Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.101/2004
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4C.101/2004 /mks

Arrêt du 29 juin 2004
Ire Cour civile

Mmes et M. les Juges Klett, juge présidant,
Favre et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.

A. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Michel Bergmann,

contre

X.________ Assurances,
défenderesse et intimée, représentée par Me Philippe A. Grumbach, avocat,

responsabilité du détenteur de véhicule automobile,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 16 janvier 2004.

Faits:

A.
Le 26 septembre 1983 vers 18h00, A.________, ressortissant espagnol né le
.......... 1961, circulait au guidon de sa motocyclette, rue de la Prulay à
Meyrin, en direction de la rue Gilbert, à une vitesse d'environ 80 km/h sur
un tronçon limité à 50 km/h. C'est alors que B.________, qui effectuait, au
volant d'une automobile assurée en responsabilité civile auprès de X.________
Assurances (ci-après: X.________), une manoeuvre en vue de quitter son
stationnement sur le côté gauche de la rue de la Prulay, est entré en
collision avec A.________, qui bénéficiait de la priorité. La faute
concomitante d'A.________ a été fixée à un tiers.

A la suite de cet accident, A.________ a subi un hémopéritoine sur déchirure
hépatique, une rupture du rein droit, une brèche sérieuse de l'angle colique
droit, une fracture transverse comminutive du tiers moyen du fémur droit, une
entorse du genou droit et une fracture-luxation scapho-lunaire du poignet
droit, avec atteinte partielle du nerf cubital. Ces lésions ont nécessité une
intervention d'urgence et plusieurs hospitalisations. Il en est résulté
diverses complications postopératoires.

Au moment des faits, A.________ venait d'obtenir un CFC de mécanicien sur
automobiles et travaillait depuis deux ans pour le compte d'une société dont
il a été licencié pour le 31 décembre 1984.

A. ________ formait le projet de se préparer aux examens de maîtrise fédérale
de mécanicien, titre qu'il aurait été objectivement en mesure d'obtenir au
bout de trois ans de préparation et qui lui aurait permis de réaliser, dès
2000, un revenu brut de 100'000 fr. En raison des exigences physiques du
métier, cet espoir a été ruiné par la survenance de l'accident.

Le 1er septembre 1989, A.________ a été engagé à temps partiel, soit
trente-huit heures par semaine, par la banque Y.________ (ci-après: la banque
Y.________) en qualité de comptable. En 1990, après l'obtention d'un CFC
d'employé de commerce, il a été engagé à plein temps au service Disposition
titres. Si ses douleurs n'avaient eu aucune incidence à la banque Y.________
ni sur son salaire ni sur ses promotions éventuelles, elles le gênaient
néanmoins dans son travail quotidien, qui impliquait des déplacements au
trésor de la banque et la manutention de lingots. A.________ a démissionné au
30 juin 1995 et est parti s'installer en Espagne.

Par décision liquidée transactionnellement sur opposition le 26 mars 1993, la
CNA/SUVA a fixé à 20 % (au lieu de 15 %) la rente d'invalidité d'A.________
sur la base d'un gain assuré, en 1989/1990, de 60'000 fr. (au lieu de 57'201
fr.).

Sans activité de 1996 à 1998, A.________ a perçu le chômage en Espagne. Au
bénéfice d'une bourse de travail, il s'est reconverti dans l'informatique
grâce à des cours subventionnés par la Communauté européenne.

Depuis le début de l'année 1999, A.________ est employé en qualité
d'administrateur de réseaux à 80 %, soit sept heures par jour.

B.
Le 27 novembre 1998, A.________ a actionné X.________ en réparation de son
dommage, à savoir dommage matériel, indemnité pour tort moral, perte de gain,
atteinte portée à son avenir économique, frais médicaux futurs et honoraires
d'avocat avant procès.

Après avoir rendu un premier jugement du 13 avril 2000, partiellement annulé
par arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 8 décembre 2000, le
Tribunal de première instance a, par jugement du 10 avril 2003, condamné
X.________ à payer diverses sommes à A.________.

L'expert désigné en cours d'instance a évalué le taux d'invalidité
d'A.________ à 15 % pour le poignet droit, 20 % pour le rein droit, 0 % pour
le foie et l'abdomen, enfin 6 % pour le fémur et le genou droits, soit un
taux d'invalidité total de 41 %, qu'il a pondéré à 35 % sur la base de l'art.
36 al. 3 de l'ordonnance du 20 décembre 1982 sur l'assurance-accidents
(ci-après: OLAA). En substance, il a constaté une perte de mobilité et des
troubles neurologiques au niveau du poignet et de la main droits d'A.________
qui, malgré la gêne ainsi occasionnée, utilise normalement son poignet et sa
main. Concernant l'abdomen, l'expert a considéré que l'examen clinique
restait dans les limites de la normale, en dépit de douleurs à la palpation
de la cicatrice. Il a constaté une flexion diminuée du genou, sans atrophie
musculaire. Dans l'ensemble, l'expert s'est dit frappé par la persistance des
plaintes, similaires à celles constatées à l'époque, et s'est étonné que,
dix-huit ans après l'accident, la situation ne se soit pas améliorée. Entendu
comme témoin, l'expert a précisé qu'il avait évalué le taux d'invalidité en
se fondant sur les conditions générales 1984 de X.________. Il a ajouté qu'en
cas de perte du deuxième rein, A.________ devrait subir à terme une greffe,
ce qui conduirait à une incapacité de travail totale. Il a confirmé maintenir
les pourcentages retenus pour chaque organe, sans pouvoir les réduire
davantage. Par contre, il a appliqué une réduction pour l'ensemble d'entre
eux. Il a admis avoir procédé à cette réduction sans avoir examiné les
conditions générales en assurances privées sur ce point.

Dans son acte d'appel du 22 mai 2000, A.________ a admis que son revenu
annuel à la banque Y.________ serait de 75'000 fr. Lors de sa comparution
personnelle du 3 décembre 2002, il a affirmé qu'il avait "des amis qui
exercent des activités semblables en informatique à Genève et qui perçoivent
entre 7'000 fr. et 8'000 fr. net par mois".

Statuant le 16 janvier 2004 sur appel de X.________ et appel incident
d'A.________, la Cour de justice a annulé le jugement du 10 avril 2003 et
condamné X.________ à payer à A.________, sous déduction d'un acompte de
84'200 fr. qu'elle avait déjà versé, les sommes de 33'760 fr. avec intérêt à
5 % l'an dès le 26 septembre 1983 pour tort moral, 1'900 fr. avec intérêt à 5
% l'an dès le 26 septembre 1983 pour dommage matériel, 50'000 fr. avec
intérêt à 5 % l'an dès le 30 mars 1991 pour honoraires d'avocat avant procès,
101'834 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 13 novembre 1993 pour perte de
gain et 77'360 fr. avec intérêt 5 % l'an dès le 31 décembre 2003 pour
atteinte à l'avenir économique. Elle a en outre fait masse des dépens de
première instance et d'appel et condamné X.________ au paiement des deux
tiers des dépens d'A.________ comprenant, dans son intégralité, une unique
indemnité de procédure de 15'000 fr.

S'agissant de la perte de gain actuelle, les juges cantonaux ont retenu que
le taux d'invalidité médico-théorique d'A.________ était de 41 %, sur la base
de l'expertise judiciaire, en écartant toutefois la pondération effectuée en
application de l'art. 36 al. 3 OLAA, qui n'a pas pour vocation de s'appliquer
en matière de responsabilité civile et sert de base pour moduler le montant
de l'indemnité et non pas le taux d'invalidité. Ils ont par ailleurs relevé
que les conditions générales de X.________, édition 1984, ne prévoyaient
aucune réduction du taux d'invalidité en cas d'atteintes multiples dues à un
accident mais précisaient au contraire que les différents degrés d'invalidité
sont additionnés, sans toutefois pouvoir dépasser 100 %. Ils ont enfin
souligné que l'expert avait confirmé maintenir les pourcentages retenus pour
chaque organe, sans pouvoir les réduire davantage. Pour calculer la perte de
gain concrète subie par A.________, les juges cantonaux ont retenu que le
total des revenus bruts que celui-ci aurait perçus sans l'accident de 1983 à
2003 se serait élevé à 1'463'390 fr., dont à déduire 12 % au titre de
pourcentage moyen des charges sociales, soit un total net arrondi à 1'287'783
fr. De ce dernier montant, ils ont soustrait les sommes qu'A.________ a
perçues, respectivement aurait perçues s'il avait poursuivi son activité
lucrative au sein de la banque Y.________. A cet égard, les juges cantonaux
ont notamment retenu qu'A.________ avait admis que son revenu annuel à la
banque Y.________ serait de 75'000 fr. en 2000 et allégué que sa rémunération
annuelle nette serait de l'ordre de 7'500 fr. par mois, soit 90'000 fr. nets
ou 102'270 fr. bruts en 2002. Entre le 1er septembre 1989 et 2003, il en
serait résulté un revenu total brut de 1'001'341 fr. Considérant qu'à partir
de l'année 2002, A.________ ne subissait plus de perte de gain en raison des
revenus plus importants qu'il aurait perçus s'il était resté à la banque ou
s'il avait exercé comme administrateur de réseaux en Suisse, les juges
cantonaux ont opéré les soustractions y relatives et chiffré la perte de gain
d'A.________ à 410'598 fr. soit, compte tenu de la faute concomitante de
celui-ci, 273'732 fr. dont X.________ répond. Ils ont ensuite soustrait les
sommes perçues des assureurs sociaux, par 380'764 fr. arrondis, pour aboutir
à un découvert total de 101'834 fr., portant intérêt à 5 % l'an dès le 13
novembre 1993, date moyenne entre l'accident et le 31 décembre 2003.

Concernant l'atteinte à l'avenir économique, la cour cantonale a admis
qu'alors même que, par suite de reconversion professionnelle, A.________
réalisait un gain équivalent, voire supérieur à celui qu'il aurait obtenu
dans son métier d'origine, son handicap le prétéritait sur le marché du
travail (difficultés accrues pour conserver son emploi, pour obtenir une
promotion, risque de chômage accru, etc.), de sorte qu'il subissait une
atteinte à son avenir économique. Considérant qu'à la perte d'un rein
correspond une invalidité fixée entre 15 % pour un employé de bureau et 25 %
pour un agriculteur, la cour cantonale a fixé l'atteinte à l'avenir
économique d'A.________ à 20 % incluant les autres atteintes (poignet, fémur
et genou droits). Pour déterminer la perte de gain qu'A.________ subira
jusqu'au moment où il atteindra la retraite, la cour cantonale a capitalisé
le salaire annuel net que celui-ci aurait touché à la date du prononcé de
l'arrêt entrepris dans son métier d'origine, soit (100'000 fr. - 12 % de
charges sociales =) 88'000 fr. Elle a effectué la capitalisation au moyen de
la table 11 de Stauffer/Schaetzle, édition 2001, prévoyant un facteur
multiplicateur de 14.90 s'agissant d'un homme âgé de quarante-deux ans.
L'atteinte portée à l'avenir économique d'A.________ a ainsi     été fixée à
(20 % de 88'000 fr. = 17'600 fr. arrondis x 14.90 =) 262'240 fr., la
responsabilité de X.________ étant limitée à concurrence de 174'827 fr.
arrondis compte tenu de la faute concomitante d'A.________. La cour cantonale
a ensuite soustrait le montant de la rente annuelle CNA/SUVA de 12'408 fr. en
2003 représentant un capital de (12'408 fr. x 14.90 =) 184'880 fr. arrondis,
pour parvenir à un résultat de 77'360 fr., portant intérêt à 5 % l'an dès le
31 décembre 2003, date retenue pour la capitalisation.

Enfin, les juges cantonaux ont nié l'existence d'un dommage de rente, au
motif que si A.________ avait poursuivi son activité lucrative au sein de la
banque Y.________, puis s'était reconverti dans l'informatique, il ne
subirait aucun dommage de rente dès l'année 2002, à partir de laquelle il
aurait cotisé davantage pour sa retraite que dans son métier d'origine.

C.
A.________ (le demandeur) interjette un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Il conclut principalement à l'annulation de l'arrêt entrepris et à
la condamnation de X.________ à lui verser les sommes de 1'900 fr. avec
intérêt à 5 % l'an dès le 26 septembre 1983, 50'000 fr. avec intérêt à 5 %
l'an dès le 30 mars 1991, 33'760 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 26
septembre 1983, 101'304 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 13 novembre 1993
et 418'166 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 31 décembre 2003, sous
imputation de 84'199 fr. 90 versés par X.________, avec suite de frais et
dépens.

X. ________ (la défenderesse) conclut principalement à l'irrecevabilité,
subsidiairement au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

Parallèlement à son recours en réforme, A.________ a formé un recours de
droit public, qui a été rejeté par arrêt de ce jour.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par le demandeur qui a été débouté d'une partie de ses
conclusions en paiement et dirigé contre un jugement final rendu en dernière
instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une
contestation civile (cf. ATF 130 III 102 consid. 1.1; 129 III 415 consid.
2.1) dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le
présent recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé
en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).
Il en va de même de la réponse, compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. a
et 59 al. 1 OJ).

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ). Dans la mesure où
une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu
dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas
ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations
de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid.
3).

2.
Les montants alloués par la Cour de justice pour tort moral, dommage
matériel, honoraires d'avocat avant procès et perte de gain actuelle ne sont
pas contestés. Devant le Tribunal fédéral, le litige ne porte plus que sur un
élément du dommage, à savoir l'atteinte à l'avenir économique, y compris le
dommage de rente. Le demandeur estime que la cour cantonale a violé les art.
42 al. 2 CO et 4 CC ainsi que 46 CO.

3.
Le demandeur formule différentes critiques à l'encontre de la manière dont la
cour cantonale a calculé le montant de l'atteinte à son avenir économique.

3.1 Premièrement, le demandeur reproche aux juges cantonaux d'avoir omis
d'examiner dans le cas concret quel était le revenu qu'il pouvait tirer dans
son activité professionnelle de recyclage, eu notamment égard à sa capacité
de travail réduite (diminution de la capacité de gain) suite aux atteintes
dont il souffre. Ce faisant, le demandeur tente de critiquer la manière dont
les juges cantonaux ont apprécié les preuves pertinentes. En effet, ainsi
qu'il l'a également fait dans le cadre de son recours de droit public, en
vain (cf. arrêt 4P.47/2004 consid. 4.2), le demandeur entend contester le
chiffre retenu par la cour cantonale au titre du revenu qu'il aurait pu
réaliser en 2002 en restant en Suisse. L'argumentation strictement
appellatoire développée par le demandeur sur ce point est ainsi irrecevable
(cf. consid. 1.2).
3.2 Le demandeur fait ensuite grief à la cour cantonale d'avoir procédé à un
amalgame entre les conséquences de l'invalidité relatives aux atteintes
"ordinaires" et celles relatives à la perte du rein en tant qu'organe double.
Sur ce dernier point, il invoque un arrêt cantonal, auquel la cour de justice
s'est également référée, selon lequel, en cas de perte d'un rein,
l'invalidité doit être fixée entre 15 % pour un employé de bureau et 25 %
pour un agriculteur. Le demandeur ajoute que, si l'on considère que la cour
cantonale a fixé le taux à 20 % en analysant, selon le cours ordinaire des
choses, quel est l'impact de son invalidité médicale sur son avenir
économique, celle-ci a manifestement outrepassé son pouvoir d'appréciation.

3.2.1 En vertu de l'art. 46 al. 1 CO, applicable par renvoi de l'art. 62 al.
1 LCR, la victime de lésions corporelles a droit à la réparation du dommage
qui résulte de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de
l'atteinte portée à son avenir économique.

La loi fait ainsi une distinction entre la perte de gain actuelle, qui est
éprouvée au jour de la décision de la juridiction cantonale devant laquelle
on peut alléguer pour la dernière fois des faits nouveaux, et la perte de
gain future, pour l'éventualité où l'incapacité de travail dure toujours
parce que le lésé est devenu totalement ou partiellement invalide. Cette
distinction n'a pas d'autre fonction que celle de faciliter le travail de
calcul du juge, car il s'agit en fait de deux postes du même préjudice. Les
principes présidant au calcul de ces deux postes du dommage sont donc les
mêmes (arrêt 4C.252/2003 du 23 décembre 2003 consid. 2.1 et les références
citées).

Le préjudice s'entend au sens économique; est déterminante la diminution de
la capacité de gain. Selon la jurisprudence, le dommage consécutif à
l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète. Le
juge partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses
effets sur la capacité de gain ou l'avenir économique du lésé (ATF 129 III
135 consid. 2.2 p. 141; arrêt 4C.197/2001 du 12 février 2002, publié in: SJ
2002 I p. 414 consid. 3b p. 414 s.; arrêt 4C.388/1992 du 15 décembre 1993
publié in: SJ 1994 p. 275 consid. 3 p. 277; ATF 117 II 609 consid. 9 p. 624).
Dire s'il y a eu dommage et quelle en est la quotité est une question de fait
qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme. Saisi d'un recours en
réforme, le Tribunal fédéral n'intervient que si l'autorité cantonale a
méconnu la notion juridique du dommage ou s'est laissé guider par des
critères erronés (arrêt 4C.197/2001 du 12 février 2002, publié in: SJ 2002 I
p. 414 consid. 3b p. 415; ATF 127 III 73 consid. 3c, 543 consid. 2b).

Le taux d'invalidité médicale (degré de l'atteinte médico-théorique à
l'intégrité corporelle) relève du fait. En revanche, le Tribunal fédéral,
statuant sur un recours en réforme, revoit librement si l'autorité cantonale
est partie de critères justifiés pour apprécier la diminution de la capacité
de gain, si elle n'a pas écarté à tort certains facteurs ou, inversement, si
elle n'a pas pris en considération des éléments dénués de pertinence. Pour
apprécier l'incidence du taux d'invalidité médicale sur la capacité de gain,
le juge doit se fonder sur la situation personnelle de l'intéressé, son
métier et son avenir professionnel (arrêt 4C.197/2001 du 12 février 2002,
publié in: SJ 2002 I p. 414 consid. 3b p. 415; arrêt 4C.278/1999 du 13
juillet 2000, publié in: SJ 2001 I p. 110 consid. 3a/aa non publié).

Le fait que la victime d'un accident dispose d'une capacité de travail totale
et réalise ainsi un gain équivalent à celui qu'elle aurait obtenu sans
l'accident n'exclut pas qu'elle soit atteinte dans son avenir économique. En
effet, d'autres facteurs que la capacité de travail sont susceptibles
d'influer sur les possibilités de gain futures d'une personne invalide. C'est
ainsi par exemple qu'une personne handicapée sera désavantagée sur le marché
du travail; elle aura plus de difficultés qu'une personne valide à trouver et
à conserver un emploi avec une rémunération identique; le risque de chômage
se trouve également accru. L'infirmité peut également entraver un changement
de profession ou réduire les perspectives de promotion dans l'entreprise ou
encore les chances de mariage, pour autant que ce dernier améliore la
situation économique de l'intéressé. La personne invalide doit en outre
déployer des efforts plus intenses pour conserver son gain, ce qui est de
nature notamment à réduire la durée de son activité lucrative (arrêt
4C.278/1999 du 13 juillet 2000, publié in: SJ 2001 I p. 110 consid. 3a/bb non
publié et les références citées; arrêt 4C.318/1990 du 22 mai 1991, publié in:
SJ 1992 p. 4 consid. 2c et les références citées).

3.2.2 En l'espèce, la cour cantonale a admis que le demandeur était atteint
dans son avenir économique, alors même que, par suite de reconversion
professionnelle, il perçoit un gain équivalent, voire supérieur à celui qu'il
aurait obtenu dans son métier d'origine. Pour fixer le taux de l'atteinte,
elle s'est ralliée au raisonnement du Tribunal de première instance qui,
compte tenu de la casuistique jurisprudentielle sur la perte d'un organe
double et les conséquences d'une invalidité médicale, résultant d'atteintes à
l'intégrité physique comparables à celles subies par le demandeur et sur les
capacités de gain résiduelles des employés dans le secteur tertiaire, a
considéré qu'il ressortait, eu égard à l'invalidité médico-théorique de 41 %,
que l'atteinte à la capacité de gain d'A.________ pouvait être évaluée, ex
aequo et bono, à 20 % incluant les autres atteintes (poignet, fémur et genou
droits) dans sa nouvelle profession d'employé de commerce.

L'on ne voit pas dans cette motivation que les juges cantonaux aient méconnu
la notion juridique de dommage ou se soient laissés guider par des critères
juridiquement erronés. Ils ont au contraire mené un raisonnement conforme au droit fédéral et correctement appliqué la jurisprudence y relative (cf.
consid. 3.2.1).

En effet, il ressort des faits établis par l'autorité cantonale que l'espoir
du demandeur de faire carrière dans le domaine de la mécanique a été ruiné
par la survenance de l'accident. Après avoir obtenu un CFC d'employé de
commerce puis suivi des cours dans le domaine de l'informatique, le demandeur
a pu se réinsérer professionnellement et perçoit actuellement un revenu plus
élevé que celui qu'il aurait réalisé en qualité de mécanicien.

Toutefois, d'un point de vue médical, il résulte de l'expertise que le
demandeur souffre d'une gêne et de douleurs liées à une perte de mobilité et
des troubles neurologiques au niveau du poignet et de la main droits, qu'il
utilise toutefois normalement, de douleurs à la palpation de la cicatrice
abdominale et d'une flexion diminuée du genou, sans atrophie musculaire. En
cas de perte du deuxième rein, le demandeur devrait subir à terme une greffe,
ce qui conduirait à une incapacité de travail totale.

La cour cantonale a correctement tenu compte de ces éléments puisqu'elle a
admis une atteinte à l'avenir économique de demandeur en dépit du gain plus
élevé qu'il réalise à ce jour. Partant d'un taux d'invalidité
médico-théorique de 41 %, lequel lie l'autorité fédérale de réforme (cf.
consid. 3.2.1), les juges cantonaux, prenant notamment en compte, quoi qu'en
dise le demandeur, la qualité d'organe double du rein, ont fixé ex aequo et
bono le degré d'atteinte à l'avenir économique du demandeur à 20 %. Considéré
à la lumière des circonstances susmentionnées, ce taux se situe dans les
limites du pouvoir d'appréciation de l'autorité cantonale.

L'on précisera encore que la jurisprudence cantonale dont le demandeur se
prévaut (cf. référence citée par Brehm, La réparation du dommage corporel en
responsabilité civile, Berne 2002, p. 247 n. 551) ne change rien à ce qui
précède. En effet, non seulement le Tribunal fédéral n'est pas lié par des
précédents dont il n'a pas eu à connaître (ATF 130 III 28 consid. 4.3 p. 34;
129 III 225 consid. 5.4 et les arrêts cités), mais encore les différentes
formes de l'atteinte à l'avenir économique peuvent être variées et
d'intensité différente, de sorte que toute comparaison ne peut qu'être
relativisée.

Privé de tout fondement, le moyen du demandeur doit être rejeté.

4.
Le demandeur fait encore grief à la cour cantonale d'avoir nié à tort
l'existence d'un dommage de rente, dans la mesure où elle a retenu qu'il
aurait perçu, depuis 2002, un salaire dans son activité de recyclage, s'il
était à Genève, supérieur à celui qu'il aurait perçu sans accident, tout en
faisant abstraction du fait que le demandeur ne travaille qu'à 80 % en raison
des séquelles de son accident, étant souligné que la CNA/SUVA lui a octroyé
une rente d'invalidité - déterminée in concreto - de 20 %.

4.1 Selon la jurisprudence, le tiers civilement responsable, qui a
l'obligation de réparer l'intégralité du dommage subi par le lésé, répond
également de la réduction future des prestations que les assurances sociales
accorderont à ce dernier. Un tel préjudice, défini comme le dommage
consécutif à la réduction d'une rente (Rentenverkürzungs-schaden) ou dommage
de rente (Rentenschaden), correspond à la perte de rentes de vieillesse,
provoquée par une réduction du revenu, qui survient à la suite d'une atteinte
à la capacité de gain (ATF 126 III 41 consid. 3 p. 45). En d'autres termes,
ce n'est pas la perte des cotisations de l'employeur au premier pilier et au
deuxième pilier qui est considérée comme un dommage, mais bien la réduction
des prestations de vieillesse entraînée par des lacunes dans les cotisations
(arrêt 4C.197/2001 du 12 février 2002, publié in: SJ 2002 I p. 414 consid. 4b
p. 416).
Pour déterminer le dommage de rente direct, il convient de comparer les
rentes d'invalidité et de vieillesse versées par les assurances sociales
(AVS, LAA, LPP) avec les prestations de vieillesse que le lésé aurait
touchées sans l'accident, le préjudice consécutif à la réduction d'une rente
correspondant donc à la différence entre les prestations de vieillesse
hypothétiques et les prestations d'invalidité et de vieillesse déterminantes
(ATF 129 III 135 consid. 2.2 p. 142; arrêt 4C.197/2001 du 12 février 2002,
publié in: SJ 2002 I p. 414 consid. 4b p. 417). Le calcul de la perte de gain
s'effectue sur la base du salaire net, toutes les cotisations aux assurances
sociales devant être déduites du salaire brut (ATF 129 III 135 consid. 2.2 p.
143).

4.2 En l'espèce, la cour cantonale a nié l'existence d'un dommage de rente,
considérant que si le demandeur avait poursuivi son activité lucrative au
sein de la banque Y.________, puis s'était reconverti dans l'informatique, il
ne subirait aucun dommage de rente dès l'année 2002, à partir de laquelle il
aurait cotisé davantage pour sa retraite que dans son métier d'origine. Pour
parvenir à cette conclusion, elle s'est fondée sur le résultat de
l'administration des preuves, dont il résulte que le salaire brut que le
demandeur aurait perçu en 2002 aurait été de 100'000 fr. en qualité de
mécanicien et de 102'270 fr. s'il avait continué à travailler au sein de la
banque Y.________.

Dans la mesure où il se limite à contester ce dernier chiffre avant de
présenter au Tribunal fédéral son propre décompte, le demandeur entreprend de
critiquer les faits, de sorte que son moyen est irrecevable (cf. consid.
1.2). Cela étant, en niant l'existence d'un dommage de rente au motif que, du
fait de l'augmentation du revenu du demandeur, le montant de la prestation
d'invalidité et de vieillesse que celui-ci percevra au moment de la retraite
sera plus élevé que si l'accident ne s'était pas produit, les juges cantonaux
n'ont pas violé le droit fédéral.

Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

5.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
du demandeur (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge du demandeur.

3.
Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 8'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 29 juin 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

La juge présidant:  La greffière: