accessoirement du devoir de
travail justifiait le licenciement avec effet immédiat.

3.
Les demandeurs reprochent principalement à la cour cantonale d'avoir admis
que leur renvoi immédiat était fondé. Ils se plaignent parallèlement de la
violation de l'art. 8 CC et d'une inadvertance manifeste dans la constatation
des faits. Dès lors que l'admission de ces deux derniers griefs peut influer
sur l'examen de la résiliation avec effet immédiat, ils seront traités en
premier lieu.

4.
L'art. 8 CC désigne celui qui, du titulaire du droit ou de sa partie adverse,
doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve d'un fait. L'art. 8
CC confère également, lorsque certaines conditions sont remplies, à la partie
chargée du fardeau de la preuve la faculté de prouver ses allégations (ATF
128 III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3a p. 253 et les arrêts
cités).

En l'espèce, les demandeurs, qui invoquent la violation de l'art. 8 CC, s'en
prennent en réalité à l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la
cour cantonale, ce qui n'est pas admissible dans la procédure du recours en
réforme (consid. 1.3). Tel est en particulier le cas, lorsqu'ils reprochent
aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte de l'allégué 286 de la
réplique et de la pièce s'y rapportant ou du témoignage de Z.________,
exposant qu'ils n'avaient pas collaboré au projet "N.________". C'est par la
voie du recours de droit public pour arbitraire que les demandeurs auraient
dû se plaindre de ces omissions. Il n'apparaît au demeurant pas, et les
demandeurs n'allèguent pas, que les juges cantonaux auraient refusé
d'administrer une preuve ou tiré des conséquences erronées de l'échec d'une
preuve.

5.
Les demandeurs soutiennent par ailleurs qu'en ne retenant pas l'allégué 286
de la réplique et la pièce à laquelle il renvoie - la déclaration des frères
W.________ dans la procédure en institution d'un contrôle spécial, selon
laquelle X.________ était frustré par l'absence de pouvoir décisionnel -, les
juges cantonaux auraient commis une inadvertance manifeste au sens des art.
55 let. d et 63 al. 2 OJ.

5.1 Il y a inadvertance au sens de l'art. 63 al. 2 OJ lorsque l'autorité
cantonale a ignoré, mal lu, transcrit inexactement ou incomplètement une
pièce versée au dossier (ATF 130 III 45 consid. 1 et les arrêts cités). Il
n'y a toutefois pas inadvertance lorsque la constatation résulte d'une
appréciation des preuves. Dès l'instant où une constatation de fait repose
sur l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensemble de preuves
ou d'indices, une inadvertance est exclue. Il ne peut en effet être remédié à
une mauvaise appréciation des preuves par la voie prévue à l'art. 55 al. 1
let. d OJ (ATF 118 III 1 consid. 1 p. 2 et les références).

5.2 Sous le couvert de l'inadvertance manifeste, les demandeurs cherchent à
nouveau à remettre en cause l'appréciation des preuves effectuée par
l'autorité cantonale. Celle-ci a pris en considération les déclarations des
demandeurs, la déposition de JW.________, de V.________ et de U.________ pour
aboutir à la conclusion que les demandeurs, quand bien même ils ne
participaient pas aux grandes options stratégiques, n'avaient pas une
position de simples exécutants. La cour cantonale n'a pas mentionné l'allégué
286 de la réplique contenant la déclaration des frères W.________ faite dans
le cadre de la requête en institution d'un contrôle spécial. Cela ne signifie
toutefois pas encore qu'elle en ait ignoré l'existence. Comme elle estimait
que les autres éléments de preuve figurant au dossier lui permettait de
conclure que les demandeurs n'occupaient pas qu'une simple position
d'exécutants, l'autorité cantonale a implicitement considéré que l'allégué et
la pièce en question n'étaient pas de nature à modifier sa conviction. Le
grief d'inadvertance manifeste dans la constatation de faits n'est donc pas
fondé. Il s'agissait en fait d'une appréciation anticipée des preuves, qui ne
peut donner matière à un recours en réforme.

6.
Les demandeurs soutiennent qu'en écartant certaines déclarations de
Z.________ au motif qu'il est leur ami de longue date, l'autorité cantonale
aurait procédé à une appréciation juridique erronée des faits au sens de
l'art 43 al. 4 OJ.

L'appréciation juridique dont parle cette disposition vise la qualification
juridique du fait (cf. Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire II, Berne 1990, art. 43 OJ no 5); elle ne doit pas être confondue
avec l'appréciation des preuves et la constatation des faits en découlant,
qui ne peuvent, sous réserve d'exceptions non invoquées en l'espèce (cf. art.
63 al. 2 et 64 OJ), être revues dans un recours en réforme (ATF 129 III 618 consid. 3 p. 620 et les références citées). Or, savoir quelle crédibilité
doit être accordée à la déclaration d'un témoin, ami de longue date d'une
partie, est une question d'appréciation des preuves. Le grief tiré de l'art.
43 al. 4 OJ est donc irrecevable.

7.
Selon les demandeurs, c'est en violation de l'art. 7 OLTr que l'autorité
cantonale a retenu qu'ils occupaient au sein de A.________ SA une fonction
dirigeante élevée; ils ont été privés de tout pouvoir décisionnel, les trois
frères W.________, membres du Conseil d'administration de la défenderesse,
déléguant très peu.

7.1 Comme le soutient cette dernière à juste titre, la question de savoir si
les demandeurs occupaient une fonction dirigeante élevée au sens de l'art. 7
OLT 1 du 14 janvier 1966 n'a pas à être tranchée en l'espèce. Il n'est, d'une
part, pas besoin de déterminer si la loi sur le travail, qui ne règle pas le
devoir de fidélité du travailleur, mais sa protection (art. 110 al. 1er let.
a Cst.), est applicable en l'occurrence. D'autre part, ni la loi, ni la
doctrine ni la jurisprudence ne font dépendre le bien-fondé d'un licenciement
avec effet immédiat pour violation du devoir de fidélité de la question de
savoir si l'employé occupait une fonction dirigeante élevée au sens de la LTr
et de ses ordonnances. La position de l'employé n'est qu'un élément pour
apprécier l'importance de la violation du devoir de fidélité commise; les
exigences posées audit devoir seront d'autant plus élevées que les
responsabilités concrètes exercées par l'employé seront grandes et sa
position de confiance au sein de l'entreprise importante (cf. ATF 127 III 86
consid. 2c p. 89).

Il ressort au demeurant des constatations de fait, qui lient la Cour de céans
(art. 63 al. 2 OJ), que les demandeurs occupaient les fonctions de directeur
du département "recherches et développement", respectivement du département
"support et développement", que l'un d'eux était membre du Conseil
d'administration et disposait de la signature collective à deux, que les
clauses concrétisant leur devoir de fidélité, de secret professionnel et de
confidentialité étaient plus développées que celles des autres employés de la
défenderesse, qu'ils avaient accès direct aux systèmes hôtes des
"applicatifs" bancaires fournis par la défenderesse à ses clients et que leur
salaire mensuel respectif s'élevait à 12'550 fr. et 11'800 fr. auquel
s'ajoutait une indemnité forfaitaire mensuelle de 1'250 fr. Au vu de ces
éléments, l'on ne discerne pas en quoi l'autorité cantonale aurait violé le
droit fédéral en retenant que les demandeurs devaient être considérés comme
cadres de l'entreprise, quand bien même la majorité du Conseil
d'administration prenait les décisions relatives aux options stratégiques.

8.
Les demandeurs considèrent qu'en admettant l'existence de justes motifs au
sens de l'art. 337 al. 3 CO, les juges cantonaux auraient violé cette
disposition ainsi que l'art. 4 CC. Ils soutiennent que leur implication dans
le développement des logiciels "N.________" et "M.________" n'entrait pas
dans un conflit d'intérêts potentiel et qu'ils n'avaient, partant, pas à en
informer leur employeur. Ils n'auraient ni consacré une partie de leurs
heures de travail à ces projets ni participé au bénéfice de la société
B.________ et n'auraient ainsi ni accompli de travail au noir prohibé par
l'art. 321 al. 3 CO ni exercé une quelconque activité concurrentielle. Leur
participation au projet "M.________" se serait limitée à préparer leur
activité future. A supposer enfin qu'un manquement puisse leur être reproché,
celui-ci n'aurait pas atteint le degré nécessaire pour justifier leur renvoi
immédiat.

8.1 Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'employeur et le travailleur
peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes
motifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes les
circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas
d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de
travail (art. 337 al. 2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être
admise de manière restrictive. Les faits invoqués à l'appui d'un renvoi
immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance, qui
constitue le fondement du contrat de travail (ATF 124 III 25 consid. 3c p.
29). Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son
licenciement immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner
une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF
127 III 153 consid. 1a p. 155). Par manquement du travailleur, on entend la
violation d'une obligation découlant du contrat de travail, comme par exemple
le devoir de fidélité (cf. art. 321a al. 1 CO).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO).
Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Il prendra en
considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et
la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports
contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements. Le
Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en
dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans
raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de
libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas
particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou à l'inverse, lorsqu'elle n'a
pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en
considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un
pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement
injuste ou à une iniquité choquante (ATF 127 III 153 consid. 1a p. 155 et les
arrêts cités).

A raison de son obligation de fidélité, le travailleur est tenu de
sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur (art. 321a al. 1 CO) et,
par conséquent, de s'abstenir de tout ce qui peut lui nuire. L'étendue du
devoir de fidélité peut être élargie ou restreinte par les parties (ATF 117
II 72 consid. 4a p. 74). Le comportement des cadres doit être apprécié avec
une rigueur accrue en raison du crédit particulier et de la responsabilité
que leur confère leur fonction dans l'entreprise (ATF 127 III 86 consid. 2c
p.89 et les références).

8.2 En tant que les demandeurs affirment qu'ils n'auraient pas déployé
d'activité pour le logiciel "N.________" pendant leurs heures de travail, ils
s'écartent, sans se prévaloir d'une des exceptions les y autorisant, de
l'état de fait établi par l'autorité cantonale. Celle-ci a en effet retenu
que Z.________ se rendait souvent sur leur lieu de travail, où il les
appelait fréquemment. L'activité déployée pour l'élaboration de ce logiciel
pendant les heures de travail serait cependant restée très accessoire. Dans
la mesure où les demandeurs fondent leur grief sur un état de fait différent,
il est irrecevable (consid. 1.3).

Il en va de même lorsqu'ils reprochent à l'autorité cantonale d'avoir retenu
qu'ils allaient commencer à développer le logiciel "M.________" dès février
1995: le moment à partir duquel les demandeurs allaient développer le
logiciel relève de la constatation des faits, qui ne peut être revue dans la
procédure du recours en réforme (cf. consid. 1.3).
8.3 L'autorité cantonale a fondé la violation du devoir de fidélité non pas
sur l'art. 321a al. 3 CO, mais sur les clauses contractuelles liant les
parties, dont les demandeurs ne contestent pas la validité. Elle a considéré
qu'en omettant d'annoncer pendant plus d'une année et demie la création de la
société B.________ et leur participation au développement des logiciels
"N.________" et "M.________", les demandeurs les avaient violées. Celles-ci
prévoyaient qu'ils avertissent la défenderesse de "toute activité extérieure
ou intérêt qui peut potentiellement entrer en conflit ou même sembler être en
conflit avec les meilleurs intérêts de la société" et qu'ils devaient obtenir
l'autorisation écrite préalable de la défenderesse pour participer ou
investir dans des entreprises commerciales concurrentes.

8.4
8.4.1Il ressort des constatations de fait, qui lient la Cour de céans (art.
63 al. 2 OJ), que la défenderesse est notamment active dans le développement
de logiciels informatiques. Selon la convention d'association signée entre
les demandeurs et Z.________, les associés s'engageaient à mettre en commun
leurs efforts pour "développer, promouvoir et commercialiser des logiciels
grand public pour ordinateur personnel (PC) sans limite de genre, de volume
et de considérations géographiques". L'objet de la collaboration entre les
demandeurs et E.________ était la préparation de l'offre, la réalisation du
logiciel "M.________" et la gestion de ce projet. La cour cantonale a retenu
que les demandeurs ont préparé l'offre pour le projet "M.________" et étaient
disposés à développer, seuls, le logiciel dès février 1995. Tant l'activité
de la société B.________ que celle réalisée et à réaliser en collaboration
avec E.________ étaient destinées au développement de logiciels
informatiques, domaine que pratique précisément la défenderesse. Il n'est
ainsi pas contraire au droit fédéral d'avoir admis que les demandeurs, en
participant à la société B.________ et au projet "M.________", se sont
engagés dans une activité qui pouvait potentiellement entrer en concurrence
avec celle de leur employeur.

Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, le fait qu'il ressorte de
la procédure pénale qu'ils n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale ne
signifie pas qu'ils ne se sont pas engagés dans une activité concurrente; il
signifie simplement que leurs actes n'ont pas contrevenu aux principes d'une
concurrence loyale. Il n'en demeure pas moins que leur prise de participation
et l'activité déployée et à déployer dans le cadre de la société B.________
et du projet "M.________" violaient leur obligation contractuelle de
s'abstenir de toute activité concurrentielle ou potentiellement
concurrentielle.

8.4.2 Selon l'accord passé entre les parties, les demandeurs s'étaient
engagés à renoncer à "être connecté directement ou indirectement avec toute
activité (en tant que propriétaire, partenaire, cadre, ...) qui (...) est en
concurrence directe ou indirecte avec la société". Ils avaient également le
devoir de signaler immédiatement toute circonstance ou situation, qui pouvait
les impliquer ou sembler les impliquer dans un conflit d'intérêts, et de
requérir l'autorisation écrite préalable d'un responsable de la défenderesse
pour participer ou investir dans une entreprise commerciale concurrente de
A.________ SA ou de la société mère. Dès lors que, comme on l'a vu, tant
l'activité de la société B.________ que celle liée à la collaboration des
demandeurs avec E.________ entraient en concurrence avec l'activité de la
défenderesse, il appartenait aux demandeurs de ne pas s'y engager sans avoir
obtenu préalablement l'accord écrit de l'employeur.

8.4.3 Il convient encore de relever que, selon les constatations de
l'autorité cantonale, les demandeurs sont convenus avec E.________ que
l'essentiel de la rémunération pour le logiciel "M.________" leur reviendrait
(160'000 fr. sur 185'600 fr.) et qu'ils ont fait figurer, sous la rubrique
"revenus" du plan financier relatif au projet, un poste de 52'000 fr. au
titre de "salaire A.________", alors que la défenderesse n'a pas participé à
ce projet. Les demandeurs ne pouvaient donc pas utiliser la raison sociale de
la défenderesse dans ce contexte.

8.4.4 Ces différents manquements au devoir de fidélité sont objectivement
graves et aptes à détruire la confiance nécessaire à la continuation des
rapports de travail. Les demandeurs ont agi de concert et à l'insu de leur
employeur. La création d'une société dénote la volonté de s'engager à long
terme et il est douteux qu'un avertissement aurait suffi pour faire renoncer
les demandeurs à poursuivre leur activité en faveur de la société B.________.
L'engagement pris avec E.________ démontre en outre l'intention ferme de
s'investir dans une activité concurrentielle d'une importance certaine. Peu
importe qu'au mois de janvier 1995 il n'était pas encore sûr que le mandat
"M.________" soit attribué à E.________: le seul fait que les demandeurs
étaient disposés à le réaliser parallèlement à leur activité pour la
défenderesse était un facteur propre à ébranler la confiance de celle-ci. Les
fonctions de directeur du secteur "recherches et développement",
respectivement "support et développement" exigent toutefois que la
défenderesse puisse leur accorder une confiance particulière. Au vu de ces
éléments et compte tenu du pouvoir d'appréciation dont dispose le juge en la
matière, le Tribunal cantonal n'a pas violé les art. 4 CC et 337 al. 3 CO en
considérant que la résiliation avec effet immédiat était justifiée.

8.4.5 Il sied encore de préciser que, contrairement à ce que soutiennent les
demandeurs en se référant à l'ATF 117 II 72, il n'est pas possible de
considérer que leur implication dans le projet "M.________" devait uniquement
servir à préparer leur activité future. Selon l'arrêt cité par les
demandeurs, il est certes admis qu'un employé fonde une société, alors qu'il
est encore employé, sans qu'on puisse lui reprocher une violation du devoir
de fidélité, mais seulement pour autant que l'activité ne commence qu'après
l'extinction des rapports de travail (consid. 4 p. 74 ss et les références).
Or, les demandeurs avaient déjà déployé une activité en relation avec le
projet "M.________" à la fin de l'année 1994 et s'étaient engagés à
développer le logiciel dès février 1995, alors qu'ils ne pouvaient dénoncer
leur contrat de travail, compte tenu du délai de résiliation de six mois, que
pour fin juillet 1995. La jurisprudence précitée ne leur est donc d'aucun
secours.

9.
Finalement, les demandeurs se plaignent du caractère tardif du licenciement.
La défenderesse aurait disposé dès les premiers jours du mois de décembre
1994 de tous les éléments justifiant, selon elle, leur renvoi immédiat. Le
rapport de MW.________ au Conseil d'administration, produit à l'appui de la
plainte pénale, en contiendrait la preuve. L'état de fait, qui ne se réfère
pas à ce rapport, serait lacunaire et devrait donc être complété, "sous peine
de constituer une violation du droit fédéral au sens de l'art. 43 al. 4 OJ".

9.1 En tant que les demandeurs souhaitent compléter l'état de fait en
intégrant le rapport établi par MW.________ à l'attention du Conseil
d'administration, ils s'en prennent à la constatation des faits et non à
l'application du droit fédéral. Leur grief est, sur ce point, irrecevable
(consid. 1.3).
9.2 Le Tribunal fédéral considère que la partie qui résilie un contrat de
travail en invoquant de justes motifs ne dispose que d'un court délai de
réflexion pour signifier la rupture immédiate des relations (ATF 123 III 86
consid. 2a p. 87 et les arrêts cités). Un délai général de deux à trois jours
ouvrables de réflexion est présumé approprié, les week-ends et les jours
fériés n'étant pas compris. Un délai supplémentaire n'est accordé à celui qui
entend résilier le contrat que lorsque les circonstances particulières du cas
concret exigent d'admettre une exception à la règle; il en va ainsi, par
exemple, lorsque, au sein d'une personne morale, la décision de licenciement
relève de la compétence d'un organe constitué de plusieurs membres (cf.
arrêts 4C.345/2001 du 16 mai 2002, consid. 3.2; 4C.364/2001 du 19 juillet
2002, consid. 1.2.2 et les références citées).

9.3 L'autorité cantonale a retenu de manière à lier la Cour de céans (art. 63
al. 2 OJ) que MW.________ avait informé le Conseil d'administration le 5
janvier 1995 du résultat des investigations qu'il avait entreprises depuis le
4 décembre 1994. Ce dernier a résilié les contrats de travail le 9 janvier
1995, soit - compte tenu du week-end du 7 et 8 janvier 1995 - deux jours
ouvrables après avoir pris connaissance des éléments fondant le renvoi
immédiat. Ce délai ne peut être qualifié de tardif. Dès qu'il a eu des
soupçons début décembre 1994, MW.________ a tiré les faits au clair et les a
présentés au Conseil d'administration, qui n'a pas tardé à réagir.

10.
La résiliation avec effet immédiat résistant aux griefs avancés par les
demandeurs, il n'y a pas lieu d'examiner leurs prétentions pour résiliation
injustifiée.

11.
La valeur litigieuse dépassant le seuil de 30'000 fr. (art. 343 al. 2 et 3
CO), un émolument sera mis à la charge des demandeurs, qui succombent (art.
156 al. 1 OJ). Ils verseront en outre une indemnité à la défenderesse à titre
de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis solidairement à la charge des
demandeurs.

3.
Les demandeurs sont condamnés solidairement à verser à la défenderesse une
indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 29 avril 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: