Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.58/2004
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004


2P.58/2004/LGE/elo
Arrêt du 5 mars 2004
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Merkli.
Greffier: M. Langone.

X. ________, recourante,
représentée par Me Stéphane Raemy.

contre

Présidents du Tribunal de l'arrondissement judiciaire de Y.________,
Direction de la justice, des affaires communales et des affaires
ecclésiastiques du canton de Berne, Münstergasse 2, 3011 Berne.

art. 29 Cst.; récusation; résiliation de rapports de service,

recours de droit public contre la décision de la Direction de la justice, des
affaires communales et des affaires ecclésiastiques du Canton de Berne du 22
janvier 2004.

Faits:

A.
X. ________ exerçait la fonction de secrétaire auprès des Présidents du
Tribunal de l'arrondissement judiciaire de Y.________ (ci-après: les
Présidents). Le 28 octobre 2003, le Président chargé de la direction des
affaires a informé l'intéressée que les Présidents envisageaient à
l'unanimité de résilier ses rapports de service après avoir procédé à une
évaluation approfondie de sa situation et à une audition de ses collègues de
travail.
Le 17 décembre 2003, X.________ a requis la récusation des Présidents, au
motif qu'ils avaient violé ses droits de procédure en ne lui ayant pas donné
l'occasion d'assister à l'audition de ses collègues de travail pour prendre
position, ce qui était de nature à fonder une apparence de prévention.

Par décision du 22 janvier 2004, la Direction de la justice, des affaires
communales et des affaires ecclésiastiques du canton de Berne (ci-après: la
Direction cantonale) a rejeté cette demande de récusation, au motif que les
Présidents n'agissaient pas en qualité d'autorité de jugement mais en tant
que partie à un contrat de travail, si bien que leur récusation ne pouvait
être demandée.

B.
Agissant le 23 février 2004 par la voie du recours de droit public,
X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision prise le 22
janvier 2004 par la Direction cantonale.

C.
Le 1er mars 2004, elle a déposé une requête de mesures provision- nelles
urgentes tendant à la restitution du délai de dix jours pour interjeter
recours contre la décision de résiliation des rapports de service prise le 20
février 2004 par le Président chargé de la direction des affaires.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227 et les arrêts
cités).

1.2 La décision attaquée rejette une demande de récusation fondée sur l'art.
9 al. 1 de la loi cantonale bernoise du 23 mai 1989 sur la procédure et la
juridiction administratives (LPJA) qui règle le devoir de récusation des
personnes appelées à rendre ou à préparer une décision, une décision sur
recours ou un jugement, ou à fonctionner comme membre d'une autorité. Selon
l'art. 9 al. 2 LPJA, il appartient à l'autorité de recours compétente au fond
- soit ici la Direction de la justice, des affaires communales et des
affaires ecclésiastiques - de statuer sur les demandes de récusation; sa
décision est définitive ("endgültig"), ce qui signifie qu'il n'y a pas de
voie de recours canto- nale (cf. Thomas Merkli/Arthur Aeschlimann/Ruth
Herzog, Kommentar zum Gesetz über die Verwaltungsrechtspflege im Kanton Bern,
Berne 1997, n. 20 et n. 28 ad art. 9).

En conséquence, un recours de droit public peut être formé à l'encontre d'une
telle décision, prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ).

1.3 La décision attaquée est une décision incidente, prise dans le cadre
d'une procédure administrative pouvant aboutir à une résiliation des rapports
de service. Comme il s'agit d'une décision sur une demande de récusation,
elle peut faire l'objet directement d'un recours de droit public nonobstant
son caractère incident, conformément à la règle de l'art. 87 al. 1 OJ (cf.
ATF 126 I 207 consid. 1b p. 209).

2.
2.1 Aux termes de l'art. 9 al. 1 lettre f LPJA, toute personne appelée à
préparer ou à rendre une décision doit se récuser "si, pour d'autres raisons,
elle pourrait apparaître comme prévenue en faveur de l'une des parties".
Cette clause s'ajoute à la liste des motifs légaux prévus aux lettres a à e
de l'art. 9 al. 1 LPJA (intérêt personnel dans l'affaire, parenté, etc.) qui,
manifestement, ne pourraient pas être invoqués dans le cas particulier.

En l'espèce, la Direction cantonale a écarté l'application de l'art. 9 al. 1
LPJA, au motif que les Présidents, qui n'agissent pas en tant qu'autorité
administrative mais comme simple partie à un rapport de travail, n'ont pas le
devoir de se récuser. On a de la peine à suivre un tel raisonnement. En
effet, la création et la résiliation des rapports de service de
collaborateurs et de collaboratrices des tribunaux de première instance
relèvent de la compétence du président (e) responsable de la direction des
affaires (cf. art. 3 al. 2 de l'ordonnance du 1er juin 1999 de Direction sur
la délégation de compétences de la Direction de la justice, des affaires
communales et des affaires ecclésiastiques [Odél JCE]). En ouvrant une
procédure de résiliation des rapports de service pouvant aboutir comme ici à
une décision de renvoi susceptible de recours, les Présidents, ou plus
précisément le président chargé de la direction des affaires, agissent en
tant que membres d'une autorité administrative appelés à préparer et à rendre
une décision. On ne voit pas pas pourquoi l'art. 9 LPJA ne leur serait pas
applicable. Point n'est cependant besoin d'examiner plus avant cette question
du moment que le présent recours doit de toute manière être rejeté, puisque
le motif énoncé à l'art. 9 al. 1 lettre f LPJA n'est pas réalisé. Cette
disposition légale n'a au reste pas une portée différente de celle de l'art.
29 al. 1 Cst. C'est donc au regard de cette garantie constitutionnelle qu'il
convient d'examiner la décision attaquée (arrêt 1P.726/2003 du 30 janvier
2004, consid. 2.1).
2.2 Les garanties de l'art. 30 Cst. (art. 58 aCst.), notamment celle du
tribunal indépendant et impartial (cf. aussi art. 6 par. 1 CEDH), sont
applicables dans les procédures judiciaires. Elles ne peuvent cependant pas
être invoquées directement dans une procédure administrative telle une
procédure administrative de résiliation des rapports de service d'un agent
public. Néanmoins, l'art. 29 al. 1 Cst., applicable de façon générale dans
les procédures judiciaires et administratives, a une portée en principe
équivalente quant à l'indépendance et à l'impartialité des autorités qui ne
sont pas des tribunaux. Selon la jurisprudence, l'art. 29 al. 1 Cst. permet -
indépendamment du droit cantonal - d'exiger la récusation des membres d'une
autorité administrative dont la situation ou le comportement est de nature à
faire naître un doute sur leur impartialité; cette protection tend notamment
à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent influencer
une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. Elle
n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du
membre de l'autorité est établie; il suffit que les circonstances donnent
l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale.
Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être
prises en considération; les impressions purement individuelles d'une des
personnes impliquées ne sont pas décisives (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198;
125 I 119 consid. 3b p. 123, 209 consid. 8a p. 217; cf. également la
jurisprudence concernant l'impartialité des juges: ATF 128 V 82 consid. 2 p.
84; 126 I 68 consid. 3 p. 73; 125 I 119 consid. 3a p. 122; 116 Ia 135 consid.
2 p. 137).

2.3 La recourante reproche en bref aux Présidents d'avoir procédé à
l'audition de ses collègues de travail à son insu, sans même l'avoir
formellement informée de l'ouverture de la procédure, d'avoir déjà annoncé en
octobre et en novembre 2003 l'issue de la procédure, soit la résiliation des
rapports de service, si elle ne demandait pas sa retraite anticipée et de ne
pas avoir suspendu la procédure cantonale malgré l'annonce du dépôt d'un
recours de droit public au Tribunal fédéral. Selon la recourante, la
récusation des Présidents devrait  être admise pour le motif qu'ils ont
commis de graves vices de procédure, soit des violations de son droit d'être
entendue, dans le cadre de la procédure de renvoi, ce qui est de nature à
éveiller un doute sur leur impartialité.
Or, même lorsqu'elles sont établies, des erreurs de procédure ou
d'appréciation commises par un juge ou un membre d'une autorité
administrative ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de
partialité. Les éventuels vices de procédure doivent être réparés dans le
cadre des procédures de recours ordinaires; il n'appartient pas au juge de la
récusation d'examiner la conduite de la procédure à la manière d'un organe de
surveillance. Seules des erreurs de procédure particulièrement graves ou
répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat,
peuvent donner lieu à récusation (cf. ATF 116 Ia 135 consid. 3a p. 138; voir
aussi ATF 125 I 119 consid. 3e p. 124). Or tel n'est pas le cas en l'espèce.
On ne saurait admettre que  les prétendues violations du droit d'être entendu
de la recourante commises par les Présidents seraient graves au point de
fonder objectivement un soupçon de partialité, si tant est qu'elles doivent
être reconnues comme telles. La recourante ne l'a en tout cas pas démontré à
satisfaction de droit.

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Avec ce prononcé, la requête
de mesures provisionnelles urgentes devient sans objet. Succombant, la
recourante doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, aux
Présidents du Tribunal de l'arrondissement judiciaire de Y.________ et à la
Direction de la justice, des affaires communales et des affaires
ecclésiastiques du canton de Berne.

Lausanne, le 5 mars 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: