Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.33/2004
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2004


2P.33/2004
2P.174/2004 /fzc

Arrêt du 7 décembre 2004
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Meylan, Juge suppléant.
Greffier: M. Langone.

X. ________,
recourant, représenté par Me Olivier Carrard, avocat,

contre

Conseil d'Etat du canton de Genève, 1211 Genève 3,
représenté par Me Bernard Ziegler, avocat.

art. 9 Cst., art. 6 CEDH (fixation du traitement),

recours de droit public contre les arrêtés du Conseil d'Etat du canton de
Genève du 3 décembre 2003 (2P.33/2004) et du 1er juin 2004 (2P.174/2004).

Faits:

A.
Par arrêté du 3 décembre 2003, le Conseil d'Etat du canton de Genève a nommé
X.________, né en 1946, aux fonctions de professeur titulaire, à plein temps,
à l'unité d'italien de l'école de traduction et d'interprétation, du 1er
octobre 2003 au 30 septembre 2006, sur la base d'un traitement de 121'575 fr.
par année.
Le 2 février 2004, X.________ a déposé devant le Tribunal fédéral un recours
de droit public (2P.33/2004) en concluant à l'annu-lation partielle de cet
arrêté en tant qu'il fixe le traitement annuel à 121'575 fr. au lieu de
144'743 fr.
Le 19 janvier 2004, le prénommé avait présenté devant le Conseil d'Etat une
opposition, subsidiairement une demande de reconsidération du même arrêté .
Par ordonnance présidentielle du 27 février 2004, la procédure de recours
fédérale a été suspendue jusqu'à droit connu sur la procédure parallèle
pendante devant le Conseil d'Etat.

B.
Par arrêté du 1er juin 2004, le Conseil d'Etat a déclaré irrecevables
l'opposition et la demande de reconsidération, tout en précisant qu'il
n'existait, sur le plan cantonal, aucune voie de recours ordinaire ouverte
contre son arrêté du 3 décembre 2003, si bien qu'il n'y avait pas lieu de
transmettre la cause au Tribunal administratif genevois comme objet de sa
compétence. Par arrêté séparé du même jour, il a cependant annulé et remplacé
son arrêté du 3 décembre 2003, qui contenait une erreur de plume, en ce sens
que X.________ est nommé aux fonctions de professeur titulaire non pas à
plein temps mais "à raison de 10 heures de cours par semaine", à l'unité
d'italien de l'école de traduction et d'interprétation pour un traitement de
121'575 fr. par année.
Agissant le 2 juillet 2004 par la voie du recours de droit public
(2P.174/2004), X.________ demande au Tribunal fédéral principalement
d'annuler l'arrêté du 1er juin 2004 et, à titre subsidiaire, d'annuler
partiellement cet arrêté en tant qu'il fixe le traitement annuel à 121'575
fr. au lieu de 144'743 fr.
Le Conseil d'Etat conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet des
deux recours de droit public.

C.
Par ordonnance présidentielle du 9 juillet 2004, la jonction des causes
2P.33/2004 et 2P.174/2004 a été ordonnée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public du 2 février 2003 (2P.33/2004) dirigé contre
l'arrêté du Conseil d'Etat du 3 décembre 2003 est devenu sans objet du fait
que celui-ci a été annulé et remplacé par l'arrêté du Conseil  d'Etat du 1er
juin 2004. La cause doit donc être radiée du rôle.
Reste à examiner le recours de droit public du 2 juillet 2004 (2P.174/2004)
interjeté contre ce dernier arrêté du 1er juin 2004.

2.
2.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours qui lui sont soumis (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317; 130 II 509
consid. 8.1 p. 510).

2.2 Selon l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est recevable qu'à
l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale.
En l'occurrence, l'art. 6 § 1 CEDH est applicable au présent litige qui
concerne des prétentions de nature patrimoniale découlant des rapports de
service d'un professeur et non des pures questions de service ou
d'organisation (cf. ATF 129 I 207 consid. 4 p. 211 ss et les nombreux arrêts
cités). Cette disposition conventionnelle donne à toute personne le droit à
ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial établi
par la loi. Dans ces conditions, une juridiction cantonale doit être mise à
disposition du recourant pour contester la décision attaquée prise par le
gouvernement cantonal, étant précisé que la procédure du recours de droit
public devant le Tribunal fédéral ne peut assumer la fonction de contrôle
judiciaire satisfaisant aux exigences de l'art. 6 CEDH (cf. ATF 129 I 207
consid. 5.2 p. 216; 123 I 87 consid. 3b et les références citées).

3.
3.1 Certes, l'art. 6 CEDH n'empêche pas une autorité administrative de statuer
sur la cause, pour autant qu'un recours soit possible auprès d'une
juridiction disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF
126 I 33 consid. 2a et les arrêts cités). Mais, selon l'interprétation de la
législation genevoise topique faite par le Conseil d'Etat lui-même, aucune
voie de recours ordinaire n'est ouverte auprès du Tribunal administratif à
l'encontre de sa décision portant sur la fixation du traitement d'un
professeur.
Depuis le 1er janvier 2001, le Tribunal administratif du canton de Genève
dispose d'une attribution générale de compétences, dont le but principal est
de combler les lacunes de la protection juridique et d'aménager une voie de
recours conformément aux exigences des art. 98a OJ et 6 § 1 CEDH (cf. ATF 127
I 115 consid. 3b). Selon l'art. 56A de la loi genevoise du 1er janvier 1942
sur l'organisation judiciaire genevoise (ci-après: LOJ/GE), le Tribunal
administratif est ainsi l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière
administrative (al. 1); il connaît des recours dirigés contre les décisions
rendues notamment par le Conseil d'Etat (al. 2 en relation avec l'art. 5
lettre a de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure
administrative [ci-après: LPA/GE]). L'art. 56B al. 4 lettre a LOJ/GE dispose
cependant que le recours au Tribunal administratif n'est recevable à
l'encontre d'une décision concernant le statut ou les rapports de service des
agents de l'Etat que dans la mesure où une disposition légale (ou d'une autre
nature) le prévoit expressément. Or tel n'est pas le cas en l'espèce. La voie
de droit auprès de la Commission de recours de l'université n'est pas non
plus ouverte, dès lors que la décision attaquée n'émane pas d'un organe de
l'université (cf. art. 87 du Règlement de l'université édicté le 7 septembre
1988 par le Conseil d'Etat du canton de Genève) mais de l'autorité de
nomination, soit le Conseil d'Etat.

Dans sa réponse au recours, le Conseil d'Etat fait cependant observer que le
recourant n'a pas épuisé tous les moyens de droit cantonal, qui étaient à sa
disposition. A ses yeux, le recourant aurait pu et dû saisir le Tribunal
administratif non pas d'un recours ordinaire, mais d'une action pécuniaire au
sens de l'art. 56G LOJ/GE, dans la mesure où il faisait valoir des
prétentions de nature pécuniaire fondées sur le droit public cantonal
concernant les rapports entre l'Etat et leurs agents publics. Il est vrai
qu'il faut interpréter largement la notion de "moyen de droit cantonal", qui
ne comprend pas seulement les voies de recours ordinaires, mais aussi les
moyens extraordinaires (y compris les actions pécuniaires), pourvu qu'ils
permettent de redresser l'inconstitutionnalité alléguée (cf. Walter Kälin,
Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2ème éd. Berne 1994, p. 326
ss, plus spéc. p. 333). Il n'est cependant pas évident que l'action
pécuniaire auprès du Tribunal administratif soit recevable en l'espèce.
D'ailleurs, dans son arrêté du 1er juin 2004 déclarant irrecevables
l'opposition et la demande de reconsidération, le Conseil d'Etat a lui-même
indiqué qu'il n'y avait pas lieu de transmettre la cause au Tribunal
administratif; il n'a même pas jugé utile d'interpeller cette juridiction
cantonale sur sa compétence pour connaître d'une éventuelle action pécuniaire
introduite par le recourant. Contrairement à ce que laisse entendre le
Conseil d'Etat, la réglementation dans ce domaine n'est pas absolument
claire. Le recourant ne saurait donc en supporter les conséquences, d'autant
que lorsque la recevabilité d'un moyen de droit cantonal fait l'objet de
doutes sérieux, il n'est pas nécessaire d'utiliser cette voie avant de former
un recours de droit public (ATF 116 Ia 442 consid. 1a p. 44 et les arrêts
cités).

3.2 Selon la jurisprudence relative à l'art. 6 § 1 CEDH, même à défaut de
dispositions expresses du droit cantonal, une voie de recours auprès d'une
autorité judiciaire cantonale doit être ouverte sur la base d'une
interprétation conforme à la Convention européenne des droits de l'homme des
normes de procédure en vigueur; si cela n'est pas possible, il convient
d'adopter un règlement transitoire, voire de désigner de cas en cas
l'autorité judiciaire compétente (ATF 121 II 219 consid. 2c; 120 Ia 209
consid. 6d; cf. aussi ATF 123 II 231 consid. 7). En principe, il appartient à
celui qui se prévaut de l'art. 6 § 1 CEDH de demander aux autorités
cantonales, avant de saisir le Tribunal fédéral, d'assurer le contrôle
judiciaire prévu par cette disposition. Compte tenu de l'ensemble des
circonstances, notamment du fait que le Conseil d'Etat avait d'emblée
constaté que le Tribunal administratif n'était pas compétent pour trancher le
présent litige, on ne saurait reprocher au recourant de ne pas avoir
préalablement saisi la juridiction cantonale d'un recours ordinaire ou d'une
action pécuniaire. Cela étant, lorsque le Tribunal fédéral, se fondant
directement sur l'art. 6 § 1 CEDH, considère qu'une voie de recours cantonale
doit être ouverte, il ne pose pas lui-même les règles d'organisation et de
procédure applicables au niveau cantonal (ATF 123 II 231 consid. 7)
3.3 Par ailleurs, lorsqu'il existe une obligation de mentionner une voie de
droit cantonale (cf. art. 46 LPA/GE concernant l'indication des voies
ordinaires de recours), son omission ne doit pas porter préjudice au
justiciable. Celui-ci ne doit en outre pas pâtir d'une réglementation légale
peu claire ou contradictoire des voies de droit; il est alors dans une
situation comparable à celle du justiciable à qui l'autorité donne, dans sa
décision, des indications erronées à ce sujet (ATF 123 II 231 consid. 8b p.
238).

3.4 C'est pourquoi le principe de la bonne foi, qui veut que le justiciable
ne subisse aucun préjudice à cause d'une réglementation peu claire des voies
de droit (cf. art. 107 al. 3 OJ), confère au Tribunal fédéral la compétence
de transmettre l'affaire à une autorité judiciaire cantonale - quand bien
même il déclare le recours de droit public irrecevable - et lui impose aussi
de procéder à cette transmission (ATF 125 I 313 consid. 5 p. 320 et les
arrêts cités).

La présente affaire doit être transmise au Tribunal administratif, dont la
compétence est la plus probable. Le Tribunal administratif devra néanmoins
examiner préalablement sa compétence et, le cas échéant, retransmettre
l'affaire à une autre autorité judiciaire cantonale après un éventuel échange
de vues.

4.
En résumé, le recours de droit public du 2 février 2003 (2P.33/2003) dirigé
contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 3 décembre 2003 doit être déclaré sans
objet.

Quant au recours 2P.174/2003 interjeté contre la décision du Conseil d'Etat
du 4 juin 2003, il doit être déclaré irrecevable faute d'épuisement des
instances cantonales (art. 86 al. 1 OJ), la cause devant toutefois être
transmise au Tribunal administratif, dont la compétence est la plus probable.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, il se justifie de statuer sans
frais et de ne pas allouer de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Il est constaté que le recours 2P.33/2004 est devenu sans objet.

2.
Le recours 2P.174/2004 est déclaré irrecevable.

3.
La cause est transmise au Tribunal administratif du canton de Genève dans le
sens des considérants.

4.
Il est statué sans frais.

5.
Il n'est pas alloué de dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
mandataire du Conseil d'Etat du canton de Genève.

Lausanne, le 7 décembre 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: