Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.235/2004
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2P.235/2004/DAC/elo
Arrêt du 4 novembre 2004
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Betschart et Berthoud, Juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________, recourant,
représenté par Me Eric C. Stampfli, avocat,

contre

Département de justice, police et sécurité du canton de Genève, rue de
l'Hôtel-de-Ville 14, case postale 3962, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, 2ème section, rue du Mont-Blanc
18, case postale 1956,
1211 Genève 1.

Art. 5 Cst. (retrait de l'autorisation d'exploiter un service de taxis ainsi
que de la carte professionnelle de chauffeur indépendant),

recours de droit public contre l'arrêt de la 2ème section du Tribunal
administratif du canton de Genève du 6 juillet 2004.

Faits:

A.
X. ________, né le 29 novembre 1935, a été autorisé, le 13 décembre 1990, à
exploiter un service de taxis avec permis de stationnement au moyen d'un
véhicule immatriculé sous le numéro de plaques de police GE xxxx. Il a
sollicité le 29 mars 2000 l'obtention de la carte professionnelle de
chauffeur de taxi indépendant, qui lui a été délivrée le 15 octobre 2003.

Se fondant notamment sur un rapport établi le 30 juillet 2003 par un
inspecteur du Service des autorisations et patentes du canton de Genève
(ci-après: le Service cantonal), le Département de justice, police et
sécurité du canton de Genève (ci-après: le Département cantonal) a, par
décision du 2 février 2004, prononcé le retrait de l'autorisation d'exploiter
un service de taxis avec permis de stationnement ainsi que de la carte
professionnelle de chauffeur indépendant de l'intéressé. Il lui a en outre
infligé une amende administrative de 3'000 fr. Le Département cantonal a
reproché en particulier à X.________ d'avoir violé l'art. 11 de la loi du 26
mars 1999 sur les services de taxis du canton de Genève (ci-après: LST/GE)
prohibant la location des plaques minéralogiques liées à un permis de
stationnement.

B.
Saisi d'un recours contre la décision du Département cantonal du 2 février
2004, la 2ème section du Tribunal administratif du canton de Genève
(ci-après: le Tribunal administratif) l'a rejeté, par arrêt du 6 juillet
2004. Le Tribunal administratif a retenu en substance qu'en mettant le
véhicule portant les plaques GE xxxx à disposition d'un tiers, qui payait une
location au propriétaire du véhicule, et en ne l'utilisant lui-même qu'à
raison de cinq heures par jour pour rendre service à son père et effectuer
quelques courses payantes, X.________ avait bien violé l'art. 11 LST/GE. En
outre, la sanction prononcée n'était pas disproportionnée.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif du 6 juillet 2004. Il invoque l'art. 5 al. 2 Cst. et se plaint
de la violation du principe de la proportionnalité. L'intéressé requiert
également l'effet suspensif.
Le Tribunal administratif se réfère à l'arrêt attaqué. Le Département
cantonal conclut, sous suite de frais, au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 185 consid. 1 p. 188).

Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi contre une
décision finale prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être
attaquée que par la voie du recours de droit public dans la mesure où elle
repose uniquement sur le droit cantonal et qui touche le recourant dans ses
intérêts juridiquement protégés, le présent recours est recevable au regard
des art. 84 ss OJ.

2.
2.1 L'art. 6 al. 2 LST/GE prévoit que l'autorisation d'exploiter un service de
taxis est strictement personnel et intransmissible. Il en va de même - sous
réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce - du permis de stationnement
d'un véhicule sur les places réservées aux taxis sur le domaine public (art.
8 al. 3 LST/GE). Le nombre maximal des permis de stationnement sur la voie
publique est limité en vue d'assurer une utilisation optimale du domaine
public et un bon fonctionnement des services de taxis (art. 9 al. 1 LST/GE).
L'art. 11 LST/GE dispose que la location des plaques minéralogiques liées à
un permis de stationnement est interdite. Selon l'art. 36 al. 4 du règlement
d'exécution du 8 décembre 1999 de la loi sur les services de taxis du canton
de Genève (ci-après: RLST/GE), le permis de stationnement peut être retiré en
cas de location de plaques. En outre, l'art. 30 al. 1 lettre b LST/GE prévoit
qu'en cas d'infraction notamment à la législation, le Département cantonal
peut, en tenant compte de la gravité de l'infraction, prononcer le retrait de
l'autorisation d'exploiter ou du permis de stationnement. D'après l'art. 31
al. 1 LST/GE, indépendamment de ces mesures, le Département cantonal peut
infliger une amende administrative de 100 fr. à 20'000 fr. à toute personne
ayant enfreint la loi sur les services de taxis du canton de Genève ou ses
dispositions d'exécution.

C'est notamment sur la base des dispositions susmentionnées que le
Département cantonal a prononcé le retrait de l'autorisation d'exploiter le
service de taxis avec permis de stationnement GE xxxx et de la carte
professionnel de chauffeur indépendant dont le recourant était titulaire,
ainsi qu'une amende administrative de 3'000 fr.

2.2 Bien qu'au bénéfice d'une autorisation d'exploiter un service de taxis
depuis fin 1990, le recourant n'était en réalité pas propriétaire du véhicule
immatriculé à son nom. Il n'était pas non plus l'employeur des chauffeurs
qu'il déclarait engager. Le véhicule portant les plaques minéralogiques GE
xxxx était la propriété de son ancien patron, Y.________, qui en assumait
tous les frais et qui le mettait à disposition, à titre onéreux, des
chauffeurs qu'il engageait et qu'il contrôlait. Le recourant n'utilisait
ainsi le véhicule que quelques heures par jour, contre paiement d'un forfait
journalier et kilométrique, pour ses besoins privés et pour se procurer un
revenu accessoire. Il avait pourtant annoncé le 27 janvier 2003 à la Caisse
cantonale genevoise de compensation qu'il n'exerçait plus d'activité
professionnelle, sans d'ailleurs en informer le Service cantonal.

2.3 Le recourant ne conteste pas que les faits qui lui sont reprochés soient
constitutifs d'une location prohibée de plaques minéralogiques liées à un
permis de stationnement. Il se plaint du caractère disproportionné de la
sanction le frappant, qui aurait pour effet de le priver de l'exercice de sa
profession. Invoquant ses bons antécédents et sa volonté de rétablir une
situation conforme au droit, il fait valoir qu'il n'a pas retiré d'avantage
financier de la location de plaques précitée, que la situation litigieuse n'a
duré que quelques mois et qu'il n'a pas été mû par la volonté de mettre sur
pied une fraude organisée sur le long terme.

2.3.1 Le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.) se compose
traditionnellement des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit
propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre
plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins
grave aux intérêts privés - et de proportion- nalité au sens étroit - qui met
en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré
et sur le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. (ATF 128 II
292 consid. 5.1 p. 297; 125 I 474 consid. 3 p. 482 et la jurisprudence
citée).

2.3.2 Le recourant n'a jamais rempli sa fonction d'employeur, alors même
qu'il était titulaire d'une autorisation d'exploiter un service de taxis avec
un ou plusieurs employés. Il n'a jamais tenu à jour les documents relatifs à
l'horaire de travail, aux jours de congé, de repos et de vacances des
chauffeurs qu'il déclarait engager mais dont l'employeur réel était
Y.________. Il a donc délibérément trompé l'autorité afin qu'en cas
d'accident ou à l'occasion d'un contrôle de police, le chauffeur de taxi
apparaisse comme l'employé du détenteur des plaques. Cette manoeuvre a été
utilisée à plusieurs reprises, pendant de nombreuses années. Depuis qu'il a
été mis au bénéfice de l'autorisation d'exploiter un service de taxis, le
recourant n'a jamais été propriétaire de son véhicule, en violation de l'art.
36 al. 1 RLST/GE.

Même si le recourant n'a pas de lourds antécédents - un avertissement le 19
février 1988, un blâme le 3 mai 1991 et un retrait d'un jour de sa carte
professionnelle de chauffeur de taxi prononcé le 30 juin 1995 - il faut
retenir à sa charge qu'il a participé, avec son ancien patron, à la mise sur
pied d'un stratagème destiné à contourner la loi et il n'a été confondu qu'à
la suite de l'intervention de la Caisse cantonale genevoise de compensation.
Sinon, la location de plaques dénoncée aurait assurément toujours cours. Les
infractions commises, de par leur durée et leur caractère délibéré, doivent
être qualifiées de graves. Contrairement à ce que soutient le recourant, la
situation litigieuse n'a pas duré pendant quelques mois seulement, soit
depuis l'annonce de son retrait professionnel, mais elle remonte à plusieurs
années, ainsi que l'établit le rapport susmentionné du Service cantonal du 30
juillet 2003.

Il est vrai que le recourant ne retirait pas un avantage financier
substantiel de la mise à disposition du véhicule immatriculé à son nom par
Y.________, qui en était en fait le propriétaire; cela permettait toutefois
au recourant d'effectuer certaines courses privées et de prendre en charge
quelques clients pour obtenir un revenu accessoire. En outre, l'impact de la
sanction prononcée à l'encontre du recourant doit être nuancée en
considération de son âge et du gain modeste que lui procurait son activité
professionnelle. Dans son audition du 15 juillet 2003, Z.________,
pseudo-employé du recourant pendant deux à trois ans à partir du 1er janvier
1997, a déclaré qu'à l'époque, le véhicule portant les plaques GE xxxx
étaient toujours à sa disposition depuis la mi-journée et que le recourant
l'utilisait très peu.

Le retrait de l'autorisation d'exploiter un service de taxis avec permis de
stationnement et de la carte professionnelle de chauffeur indépendant est
certes sévère mais n'est pas disproportionné, au regard de la faute du
recourant et de l'intérêt public à l'interdiction de toute forme de location
de plaques. Les cas de fraude potentiels sont en effet élevés compte tenu du
numerus clausus des permis de stationnement en droit cantonal genevois et de
l'impossibilité de les transférer à titre onéreux. En outre, seul un retrait
définitif permet de parer au risque de mise sur pied d'un nouveau stratagème
destiné à tromper l'autorité et à rétablir des rentes de situation.

Pour ce qui est de l'amende de 3'000 fr., elle n'est pas dispropor- tionnée
par rapport à l'ensemble des circonstances et le recourant ne fait pas valoir
qu'elle le serait au regard de ses moyens financiers, dont il ne dit rien.

Le grief de violation du principe de la proportionnalité n'est en conséquence
pas fondé.

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. L'arrêt au fond rend sans
objet la demande d'effet suspensif.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recou- rant, au
Département de justice, police et sécurité et à la 2ème section du Tribunal
administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 4 novembre 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: