Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.282/2004
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2P.282/2004/DAC/elo
Arrêt du 1er mars 2005
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________, recourante,
représentée par Me Maurizio Locciola, avocat,

contre

Hospice général, Institution genevoise d'action sociale, 1211 Genève 3,
représenté par Me Gabriel Aubert, avocat.

Blâme,

recours de droit public contre la décision de l'Hospice général du 6 octobre
2004.

Faits:

A.
X. ________ a été engagée le 1er  mai 1990 par l'Hospice général, Institution
genevoise d'action sociale, (ci-après: l'Hospice général) en qualité
d'assistante sociale et a été rattachée au Service d'action sociale, devenu
la Direction de l'action sociale. Elle exerce ses activités au sein de
l'antenne dont dispose l'Hospice général au Centre d'action sociale et de
santé de A.________ (ci-après: le Centre) et a le statut de fonctionnaire.

B.
Lors d'un entretien ayant eu lieu le 27 juillet 2004, le Directeur de
l'action sociale et la Responsable des ressources humaines de l'Hospice
général ont exposé oralement à X.________, alors assistée d'un représentant
syndical, les griefs formulés à son encontre. Par acte du 5 août 2004, ils
ont infligé un blâme à X.________, en raison de trois types de problèmes: des
interventions intempestives en dehors de son champ de compétence auprès des
organisations partenaires, des difficultés relationnelles avec des
collaborateurs de l'Hospice général et des institutions partenaires ainsi que
des relations inadéquates avec les clients.

C.
X.________ a alors porté sa cause devant le Directeur général de l'Hospice
général qui, par décision du 6 octobre 2004, a rejeté le recours. Tout en
prenant acte de ce que la recourante contestait les griefs qui lui étaient
adressés, il a considéré en substance que les plaintes écrites qui avaient
provoqué l'ouverture de la procédure constituaient une base crédible et
factuelle justifiant la sanction infligée.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision du
Directeur général de l'Hospice général du 6 octobre 2004. Elle se plaint en
substance de violation de son droit d'être entendue et d'arbitraire.

L'Hospice général conclut, sous suite de dépens, à ce que le Tribunal fédéral
dise, principalement, que le recours est irrecevable et, subsidiairement,
qu'il est mal fondé dans la mesure où il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174).

1.1 Selon l'art. 86 OJ, le recours de droit public n'est recevable qu'à
l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale.

L'art. 30 de la loi genevoise générale relative au personnel de
l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4
décembre 1997 (ci-après: LPAC), applicable au personnel de l'Hospice général,
prévoit que le membre du personnel régulier qui fait l'objet d'un
avertissement ou d'un blâme peut porter l'affaire dans un délai de dix jours
devant le chef du département ou le directeur général de l'établissement (al.
1) et qu'il peut recourir au Tribunal administratif du canton de Genève
(ci-après: le Tribunal administratif) dans les autres cas de sanctions
disciplinaires (al. 2); il résulte a contrario de cette disposition que le
recours au Tribunal administratif est toujours exclu en cas d'avertissement
ou de blâme. D'autre part, aucune disposition légale ne prévoit de recours au
Conseil d'Etat du canton de Genève contre une décision sur recours prise en
application de l'art. 30 al. 1 LPAC. Enfin, l'art. 5 de la loi genevoise sur
l'assistance publique du 19 septembre 1980 ne prévoit de recours au Conseil
d'administration de l'Hospice général que contre les décisions qui concernent
les prestations d'assistance. La décision attaquée a donc été prise en
dernière instance cantonale.

1.2 Il découle en outre du principe posé par l'art. 86 al. 1 OJ que seuls
peuvent être soulevés dans le recours de droit public des moyens qui l'ont
déjà été devant l'autorité de dernière instance cantonale.

La recourante tire différents moyens de prétendus vices entachant la décision
du Directeur de l'Hospice général du 6 octobre 2004 - et non pas la décision
de l'autorité inférieure du 5 août 2004 -, de sorte que c'est à tort que
l'autorité intimée prétend ces griefs irrecevables, faute d'avoir été
soulevés en dernière instance cantonale.

1.3 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la
loi par une personne ayant manifestement qualité pour recourir, le présent
recours remplit en principe les conditions de recevabilité des art. 84 ss OJ,
de sorte que le Tribunal fédéral peut entrer en matière.

1.4 Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit - sous peine
d'irrecevabilité - contenir "un exposé des faits essentiels et un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste la violation". Lorsqu'il est saisi d'un recours de
droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier, de lui-même, si
l'acte attaqué est en tout point conforme au droit et à l'équité; il
n'examine que les moyens de nature constitutionnelle, invoqués et
suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 129 III 626 consid. 4 p. 629
et la jurisprudence citée). En outre, dans un recours pour arbitraire, le
recourant ne peut pas se contenter de critiquer l'acte entrepris comme il le
ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir
librement l'application du droit. Il doit préciser en quoi l'acte attaqué
serait arbitraire (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312).

C'est à la lumière de ces principes que doivent être appréciés les moyens
soulevés par l'intéressée.

2.
La recourante s'en prend à la façon dont l'autorité intimée a instruit sa
cause et se plaint de violations de son droit d'être entendue ainsi que de
l'interdiction de l'arbitraire. Il convient donc de définir ces notions de
même que celle de maxime d'office applicable à l'établissement des faits
selon l'art. 19 de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12
septembre 1985 (ci-après: la loi sur la procédure administrative ou LPA).

2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation
de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain.
De plus, pour qu'une décision soit annulée, il ne suffit pas que sa
motivation soit insoutenable; encore faut-il que cette décision soit
arbitraire dans son résultat. En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait
qu'une autre solution - en particulier une autre interprétation de la loi -
que celle de l'autorité intimée paraît concevable voire préférable (ATF 129 I
8 consid. 2.1 p. 9; 120 Ia 369 consid. 3a p. 373). Enfin, lorsque le
recourant s'en prend à l'appréciation des preuves et à l'établissement des
faits, la décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas
compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis sans raison
sérieuse de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision
attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des
déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).

2.2 Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par les
dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire; dans tous
les cas, l'autorité cantonale doit cependant observer les garanties minimales
déduites directement de l'art. 29 al. 2 Cst. dont le Tribunal fédéral examine
librement le respect (ATF 127 III 193 consid. 3 p. 194 et la jurisprudence
citée).

Le droit d'être entendu garanti constitutionnellement comprend le droit pour
l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les
éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation
juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné
suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration
des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 127 III
576 consid. 2c p. 578/579; 124 II 132 consid. 2b p. 137). A lui seul, l'art.
29 al. 2 Cst. ne confère pas le droit d'être entendu oralement ni celui
d'obtenir l'audition de témoins. En effet, l'autorité peut mettre un terme à
l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa
conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation
anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que
ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 130 II 425
consid. 2.1 p. 428/429 et la jurisprudence citée).

2.3 La procédure administrative est régie essentiellement par la maxime
inquisitoriale, selon laquelle les autorités définissent les faits pertinents
et les preuves nécessaires, qu'elles ordonnent et apprécient d'office. Cette
maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de
collaboration des parties à l'établissement des faits, ainsi que par le droit
des parties, compris dans le droit d'être entendu, de participer à la
procédure et d'influencer la prise de décision (ATF 128 II 139 consid. 2b p.
142; 120 V 357 consid. 1a p. 360). Le devoir de collaboration des parties
concerne notamment l'administré qui adresse une demande à l'autorité dans son
propre intérêt (cf. art. 13 PA). L'administré doit ainsi renseigner le juge
sur les faits de la cause, indiquer les moyens de preuve disponibles et
motiver sa requête, en particulier en procédure contentieuse, (cf. art. 52
PA; ATF 119 III 70 consid. 1 p. 71/72 et la jurisprudence citée; Pierre Moor,
Droit administratif, vol. II, 2e éd. Berne 2002, n. 2.2.6.3, p. 260; Fritz
Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., Berne 1983, p. 284/285).

3.
3.1 La recourante fait valoir la violation de son droit d'être entendue à
différents égards. Elle se plaint que l'autorité intimée n'ait ordonné aucune
mesure probatoire quand bien même elle avait contesté les faits qui lui
étaient reprochés et allégué des faits pertinents par lesquels elle entendait
démontrer que les trois griefs retenus à son encontre n'étaient pas fondés.
Elle reproche à l'autorité intimée de ne pas avoir procédé à son audition.
Elle lui fait aussi grief de ne pas avoir "donné suite à l'offre de preuves
pertinentes" qu'elle avait "formulée implicitement", en particulier de ne pas
lui avoir donné "la possibilité de faire entendre des témoins". La recourante
se plaint, en outre, que l'autorité intimée soit tombée dans l'arbitraire en
procédant à une appréciation anticipée des preuves.

On peut se demander si le recours remplit sur ces différents points les
conditions strictes de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ; cette question peut
cependant rester ouverte, car les moyens précités ne sont de toute façon pas
fondés.

La recourante invoque l'art. 29 al. 2 Cst. ainsi que l'art. 41 LPA qui
précise que les parties ne peuvent prétendre à une audition verbale sauf
dispositions légales contraires. Or, la recourante n'invoque aucune
disposition de ce genre. On ne voit donc pas que l'art. 41 LPA assure à
l'intéressée - qui ne le démontre d'ailleurs pas - une protection plus
étendue que la garantie constitutionnelle. Dès lors, le grief soulevé doit
être examiné exclusivement à la lumière des principes déduits directement de
l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 114 Ia 14 consid. 2a p. 16 au sujet de l'art. 4
aCst.; cf. ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 aussi au sujet de l'art. 4 aCst.).

Dans le cadre de son recours auprès du Directeur de l'Hospice général,
l'intéressée n'a pas fait d'offres de preuves claire et sans équivoque, bien
qu'elle eût un devoir de collaboration, comme on l'a rappelé ci-dessus
(consid. 2.3). La recourante n'avait pas un droit à être entendue oralement
ou à faire entendre des témoins. On ne saurait donc la suivre lorsqu'elle
reproche à l'autorité intimée d'avoir violé son droit d'être entendue en ne
procédant pas à son audition ni à celle de témoins, alors qu'elle n'avait
même pas requis de telles mesures d'instruction. L'autorité intimée a établi
les faits selon la maxime d'office, conformément à l'art. 19 LPA. Elle n'a
pas eu à procéder à "une appréciation anticipées des preuves" qui lui étaient
"encore proposées", pour reprendre les termes de la jurisprudence (ATF 130 II
425 consid. 2.1 p. 429), puisque l'intéressée n'avait pas offert d'autres
preuves que les pièces annexées au recours qu'elle lui avait adressé.
D'ailleurs, la recourante ne fait pas valoir, dans une motivation
satisfaisant aux exigences de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, qu'elle aurait
requis avec précision l'administration de preuves pertinentes et que cela
aurait été arbitrairement refusé par l'autorité intimée. Le grief
d'arbitraire dans l'appréciation anticipée des preuves est donc sans
fondement.

Au surplus, la recourante ne démontre pas, dans une argumentation remplissant
les conditions de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, qu'elle aurait prouvé ou, du
moins, rendu vraisemblables des éléments tels que l'autorité intimée n'aurait
pas pu, sans arbitraire, confirmer le blâme litigieux sur la base du dossier,
sans ordonner au préalable des mesures d'instruction complémentaires. Plus
généralement, on ne voit pas - et la recourante ne le démontre pas - que
l'autorité intimée n'ait manifestement pas compris le sens et la portée d'un
moyen de preuve, ait omis sans raison sérieuse de tenir compte d'un moyen de
preuve important propre à modifier la décision attaquée ou encore ait, sur la
base des éléments recueillis, fait des déductions insoutenables.

3.2 La recourante se plaint que l'autorité intimée ait interprété et appliqué
de façon arbitraire la loi sur la procédure administrative, en particulier
les art. 20 et 29 ss (notamment 35) LPA. Elle soutient que les plaintes
écrites ayant fondé le blâme contesté n'auraient pas dû être traitées comme
des "documents", au sens de l'art. 20 al. 2 lettre a LPA, mais comme des
témoignages écrits auxquels il aurait fallu appliquer la procédure des art.
28 ss LPA, ce que l'autorité intimée n'a pas fait.

On rappellera d'abord que, selon l'art. 18 LPA, la procédure administrative
est en principe écrite. Ensuite, on se reportera à l'art. 27 LPA. Selon cette
disposition, l'autorité peut recueillir des renseignements écrits auprès de
particuliers non parties à la procédure, ainsi que demander la production des
pièces qu'ils détiennent (art. 27 al. 1 LPA); l'autorité décide librement si
ces renseignements ont valeur de preuve ou s'ils doivent être confirmés par
témoignage (art. 27 al. 2 LPA). L'autorité intimée pouvait, sans arbitraire,
prendre en compte les plaintes écrites à la base du blâme litigieux en tant
que renseignements écrits, puis considérer qu'elles étaient suffisantes pour
établir les faits incriminés, sans qu'il fût nécessaire d'ordonner des
mesures d'instruction telles qu'auditions de leurs auteurs ou de tiers cités
dans ces pièces. Dès lors, l'autorité intimée n'a pas commis d'arbitraire
dans l'interprétation et l'application quelle a faites de la loi sur la
procédure administrative.

3.3 Ainsi, l'autorité intimée n'a pas violé le droit d'être entendue de la
recourante; elle n'est pas tombée dans l'arbitraire en procédant à une
appréciation anticipée des preuves et a respecté la loi sur la procédure
administrative.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.

Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens.

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'autorité intimée (art. 159 al. 2
OJ par analogie).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties.

Lausanne, le 1er mars 2005

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: