Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.81/2004
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2P.81/2004 /svc

Arrêt du 9 juin 2004
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Betschart et Meylan, Juge suppléant.
Greffier: M. Langone.

M.________,
recourante,
représentée par Me Hubert Theurillat, avocat,

contre

Hôpital A.________, Direction générale,
intimé, représenté par Me Martine Lang, avocate,
Chambre administrative du Tribunal cantonal
du canton du Jura, Le Château, case postale 24,
2900 Porrentruy 2.

art. 9 Cst. (résiliation des rapports de service),

recours de droit public contre l'arrêt de la
Chambre administrative du Tribunal cantonal du
canton du Jura du 17 février 2004.

Faits:

A.
Le 26 juin 1987, M.________, née en 1952, a été engagée comme infirmière à
l'Hôpital A.________ dès le 6 juillet 1987 à 100%, puis à 80% à partir du 1er
septembre 1998.
En 1992, elle a fait l'objet d'une mise en garde pour avoir eu une réaction
désinvolte et tenu des propos désagréables envers ses supérieurs. En 1995,
elle a été mutée pour manque de collaboration et excitation perpétuelle dans
son travail. En septembre 1998, elle a reçu une nouvelle mise en garde pour
fautes professionnelles et a été invitée à exécuter les ordres et à respecter
la hiérarchie. Le 22 octobre 1998, elle a fait l'objet d'un blâme pour avoir
prodigué des soins inadéquats à une patiente.
Le 23 novembre 2001, elle s'est vu reprocher par sa supérieure hiérarchique
une importante faute professionnelle dans la prise en charge d'une patiente
qui venait de subir une intervention chirurgicale.

B.
Le 27 juin 2002, l'Hôpital A.________ a résilié le contrat de travail de
M.________ avec effet au 30 septembre 2002, en la libérant immédiatement de
son obligation de travailler, au motif qu'elle ne disposait plus des
compétences requises pour occuper son poste.
Statuant sur opposition le 22 octobre 2002, le Centre de gestion hospitalière
du canton du Jura a confirmé ce licenciement. M.________ a recouru contre
cette décision auprès de la Chambre administrative du Tribunal cantonal du
canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal). Une expertise sur l'incident
du 23 novembre 2001 a été confiée à B.________, enseignante à la Haute école
de soins infirmiers du canton de Neuchâtel. Dans son rapport du 25 septembre
2003, elle arrive à la conclusion que M.________ a fait preuve de négligence
et d'imprudence graves lors des soins prodigués le 23 novembre 2001 et était
inapte à occuper son poste.
Par arrêt du 17 février 2004, le Tribunal cantonal a rejeté le recours et
confirmé la décision de résiliation du contrat de travail de l'intéressée.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 9
Cst. (interdiction de l'arbitraire), M.________ demande au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt du 17 février 2004 du Tribunal cantonal.
L'Hôpital A.________ conclut au rejet du recours. Le Tribunal cantonal
propose de rejeter le recours dans la mesure où il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1  La décision de résiliation pour non-respect du contrat de travail a été
prise en application de l'art. 2.5.2 lettre b de la Convention collective de
travail pour le personnel du Centre de gestion hospitalière 2002-2004 passée
en décembre 2001 entre le Centre de gestion hospitalière du canton du Jura,
d'une part, et divers syndicats, d'autre part, entrée en vigueur le 1er
janvier 2002 (ci-après: la Convention collective de travail). Il s'agit là
d'un acte de droit public cantonal (art. 1.1. de la Convention collective de
travail). Cette convention, qui a été conclue pour une  période de trois ans,
a abrogé et remplacé le Statut du personnel des Hôpitaux jurassiens du 22
août 1980.
Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de droit
public et qui touche la recourante dans ses intérêts juridiquement protégés,
le présent recours est donc, en principe, recevable au regard des art. 84 ss
OJ.

1.2  Dans un recours de droit public pour arbitraire, les nouveaux moyens de
droit ou l'allégation de faits nouveaux sont, en principe, inadmissibles (cf.
ATF 129 I 49 consid. 3 p. 57; 128 I 354 consid. 6c p. 357 et les références
citées).

1.3  En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé des faits essentiels et un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et
préciser en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un recours de
droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si
l'arrêt entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité. Il
n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment
motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de
soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 130 I 26
consid. 2.1 p. 31; 129 III 626 consid. 4 p. 629; 129 I 113 consid. 2.1 p.
120, 185 consid. 1.6 p. 189; 125 I 71 consid. 1c p. 76; 115 Ia 27 consid. 4a
p. 30; 114 Ia 317 consid. 2b p. 318). En outre, dans un recours pour
arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst., l'intéressé ne peut se contenter de
critiquer l'arrêt attaqué comme il le ferait dans une procédure d'appel où
l'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit. Il doit
préciser en quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposerait sur aucun motif
sérieux et objectif, apparaîtrait insoutenable ou heurterait gravement le
sens de la justice (ATF 110 Ia 1 consid. 2a p. 3/4; cf. aussi ATF 128 I 295
consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495).
En l'espèce, l'acte de recours ne contient aucun exposé des faits essentiels.
La recourante se contente de renvoyer à l'état de fait de l'arrêt attaqué et
à différentes pièces du dossier cantonal, tout en indiquant qu'elle maintient
sa version des faits telle qu'exposée en procédure cantonale. Il est douteux
que le présent recours réponde aux exigences posées par  l'art. 90 al. 1
lettre b OJ. La question de sa recevabilité peut toutefois demeurer indécise,
du moment que le recours est de toute manière mal fondé, comme on le verra
ci-après.

2.
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante se plaint d'une interprétation et
d'une application arbitraires de l'art. 2.5.2 lettre b al. 1er de la
Convention collective de travail concernant la résiliation pour non-respect
du contrat de travail.
Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de
fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain.
De plus, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué soient
insoutenables, encore faut-il que ce dernier soit arbitraire dans son
résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution
que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275;
127 I 60 consid. 5a p. 70; 125 I 166 consid. 2a p. 168 et la jurisprudence
citée).

3.
3.1 L'art. 2.5.2 lettre b al. 1er de la Convention collective de travail
concernant la résiliation pour non-respect du contrat de travail prévoit que
"lorsque l'employeur résilie le contrat de travail d'une collaboratrice,
celle-ci doit avoir reçu au préalable au minimum un avertissement écrit.".
3.2  La recourante ne conteste pas sérieusement l'existence de motifs pour
prononcer la résiliation pour non-respect du contrat de travail au sens de
cette disposition, du moins pas de manière conforme aux exigences de
motivation de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ. Mais elle prétend  qu'elle n'a pas
reçu d'avertissement écrit préalablement à son licenciement; selon elle, la
résiliation serait donc nulle et non avenue. Or, contrairement à l'avis de la
recourante, c'est pour le moins sans arbitraire que le Tribunal cantonal a
retenu que les différentes mises en garde et le blâme écrits dont la
recourante avait fait l'objet en 1992, 1995 et 1998 pouvaient être assimilés
à des avertissements écrits au sens de l'art. 2.5.2 lettre b al. 1er de la
Convention collective de travail. Peu importe que les mises en garde et le
blâme aient été infligés à la recourante sous l'empire de l'ancien Statut du
personnel des Hôpitaux jurassiens du 22 août 1980, soit avant l'entrée en
vigueur de la Convention collective de travail (1er janvier 2002). A ce
propos, l'art. 2.3 de la Convention collective de travail précise que les
droits et obligations réciproques découlant des rapports de travail naissent
lors de la conclusion du contrat de travail, et non dès l'entrée en vigueur
de la Convention collective de travail. Il n'est donc pas déraisonnable de
considérer que l'employeur pouvait se prévaloir des avertissements donnés
précédemment à la recourante et n'avait pas à les renouveler au moment de
l'entrée en vigueur de la Convention collective de travail.

La recourante fait valoir ensuite que les diverses mises en garde et le blâme
qu'elle a reçus s'inscrivent dans le cadre de sanctions disciplinaires au
sens de l'art. 29 de l'ancien Statut du personnel des Hôpitaux jurassiens et
non dans le cadre de la procédure de  résiliation ordinaire du contrat de
travail, si bien qu'ils ne sauraient être considérés comme des avertissements
valables. Invoqué pour la première fois devant le Tribunal fédéral, il est
douteux qu'un tel grief soit admissible. A cet égard, on peut simplement
relever que si l'art. 2.5.2 lettre b al. 1er de la Convention collective de
travail prévoit que la résiliation du contrat de travail doit être précédée
d'un avertissement écrit, il ne précise en revanche pas que celui-ci doit
intervenir en dehors de toute procédure disciplinaire. En tout cas, la
recourante n'invoque aucune règle de droit cantonal à l'appui de son
argumentation. La recourante allègue encore que les mises en garde et le
blâme qui lui ont été donnés ne sont pas des avertissements au sens de l'art.

2.5.2  lettre b al. 1er de la Convention collective de travail, car ils ne
comportent pas expressément la menace de licenciement en cas de nouveau
manquement à ses devoirs de service; de plus, le dernier blâme reçu remontait
au mois d'octobre 1998, soit plusieurs années avant les événements du 23
novembre 2001 qui ont donné lieu à la résiliation litigieuse. Là encore, ces
griefs - si tant est qu'ils soient motivés conformément à l'art. 90 al. 1
lettre b OJ - sont mal fondés. L'interprétation de l'art. 2.5.2 lettre b al.
1er de la Convention collective de travail faite par le Tribunal cantonal sur
ces points est soutenable, eu égard notamment au texte clair de cette
disposition, qui ne prévoit pas que l'avertissement écrit doit être assorti
d'une menace expresse de licenciement, ni que l'avertissement devient
inopérant après un certain laps de temps. De surcroît, compte tenu de
l'ensemble des circonstances, la recourante pouvait, de bonne foi,
interpréter ces divers avertissements en ce sens qu'elle risquait d'être
licenciée en cas de non-respect des devoirs de service.
En tout état de cause, le Tribunal cantonal n'a pas fait preuve d'arbitraire
en considérant que la recourante avait été dûment avertie avant d'être
renvoyée, surtout si l'on considère qu'elle a reçu plusieurs avertissements
écrits.

3.3  De toute façon, même si la décision attaquée apparaissait insoutenable
dans sa motivation, elle serait néanmoins justifiée dans son résultat par
substitution de motifs. Vu la gravité des faits reprochés à la recourante
lors de son intervention du 23 novembre 2001, l'employeur aurait pu résilier
immédiatement le contrat de travail de la recourante pour de justes motifs en
application de l'art. 2.5.3 de la Convention collective de travail, règle qui
ne subordonne pas le licenciement à un avertissement préalable.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Succombant, la recourante doit supporter un émolument judiciaire
(art. 156 al. 1 OJ). Il n'est pas alloué de dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre administrative du Tribunal cantonal du Jura.

Lausanne, le 9 juin 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: