Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.300/2004
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2P.300/2004/LGE/elo
Arrêt du 14 décembre 2004
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Merkli.
Greffier: M. Langone.

Hospice général, Institution genevoise d'action sociale, 1211 Genève 3,
recourant,
représenté par Me François Bellanger, avocat,

X.________SA,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Yaël Hayat, avocate,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Banc 18, case postale
1956, 1211 Genève 1,

art. 29 al. 2 Cst. (soumission),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de
Genève du 26 octobre 2004.

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:

1.
1.1 A la suite d'un appel d'offres portant sur la surveillance de huit foyers
d'hébergement de requérants d'asile, l'Hospice général, Institution genevoise
d'action sociale (ci-après: l'Hospice général) a, par décision du 31 mars
2004, adjugé le marché en question à la société X.________ SA. Le 27 avril
2004, les contrats y relatifs ont été conclus entre l'adjudicateur et
l'adjudicatrice.
Le 3 mai 2004, l'une des sociétés soumissionnaires évincées, Y.________ SA, a
saisi le Tribunal administratif du canton de Genève d'un recours contre la
décision d'adjudication du 31 mars 2004.

1.2 Par arrêt du 26 octobre 2004, le Tribunal administratif a admis le
recours et constaté l'illicéité de la décision de l'Hospice général du 31
mars 2004; il a également admis sa compétence pour statuer sur le montant du
dommage à allouer à la société évincée et ouvert une instruction à cette fin.

1.3 Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de son
autonomie au sens de l'art. 189 Cst., l'Hospice général demande au Tribunal
fédéral d'annuler l'arrêt du 26 octobre 2004.

2.
2.1 Point n'est besoin de trancher définitivement la question de savoir si et
dans quelle mesure l'arrêt attaqué constitue une décision incidente ou
préjudicielle de nature à causer un dommage irréparable au recourant et, par
conséquent, si elle peut faire l'objet d'un recours de droit public sous
l'angle de l'art. 87 al. 2 OJ (cf. ATF 128 Ia 3 consid. 1b). Car l'autorité
recourante n'a de toute façon pas qualité pour agir par voie du recours de
droit public.

2.2 Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert aux
particuliers et aux collectivités lésés par des arrêtés ou des décisions qui
les concernent personnellement ou qui sont d'une portée générale. Le recours
de droit public est conçu pour la protection des droits constitutionnels des
citoyens (art. 84 al. 1 lettre a OJ). Il doit permettre à ceux qui en sont
titulaires de se défendre contre toute atteinte à leurs droits de la part de
la puissance publique. De tels droits ne sont reconnus en principe qu'aux
citoyens, à l'exclusion des collectivités publiques qui, en tant que
détentrices de la puissance publique, n'en sont pas titulaires et ne peuvent
donc pas attaquer, par la voie du recours de droit public, une décision qui
les traite comme autorités. Cette règle s'applique aux cantons, aux communes
et à leurs autorités, qui agissent en tant que détentrices de la puissance
publique.
La jurisprudence admet toutefois qu'il y a lieu de faire une première
exception pour les communes et autres corporations de droit public, lorsque
la collectivité n'intervient pas en tant que détentrice de la puissance
publique, mais qu'elle agit sur le plan du droit privé ou qu'elle est
atteinte dans sa sphère privée de façon identique ou analogue à un
particulier, notamment en sa qualité de propriétaire de biens frappés
d'impôts ou de taxes ou d'un patrimoine financier ou administratif. Le
recourant ne prétend pas - à juste titre - qu'une telle exception entrerait
ici en ligne de compte.
Une seconde exception est admise en faveur des communes et autres
corporations publiques lorsque, par la voie du recours de droit public, elles
se plaignent d'une violation de leur autonomie, d'une atteinte à leur
existence ou à l'intégrité de leur territoire garanties par le droit cantonal
(cf. ATF 129 I 313 consid. 4.1. p. 328 s.; 125 I 173 consid. 1b p. 175; 123
III 454 consid. 2 p. 456; 121 I 218 consid. 2a p. 219-220; 120 Ia 95 consid.
1a p. 97; 116 Ia 252 consid. 3b p. 255 et les arrêts cités).

2.3 L'art. 169 de la Constitution du 24 mai 1847 de la République et canton
de Genève (Cst./GE) prévoit que l'Hospice général est l'un des organismes
chargés de l'assistance publique. Selon l'art. 3 al. 1 de loi cantonale
genevoise du 19 septembre 1980 sur l'assistance publique (LAP/GE),
l'assistance publique est placée sous la direction générale et la
surveillance du département auquel ressortit l'action sociale. D'après l'art.
14 LAP/GE, l'Hospice général est un établissement de droit public, doté de la
personnalité juridique (al.1); il est chargé d'appliquer la politique sociale
définie par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat (al. 2).
Dans une affaire concernant les Services industriels du canton de Genève
(arrêt 2P.342/1994 du 4 juillet 1995, consid. 2d), le Tribunal fédéral a déjà
eu l'occasion de juger que les établissements publics cantonaux, même s'ils
sont dotés de la personnalité juridique, n'ont pas la qualité pour défendre
leur autonomie par la voie du recours de droit public. En effet, les Services
industriels ne sont pas organisés comme une corporation de droit public et
les décisions qu'ils prennent dans l'accomplissement de leurs tâches n'ont
pas la portée de celles prises par une commune. Ils ne sauraient donc
bénéficier de la protection des droits constitutionnels reconnue aux communes
pour défendre leur autonomie; cette protection n'a été étendue qu'à certaines
corporations de droit public, telles que l'Eglise évangélique du canton de
Saint-Gall, dont l'organisation peut être comparée à celle d'une commune (ATF
108 Ia 82 ss; pour d'autres exemples: arrêt précité du 4 juillet 1995,
consid. 2c. Voir aussi Jean-François Aubert/Pascal Mahon, Petit commentaire
de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999,
Zurich 2003, n. 12 ad art.  189 Cst., p. 1444).
En l'occurrence, il n'y a pas lieu de se départir de cette jurisprudence.
L'établissement recourant - qui est intervenu en tant que détenteur de la
puissance publique dans le cadre d'une procédure d'adjudication d'un marché
public - n'est ainsi pas habilité à agir par la voie du recours de droit
public: il ne peut pas se prévaloir d'une autonomie ou d'autres garanties
comparables à celles que le droit cantonal genevois reconnaît aux communes.
Le simple fait que l'établissement recourant soit directement désigné par la
constitution cantonale et qu'il jouisse d'une certaine indépendance notamment
dans sa gestion n'y change rien.

3.
Manifestement irrecevable, le recours doit être traité selon la procédure
simplifiée de l'art. 36a OJ, sans qu'il soit nécessaire d'ouvrir un échange
d'écritures. Les frais sont mis à la charge du recourant (art. 156 al. 2 OJ a
contrario). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à la société intimée qui
n'a pas été invitée à se déterminer sur le sort de la cause (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de l'Hospice général
du canton de Genève.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à
X.________ SA et au Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 14 décembre 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: