Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.338/2004
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2P.338/2004
2A.757/2004/svc

Arrêt du 26 avril 2006
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Betschart, Wurzburger, Müller et Yersin.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

X. ________ AG,
recourante, représentée par Y.________,

contre

Service cantonal des contributions du canton
de Fribourg, route Joseph Piller 13, 1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
cour fiscale, rue André Piller 21, 1762 Givisiez.

2P.338/2004
capital propre dissimulé et intérêts y relatifs
(impôt cantonal 1999),

2A.757/2004
capital propre dissimulé et intérêts y relatifs
(impôt fédéral direct 1999),

recours de droit public (2P.338/2004) et
recours de droit administratif (2A.757/2004)
contre l'arrêt du Tribunal administratif
du canton de Fribourg du 19 novembre 2004.
Faits:

A.
La société X.________ AG, sise à A.________ dans le canton de Fribourg, a
pour but le développement de revêtements anticorrosion. Son capital-actions
se monte à 500'000 fr. Cette société est détenue à 60% par L.________,
personne physique, et à 40% par la société L.________ AG, sise  dans le
canton de Soleure, qui est elle-même détenue à 100% par L.________.
X.________ AG est propriétaire d'un immeuble à A.________, dans lequel elle a
exercé une activité de thermolaquage jusqu'en 1994. De 1995 à 1997, elle a
loué son immeuble à L.________ AG et, depuis 1998, elle le loue à M.________
AG, l'une des sociétés du groupe, qui a repris l'exploitation de l'usine de
thermolaquage.

B.
La recourante a mis fin à son activité en 1994 après avoir subi des pertes
d'exploitation ayant nécessité un assainissement d'un montant de plus de
3'000'000 fr. La Banque O.________ (ci-après:  la Banque) a alors exigé que
les dettes de X.________ AG à son égard soient reprises par L.________ AG qui
s'était portée caution; elles ont toutefois continué d'être garanties par des
cédules hypothécaires portant sur l'immeuble appartenant à la recourante.
L.________ AG a ensuite prêté à X.________ AG les montants dont elle se
trouvait dès lors débitrice à l'égard de la Banque, soit 8'244'484 fr. au 31
décembre 1999. A cette même date, le montant total des prêts de L.________ AG
à la recourante atteignait 10'000'000 fr., la différence consistant
apparemment en des prêts octroyés par L.________ AG à X.________ AG avant la
restructuration susmentionnée.

C.
Dans sa décision de taxation du 28 février 2001 pour l'impôt fédéral direct
et l'impôt cantonal de la période fiscale 1999, le Service cantonal des
contributions du canton de Fribourg (ci-après: le Service des contributions)
a estimé que X.________ AG avait un capital propre dissimulé de 3'566'919
fr., ce qui portait le capital imposable à 4'078'159 fr. Les intérêts
afférents à ce capital propre dissimulé, soit 240'716 fr., ont été ajoutés au
bénéfice de l'exercice, le bénéfice imposable étant fixé à 85'985 fr. La
réclamation à l'encontre de cette taxation a été rejetée le 12 mars 2002.

D.
Par arrêt du 19 novembre 2004, le Tribunal administratif a partiellement
admis le recours pour l'impôt fédéral direct et pour l'impôt cantonal de la
période fiscale 1999. Pour ces deux impôts, il a réduit les intérêts passifs
non déductibles relatifs au capital propre dissimulé à 145'941 fr. et, pour
l'impôt cantonal sur le capital, il a arrêté le capital propre dissimulé à
3'047'390 fr. Il a, par contre, modifié la décision attaquée au détriment de
la contribuable, pour l'impôt fédéral direct et pour l'impôt cantonal, sur un
point: il a considéré que X.________ AG avait mis gratuitement à disposition
de L.________ AG des cédules hypothécaires contrairement à l'usage
commercial, ce qui constituait une distribution dissimulée de bénéfice. Il a
dès lors ajouté au bénéfice imposable  une commission de fiducie d'un montant
de 37'300 fr.
Le Tribunal administratif a relevé que X.________ AG bénéficiait, au 31
décembre 1999, d'un prêt de 10'000'000 fr. de la part de L.________ AG. En
application d'une circulaire de l'Administration fédérale des contributions
qui fixe la proportion des fonds étrangers admissibles pour de telles
sociétés, ledit Tribunal a calculé que X.________ AG était en mesure
d'obtenir de tiers des fonds étrangers d'un montant de 287'625 fr. sur les
créances (85% de leur valeur vénale au 31 décembre 1999, soit 338'382 fr.),
de 5'516'195 fr. sur les immeubles (70% de leur valeur vénale au 31 décembre
1999, soit 7'880'278 fr.) et de 1'148'790 fr. sur les machines et
installations (50% de leur valeur vénale au 31 décembre 1999, soit 2'297'580
fr.), soit un total de 6'952'610 fr. Ainsi, le montant de 10'000'000 fr. mis
à disposition de la société par un actionnaire excédait de 3'047'390 fr. les
limites prévues par la circulaire. Cette somme devait dès lors être
considérée comme du capital propre dissimulé.
Le Tribunal administratif a rappelé que les intérêts passifs imputables à la
part du prêt économiquement assimilable au capital propre (intérêts sur le
capital propre dissimulé) font partie du bénéfice imposable et équivalent à
des distributions de bénéfice et des avantages procurés à des tiers qui ne
sont pas justifiés par l'usage commercial. Il a déterminé les intérêts non
admis fiscalement - en tenant compte de la valeur vénale des actifs de la
société au 31 décembre 1999, soit 10'516'240 fr., et de la part du prêt
admise au titre de capital étranger, soit 6'952'610 fr. - de la façon
suivante:

Montant admis au taux du 1er rang:
6'309'744 fr. (60% de 10'516'240 fr.) à 5% 315'487 fr.
Montant admis au taux du 2e rang:
642'866 fr. (6'952'610 fr. ./. 6'309'744 fr.) à 6%  38'572  fr.
Total 354'059 fr.
Intérêts effectivement versés par
X.________ AG 500'000 fr.

Intérêts non admis fiscalement 145'941 fr.
=========
Le Tribunal administratif a ajouté ce montant au bénéfice imposable de
X.________ AG considérant qu'il représentait des intérêts non admis
fiscalement sur le capital propre dissimulé.

E.
Agissant par la voie du recours de droit administratif (2A.757/2004),
X.________ AG demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'annuler l'arrêt du 19 novembre 2004 du Tribunal administratif, partant
d'annuler la reprise d'intérêts sur le capital propre dissimulé et la reprise
d'une commission de mise de cédules hypothécaires à la disposition de son
actionnaire L.________ AG. Au cas où les reprises seraient confirmées, elle
demande au Tribunal fédéral d'inviter le canton de Soleure à modifier la
taxation de la période fiscale 1999 de la société L.________ AG. X.________
AG invoque une constatation inexacte et incomplète des faits (art. 104 lettre
b OJ), une violation du principe de la bonne foi (art. 9 Cst.), du droit
fédéral et de l'interdiction de la double imposition (art. 127 al. 3 Cst.).
Agissant également par la voie du recours de droit public (2P.338/2004),
X.________ AG demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'annuler l'arrêt du 19 novembre 2004 du Tribunal administratif. Au cas où
les reprises seraient confirmées, elle demande au Tribunal fédéral d'inviter
le canton de Soleure à modifier la taxation de la période fiscale 1999 de la
société L.________ AG. Elle estime que l'arrêt est arbitraire (art. 9 Cst.)
dans son appréciation des faits ainsi que dans son application des
dispositions cantonales topiques, qu'il viole les principes de la bonne foi
(art. 9 Cst.) et de l'interdiction de la double imposition intercantonale
(art. 127 al. 3 Cst.).
Le Tribunal administratif conclut au rejet des deux recours. L'Administration
fédérale des contributions déclare faire siennes les considérations émises
par le Tribunal administratif dans l'arrêt du 19 novembre 2004 et propose le
rejet du recours de droit administratif. Le Service des contributions n'a pas
déposé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Dirigés contre le même arrêt, les deux recours reposent sur le même état de
fait et soulèvent des griefs en grande partie similaires. Il se justifie dès
lors de joindre les causes par économie de procédure.

I.  Impôt fédéral direct (2A.757/2004)

2.
La recourante se plaint d'une constatation inexacte et incomplète des faits.
Elle estime que le prêt que son actionnaire lui a consenti ne représente pas
du capital propre. Elle reproche au Tribunal administratif de n'avoir pas
retenu que la reprise de ses dettes envers la Banque par L.________ AG a été
imposée par la Banque et que, en 2003, celle-ci lui a à nouveau accordé un
crédit de 7'735'000 fr.
Cette critique est infondée. En effet, ledit Tribunal ayant manifestement
constaté de façon correcte et complète les faits établis dans le respect des
règles essentielles de procédure (cf. art. 104 let. b OJ; ATF 131 II 361
consid. 2 p. 366 et les arrêts cités), le Tribunal fédéral est lié par l'art.
105 al. 2 OJ. En réalité, l'autorité intimée a estimé, à bon droit, que
certains faits n'étaient pas relevants, en particulier ceux postérieurs à la
période en cause. Au surplus, la recourante s'en prend à leur qualification
et à leur appréciation juridique et soulève ainsi une question de droit que
le Tribunal fédéral examine d'office et librement (ATF 131 III 182 consid. 3
p. 184 et les arrêts cités).

3.
3.1 La recourante excipe du principe de la bonne foi. Le Service des
contributions n'avait effectué aucune reprise lors des taxations des périodes
fiscales antérieures à 1999, ni sur les intérêts relatifs au capital propre
dissimulé ni pour la mise à disposition des cédules hypothécaires. Elle
estime dès lors que ce Service ne pouvait pas le faire pour la période
fiscale 1999.

3.2 L'autorité de taxation procède à une nouvelle taxation à chaque période
fiscale (art. 79, 80, 130 et 131 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'impôt fédéral direct [ci-après: LIFD ou loi fédérale sur l'impôt fédéral
direct; RS 642.11]). Elle doit alors examiner tous les éléments de la
taxation et, le cas échéant, les modifier s'il s'avère qu'ils s'écartent
d'une application correcte de la loi, même si une solution différente a été
admise lors de précédentes périodes (art. 123, 130 et 131 LIFD). Or, le
principe de la bonne foi (sur cette notion cf. ATF 131 II 627 consid. 6.1 p.
636; 130 I 26 consid. 8.1 p. 60) ne protège pas le contribuable contre une
telle modification, à moins qu'il n'ait reçu des assurances particulières et
expresses de l'autorité de taxation et que les autres conditions prévues par
la jurisprudence soient réunies.
Tel n'est pas le cas en l'espèce. Le fait que la recourante ait bénéficié de
taxations trop basses lors des périodes fiscales antérieures à 1999 ne lui
confère aucun droit à ce que sa taxation ne soit pas rectifiée en 1999. En
outre, le droit fiscal est dominé par le principe de la légalité, de telle
sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu'une influence
limitée dans ce domaine, surtout s'il vient à entrer en conflit avec le
principe de la légalité (cf. art. 5 et 9 Cst.; ATF 118 Ib 312 consid. 3b p.
316; cf. Jean-Marc Rivier, Droit fiscal suisse, 2e éd., Lausanne 1998, p.
132; Ernst Blumenstein/Peter Locher, System des Steuerrechts, 6e éd., 2002,
p. 28). Dès lors que la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct règle
l'imposition du capital propre dissimulé et de ses intérêts (art. 65 LIFD;
cf. infra consid. 4), celle-ci devait être appliquée correctement à la
taxation de la période fiscale 1999.
Le grief de la recourante doit donc être rejeté.

4.
4.1 Selon l'art. 58 al. 1 let. a et b LIFD, le bénéfice net imposable comprend
le solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l'exercice
précédent, ainsi que, notamment, les distributions ouvertes ou dissimulées de
bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par
l'usage commercial.
L'art. 65 LIFD, dans sa teneur dès le 1er janvier 1998, précise:
"Les intérêts passifs imputables à la part de capital étranger économiquement
assimilable au capital propre font partie du bénéfice imposable des sociétés
de capitaux et des sociétés coopératives."
Est donc traitée comme du capital propre la part de fonds étrangers qui lui
est économiquement assimilable. L'Administration fédérale des contributions a
publié la circulaire no 6 du 6 juin 1997 relative au capital propre dissimulé
de sociétés de capitaux et de sociétés coopératives (art. 65 et 75 LIFD)
(Archives 66 296; ci-après: la circulaire no 6) qui définit à quelles
conditions et à partir de quel montant les fonds étrangers d'une société
doivent être assimilés à du capital propre. Le Tribunal fédéral n'est pas lié
par cette circulaire mais, dans la mesure où elle vise à assurer une pratique
uniforme, il ne s'en écarte pas sans motif.

4.2 Il peut y avoir un avantage important, tant pour l'actionnaire - ou les
personnes qui lui sont proches - que pour la société de capitaux, à disposer
des fonds nécessaires sous forme de prêt de l'actionnaire plutôt que de fonds
propres: les intérêts passifs dus par la société débitrice du prêt sont
considérés comme charge et dès lors déductibles du bénéfice imposable.
Fiscalement, ce procédé n'est toutefois pas admis lorsque le prêt (dette) à
la société joue économiquement le rôle de fonds propres et qu'ainsi des
intérêts passifs déductibles sont payés à l'actionnaire en lieu et place de
dividendes qui ne peuvent l'être. Ces fonds étrangers sont alors traités
comme du capital propre dissimulé et les intérêts y relatifs ajoutés au
bénéfice imposable. Cette façon de procéder peut représenter une distribution
dissimulée de bénéfice ou un avantage procuré à des tiers qui n'est pas
justifié par l'usage commercial. Comme elle est directement réglée à l'art.
65 LIFD, les conditions jurisprudentielles de la distribution dissimulée de
bénéfice n'ont donc pas à être au surplus réalisées.
Le financement étranger est considéré comme inadapté lorsque la société
obtient l'apport des fonds en question d'un détenteur de parts ou d'une
personne qui lui est proche, qu'elle n'aurait pas pu, par ses propres moyens,
obtenir les fonds nécessaires de la part de tiers et qu'elle expose les fonds
au risque inhérent à la marche des affaires dans une mesure inhabituelle pour
ceux des tiers. La preuve qu'un tiers indépendant aurait octroyé un prêt dans
des circonstances identiques est donc réservée. Ainsi, sur le plan fiscal,
une société peut s'endetter envers ses actionnaires lorsqu'elle aurait pu
également obtenir par ses propres moyens les fonds nécessaires notamment de
la part des banques (Peter Agner/Beat Jung/Gotthard Steinmann, Commentaire de
la loi sur l'impôt fédéral direct, ad. art. 65, p. 276; Peter
Brülisauer/Stephan Kuhn, in: Martin Zweifel/Peter Athanas, Kommentar zum
schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer
(DBG), I/2a, no 18 ss ad art. 65 LIFD p. 844; Charles Hermann, Etre ou ne pas
être sous-capitalisé, in: L'expert-comptable suisse 12/1998, p. 1359 ss;
Peter Locher, Kommentar zum DBG, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer,
II Teil, no 13 ad art. 65 LIFD, p. 590.)
4.3 Si le financement est qualifié d'inadapté, le montant du capital propre
dissimulé doit être défini afin de calculer les intérêts qui lui
correspondent et qui doivent être ajoutés au rendement net soumis à l'impôt
sur le bénéfice.
Pour déterminer le capital propre dissimulé, il convient de fixer le montant
maximum admis comme fonds étrangers.
La circulaire no 6 prévoit qu'afin d'établir les fonds étrangers admissibles,
il faut partir, en règle générale, de la valeur vénale des actifs de la
société bénéficiaire du prêt à la fin de la période fiscale. L'Administration
fédérale des contributions a arrêté pour chaque type d'actifs, en pourcentage
de la valeur vénale, le montant maximum des fonds étrangers qu'une société
peut obtenir auprès de tiers. En particulier, les installations, machines et
outillage sont supposés permettre à la société qui en est propriétaire
d'obtenir des fonds étrangers à concurrence de 50% de leur valeur vénale et
les immeubles d'exploitation à concurrence de 70%. La différence entre le
prêt (dette) au bilan et le montant maximum ainsi déterminé, dans la mesure
où ces moyens ont été fournis, directement ou indirectement, par des
détenteurs de parts ou des personnes qui leur sont proches, représente le
capital propre dissimulé.

5.
5.1 Le Tribunal administratif a relevé que la recourante bénéficiait d'un prêt
de 10'000'000 fr. de la part de L.________ AG et que cette société détenait
40% des parts de la recourante. Selon ce Tribunal, la reprise des dettes de
la recourante par l'actionnaire opérée en 1994, dont les modalités ont été
imposées par la banque créancière, a eu pour effet que le prêt précédemment
accordé à la recourante par un tiers (la Banque) l'était désormais par une
société actionnaire, même si celle-ci a dû emprunter dans le même temps des
fonds à la Banque. Le fait que la dette de L.________ AG envers la Banque ait
été garantie par des cédules hypothécaires portant sur les immeubles
appartenant à la recourante importait peu. Le Tribunal administratif a ainsi
jugé que des fonds étrangers avaient été mis à la disposition de la
recourante par une détentrice de parts.
La recourante nie que des fonds étrangers aient été mis à sa disposition par
un actionnaire. Selon elle, est déterminant le fait qu'elle avait elle-même
obtenu, avant la reprise de ses dettes auprès de la Banque par son
actionnaire, des prêts bancaires. L.________ AG ne serait devenue sa
créancière seulement après avoir repris ses dettes à la demande de la Banque.
Cela démontrerait que, sans cette exigence de la Banque, la recourante aurait
eu au 31 décembre 1999 une dette de 8'244'484 fr. envers cette dernière.

5.2 L'argumentation de la recourante tombe à faux puisque le fait que la
Banque ait exigé la reprise de la dette de l'intéressée par L.________ AG,
qui s'était portée caution, prouve précisément que la recourante ne pouvait
plus obtenir de prêt d'un tiers et que, de fait, c'est une société
actionnaire qui lui prêtait le montant en question au 31 décembre 1999. Que
la nouvelle structure de financement ait été imposée par la Banque et que
celle-ci ait exigé la reprise des dettes de la recourante par L.________ AG
montrent bien que la recourante ne pouvait obtenir de crédit de tiers. De
même, l'absence de volonté d'économiser des impôts de l'intéressée n'est pas
relevante puisque, contrairement à ce qu'elle semble croire, cette condition
ne figure pas à l'art. 65 LIFD et que celles d'une évasion fiscale n'ont pas
à être réalisées.
C'est également à bon droit que le Tribunal administratif a estimé qu'il
importait peu que la Banque ait à nouveau accordé un crédit de 7'735'000 fr.
avec effet au 31 décembre 2003 directement à la recourante. La période
fiscale ici en cause est la période 1999 et la situation de l'intéressée en
2003 n'a pas, à cet égard, à être prise en compte. En outre, contrairement à
ce qu'affirme la recourante, le fait qu'un crédit lui ait été accordé en 2003
n'est pas la preuve que la Banque était prête à consentir le même prêt en
1999. Le contraire peut même être déduit de ce qui précède, puisque celle-ci
a imposé que les dettes de la recourante soit reprises par L.________ AG.
Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal administratif a
estimé qu'une part des fonds étrangers de la recourante représentait du
capital propre dissimulé.

6.
6.1 La recourante conteste les taux de 70% et de 50% appliqués respectivement
aux immeubles et aux machines et installations pour déterminer le montant des
fonds étrangers admissibles. Elle revendique un taux uniforme de 80%. Ce taux
est applicable, d'après la circulaire no 6, aux immeubles autres que les
immeubles d'exploitation. Selon la recourante, l'autorité de taxation
fribourgeoise l'appliquerait aux immeubles des sociétés immobilières, que
ceux-ci soient commerciaux, industriels ou autres. En outre, les
installations et machines seraient des parties intégrantes de l'immeuble, ce
qui justifierait l'utilisation du même taux pour ces actifs. Au surplus, ce
taux de 80% avait été appliqué dans la procédure de taxation et de
réclamation.

6.2 Selon la circulaire no 6, une société peut obtenir, par ses propres
moyens, des fonds étrangers à concurrence des pourcentages suivants, calculés
sur la valeur vénale des actifs:
- créances      85%
- installations, machines, outillage, etc. 50%
- immeubles d'exploitation   70%
- autres immeubles    80%
Ces taux servent à déterminer la garantie qu'offrent les actifs d'une société
du point de vue d'un futur créancier. Seuls les actifs réalisables
représentent une garantie. Dès lors, l'argument de la recourante selon lequel
ses usines ne peuvent être qualifiées d'immeubles d'exploitation du fait
qu'elle est une société immobilière, dont la seule activité consiste à louer
ses biens immobiliers à une autre société, tombe à faux. En effet, ce qui est
déterminant pour un créancier c'est la nature des immeubles. Que la
recourante soit une société immobilière et qu'elle loue ses biens immobiliers
n'a, à cet égard, pas d'importance. C'est ainsi le taux applicable aux
immeubles d'exploitation qui doit être retenu, soit 70% de leur valeur
vénale.
Quant aux installations et machines, bien que se trouvant dans les usines,
elles sont des biens mobiliers (art. 713 ss CC) indépendants, juridiquement
et de fait, de l'immeuble (art. 655 ss CC). Du point de vue d'un créancier,
elles peuvent être réalisées indépendamment de l'immeuble. Il convient donc
de leur appliquer le taux de 50% et non le taux relatif aux immeubles.
Il est vrai que l'autorité de taxation avait effectivement appliqué, aux
immeubles et installations et machines, un taux uniforme de 80% dans sa
décision de taxation du 28 février 2001, selon celle-ci, parce qu'il
s'agissait de sa pratique avant la mise en oeuvre de la circulaire no 6,  qui
a pris un certain temps. Dans ses observations devant le Tribunal
administratif, le Service des contributions a demandé l'application des taux
de la circulaire no 6, ce que le Tribunal administratif a également retenu.
La recourante n'établit nullement qu'ils seraient erronés, de sorte qu'il n'y
a pas lieu de réformer la décision attaquée sur ce point.

6.3 La recourante ne conteste pas le calcul des intérêts, effectué par le
Tribunal administratif sur la base du capital propre dissimulé de 3'047'390
fr., fixés à 145'941 fr. (cf. partie "Faits" consid. D). En application des
art. 65 et 58 LIFD, ce montant doit donc être intégré au bénéfice imposable
de la recourante.

7.
7.1 Le Tribunal administratif a retenu que la recourante avait mis à
disposition de L.________ AG, son actionnaire, des cédules hypothécaires de
10'200'000 fr. portant sur son immeuble et utilisées pour garantir les dettes
(reprises de la recourante) que l'actionnaire avait dorénavant envers la
Banque.
Se fondant sur le rapport entre les fonds étrangers admis (6'952'610 fr.) et
le total du prêt accordé par l'actionnaire à la recourante, le Tribunal
administratif a estimé à 7'091'662 fr. (6'952'610 fr. x 10'200'000 fr. /
10'000'000 fr.) la part des cédules garantissant la fraction du prêt admise
au titre de capital étranger. Pour ce montant, la remise des cédules
entrerait "dans le cadre des prestations réciproques consenties par chacune
des parties au contrat de prêt" et ainsi la renonciation à une commission de
fiducie ne constituerait pas une distribution dissimulée de bénéfice. En
revanche, la mise à disposition gratuitement des cédules se rapportant au
capital propre dissimulé, soit 3'108'338 fr. (3'047'390 fr. x 10'200'000 fr.
/ 10'000'000 fr.), constituerait une distribution dissimulée de bénéfice. En
effet, "dans la mesure où ce montant n'est pas admis au titre de prêt et doit
être assimilé à du capital propre, il ne saurait à l'évidence constituer une
contre-prestation de l'actionnaire justifiant que des cédules hypothécaires
lui soient mises à disposition gratuitement". Cette autorité a alors calculé
une commission de fiducie de 1,2% sur ce montant (3'108'338 fr. x 1,2%), et
elle a ajouté 37'300 fr. au bénéfice imposable. Selon la recourante, cette
reprise n'a pas lieu d'être.

7.2 La doctrine et la jurisprudence qualifient de distribution dissimulée de
bénéfice les prestations faites par la société, sans contre-prestation, à ses
actionnaires, aux membres de l'administration ou à d'autres organes, ou
encore à toute personne la ou les touchant de près et qu'elle n'aurait pas
faites, dans les mêmes circonstances, à des tiers indépendants de la société.
Le caractère insolite de cette prestation doit en outre être reconnaissable
par les organes de la société  (ATF 131 II 593 p. 607; 119 Ib 116 consid. 2
p. 119 et les arrêts cités; RDAT 2000 I 13t 653, 2A.552/1998; Norberto
Bernardoni/Giorgio Duchini, La fiscalità dell'azienda, p. 367/368, Francis
Cagianut/Ernst Höhn, Unternehmungssteuerrecht, 3e éd., p. 462/463).

7.3 Comme l'admet le Tribunal administratif, si la mise à disposition des
cédules en faveur de l'actionnaire, pour la fraction du prêt considérée comme
capital étranger n'a rien d'insolite, tel n'est pas le cas des cédules
hypothécaires garantissant la part du prêt qui a été considérée comme du
capital propre. Pour celles-ci, le fait qu'une commission de fiducie n'a pas
été demandée par l'intéressée à L.________ AG ne peut s'expliquer que par la
qualité d'actionnaire de cette société. L'importance de cette prestation
accordée sans contre-prestation n'a pas pu échapper à la recourante.
Ainsi, au vu de ce qui précède, la reprise du montant de 37'300 fr. dans le
bénéfice imposable de la période fiscale 1999 est justifiée au sens de l'art.
58 al. 1 LIFD.

8.
8.1 La recourante se plaint d'avoir subi une reformatio in pejus en tant que
le Tribunal administratif a retenu les taux de 70% et de 50% appliqués
respectivement aux immeubles, ainsi qu'aux machines et installations afin de
déterminer les fonds étrangers admissibles, la décision de taxation du 28
février 2001 fixant un taux uniforme de 80% et qu'il a ajouté une commission
de fiducie de 37'300 fr. au bénéfice imposable.

8.2 Une reformatio in pejus s'apprécie par rapport à la taxation prise dans
son ensemble et non sur un seul élément. Si le Tribunal administratif a
retenu des fonds étrangers admissibles moins élevés que ceux pris en compte
dans la taxation, il a réduit les intérêts non admis fiscalement de 240'716
fr. à 145'941 fr. selon un calcul avantageux pour la recourante. Compte tenu
de la commission de fiducie de 37'300 fr., la reprise prévue par le Tribunal
administratif s'élevait à 183'241 fr. (145'941 fr. + 37'300 fr.) alors que
celle de l'autorité de taxation était de 240'716 fr. Les éléments en défaveur
de la recourante ont donc été largement compensés par la correction du calcul
des intérêts. Partant la recourante ne peut prétendre avoir subi une
reformatio in pejus.
Au demeurant, le Tribunal administratif aurait pu modifier la décision de
l'autorité de taxation au détriment de la recourante, l'art. 143 al. 1, 2ème
phrase, LIFD l'y autorisant.
Le grief doit donc être rejeté.

9.
La recourante se plaint de double imposition intercantonale. Selon elle, un
ajustement du bénéfice imposable de L.________ AG pour la période fiscale
1999 aurait dû être effectué par le canton de Soleure en fonction du montant
de la reprise des intérêts qu'elle a subie.

9.1 L'art. 127 al. 3 Cst. ne concerne que les doubles impositions résultant
de la concurrence de deux souverainetés cantonales. Il n'a pas d'application
s'agissant de l'impôt fédéral direct.

9.2 S'agissant de la double imposition économique de la recourante et de son
actionnaire, c'est à bon droit que les intérêts qui ont été repris auprès de
la première seraient également imposés chez la seconde (sous réserve d'un
éventuel privilège holding). Le système voulu par le législateur entraîne en
principe la double imposition des distributions de bénéfices aux
actionnaires: les profits de la société sont imposés une première fois auprès
de celle-ci dans le cadre de l'impôt sur le bénéfice et une seconde fois,
auprès de l'actionnaire lui-même soumis à l'impôt sur le bénéfice ou sur le
revenu, lors de la distribution (cf. art. 20 al. 1 lettre c et 58 al. 1
lettre a LIFD).
Au vu de ce qui précède, la recourante n'a pas subi de double imposition
prohibée.
II. Impôts cantonal et communal (2P.338/2004)

10.
10.1 Le recours de droit public n'a en principe qu'un caractère cassatoire
(ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131, 173 consid. 1.5 p. 176 et la
jurisprudence citée). Il est toutefois fait exception à cette règle lorsque
le recours est fondé sur le principe de l'interdiction de la double
imposition intercantonale et qu'il apparaît nécessaire de donner des
instructions aux cantons concernés sur les limites de leur compétence fiscale
ou pour ordonner le remboursement d'impôts perçus au mépris de l'interdiction
constitutionnelle de la double imposition. Les conclusions allant au-delà de
la simple annulation de l'arrêt attaqué sont donc recevables (ATF 111 Ia 44
consid. 1c p. 46; Archives 73 p. 170 consid. 1.2, 2A.349/2002), à l'exception
de celle relative à l'allocation d'un intérêt sur un éventuel trop-perçu
d'impôt à restituer.
En l'espèce, dans la mesure où un grief du recours a trait à l'interdiction
de la double imposition intercantonale, la conclusion demandant que le canton
de Soleure soit invité à modifier la taxation 1999 de la société L.________
AG est recevable.

10.2 Le recours demande l'annulation de l'arrêt du 19 novembre 2004 du
Tribunal administratif. Il ne contient aucun grief à l'encontre du calcul du
capital imposable, qui comprend le capital propre dissimulé, tel qu'il a été
arrêté pour l'impôt cantonal sur le capital. Faute de motivation conforme aux
exigences tirées de 90 al. 1 lettre b OJ (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261;
128 I 295 consid. 7a p. 312 et les arrêts cités), le recours n'est dès lors
pas recevable sur ce point.
En outre, la motivation du recours, qui est en substance similaire à celle du
recours de droit administratif, est essentiellement appellatoire. Dans cette
mesure, elle ne répond que très partiellement aux exigences tirées de l'art.
90 al. 1 lettre b OJ.

11.
11.1La recourante se plaint d'une constatation et d'une appréciation
arbitraire des faits, de la violation des règles de la bonne foi (art. 9
Cst.), d'une application arbitraire (art. 9 Cst.) de la loi fribourgeoise du
7 juillet sur les impôts cantonaux, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000
(ci-après: aLIC) et d'une double imposition prohibée (art. 127 al. 3 Cst.).
11.2 Les art. 85 d et 89 aLIC règlent de la même manière que la loi fédérale
sur l'impôt fédéral direct, la reprise de fonds étrangers qui jouent le rôle
de capital propre dissimulé et le calcul des intérêts sur ces montants. La
recourante ne prétend d'ailleurs pas qu'il en irait différemment. Les griefs
soulevés doivent dès lors être écartés pour les mêmes motifs que ceux
mentionnés ci-dessus (consid. 3 à 8). L'arrêt du Tribunal administratif fixe
donc sans arbitraire le capital propre dissimulé et les intérêts y relatifs à
respectivement 3'047'390 fr. et 145'941 fr., ainsi que la commission de
fiducie pour la mise à disposition des cédules hypothécaires à 37'300 fr.
pour la taxation relative aux impôts cantonal et communal de la période
fiscale 1999.

11.3 La recourante invoque l'interdiction de la double imposition (art. 127
al. 3 Cst.). Ce principe s'oppose à ce qu'un même contribuable soit
concrètement soumis, par deux ou plusieurs cantons, sur le même objet,
pendant la même période, à des impôts analogues (double imposition effective)
ou à ce qu'un canton excède les limites de sa souveraineté fiscale et,
violant des règles de conflit jurisprudentielles, prétende prélever un impôt
dont la perception est de la seule compétence d'un autre canton (double
imposition virtuelle) (ATF 130 I 205 consid. 4.1 p. 210 et les références
citées).
Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce (Xavier Oberson, Droit
fiscal suisse, 2e éd., § 20, no 9, p. 395), il faut qu'un seul et même sujet
fiscal soit touché. En conséquence, il n'y a pas double imposition contraire
à l'art. 127 al. 3 Cst., dès lors que deux sujets fiscaux distincts sont
soumis à l'impôt, chacun dans un canton différent.
La recourante et son actionnaire sont deux contribuables distincts, de sorte
que la recourante ne saurait se prévaloir de sa situation fiscale pour
demander la modification de la taxation de L.________ AG. La recourante
estime toutefois que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 115 Ia
157), on est en présence d'un cas de double imposition car les deux sociétés
font partie du même groupe.
L'intéressée ne peut rien tirer de l'arrêt cité car il a laissé ouverte la
question de savoir si une prestation appréciable en argent d'une société
anonyme en faveur d'une société soeur dans un autre canton, sans ajustement
corrélatif, constituait une double imposition intercantonale prohibée. De
toute façon, cet arrêt concernait une situation particulière différente du
cas présent et n'a pas de portée générale.

12.
Vu ce qui précède, mal fondé, le recours de droit administratif doit être
rejeté. Il en va de même du recours de droit public dans la mesure où il est
recevable.
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.
1 OJ). Elle n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 2P.338/2004 et 2A.757/2004 sont jointes.

2.
Le recours de droit administratif (2A.757/2004) est rejeté.

3.
Le recours de droit public (2P.338/2004) est rejeté dans la mesure où il est
recevable.

4.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Service cantonal des contributions et au Tribunal administratif du canton de
Fribourg ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions, Division
juridique de l'impôt fédéral direct.

Lausanne, le 26 avril 2006

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: