Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4A.1/2004
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4A.1/2004 /ech

Arrêt du 2 juillet 2004
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch,
Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

1. A.________ SA,
2.B.________ SpA,
3.C.________ SA,
devenue D.________ SA,
4.E.________ i.I.,
5.F.________ AG,
recourantes,
constituant le Groupement X.________ (ci-après: le Groupement), représenté
par Me François Perret,

contre

Conseil fédéral, 3003 Berne.

Immunité de juridiction des organisations internationales; art. 6 CEDH.

recours de droit administratif contre la décision du Conseil fédéral du 14
janvier 2004.

Faits:

A.
A.a  En avril 1982, l'Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire,
dite le "CERN", a lancé un appel d'offres pour le creusement, dans la région
genevoise, d'un tunnel souterrain de quelque 27 kilomètres de circonférence
destiné à abriter un grand collisionneur à électrons-positrons (Large
Electron-Positron Collider, LEP).

Par contrat du 23 février 1983, le CERN a confié les travaux de génie civil
au Groupement X.________ (ci-après: le Groupement), composé de la société de
droit français A.________ SA, de la société italienne B.________ SpA, de la
société espagnole C.________ SA (devenue D.________ SA), de la personne
morale de droit allemand E.________ i.I. et de la société suisse F.________
AG.

Le Groupement, organisé sous la forme d'une société simple de droit suisse
(art. 530 ss CO), a dû faire appel à des entreprises sous-traitantes pour
effectuer certains travaux. Ayant payé lesdites entreprises, le Groupement a
demandé au CERN de supporter ces suppléments de prix. Aucun accord n'ayant pu
être trouvé, le Groupement a mis en oeuvre le 25 mai 1986 à l'encontre de
cette organisation internationale la procédure arbitrale prévue par l'art. 33
des Conditions générales des contrats du CERN.

Le 27 décembre 1991, un premier tribunal arbitral a rendu sa sentence finale,
faisant partiellement droit aux prétentions du Groupement. Le tribunal
arbitral n'est toutefois pas entré en matière sur les coûts des travaux
sous-traités, aux motifs que les entreprises sous-traitantes n'étaient pas
parties à la procédure arbitrale et que le Groupement n'avait pas la
légitimation active pour faire valoir leurs prétentions. Par arrêt du 21
décembre 1992, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de droit
public interjeté par le Groupement contre la sentence arbitrale, en raison de
l'immunité de juridiction reconnue au CERN (ATF 118 Ib 562 ss.).
A.b  Le Groupement, après s'être fait céder les créances des sous-traitants à
l'égard du CERN, a engagé une deuxième procédure arbitrale le 30 août 1993.
Dans sa sentence finale du 29 août 1997, le deuxième tribunal arbitral s'est
déclaré incompétent, pour le motif que les prétentions cédées n'étaient pas
couvertes par la clause d'arbitrage de l'art. 3 al. 1 des Conditions
générales des contrats du CERN.

A.c  Le Groupement a adressé en vain au CERN, le 16 septembre 1997, une
troisième demande d'arbitrage.

Invoquant l'art. 24 let. a de l'Accord de siège entre le Conseil fédéral et
le CERN conclu le 11 juin 1955 (RS 0.192.122.42; ci-après: l'Accord de
siège), le Groupement a demandé au Département fédéral des affaires
étrangères (DFAE), le 3 novembre 1998, de contraindre le CERN à se soumettre
à la procédure arbitrale ou à prendre toute mesure permettant de régler le
remboursement des montants versés aux sous-traitants.

Le 22 décembre 2000, le DFAE a répondu au Groupement que le refus du CERN ne
constituait pas une violation de l'Accord de siège.

Invité à statuer formellement et à mettre en oeuvre la protection
diplomatique en faveur de la société F.________ AG, le DFAE, par décision du
19 octobre 2001, a considéré que la requête du Groupement était irrecevable,
parce que l'Accord de siège n'appartenait pas au droit public fédéral au sens
de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure
administrative (PA), à l'instar du droit coutumier de la protection
diplomatique invoqué en faveur du membre suisse du Groupement.

B.
B.a Le 15 novembre 2001, le Groupement a formé un recours administratif au
Conseil fédéral (CF), en se prévalant en particulier de l'art. 6 CEDH. Le
DFAE a conclu au rejet du recours, alors que le CERN a relevé qu'il était en
droit de refuser de soumettre à un arbitrage une prétention, manifestement
infondée, élevée à son encontre.

Par décision du 14 janvier 2004, publiée à la JAAC 68/2004.78, le Conseil
fédéral a partiellement admis le recours, annulé la décision du DFAE du 19
octobre 2001 et rejeté la requête du Groupement, avec suite de frais et
dépens. En substance, cette autorité a retenu premièrement que le DFAE aurait
dû entrer en matière sur la requête du Groupement, tant au sujet de l'Accord
de siège que de la protection diplomatique. Au fond, le Conseil fédéral a
considéré que le DFAE n'était pas tombé dans l'arbitraire en estimant que la
troisième demande d'arbitrage du Groupement était abusive et que le refus du
CERN ne constituait pas un déni de justice manifeste. Comme le CERN n'avait,
de ce fait, pas commis de violation de l'art. 24 let. a de l'Accord de siège,
sa responsabilité internationale n'était pas engagée, de sorte qu'il n'y
avait pas lieu d'accorder la protection diplomatique au Groupement. La
requête adressée par ce dernier au DFAE, le 3 novembre 1998, de contraindre
le CERN à se soumettre à la procédure arbitrale a donc été rejetée.

B.b  Le 27 mars 1998, le Groupement avait notifié sans succès au CERN une
quatrième demande d'arbitrage - sans rapport avec les cessions de créances
susmentionnées -, qui concernait son éviction de la procédure de
"pré-qualification" pour de nouveaux ouvrages de génie civil.

C.
Agissant le 16 février 2004 par la voie du recours de droit administratif,
les cinq sociétés formant le Groupement demandent au Tribunal fédéral
d'annuler la décision du Conseil fédéral du 14 janvier 2004 et de lui
renvoyer la cause "pour qu'il ordonne (...) de contraindre le CERN (...) à se
soumettre à la procédure arbitrale initiée par le Groupement" ou qu'il oblige
le CERN "à prendre toutes mesures appropriées permettant la résolution
satisfaisante des litiges opposant" ladite organisation internationale aux
recourantes, avec suite de frais et dépens.
En substance, invoquant les art. 6 par. 1 CEDH et 29 al. 1 Cst., les
recourantes affirment que la décision attaquée exclut la saisine d'un
tribunal au sens de la norme conventionnelle, si bien qu'elle consacre une
violation de ce traité. Elles reprochent au Conseil fédéral, d'une part,
d'avoir limité son examen à l'interdiction de l'arbitraire dans l'octroi
éventuel de la protection diplomatique, et, d'autre part, de n'avoir pas
examiné librement si les conditions de l'art. 6 par. 1 CEDH étaient
réalisées.
Pour les recourantes, les prétentions qu'elles ont fait valoir étaient des
droits et obligations de caractère civil, reconnus par le droit suisse. Le
Conseil fédéral ne pouvait imputer à une "mauvaise stratégie développée par
le Groupement" la situation dont se plaint ce dernier. Cette argumentation ne
concernait de toute manière pas la recourante N° 4 (i.e. la personne morale
allemande E.________ i.I.).
Le prétendu "flou juridique" dont aurait fait preuve le Groupement devant le
premier tribunal arbitral, continuent les recourantes, ne rendait pas
"indéfendables" leurs prétentions. A cet égard, le deuxième tribunal arbitral
avait admis que le Groupement avait qualité pour faire valoir ses prétentions
du chef des travaux sous-traités devant une juridiction apte à rendre une
décision sur leur bien-fondé, l'obstacle constitué par le défaut de
légitimation active ayant disparu suite aux cessions intervenues avec six des
sous-traitants. Le Groupement avait déjà allégué devant le premier tribunal
arbitral que les créances tirées des travaux sous-traités lui appartenaient
en propre, et que, pour obtenir la condamnation du CERN à les lui payer, il
avait invoqué le principe de la "clause de rémunération", selon lequel la
réclamation du sous-traitant à l'égard de l'entrepreneur n'est prise en
compte que si celui-ci obtient du maître de l'ouvrage un montant
correspondant. Le Conseil fédéral se serait mépris sur la notion de "clause
de rémunération", dans laquelle il ne fallait pas comprendre que les
recourantes réclamaient la réparation d'un préjudice subi par des
sous-traitants, mais bien qu'elles formulaient une prétention propre, dont le
rejet aurait comme conséquence que les sous-traitants ne pourraient plus
demander le paiement de leurs prestations.
Le Conseil fédéral aurait aussi violé les articles 29 al. 1 Cst., 6 et 13
CEDH, du fait que les autorités fédérales (DFAE et CF) avaient mis plus de
cinq ans pour rejeter la requête du Groupement, formulée le 3 novembre 1998.
Le Conseil fédéral se réfère à sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 II 65 consid. 1 p. 67 et les arrêts cités).

1.1  Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a rappelé que le
droit
interne doit être interprété de manière conforme au droit international pour
résoudre le conflit de normes entre le droit national et le droit
conventionnel. Tel est le cas des art. 98 let. a et 100 al. 1 let. a OJ, qui
excluent le recours de droit administratif contre les décisions du Conseil
fédéral concernant notamment la protection diplomatique et les autres
affaires intéressant les relations extérieures, alors que l'art. 6 par. 1
CEDH requiert un examen des mêmes décisions par un tribunal (ATF 125 II 417
consid. 4c et les arrêts cités).
En l'espèce, le Conseil fédéral était saisi d'un recours administratif ou
hiérarchique dans lequel le Groupement a essentiellement argué de la
violation de l'art. 6 par. 1 CEDH, des art. 29 al. 1 Cst. (droit à un procès
équitable), 30 al. 1 Cst. (garantie de l'accès à une autorité judiciaire) et
9 Cst. (interdiction de l'arbitraire en matière de protection diplomatique),
ainsi que de l'art. 24 let. a de l'Accord de siège. Les dispositions de droit
constitutionnel invoquées, de même que le régime de la protection
diplomatique, relèvent du droit interne (cf. JAAC 1997/61.75 consid. 2.1 et
les références, p. 718). Sur ce dernier point, la pratique du Conseil
fédéral, de même que la jurisprudence du Tribunal fédéral, considèrent de
manière uniforme que l'obligation de l'Etat d'assurer la protection
diplomatique trouve sa source dans le droit interne, mais que celui-ci ne
confère pas aux ressortissants suisses un droit personnel et subjectif à la
protection diplomatique. La Confédération est libre d'accorder ou de refuser
cette dernière, selon les circonstances et sur la base d'une appréciation
politique de la situation, ce qui ne signifie pas qu'elle puisse agir
arbitrairement dans ce domaine. L'Etat jouit d'un pouvoir discrétionnaire,
qui trouve sa seule limite dans l'interdiction de l'arbitraire (JAAC, loc.
cit., consid. 2.2.3 et 2.3, p. 720/721; arrêt du Tribunal fédéral 2A.102/1993
du 6 octobre 1995, consid. 5a, résumé in: Pra 1997 no 20 p. 116/117), au sens
de la jurisprudence constamment rappelée en ce qui concerne cette notion (cf.
ATF 129 I 8 consid. 2.1 et les arrêts cités).
Dans la mesure où les art. 29 al. 1 et 30 al. 1 Cst. offrent aux justiciables
des garanties semblables à celles présentées par l'art. 6 par. 1 CEDH,
l'interprétation de ces règles constitutionnelles conformément à la norme
conventionnelle ne pose guère de problème. Il en va de même de celle de
l'art. 24 let. a de l'Accord de siège, qui tend au règlement des différends
et qui concrétise, dans le contexte des rapports du CERN avec des
cocontractants, les garanties offertes par l'art. 6 par. 1 CEDH.
Toutefois, comme les art. 98 let. a et 100 al. 1 let. a OJ s'opposent au
contrôle judiciaire exigé par l'art. 6 par. 1 CEDH, le Tribunal fédéral doit,
en application directe de cette norme, entrer en matière sur le recours pour
éviter une violation du droit conventionnel (ATF 125 II 417 consid. 4d et les
références, p. 425/426).
Dans le cas particulier, les autorités fédérales successivement saisies ont
appliqué le droit public fédéral, de sorte que les recourantes étaient
fondées à former un recours de droit administratif contre la décision du
Conseil fédéral, conformément à la jurisprudence (ATF 125 II 417 consid. 4d
in fine et l'arrêt cité, p. 426), solution que ne remet pas en cause l'arrêt
ultérieur cité par les recourantes (ATF 129 II 193 consid. 2 et 4). Et cela
d'autant plus qu'à l'instar des art. 104 et 114 al. 1 OJ, l'art. 6 par. 1
CEDH prévoit un contrôle judiciaire libre, en fait et en droit.

1.2  A teneur de l'art. 104 let. a OJ, le Tribunal fédéral revoit d'office et
avec plein pouvoir d'examen l'application du droit fédéral, qui englobe
notamment les droits constitutionnels du citoyen (ATF 129 II 183 consid. 3.4
et les arrêts cités, p. 188), ainsi que le droit international directement
applicable (ATF 124 II 293 consid. 4b, p. 307). Comme il n'est pas lié par
les motifs invoqués, il peut admettre le recours pour d'autres raisons que
celles avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décision
attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art.
114 al. 1 in fine OJ; ATF 129 II 183 consid. 3.4 in fine, p. 188). Sous
réserve des cas limitativement énumérés à l'art. 104 let. c OJ, le Tribunal
fédéral ne revoit pas l'opportunité de la décision attaquée (René
Rhinow/Heinrich Koller/Christina Kiss, Öffentliches Prozessrecht und
Justizverfassungsrecht des Bundes, Bâle 1996, ch. 1523 p. 290; Dominique
Favre, Les recours de droit public et de droit administratif, in: Publication
FSA, vol. 16, p. 15), élément important s'agissant du contrôle d'une décision
du Conseil fédéral intéressant les relations extérieures.

1.3  La question du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral sur des griefs de
rang constitutionnel articulés dans un recours de droit administratif, lequel
assume la fonction d'un recours de droit public, est controversée en
jurisprudence.

Selon certains arrêts, la cognition du Tribunal fédéral est limitée de la
même manière que s'il s'agissait d'un recours de droit public, en ce sens que
les moyens pris de violation des droits constitutionnels ne sont examinés que
s'ils sont exposés conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
(ATF 122 IV 8 consid. 2a et les arrêts mentionnés; consid. 1.2, non publié,
de l'ATF 128 II 282). C'est ce que prévoit, à l'art. 100 al. 2, le projet de
Loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF).
A l'inverse, l'ATF 123 II 359 consid. 6b/bb, p. 369, retient, sans référence
à l'appui, que l'examen des griefs d'ordre constitutionnel soulevés dans le
cadre d'un recours de droit administratif doit être opéré d'après les
réquisits de l'art. 108 al. 2 (et 3) OJ, et non pas de l'art. 90 al. 1 let. b
OJ. Il a aussi été jugé que lorsqu'une voie de droit, désignée comme recours
de droit public, était traitée comme un recours de droit administratif, sa
recevabilité formelle était soumise aux impératifs de l'art. 108 OJ, la
dénomination erronée du recours ne devant pas nuire au recourant (ATF 126 II
506 consid. 1b in fine, p. 509). Plus récemment, la jurisprudence a laissé la
question ouverte, s'agissant d'un moyen fondé sur l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF
127 II 306 consid. 5, p. 308), et, plus généralement, de tout grief de rang
constitutionnel (consid. 1.3, non publié, de l'ATF 129 II 82).

Cette problématique ne se pose pas lorsque la décision attaquée émane, comme
en l'espèce, d'une autorité fédérale qui s'est prononcée exclusivement en
vertu du droit public fédéral (cf. consid. 1.2 ci-dessus) (Carl Hans
Brunschwiler, Wie die Verwaltungsgerichtsbeschwerde die Funktion der
staatsrechtlichen Beschwerde übernimmt, in: Mélanges Robert Patry, 1988, p.
267 ss, spéc. p. 274 in fine). Dans ces conditions, la recevabilité des
griefs d'ordre constitutionnel soulevés dans le cadre du recours de droit
administratif est subordonnée aux exigences instaurées pour cette dernière
voie de droit par l'art. 108 OJ.

1.3.1  La jurisprudence a relevé, à propos de l'art. 108 al. 2 OJ, qu'il
suffit que le mémoire de recours de droit administratif permette de discerner
sur quels points et pour quelles raisons la décision attaquée est critiquée;
si la motivation ne doit pas nécessairement être juridiquement exacte, il
convient qu'elle soit liée aux faits (sachbezogen) sur lesquels repose la
décision entreprise; ce lien avec l'état de fait est une condition de
recevabilité du recours de droit administratif (ATF 118 Ib 134 consid. 2 p.
135/136 et les références). En d'autres termes, dans sa motivation, le
recourant doit au moins faire valoir ce qu'il demande et indiquer sur quel
état de fait il s'appuie (Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren
und Verwaltungs-rechtspflege des Bundes, 2ème éd. n. 933, p. 331; Peter
Karlen, Verwaltungsgerichtsbeschwerde, Prozessieren vor Bundesgericht, 2e
éd., ch. 3.77, p. 114/115; Rhinow/Koller/Kiss, op. cit., ch. 1534 p. 292;
Giusep Nay, Verwaltungsgerichtsbeschwerde und staatsrechtliche Beschwerde,
in: Schriftenreihe SAV, vol. 16, p. 12). Le renvoi à certains actes
antérieurs de la procédure est autorisé, du moment que le recours de droit
administratif est la continuation de la procédure qui s'est déroulée
auparavant, et ne constitue pas une instance nouvelle et indépendante comme
l'est celle de recours de droit public (ATF 113 Ib 287 consid. 1 p. 288 et
les arrêts mentionnés).

1.3.2  Dans le cas présent, les recourantes rattachent à la demande
d'arbitrage du 16 septembre 1997 (la troisième demande) une nouvelle requête
(quatrième demande), du 27 mars 1998, qu'elles présentent comme un
complément, quand bien même elles indiquent que cette dernière est fondée sur
des faits sans aucun rapport avec leurs prétentions déduites des créances que
leur ont cédées les entreprises sous-traitantes. Elles précisent de plus que
cette nouvelle demande d'arbitrage porte sur un litige né après le prononcé
des deux sentences arbitrales des 27 décembre 1991 et 29 août 1997, contre
lesquelles sont dirigés les griefs, invoqués dans le mémoire de recours, de
violation des art. 6 par. 1 CEDH et 29 al. 1 Cst.

Le Tribunal fédéral peut, à la rigueur, déduire des explications étiques des
recourantes qu'elles font valoir une violation de l'art. 6 par. 1 CEDH que
consacrerait le refus du CERN de participer à une procédure arbitrale ayant
pour objet l'éviction du Groupement de la procédure de pré-qualification
concernant des travaux en relation avec un nouvel accélérateur de particules
(Large Hadron Collider, LHC).

Mais cela ne suffit pas pour rendre le moyen recevable au regard de l'art.
108 OJ. En effet, le seul élément de fait fourni par les recourantes à ce
sujet (cf. mémoire de recours de droit administratif, p. 12 N° 11) tient au
refus du CERN de recevoir la quatrième demande d'arbitrage précitée. Cet état
de fait ne permet manifestement pas de connaître les circonstances de ce
litige. Le Tribunal fédéral ignore ainsi tout de la procédure de
pré-qualification en cause, de ses modalités, de sa nature finale ou
incidente par rapport à d'éventuelles procédures de soumissions et
d'adjudications des travaux. Or ces éléments sont nécessaires pour statuer
sur la violation alléguée de l'art. 6 par. 1 CEDH. Le Tribunal fédéral en est
réduit à un jeu d'hypothèses, reposant sur un état de fait totalement
lacunaire.

Le présent recours, en tant qu'il porte sur la "nouvelle demande d'arbitrage
du 27 mars 1998", est donc irrecevable, sous l'angle de l'art. 108 al. 2 OJ,
faute d'indication des faits pertinents.

1.4  Pour le surplus, interjeté en temps utile (art. 106 al. 1 OJ) et dans
les
formes prévues (art. 108 OJ) par des personnes privées (ATF 127 II 32 consid.
2d p. 38 et les arrêts cités) réunies dans une société simple, le recours est
recevable.

2.
La question de fond que soulève le présent recours, mais qui n'est pas
directement l'objet du litige, se rapporte au conflit existant entre, d'une
part, les immunités de juridiction et d'exécution des organisations
internationales et, d'autre part, le droit à un procès équitable, sous
l'aspect du droit fondamental d'accès au juge. Le problème vient notamment de
ce que la jurisprudence du Tribunal fédéral, suivant la doctrine majoritaire,
a conféré aux organisations internationales une immunité de juridiction
absolue (cf. ATF 118 Ib 562 ss rendu entre les mêmes intéressés), alors qu'en
matière d'immunité des Etats étrangers, elle avait opté dès 1918 pour la
conception restreinte ou restrictive de l'immunité (cf. ATF 130 III 136
consid. 2.1 p. 142 et les références; Pierre-Marie Dupuy, Droit international
public, 5ème éd., Paris 2000, ch. 115, p. 115). Pourtant, si est actuellement
reconnue la tendance à donner à l'immunité de juridiction des organisations
internationales le champ d'application le plus large, en raison de leur
nécessaire implantation sur le territoire d'un Etat (Dupuy, op. cit., ch. 186
p. 189), une évolution contraire se dessine (Revue de droit international
1983, Paris, p. 187-193, cité par Dupuy, ch. 186 let. b in fine, p. 189).
Indépendamment de la question de la portée conférée à l'immunité de
juridiction des organisations internationales, la doctrine a critiqué l'ATF
118 Ib 562, en tant qu'il a considéré, dans un obiter dictum, que les règles
de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (RS
291; LDIP) afférentes à l'arbitrage international (art. 176 ss LDIP)
priveraient en l'occurrence le Tribunal fédéral de toute compétence
juridictionnelle. Pour Panayotis Glavinis (Note sur l'ATF 118 Ib 562, in:
Revue de l'arbitrage 1994, p. 180 ss., notamment p. 185/186), ces
dispositions de droit national n'ont pas été faites pour les organisations
internationales, qui sont sujets du droit international et soumises en tant
que tels au droit international public .

Un autre auteur a fustigé le raisonnement suivi par le Tribunal fédéral dans
l'arrêt précité, lequel a posé que l'acceptation du principe de l'arbitrage
par l'organisation internationale ne vaut pas renonciation à son immunité
quant au contrôle étatique de la sentence arbitrale. D'après ce juriste, la
difficulté se résume en réalité à l'interprétation de la volonté du
bénéficiaire de l'immunité lorsqu'il se soumet à l'arbitrage. Or, le principe
de la bonne foi impose de considérer qu'en acceptant le principe de
l'arbitrage, l'organisation internationale, à l'instar d'un Etat, consent par
là même aux procédures étatiques qui lui sont liées (Emmanuel Gaillard,
Convention d'arbitrage et immunités de juridiction et d'exécution des Etats
et des organisations internationales, in: Bulletin ASA 2000, p. 471 ss.,
notamment p. 475/476).

Enfin, l'échec du contrôle étatique de la sentence en raison de la
reconnaissance de l'immunité de juridiction invoquée par le CERN a été
décrite comme conduisant au refus de toute protection juridique pour les
cocontractants de cette organisation internationale, au mépris de la lettre
de l'art. 24 de l'Accord de siège (Walter J. Habscheid, Die Immunität
internationaler Organisationen im Zivilprozess, in: ZZP 110/1997, p. 269 ss.,
notamment p. 282-284).
L'objet du présent litige est cependant différent. Il convient d'examiner les
griefs soulevés par les recourantes, dans un recours de droit administratif,
contre la décision prise par le Conseil fédéral le 14 janvier 2004. Il ne
s'agit pas de statuer sur l'exception d'immunité de juridiction à l'égard de
toute intervention d'une juridiction nationale, qui serait opposée par le
CERN dans le cadre d'un recours de droit public fondé sur l'art. 85 let. c
OJ.

Partant, il n'est pas nécessaire d'examiner les questions susmentionnées à la
lumière de la jurisprudence en cause et des critiques qu'elle a suscitées. Il
paraît toutefois utile de rappeler ces éléments, en raison de l'incidence de
l'immunité de juridiction - absolue dans le cas des organisations
internationales - sur le droit fondamental d'accès au juge, déduit de l'art.
6 par. 1 CEDH.

3.
En l'espèce, les recourantes reprochent au Conseil fédéral de n'avoir pas
contraint le CERN à se soumettre à la procédure arbitrale requise ou à toutes
mesures appropriées tendant à la solution des litiges divisant les
intéressés. Elles se prévalent d'une violation de l'art. 6 par. 1 CEDH,
faisant valoir que les prétentions soulevées portent sur des droits et
obligations de caractère civil au sens de cette disposition conventionnelle.

3.1  A teneur de l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable,
par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera,
soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit
du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Cette norme peut ainsi être invoquée par quiconque, estimant illégale une
ingérence dans l'exercice de l'un de ses droits (notamment de caractère
civil), se plaint de n'avoir pas eu l'occasion de soumettre pareille
contestation à un tribunal répondant aux exigences conventionnelles.

3.1.1  La notion de "droits et obligations de caractère civil" est autonome:
l'art. 6 CEDH ne donne par lui-même aucun contenu matériel déterminé dans
l'ordre juridique des Etats contractants. Cette disposition implique
l'existence d'une "contestation" réelle et sérieuse; elle peut concerner
aussi bien l'existence même d'un droit que son étendue ou ses modalités
d'exercice. L'issue de la procédure doit être directement déterminante pour
le droit en question. Un lien ténu ou des répercussions lointaines ne
suffisent pas à faire entrer en jeu l'art. 6 par. 1 CEDH. En définitive, le
droit à un tribunal ne vaut que pour les "contestations" relatives à des
"droits et obligations de caractère civil" que l'on peut prétendre, au moins
de manière défendable, et qui sont reconnus en droit interne, qu'ils soient
ou non protégés de surcroît par la Convention. Bien que de caractère
autonome, cette notion implique donc l'examen de la prétention selon le droit
interne.

3.1.2  Par contestation, au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH, il faut entendre
tout litige surgissant entre deux particuliers ou entre un particulier et une
autorité étatique, par exemple lorsque cette dernière supprime ou restreint
l'exercice d'un droit. Il en va ainsi lorsque sont invoqués des droits de
nature privée, telles la garantie de la propriété et la liberté économique.
Les prétentions en indemnités élevées contre la collectivité présentent un
caractère patrimonial et entrent dans le champ d'application de la norme
conventionnelle en cause.
Il suit de là que l'art. 6 par. 1 CEDH ne vise pas seulement les
contestations de droit privé au sens étroit - à savoir les litiges entre les
particuliers ou entre les particuliers et l'Etat agissant au même titre
qu'une personne privée -, mais aussi les actes administratifs adoptés par une
autorité dans l'exercice de la puissance publique, pour autant qu'ils
produisent un effet déterminant sur des droits de caractère civil. De ce
point de vue également, sont décisifs le contenu du droit matériel et les
effets que lui confère la législation nationale. Il convient dès lors de
s'interroger préalablement sur l'existence d'un droit subjectif, fondé sur la
législation interne. Un tel droit est nié quand l'autorité agit de manière
discrétionnaire (ATF 127 I 115 consid. 5 et 5b et les références, p. 120 à
122).
In casu, le litige de droit privé qui a pris naissance entre les recourantes
et le CERN sur la base d'un contrat d'entreprise, concernant les relations
entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur, respectivement le maître de
l'ouvrage, l'entrepreneur et les sous-traitants, tombe manifestement sous le
coup de l'art. 6 par. 1 CEDH. La jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme le prévoit d'ailleurs expressément, lorsqu'elle consacre
l'application de l'art. 6 CEDH dans le cadre de procédures intentées contre
une administration publique concernant des contrats (P. van Dijk, G.J.H. van
Hoof, Theory and Practice of the European Convention on Human Rights, La Haye
1998, p. 400). Les recourantes sont donc fondées à invoquer, dans un tel
contexte, une violation éventuelle de l'art. 6 par. 1 CEDH.

4.
L'art. 6 par. 1 CEDH a la même portée que l'art. 30 al. 1 Cst. (ATF 129 V 196
consid. 4.1 et l'arrêt cité, p. 198), et que l'art. 29 al. 1 Cst., s'agissant
du principe de la célérité (ATF 129 V 411 consid. 1.2 et les références, p.
416). De son côté, l'art. 24 let. a de l'Accord de siège prévoit que le CERN
"prend des dispositions appropriées en vue du règlement satisfaisant de
différends résultant de contrats auxquels l'Organisation est partie et
d'autres différends portant sur un point de droit privé."
4.1 Ainsi, l'obligation d'accorder une protection judiciaire aux
cocontractants du CERN, dans leurs relations de droit privé avec cette
organisation, est assumée par un système de tribunal arbitral ad hoc prévu
dans des clauses contractuelles, ou des conditions générales annexées aux
contrats, évitant tout contrôle judiciaire étatique en raison même de
l'immunité de juridiction absolue reconnue à l'organisation internationale
(ATF 118 Ib 562 consid. 1b in fine p. 566 et les références).

L'exclusion de tout contrôle juridictionnel étatique est donc corrigée par le
recours à un tribunal arbitral, ou à tout autre moyen que peut recouvrir
l'expression "dispositions appropriées" de l'art. 24 de l'Accord de siège.
Cette situation est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme, que citent d'ailleurs les recourantes, soit l'arrêt du 18
février 1999 dans la cause Beer et Regan contre Allemagne, par. 53 à 63.
Dans cette décision ayant trait à des contrats de travail d'employés
temporaires mis, par une société de location de services, à disposition d'une
organisation internationale européenne qui gère à Darmstadt (Allemagne) un
organisme indépendant, la Cour européenne a retenu que l'octroi de l'immunité
de juridiction aux organisations internationales, en vertu des instruments
constitutifs de celles-ci, reflétait une pratique de longue date destinée à
assurer leur bon fonctionnement, pratique renforcée par la tendance à
l'élargissement et à l'intensification de la coopération internationale. Sous
l'angle de la proportionnalité, la limitation du droit fondamental d'accès au
juge, tenant à l'immunité de juridiction, était acceptable au regard du but
de faciliter l'exécution de ses fonctions par l'organisation internationale
concernée. Pour déterminer si l'immunité de l'organisation devant les
juridictions allemandes était admissible au regard de la Convention, il
importait d'examiner si les requérants disposaient d'autres voies
raisonnables pour protéger efficacement leurs droits garantis par la
Convention; tel était le cas, puisque les travailleurs avaient la possibilité
d'obtenir un contrôle juridictionnel, ou équivalent, au moyen de procédures
adaptées aux particularités de l'organisation internationale, et dès lors
différentes des recours disponibles en droit interne. La Commission de
recours de l'organisation internationale en cause, indépendante de cette
dernière, offrait aux requérants des voies de droit permettant de reconnaître
que les tribunaux allemands n'avaient pas excédé leur marge d'appréciation en
respectant l'immunité de juridiction de cette organisation internationale. Et
cela, sans que les restrictions de l'accès aux juridictions allemandes pour
régler le différend des travailleurs avec l'organisation internationale aient
porté atteinte à la substance même de leur "droit à un tribunal", ou qu'elles
aient été disproportionnées sous l'angle de l'art. 6 par. 1 CEDH (arrêt Beer
et Regan, par. 55, 56, 58, 59 et 63).
C'est dans ce sens qu'il faut considérer l'art. 24 let. a de l'Accord de
siège, à la lumière de l'art. 6 par. 1 CEDH. S'agissant de l'interprétation
des traités, la Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969
(RS 0.111), fixe, à ses art. 31 à 33, des règles que la pratique a
explicitées et complétées (ATF 130 II 113 consid. 6.1, p. 121 et les
références; Alfred Verdross/Bruno Simma, Universelles Völkerrecht, 3ème éd.,
Berlin 1984, p. 492 à 494). Ces principes sont relativement semblables aux
méthodes d'interprétation valant pour les règles générales et abstraites en
droit interne, au nombre desquelles figurent les traités internationaux (ATF
125 V 503 consid. 4b et 4c p. 506), qui, en Suisse, sont introduits dans
l'ordre juridique national dès leur entrée en vigueur sur le plan du droit
international (Georges J. Perrin, Droit international public, Zurich 1999, p.
826/827), selon la conception moniste avec primauté du droit international
adoptée en Suisse (Georges J. Perrin, op. cit., p. 810),.

4.2  D'après la doctrine, quand bien même ni les art. 29 et 30 Cst. ni le
droit conventionnel ne le proclament expressis verbis, le droit à un procès
équitable implique d'abord le droit, pour chaque justiciable, d'avoir accès
aux tribunaux. Il ne se limite donc pas à assurer certaines garanties dans
une instance déjà pendante, mais il reconnaît le droit d'accéder aux
tribunaux à toute personne désireuse d'introduire une action, le déni de
justice étant ainsi proscrit (Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel
Hottelier, Droit constitutionnel suisse vol. II, Berne 2000, n° 1170 p. 565;
Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 5e éd., p.
236 N. 828; Jean-François Aubert/Pascal Mahon, Petit commentaire de la
Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich
2003, p. 262 N.1 et N. 2; Arthur Haefliger/Frank Schürmann, Die Europäische
Menschenrechtskonvention und die Schweiz, 2e éd., p. 162).
Cette garantie a depuis lors été inscrite dans la Constitution du 18 avril
1999 à l'occasion de la première révision partielle, sous la forme d'un art.
29a Cst., prévoyant, sauf exceptions, que toute personne a droit à ce que sa
cause soit jugée par une autorité judiciaire (RO 2002 p. 3148). Cependant,
cette norme n'est pas encore applicable en tant que telle, car son entrée en
vigueur sera fixée ultérieurement (RO 2002 p. 3150), l'arrêté fédéral y
relatif n'étant pas adopté à ce jour. L'art. 29a Cst. vise à établir une
garantie générale de l'accès au juge, en particulier dans le but de soumettre
les actes de l'administration à un contrôle juridictionnel (Michel Hottelier,
Les garanties de procédure, in: Droit constitutionnel suisse, Zurich 2001, p.
814, n. 20; Andreas Kley, Die schweizerische Bundesverfassung: St Galler
Kommentar, n. 3 ss ad art. 29a Cst.; Hans Peter Walter, Justizreform, in: Die
neue Bundesverfassung, Zurich 2002, p. 131/132).

Par ailleurs, comme n'importe quel autre droit fondamental, le droit d'accès
aux tribunaux est soumis aux restrictions prévues à l'art. 36 Cst.; plus
particulièrement ces dernières sont admissibles lorsqu'il existe un rapport
raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi
(Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., n° 1176 p. 568). L'accès au tribunal
doit être effectif, ce qui implique de la part de l'autorité de prendre les
mesures nécessaires pour surmonter un obstacle de fait (par ex. frais
judiciaires prohibitifs) (cf. Mark E. Villiger, Handbuch der Europäischen
Menschenrechtskonvention (EMRK), 2e éd., n. 433 p. 275).

4.3
4.3.1En l'espèce, le Tribunal fédéral, lors même qu'il est saisi d'un recours
de droit administratif et bénéficie d'une cognition libre, doit cependant
observer à l'égard de l'autorité administrative la réserve qu'impose la
jurisprudence quand entrent en jeu des questions soit d'appréciation (ATF 125
II 29 consid. 3d/bb p. 38/39 et les références), soit d'examen des
circonstances locales (ATF 117 Ib 162 consid. 5d p. 170) ou lorsque des
normes juridiques indéterminées doivent faire l'objet d'une interprétation
(ATF 127 II 184 consid. 5a/aa p. 190/191 et les références), ce qui est le
cas de l'art. 24 de l'Accord de siège.

Cela est d'autant plus important dans la présente espèce où, avant que l'ATF
125 II 417 n'écarte les art. 98 let. a et 100 al. 1 let. a OJ au bénéfice de
l'application directe de l'art. 6 par. 1 CEDH, le domaine des affaires
étrangères - ou des relations extérieures - était exclu du recours de droit
administratif (Kölz/Häner, op. cit., n. 877 p. 313; Rhinow/Koller/Kiss, op.
cit., ch. 1468 et 1469 p. 280 ; Karlen, op. cit., ch. 3.26 p. 86), au motif
que les affaires y afférentes mettent en jeu le large pouvoir d'appréciation
du gouvernement, ou relèvent de l'opportunité.

4.3.2  Le Conseil fédéral a retenu qu'une nouvelle procédure arbitrale, ou un
autre moyen de règlement du litige entre les recourantes et le CERN n'était
pas nécessaire, dès lors que "le Groupement (avait) (...) eu l'occasion de
soumettre toutes ses demandes à une juridiction qui était compétente à
examiner le litige au fond, soit le premier tribunal arbitral" (consid. II/9
de la décision attaquée).
Il appert que ce tribunal arbitral n'est pas entré en matière sur le coût des
travaux sous-traités, pour le motif qu'il n'était pas compétent pour statuer
sur les prétentions élevées par les sous-traitants. S'il n'y a pas lieu
d'examiner en détail la relation entre ces derniers et le Groupement, pris
comme entrepreneur, force est de constater que les droits et obligations
liant ces diverses personnes peuvent être soumis à l'examen des tribunaux
nationaux dont la compétence est reconnue en fonction des règles de fors
applicables. Cette question est devenue sans importance, dans la mesure où
les sous-traitants ont été désintéressés par l'entrepreneur (i.e. le
Groupement) après la première procédure arbitrale, et avant la deuxième dans
le cadre de laquelle les recourantes ont fait valoir les cessions de créances
qu'elles avaient obtenues à la suite des paiements consentis aux
sous-traitants. Comme les recourantes se savaient débitrices de ceux-ci et
entendaient faire payer le coût de leur mise en oeuvre par le maître de
l'ouvrage, soit le CERN, elles devaient clairement faire valoir devant le
premier tribunal arbitral qu'elles soutenaient des prétentions qui leur
appartenaient en propre, pour éviter l'écueil de l'incompétence personnelle
du tribunal arbitral, obstacle qu'elles n'ont d'ailleurs pu éviter puisque
cette juridiction a relevé que les sous-traitants n'étaient pas parties à la
procédure et que le Groupement n'avait pas la légitimation active pour
invoquer les prétentions dérivant des travaux sous-traités.

Le Conseil fédéral voit la situation procédurale actuelle - consistant en
l'absence d'une décision sur le fond - comme une conséquence de l'ambiguïté
de la formulation de la demande des recourantes devant le premier tribunal
arbitral. Ce dernier avait relevé que les recourantes avaient pris à leur
compte les prétentions des sous-traitants, sans réellement les intégrer à
leur propre demande (sentence arbitrale du 27 décembre 1991, N° 235 p. 102).
A l'époque, les créances des sous-traitants n'avaient fait l'objet d'aucune
cession de leur part en faveur de l'entrepreneur, puisque les cessions
considérées ne sont intervenues qu'après le prononcé de la première sentence
et avant l'introduction de la deuxième procédure arbitrale. Le premier
tribunal arbitral a mentionné néanmoins (N° 231 p. 100) que les recourantes
"aurai(en)t déjà accepté et réglé la majeure partie de ces factures (...),
dont le montant serait en valeur de juillet 1982, fr.s. 28'300'260.--", qui
est la somme réclamée par le Groupement au CERN.
Certes, le Groupement a soutenu, dans son mémoire en réplique du 15 août
1987, qu'il faisait valoir des prétentions propres, dès l'instant où les
factures adressées par ses sous-traitants constituaient, pour lui, des postes
de dépenses supplémentaires à sa charge. Mais, par la suite, il a déclaré,
dans son mémoire après plaidoiries du 8 mai 1991, que "les sous-traitants
(avaient) subi un préjudice dû aux mêmes causes que celles alléguées par le
Groupement", le rejet des prétentions de ce dernier privant les
sous-traitants des rémunérations auxquelles ils avaient droit. Le Conseil
fédéral a relevé cette contradiction (consid. II/6.1 de la décision du 14
janvier 2004). Les recourantes rétorquent toutefois qu'elles avaient voulu
renforcer leur argumentation par le recours à la notion de "clause de
rémunération (Vergütungsklausel)", que le Conseil fédéral n'avait pas saisie,
et qu'il fallait comprendre qu'elles faisaient valoir leurs propres
prétentions en remboursement des sommes versées ou à verser aux
sous-traitants.
Comme on l'a déjà mentionné, le premier tribunal arbitral a estimé que ces
prétentions n'étaient pas "réellement intégrées" à la demande des recourantes
tombant sous sa juridiction, ce qui conduisait au rejet des conclusions du
Groupement fondées sur les travaux sous-traités. Par surabondance, le premier
tribunal arbitral a jugé qu'"en l'absence des contrats liant le Groupement à
ses sous-traitants, il (n'était) pas possible (...) de déterminer si et dans
quelle mesure le Groupement serait débiteur de ceux-ci (N° 236 p. 102).
On voit donc que la question de la créance en remboursement des frais de la
sous-traitance a effectivement été soumise à la juridiction instituée en
application de l'art. 24 let. a de l'Accord de siège. Celle-ci l'a écartée
pour des motifs formels, que le Tribunal fédéral n'a pas pu revoir en raison
de l'immunité de juridiction absolue du CERN (ATF 118 Ib 562 consid. 2b p.
567/568 déjà cité). Si le déboutement des recourantes, lors de la première
procédure arbitrale, ne tient pas exclusivement à l'ambiguïté de leur
demande, mais également au fait que le premier tribunal arbitral a admis
qu'il n'était pas compétent à l'égard des sous-traitants, lesquels
"(n'avaient) pas participé ... à l'établissement de l'Acte de mission" (N°
234 in fine p.101/102), il n'en demeure pas moins que les recourantes ont pu
soumettre le différend à une autorité juridictionnelle, qui a statué en fait
et en droit sur les mérites de leurs conclusions, dans les limites de l'art.
33 des Conditions générales des contrats du CERN et de l'Acte de mission
passé entre les parties et les arbitres le 12 novembre 1986, lequel fixait le
droit de fond applicable; il s'agissait, "par ordre décroissant", des
Conditions générales des contrats du CERN, de la norme SIA 118 (édition
1977), des Conditions de la Fédération internationale des ingénieurs-conseils
(FIDIC) et du Code suisse des obligations (cf. p. 7 de la sentence du 27
décembre 1991); quant à la procédure à suivre, elle était réglée par les
"principes généraux de la procédure civile".
Il s'ensuit que les recourantes ont bel et bien eu accès à une juridiction
indépendante, impartiale et douée d'une cognition ne rendant pas illusoire le
recours au juge. Savoir si le Tribunal arbitral a restreint sa compétence de
façon arbitraire, ou si, à l'instar du Conseil fédéral, il a mal compris la
notion de "clause de rémunération" sont des questions de droit qui touchent à
l'objet même de la procédure arbitrale, que le Tribunal fédéral n'a pas pu
revoir en raison de l'immunité de juridiction absolue du CERN (ATF 118 Ib 562
consid. 2b in fine, p. 568) et qu'il n'y a pas lieu d'examiner à nouveau
présentement.
Le rejet de la demande pour des motifs formels n'enlève rien au fait que les
recourantes ont pu déférer le litige devant le Tribunal arbitral ad hoc
(Christian Dominicé, L'arbitrage et les immunités des organisations
internationales, in: Etudes de droit international en l'honneur de Pierre
Lalive, Bâle 1993, p. 484 ch. 3). Du reste, dans un obiter dictum, le premier
tribunal arbitral a exposé que s'il avait été compétent quant à la demande en
paiement du chef des sous-traitants, il l'aurait vraisemblablement rejetée en
raison de l'absence des contrats de sous-traitance au dossier, empêchant
d'apprécier la réalité des travaux et leur prise en charge éventuelle par
l'entrepreneur.
De même, le rejet des prétentions des recourantes contre le CERN par le
deuxième tribunal arbitral - lequel a retenu que les sous-traitants ne
pouvaient invoquer à l'encontre du CERN des prétentions fondées sur un
contrat qu'ils auraient passé avec cette organisation internationale au sens
de l'art. 1er des Conditions générales des contrats du CERN, prétentions que
le Groupement fait valoir en tant que cessionnaire (cf. sentence arbitrale du
29 août 1997, N° 138 p. 79/80) - ne peut pas davantage être revu par le
Tribunal fédéral pour les motifs rappelés ci-dessus à propos de la première
sentence arbitrale. Force aussi est d'admettre que les recourantes ont eu
l'occasion de présenter le mérite de leurs prétentions au deuxième tribunal
arbitral, sur la base d'une argumentation juridique renouvelée fondée sur
leurs droits dérivant de la cession, et qu'elles ont donc encore eu accès à
une autorité juridictionnelle. Cette constatation est suffisante pour rejeter
le grief de la violation des art. 6 par. 1 CEDH et 24 let. a de l'Accord de
siège, puisque le Tribunal fédéral ne peut revoir le bien-fondé de la
sentence elle-même en raison de l'immunité de juridiction de l'organisation
internationale.

5.
Se prévalant de l'art. 29 al. 1 Cst., les recourantes reprochent aux deux
autorités administratives (DFAE et Conseil fédéral) d'avoir conjointement mis
plus de cinq ans pour rejeter leur requête du 3 novembre 1998 tendant à
contraindre le CERN à se soumettre à une troisième procédure arbitrale. Elles
s'en prennent plus particulièrement à la durée de la procédure devant le
DFAE.

5.1  Selon l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure
judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et
jugée dans un délai raisonnable. Le caractère raisonnable ou adéquat du délai
s'apprécie au regard de la nature de l'affaire et de l'ensemble des
circonstances, selon un principe déjà fixé sous l'empire de l'art. 4 al. 1
aCst. (ATF 125 V 188 consid. 2a p. 191/192; 117 Ia 193 consid. 1c p. 197; 107
Ib 160 consid. 3b, p. 164/165).

A l'instar de l'art. 6 par. 1 CEDH, - qui n'offre, à cet égard, pas une
protection plus étendue que les garanties constitutionnelles nationales (ATF
114 Ia 179 ss; Hottelier, op. cit., p. 810 ch. 5 in fine) -, l'art. 29 al. 1
Cst. consacre le principe de la célérité en ce sens qu'il prohibe le retard
injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle
lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le
délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire, ainsi
que toutes les autres circonstances, font apparaître comme raisonnable (ATF
119 Ib 311 consid. 5 p. 323 ss; Jörg Paul Müller, Grundrechte in der Schweiz,
3e éd., p. 505 ss; Haefliger/Schürmann, op. cit., p. 200 ss., Hottelier, op.
cit., p. 810/811).

5.2  Le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en
fonction des circonstances particulières de la cause, lesquelles commandent
généralement une évaluation globale. Entre autres critères sont notamment
déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige
pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des
autorités compétentes (ATF 124 I 139 consid. 2c p 142; 119 Ib 311 consid. 5b
p. 325 et les références indiquées). A cet égard, il appartient au
justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité
fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en
recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 107 Ib 155 consid. 2b
et 2c p. 158 s.). Le comportement du justiciable s'apprécie toutefois avec
moins de rigueur en procédure pénale et administrative que dans un procès
civil, où les parties doivent faire preuve d'une diligence normale pour
activer la procédure (Haefliger/Schürmann, op. cit., p. 203/204;
Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., n° 1243 p. 594). On ne saurait par
ailleurs reprocher à une autorité quelques "temps morts"; ceux-ci sont
inévitables dans une procédure (cf. ATF 124 I 139 consid. 2c p. 142). Une
organisation déficiente ou une surcharge structurelle ne peuvent cependant
justifier la lenteur excessive d'une procédure (ATF 122 IV 103 consid. I/4 p.
111; 107 Ib 160 consid. 3c p. 165); il appartient en effet à l'Etat
d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une
administration de la justice conforme aux règles (ATF 119 III 1 consid. 3 p.
3; Jörg Paul Müller, op. cit., p. 506 s.; Haefliger/Schürmann, op. cit., p.
204 s.; Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., n° 1244 et 1245, p. 594/595;
Hottelier, op. cit., p. 811 ch. 7).

5.3  La sanction du dépassement du délai raisonnable ou adéquat consiste
d'abord dans la constatation de la violation du principe de célérité, qui
constitue une forme de réparation pour celui qui en est la victime. Cette
constatation peut également jouer un rôle sur la répartition des frais et
dépens dans l'optique d'une réparation morale (ATF 129 V 411 consid. 1.3 p.
417 et les références). Dans certaines circonstances, si les conditions de la
responsabilité civile de la Confédération ou des cantons pour acte illicite
sont réalisées, le paiement de dommages-intérêts pour le retard à statuer
peut être envisagé. Faute de compétence ratione materiae, il n'appartient pas
au Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit administratif, de se
prononcer sur cette question, d'autant que les recourantes n'ont pas formulé
de conclusions dans ce sens (ATF 129 V 411 consid. 1.4 p. 417/418 et les
références).

5.4
5.4.1En l'espèce, les recourantes ont introduit leur demande auprès du DFAE
le 3 novembre 1998, par un acte de dix-huit pages, accompagné de vingt-quatre
annexes. Au nombre de celles-ci figurent notamment les deux sentences
arbitrales de 1991 et 1997, deux opinions dissidentes d'arbitres concernant
cette dernière décision, quatre avis doctrinaux, deux décisions judiciaires
étrangère ou internationale, une décision du Conseil fédéral, ainsi qu'une
correspondance avec le CERN. Le montant total de la demande du Groupement
présentée devant le premier tribunal arbitral ascendait à environ 430
millions de francs (sentence arbitrale du 27 décembre 1991, p. 14 et 15); le
poste invoqué des frais de sous-traitants à rembourser se montait à
28'300'260 fr. (cf. sentence précitée, p. 100 n° 231).

Le 17 mars 1999, le DFAE a invité les recourantes à fournir certains
renseignements, puis a indiqué, le 20 juillet 2000, que "l'étude de (la)
requête se (poursuivait) activement". A la suite d'un courrier du 2 octobre
2000, resté sans réponse, le conseil des recourantes a relancé le DFAE le 8
novembre 2000, en lui impartissant un délai à la fin de ce mois, sous menace
de saisir l'autorité compétente d'un recours pour déni de justice formel et
matériel, fondé sur la violation des art. 6 CEDH et 29 Cst. Le 18 novembre
2000, le DFAE a signalé qu'il rencontrerait les représentants du CERN le 24
novembre 2000. Par pli
du 22 décembre 2000, le Département fédéral a écrit au conseil des
recourantes que celles-ci n'avaient pas été victimes d'un déni de justice
manifeste, dans la mesure où le litige avait été soumis à deux reprises à
l'arbitrage. Le 24 janvier 2001, le DFAE a informé le conseil des recourantes
que sa lettre du 22 décembre 2000 n'était "pas une décision au sens
technique". Par courrier recommandé du 26 février 2001, ledit conseil a prié
le DFAE de rendre une telle décision, que cette autorité a notifiée le 19
octobre 2001, prononçant l'irrecevabilité de la requête.

Le 15 novembre 2001, les recourantes ont saisi le Conseil fédéral d'un
recours administratif, sur lequel il a été statué par la décision entreprise
du 14 janvier 2004, qui a admis le recours sur des questions de procédure et
l'a rejeté au fond.

5.4.2  Concernant les deux phases de la procédure, la première devant
l'autorité administrative, la seconde devant le Conseil fédéral, il convient
tout d'abord d'apprécier le critère du degré de complexité de l'affaire.

5.4.2.1  Au niveau du DFAE, l'instance s'est rapportée au problème de l'accès
au juge d'une part, et à l'octroi de la protection diplomatique pour le
membre suisse du Groupement, d'autre part. Malgré la nature et les
caractéristiques différentes de ces deux institutions juridiques, une
certaine convergence de raisonnement s'imposait, dans la mesure où la
protection diplomatique ne peut entrer en ligne de compte que si la partie
adverse du lésé a violé une obligation de droit international public lui
incombant. La question revenait donc à savoir si le CERN avait enfreint
l'art. 24 let. a de l'Accord de siège, provoquant ainsi une violation de
l'art. 6 par. 1 CEDH, en opposant une fin de non-recevoir à la troisième
demande d'arbitrage portant sur le même objet, auquel cas il eût engagé sa
responsabilité internationale. Toutefois, même si les questions étaient
liées, elles pouvaient apparaître d'une certaine complexité pour ce qui est
de l'appréciation de la vraisemblance des prétentions de caractère civil que
les recourantes voulaient faire valoir contre l'organisation internationale
concernée. A cet égard, l'autorité administrative a dû prendre connaissance
des sentences arbitrales, des opinions dissidentes, ainsi que de trois avis
de droit portant sur la question déposés en cours de procédure. Sous cet
angle, la procédure nécessitait un certain développement dans le temps, qu'il
appartient au Tribunal fédéral d'évaluer au regard des autres critères
dégagés par la jurisprudence.

Au sujet de l'enjeu du litige pour les recourantes, il équivaut à une valeur
litigieuse supérieure à 28 millions de francs, sans compter les frais
arbitraux déjà exposés pour plusieurs centaines de milliers de francs.
Quant aux recourantes, elles ne sont pas restées inactives, puisqu'elles ont
sollicité à plusieurs reprises du DFAE une décision, et l'ont menacé une fois
d'un recours pour déni de justice formel ou matériel en raison du
déroulement, d'après elles trop lent, de l'instance.

Il convient encore de considérer le contexte global de l'affaire, dont le
remboursement des paiements effectués aux sous-traitants ne représentait
qu'un des aspects. Les recourantes s'étaient en effet engagées dans deux
procédures arbitrales successives, qui avaient duré chacune plusieurs années
et qui portaient, à l'origine, sur une valeur litigieuse de plus de 400
millions de francs.

La première procédure qui s'est déroulée devant le Tribunal fédéral, close
par l'ATF 118 Ib 562 ss, a, pour sa part, pris un an.

Dans ces circonstances particulières, compte tenu de l'ensemble des documents
et arguments que le DFAE a dû apprécier, et même si ce dernier a finalement
rendu une décision d'irrecevabilité (art. 5 al. 1 let. c PA) au motif que les
dispositions invoquées ne feraient pas partie du droit public fédéral, la
relativement longue durée de la procédure (près de trois ans) ne fait pas
encore apparaître comme déraisonnable ou inadéquat le délai utilisé. Le grief
de violation des art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH doit en conséquence être
rejeté.

5.4.2.2  Les mêmes raisons permettent de considérer que le délai de près de
vingt-six mois, utilisé par le Conseil fédéral pour statuer sur le recours
administratif, demeure raisonnable au vu des particularités de l'espèce.
L'autorité de recours a imparti un délai de détermination convenable à
l'autorité intimée, ainsi qu'au CERN, qui ont pu s'exprimer en détail compte
tenu de l'enjeu important du litige. Il faut également prendre en compte les
mécanismes d'instruction et de décision du Conseil fédéral agissant comme
juge administratif, qui supposent un certain nombre de délégations avant
qu'il ne prenne lui-même la décision, en sa qualité d'autorité collégiale
(cf. consid. I/11 de la décision du Conseil fédéral du 14 janvier 2004, p.
4). Enfin, dans l'examen de la cause, le Conseil fédéral a été amené à se
prononcer sur la question de la recevabilité de la requête en première
instance, qu'il a admise, à l'opposé du DFAE, avant de trancher le fond. Tous
ces éléments démontrent que le délai de près de vingt-six mois, même s'il
était confortable, ne porte nullement atteinte au principe de célérité ancré
à l'art. 29 al. 1 Cst., respectivement à l'art. 6 par. 1 CEDH. Le grief
adressé à cet égard au Conseil fédéral est infondé.

6.
Les recourantes font enfin valoir, en quelques lignes, une violation de
l'art. 13 CEDH ( cf. p. 36/37 du mémoire de recours).

Le moyen tiré de la violation de cette norme conventionnelle, concernant
l'ouverture d'un recours effectif devant une instance nationale, n'a pas de
portée propre par rapport à celui fondé sur l'art. 6 par. 1 CEDH. Il doit
être rejeté pour les mêmes raisons, soit le fait que les recourantes ont eu
accès, par deux fois, à un tribunal arbitral, qui a examiné leurs prétentions
afférentes au remboursement des frais payés aux sous-traitants.

Si la constatation d'une violation de l'art. 6 par. 1 CEDH absorbe pleinement
celle de l'art. 13 CEDH (Jochen Abr. Frowein/ Wolfgang Peukert, Europäische
MenschenRechtsKonvention, 2e éd., n. 7 ad art. 13 CEDH, p. 430),
l'application subsidiaire de l'art. 13 CEDH peut entrer en ligne de compte,
comme une garantie moins étendue que celle offerte par l'art. 6 par. 1 CEDH,
lorsque le moyen fondé sur cette dernière disposition a été rejeté. Dans le
cas particulier toutefois, les recourantes ne peuvent soutenir qu'elles n'ont
pas bénéficié d'un recours effectif devant les instances arbitrales. Le fait
que leurs prétentions ont été en grande partie rejetées n'a rien à y voir.

7.
En tous points infondé, le recours de droit administratif doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité. Vu l'issue du litige, les frais
judiciaires seront mis solidairement à la charge des membres du Groupement.
Le Conseil fédéral n'a pas droit à l'allocation de dépens (art. 159 al. 2
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 20'000 fr. est mis solidairement à la charge des
membres du Groupement X.________.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourantes et au
Conseil fédéral.

Lausanne, le 2 juillet 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: