Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.93/2004
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2P.93/2004 /svc

Arrêt du 15 octobre 2004
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Hungerbühler et Yersin.
Greffier: M. Vianin.

R. ________,
recourante,
représentée par Me Reza Vafadar, avocat,

contre

Université de Genève, rue Général-Dufour 24,
1204 Genève, intimée,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale
1956, 1211 Genève 1.

art. 9, 29 Cst. (changement d'affectation),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève
du 16 mars 2004.

Faits:

A.
R. ________ a été engagée par l'Université de Genève (ci-après: l'Université)
en qualité de secrétaire 2 auprès du décanat de la Faculté X.________, avec
un salaire annuel brut de 58'460 fr. Elle a commencé son activité le 30
novembre 1992 et a travaillé comme assistante du Doyen de la Faculté
X.________. Un « complément de salaire » de 835 fr. par mois lui était versé
par la fondation « Z.________ » (ci-après: la fondation).
Le 29 mai 1996, l'Université a nommé R.________ à sa fonction précitée. Le
traitement annuel brut correspondant à la classe de fonction a été fixé à
66'608 fr.
Par arrêté du 8 mars 2000, le Conseil d'Etat a nommé R.________ à la fonction
de secrétaire 2 auprès du Département de l'instruction publique, avec un
traitement annuel brut de 71'249 fr. Elle a continué de travailler comme
assistante du Doyen de la Faculté X.________.

R. ________ s'est trouvée en incapacité de travail à partir du 17 mai 2000
(incapacité de 100% du 17 mai 2000 au 1er avril 2002, de 80% du 2 au 14 avril
2002 et de 70% du 15 avril au 26 mai 2002). Elle a repris son activité
d'abord à temps partiel puis à plein temps le 27 mai 2002.
Par courrier du 2 juin 2003, le Doyen de la Faculté X.________ a informé
R.________ que « la poursuite de son activité au décanat lui paraissait
difficilement envisageable », compte tenu du fait que celle-ci ne parvenait
pas à respecter ses horaires de travail.
Dans un courrier du 23 juin 2003, le Doyen en fonction et le Doyen désigné de
la Faculté X.________ ont communiqué à R.________ qu'à partir du 1er août
2003 elle était affectée au secrétariat de M.________, chef du service
O.________.
Par courriers des 4 juillet et 6 août 2003, R.________ s'est opposée à son
changement d'affectation.
Dans un courrier du 18 août 2003, l'Université a maintenu sa position.

B.
Le 15 septembre 2003, R.________ a recouru au Tribunal administratif du
canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) contre le courrier
précité, qu'elle a qualifié de décision.
Par décision du 16 mars 2004, le Tribunal administratif a déclaré le recours
irrecevable. Il a considéré qu'en principe une décision de changement
d'affectation d'un fonctionnaire ne peut faire l'objet d'un recours au
Tribunal administratif. La voie du recours était exceptionnellement ouverte
lorsque la mutation constituait une sanction disciplinaire déguisée. Dans le
cas particulier, tel n'était pas le cas, puisque, d'une part, le transfert de
la recourante reposait sur des motifs objectifs et que, d'autre part, il
n'entraînait pas une diminution de salaire, seul étant déterminant à cet
égard le montant fixé par le Conseil d'Etat dans l'arrêté de nomination, à
l'exclusion de l'indemnité versée par la fondation.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, R.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler cette décision et
de renvoyer l'affaire au Tribunal administratif afin qu'il « statue à nouveau
dans le sens des considérants ». Elle dénonce une violation de son droit
d'être entendue, un déni de justice (formel) et le caractère arbitraire de la
décision attaquée.
L'autorité intimée renvoie à la décision entreprise. L'Université conclut au
rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit
public ne peut tendre qu'à l'annulation de l'arrêt attaqué (ATF 129 I 129
consid. 1.2.1 p. 131; 128 III 50 consid. 1b p. 53). Dans la mesure où la
recourante demande que la cause soit renvoyée à l'autorité intimée pour
qu'elle rende une nouvelle décision, ses conclusions sont irrecevables.

1.2 Au surplus, déposé en temps utile contre une décision finale prise en
dernière instance cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du
recours de droit public et qui touche la recourante dans ses intérêts
juridiquement protégés, le présent recours est recevable au regard des art.
84 ss OJ.

2.
Dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst. (cf. art. 4 aCst.),
l'intéressé ne peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué comme il le
ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir
librement l'application du droit. Il doit préciser en quoi cet arrêt serait
arbitraire, ne reposerait sur aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait
insoutenable ou heurterait gravement le sens de la justice (ATF 128 I 295
consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée).
L'objet de la contestation étant une décision d'irrecevabilité, la recourante
doit démontrer en quoi il était arbitraire de la part de l'autorité intimée
de ne pas entrer en matière sur son recours.

3.
3.1 La recourante ne conteste pas qu'un changement d'affectation ne puisse
faire l'objet d'un recours qu'à la condition de représenter une sanction
déguisée. Elle soutient en revanche que l'autorité intimée a estimé de
manière arbitraire que cette condition n'était pas remplie en l'espèce.
La recourante se plaint en particulier d'une constatation arbitraire des
faits en ce qui concerne le complément de salaire qui lui était versé par la
fondation ainsi que les circonstances de son changement d'affectation.

3.2 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation
de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair
et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain.
De plus, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué soient
insoutenables, encore faut-il que ce dernier soit arbitraire dans son
résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution
que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid.  3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275;
127 I 60 consid. 5a p. 70; 125 I 166 consid. 2a p. 168 et la jurisprudence
citée).

3.3 Les arguments avancés par la recourante sont largement de nature
appellatoire et ne parviennent pas à faire apparaître arbitraire la décision
attaquée. Ni le fait que « depuis le départ du doyen A.________ » elle s'est
plainte à la responsable des relations humaines de l'Administration centrale
de l'Université « des problèmes rencontrés au sein de la Faculté X.________ »
(annexe 5 à la pièce jointe no 3) - de sorte qu'il serait faux de prétendre
que sa collaboration avec l'Université se serait bien déroulée jusqu'à ses
absences pour cause de maladie -, ni le moment du changement d'affectation
trois semaines avant la fin des fonctions du Doyen, ni encore l'absence
d'avertissement ne démontrent clairement le caractère de sanction du
transfert, sans compter, s'agissant du deuxième argument, que la lettre de
mutation a été contresignée par le Doyen désigné. Quant au fait que
l'autorité intimée a retenu par erreur, dans la partie en droit du jugement,
que la recourante avait repris son activité en mai 2003, il paraît s'agir
d'une erreur de plume, puisque, dans la partie en fait, la date exacte (mai
2002) figure.
Au vu notamment du courrier du Doyen de la Faculté X.________ du 2 juin 2003,
il apparaît à tout le moins plausible que le transfert de la recourante ait
constitué une mutation à un poste mieux adapté à ses aptitudes - compte tenu
notamment de son état de santé -, sans caractère de sanction. Dans cette
lettre, le Doyen a en effet évoqué l'absence injustifiée de la recourante le
vendredi 30 mai 2003, la seconde en l'espace de quinze jours, et, de manière
plus générale, son incapacité à respecter ses horaires de présence au
décanat. Le Doyen concluait que « devant cette impossibilité d'une
collaboration vraiment fiable » - par quoi il entendait le problème des
absences - la poursuite de l'activité de la recourante au décanat lui
paraissait « difficilement envisageable ». Ce faisant, il ne paraît pas avoir
reproché à la recourante une faute - de nature à justifier une sanction -,
car le fait de ne pouvoir respecter un horaire de travail pour des raisons de
santé ne constitue pas une faute.
S'agissant du complément de salaire versé par la fondation, il convient de
relever que, précisément, il n'était pas versé par l'Université mais par un
tiers (peu importent à cet égard les promesses de revalorisation de sa
fonction que les organes de la Faculté X.________ ont faites à la recourante
[requalification en un poste de « commis administratif 5 »], car cela ne
signifiait pas encore que le complément de salaire serait - entièrement -
intégré dans le salaire versé par l'Université). Pour cette raison déjà,
l'autorité intimée pouvait considérer sans arbitraire que la mutation de la
recourante n'avait pas un caractère de sanction, quand bien même elle
entraînait la perte de ce montant. En outre, que l'autorité intimée ait
retenu que le complément de salaire se montait à 835 fr., alors que celui-ci
atteignait 1'060 fr. par mois au moment de la mutation, n'est pas
déterminant, ce d'autant moins que les deux montants sont du même ordre de
grandeur.
Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée pouvait admettre sans arbitraire
que la mutation de la recourante ne constituait pas une sanction déguisée et,
partant, déclarer le recours irrecevable.

4.
4.1 La recourante expose qu'après avoir consulté (le 2 décembre 2003) le
dossier constitué par la Faculté X.________, elle a adressé à l'autorité
intimée, le 8 décembre 2003, un courrier auquel étaient jointes des pièces
établissant des « dysfonctionnements chroniques au sein de la Faculté ».
Selon elle, ce courrier (avec ses annexes) lui a été retourné par l'autorité
intimée, sans que celle-ci ait justifié en aucune manière le rejet des moyens
de preuve fournis. La recourante voit en cela une violation de son droit
d'être entendue, au sens des art. 41 ss de la loi genevoise sur la procédure
administrative, du 12 septembre 1985 (RS/GE E 5 10) ainsi que de l'art. 29 de
la Constitution fédérale. Elle qualifie également l'attitude de l'autorité
intimée de déni de justice formel. Ce faisant, elle entend la notion de déni
de justice formel dans un sens large, comprenant le droit d'être entendu avec
ses différentes facettes (cf. dans le même sens Rhinow/Koller/Kiss,
öffentliches Prozessrecht und Justizverfassungs-recht des Bundes,
Bâle/Francfort 1996, n. 201 ss). Le grief de déni de justice formel se
confond dès lors avec celui de violation du droit d'être entendu.

4.2 Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par les
dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire; dans tous
les cas, l'autorité cantonale doit cependant respecter les garanties
minimales déduites directement de l'art. 4 aCst. (cf. art. 29 al. 2 Cst.),
dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 127 III 193
consid. 3 p. 194; 125 I 257 consid. 3a p. 259). En l'espèce, les dispositions
cantonales invoquées par le recourant ne règlent pas plus précisément le
point litigieux, de sorte que le grief soulevé doit être examiné
exclusivement à la lumière des principes déduits directement de l'art. 4
aCst. (ATF 119 Ia 136 consid. 2c p. 138/139 et la jurisprudence citée).
Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 4 aCst., comprend
notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes et
d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 129
II 497 consid. 2.2 p. 505; 127 III 576 consid. 2c p. 578 s. et la
jurisprudence citée).

4.3 Par courrier du 11 novembre 2003, l'autorité intimée a transmis à la
recourante une copie de la détermination de l'Université sur le recours.
Cette écriture indique que « la cause est gardée à juger », ce qui signifie,
selon la terminologie en usage dans le canton de Genève, que l'instruction
est close. Alors qu'elle n'avait pas réagi à ce courrier, la recourante a
adressé à l'autorité intimée, le 8 décembre 2003, une écriture complémentaire
à laquelle étaient jointes onze pièces. Par courrier du 12 décembre 2003,
l'autorité intimée lui a retourné cette écriture ainsi que ses annexes, en
lui indiquant ce qui suit:
« Vous avez été informé[e] en date du 11 novembre 2002 [recte: 2003] que la
cause est gardée à juger. De ce fait, nous vous renvoyons votre courrier
ainsi que son annexe. »
Quoi qu'en dise la recourante, l'autorité intimée a ainsi motivé - de manière
certes sommaire mais suffisante - son refus de verser au dossier le courrier
du 8 décembre 2003 ainsi que ses annexes par le fait que l'instruction était
close et que la recourante en avait été dûment informée.
Il y a lieu d'admettre qu'en ne réagissant pas au courrier du 11 novembre
2003, la recourante a renoncé par acte concluant à son droit de produire
d'autres moyens de preuve, de sorte que l'autorité intimée était par la suite
fondée à refuser d'administrer de tels moyens sans violer son droit d'être
entendue (s'agissant de la procédure pénale qui est régie également par la
maxime inquisitoire, cf. arrêt du 2 août 1991 1P.222/1991 consid. 2c). De
plus, la recourante ne démontre pas que les pièces jointes à son écriture du
8 décembre 2003 se rapportaient à des faits pertinents. Pour cette raison
aussi, le grief de violation du droit d'être entendu doit être rejeté.

5.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure
où il est recevable.
Succombant, la recourante supporte les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ)
et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à
l'Université et au Tribunal administratif de la République et canton de
Genève.

Lausanne, le 15 octobre 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: