Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.221/2004
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2P.221/2004 /svc

Arrêt du 30 juin 2005
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Yersin.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

A. ________, recourant,
représenté par Me Nicolas Urech, avocat,

contre

Administration cantonale des impôts
du canton de Vaud, route de Berne 46,
1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

art. 8, 9, 29 et 30 Cst. (impôt sur les donations),

recours de droit public contre l'arrêt du
Tribunal administratif du canton de Vaud
du 16 juillet 2004.

Faits:

A.
Par acte notarié du 21 décembre 1994, A.________ a reçu de son père, en
donation, une entreprise exploitée en raison individuelle présentant, selon
le bilan de reprise au 1er janvier 1994, un actif net de 512'339 fr. 40. Le
père a également donné à son fils l'immeuble abritant l'entreprise estimé
fiscalement à 1'250'000 fr. A.________ a repris la dette hypothécaire de
494'500 fr. grevant cet immeuble. Il s'est, en outre, engagé à verser
mensuellement à son père la somme de 6'000 fr. par mois, cette rente étant
réduite de 20% en cas de prédécès de l'épouse du bénéficiaire. La valeur
capitalisée de la rente s'élevait à 766'080 fr. Le contrat de donation estime
la valeur de la donation à A.________ à 251'759 fr. Le père de A.________,
désireux de respecter une égalité entre ses trois enfants, a alors donné
environ 250'000 fr. à chacune de ses deux filles correspondant à un impôt sur
les donations cantonal et communal de 11'790 fr .
L'autorité de taxation a notifié à A.________, le 18 janvier 1996, un
décompte de l'impôt sur les donations fixant le montant imposable de la
manière suivante:
Actifs:
immeuble (80%) 1'000'000.00
actifs commerciaux 512'339.40
Passifs:
dette hypothécaire (494'500.00)
Donation imposable 1'017'839.40
L'impôt sur les donations cantonal et communal s'élevait à 68'911 fr. 90.

B.
A.________ a élevé réclamation contre cette décision de taxation. Il a,
notamment, demandé que la valeur capitalisée de la rente soit déduite du
montant imposable. La Commission d'impôt et recette de district de
X.________ a indiqué à l'intéressé, par courrier du 1er mai 1996, que la
déduction de la valeur capitalisée de la rente devait être refusée.
A.________ a toutefois maintenu sa réclamation. Il a alors payé 15'000 fr.
qui correspondaient approximativement à ce qu'il admettait devoir. Un
décompte de l'impôt dû a été établi le 12 février 1997 et notifié à
l'intéressé: il ressortait de sa déclaration d'impôt de la période fiscale
1995-1996 qu'il avait encore reçu 100'000 fr. en espèces de son père; cette
somme devait être ajoutée au montant soumis à l'impôt sur les donations,
lequel s'élevait ainsi à 1'117'839 fr. correspondant à un impôt de 76'711.60
fr.
Le dossier a été transmis à l'Administration cantonale des impôts du canton
de Vaud (ci-après: l'Administration cantonale des impôts) qui a informé
A.________, le 14 septembre 2000, qu'elle confirmait le refus de déduire la
rente. La donation soumise à l'impôt s'élevait à 1'117'839 fr. L'intéressé a
maintenu sa réclamation laquelle a été rejetée par décision du 13 août 2003
de l'Administration cantonale des impôts.

C.
A.________ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif du canton de
Vaud (ci-après: le Tribunal administratif). La section du Tribunal
administratif saisie de ce dossier a considéré que le montant litigieux était
prescrit, vu l'absence d'acte interruptif de prescription entre la décision
de taxation du 18 janvier 1996 et la décision sur réclamation du 13 août
2003. Cette conclusion constituant un changement de jurisprudence, la
question devait être soumise à la procédure de coordination. Les juges, juges
suppléants et assesseurs de la Chambre fiscale du Tribunal administratif ont
été consultés le 9 mars 2004. La majorité des juges a conclu qu'il fallait
s'en tenir à la jurisprudence en vigueur jusque-là et que la prescription
avait été interrompue. Les parties ont été entendues lors d'une audience le
12 mars 2004. Le Tribunal ayant interpellé l'Administration cantonale des
impôts sur la question de la prescription, celle-ci a déposé des
déterminations le 29 mars 2004. A.________ a renoncé à se déterminer. La
décision prise dans la procédure de coordination liant la section du Tribunal
administratif en charge du dossier, celle-ci a, dans son arrêt du 16 juillet
2004, déclaré que la prescription avait été interrompue par la lettre du 14
septembre 2000 de l'Administration cantonale des impôts à A.________. Sur le
fond, elle a rejeté le recours jugeant que la rente capitalisée ne
constituait pas une charge déductible.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité du Tribunal administratif du 16
juillet 2004, sous suite de frais et dépens. Il invoque la violation de son
droit à être jugé par un tribunal établi par la loi (art. 30 al. 1 Cst.), de
son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), des principes de l'égalité de
traitement (art. 8 Cst.) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.).
Il conteste que l'impôt soit dû sur le montant de la rente capitalisée. Il
prétend que ce montant aurait dû être déduit de la donation imposable. Au
surplus, la créance d'impôt serait prescrite.
Le Tribunal administratif s'en remet à justice. L'Administration cantonale
des impôts conclut au rejet du recours.

E.
Par ordonnance présidentielle du 30 septembre 2004, la demande d'effet
suspensif formulée par le recourant a été admise.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'art. 30 al. 1 Cst. fixe des exigences minimales quant aux garanties de
procédure que doivent offrir les autorités judiciaires, telles que
l'interdiction des tribunaux d'exception et de la mise en oeuvre de juges ad
hoc ou ad personam, et exige une organisation judiciaire et une procédure
définies par la loi en vue d'empêcher toute manipulation et d'assurer
l'indépendance nécessaire des juges. Il n'impose toutefois pas aux cantons
une organisation judiciaire particulière ni une procédure déterminée (ATF 123
I 49 consid. 2b p. 51; 122 I 18 consid. 2b/bb p. 23/24; 117 Ia 378 consid. 4b
p. 380/381 et les arrêts cités).

2.
2.1 Le recourant invoque l'art. 30 al. 1 Cst.: bien que l'arrêt attaqué ait
été formellement rendu par une cour composée conformément aux art. 14 et 16
de la loi vaudoise du 18 décembre 1989 sur la juridiction et la procédure
administratives (ci-après: LJPA ou la loi sur la juridiction et la procédure
administratives), tel n'aurait pas été le cas de la décision concernant la
prescription qui aurait été tranchée par la Chambre fiscale du Tribunal
administratif dans le cadre de la procédure de coordination prévue par l'art.
21 du règlement organique vaudois du 18 avril 1997 du Tribunal administratif
(ci-après: ROTA ou le règlement organique). La décision aurait ainsi été
rendue non pas par l'autorité imposée par la loi, mais par une cour dans une
composition inconstitutionnelle.

2.2 Le Tribunal administratif est prévu par la loi sur la juridiction et la
procédure administratives et son fonctionnement y est réglé. Cette loi fait
office de loi générale pour la procédure du contentieux administratif de
dernière instance cantonale (Etienne Poltier, La juridiction administrative
vaudoise deux ans après l'entrée en fonction du Tribunal administratif, in:
RDAF 1994 241 p. 261). L'organisation du Tribunal administratif n'y est
toutefois fixée que très sommairement. Selon l'art. 7 LJPA, il est composé de
huit juges, de cinq juges suppléants occupant leur charge à mi-temps et, au
plus, de soixante assesseurs. L'art. 14 LJPA prescrit que le Tribunal
administratif siège en cour plénière et en sections, la cour plénière étant
compétente pour, notamment, édicter le règlement organique du Tribunal (art.
15 al. 2 let. d LJPA). L'art. 1er ROTA précise que le Tribunal administratif
comprend, outre la cour plénière, onze chambres siégeant en sections. Selon
l'art. 16 LJPA, les sections statuent sur les recours administratifs; pour
statuer, chaque section est composée d'un juge ou d'un juge suppléant et de
deux assesseurs. Le législateur a donc délégué la compétence au Tribunal de
s'organiser lui-même sur tous les points non expressément réglés par la loi
sur la juridiction et la procédure administratives.
La procédure de coordination critiquée en l'espèce est prévue à l'art. 21
ROTA qui prescrit:
"1 Les questions juridiques de principe et les changements de jurisprudence
sont discutés entre les juges et les juges suppléants de la chambre
concernée, ou entre tous les juges et juges suppléants si l'objet concerne
plus d'une chambre. Les assesseurs sont au besoin associés à la discussion.

2 La solution adoptée, à la majorité des juges et juges suppléants, lie les
sections.

3 En cas d'égalité des voix, la jurisprudence en vigueur est maintenue."
2.3 Le Tribunal administratif n'est pas seul à connaître une procédure de
coordination. Le Tribunal fédéral a une procédure analogue. L'art. 16 al. 1
OJ prévoit en effet que lorsqu'une section du Tribunal entend déroger à la
jurisprudence suivie par une autre section, par plusieurs sections réunies ou
par le Tribunal en séance plénière, elle ne peut le faire qu'avec le
consentement de l'autre section ou à la suite d'une décision des sections
intéressées ou du Tribunal. Cette décision est prise sans débats et à huit
clos; elle lie la section qui doit statuer sur la cause. Selon la doctrine,
on ne saurait, en effet, admettre sans réserve qu'un tribunal suprême modifie
sa propre jurisprudence et porte ainsi atteinte à la sécurité du droit, qui
dépend dans une large mesure de la stabilité de la jurisprudence
(Jean-François Poudret, Suzette Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. I, ad art. 16 OJ, p. 67).
Une telle procédure de coordination est également indispensable au
fonctionnement du Tribunal administratif vaudois composé de huit juges
ordinaires à plein temps, cinq juges suppléants à mi-temps et de soixante
assesseurs (art. 7 LJPA), sans compter les juges ad hoc. Sans une telle
procédure de coordination, avec en particulier l'obligation pour les sections
de suivre la solution adoptée par la majorité des juges et juges suppléants,
il n'existerait aucune sécurité juridique, chaque section jugeant selon sa
seule interprétation sans tenir compte des décisions des autres sections.
Dans la mesure où les juges du Tribunal administratif siègent accompagnés
uniquement d'assesseurs, et non d'autres juges, dans les différentes sections
qu'ils président, le risque de voir ces sections arrêter des solutions
divergentes sur des questions identiques est loin d'être négligeable (Etienne
Poltier, op. cit., p. 250).
Ainsi, la procédure de coordination telle que prévue par l'art. 21 ROTA n'est
pas critiquable dans son principe. L'affaire du recourant a été jugée ensuite
par une section du Tribunal administratif conformément à la loi, même si
celle-ci était tenue, au niveau des principes à respecter, par la décision
prise par la Chambre fiscale dans le cadre de la procédure de coordination.
Le droit du recourant à être jugé par un tribunal établi par la loi n'a, dès
lors, pas été violé.

3.
3.1 Le recourant se plaint formellement d'une violation de son droit d'être
entendu. En fait, il relève que la composition du Tribunal administratif
aurait été incorrecte (art. 30 al. 1 Cst.), la décision sur la prescription
dans le cadre de la procédure de coordination n'ayant pas été prise par
l'ensemble des juges ordinaires et suppléants de la Chambre fiscale, certains
étant absents.

3.2 Ni la loi sur la juridiction et la procédure administratives, ni le
règlement organique ne contiennent de dispositions sur la composition de la
Chambre, notamment l'obligation de présence de tous les juges et juges
suppléants ou un quorum à la séance de la procédure de coordination. L'art.
21 ROTA se contente de prescrire que les questions juridiques de principe et
les changements de jurisprudence sont discutés entre les juges et juges
suppléants de la chambre concernée, ou entre tous les juges et juges
suppléants si l'objet concerne plus d'une chambre. Il prévoit également que
les assesseurs sont au besoin associés à la discussion et que la solution est
adoptée à la majorité des juges et juges suppléants. En pratique, la
composition de la Chambre fiscale change d'une année à l'autre. En 2003, elle
était formée de cinq juges et, en 2004, de deux juges et deux juges
suppléants.
Par comparaison, la Cour plénière exerçant ses compétences administratives
est formée exclusivement des huit juges (art. 2 al. 1 ROTA et art. 7 LJPA).
Elle statue en principe à la majorité absolue des voix émises (art. 2 al. 2
ROTA). Toutefois, en cas d'urgence et s'il est impossible de réunir à temps
tous les juges, elle peut statuer sans être au complet; ses décisions sont
alors prises à une majorité qualifiée de cinq voix (art. 2 al. 3 ROTA).
Dans le cadre de la procédure de coordination du Tribunal fédéral, la loi
impose un quorum (art. 11 al. 2 OJ par renvoi de l'art. 16 al. 3 OJ). Il est
des deux tiers des membres de chacune des sections réunies ou, le cas
échéant, de la Cour plénière. Ainsi, même le tribunal suprême ne doit pas
être au complet lors de la séance de coordination.
En l'espèce, la Chambre fiscale du Tribunal administratif, dans sa
composition pour l'année 2004, soit deux juges et deux juges suppléants, a
associé à la procédure les trois juges qui faisaient partie de ladite Chambre
en 2003 mais plus en 2004. Lors de la séance, trois juges et un juge
suppléant étaient présents, un juge s'était récusé et deux autres, un juge et
un suppléant, étaient absents mais l'un d'eux s'était déterminé par écrit. De
la composition en 2004 de la Chambre, tous les juges et juges suppléants
étaient présents, à part un juge suppléant qui a fourni des observations
écrites. La majorité des cinq juges et juges suppléants qui se sont exprimés
a estimé que la prescription avait été valablement interrompue et que
l'ancienne jurisprudence devait être maintenue. Comme le relève le recourant,
la majorité des neuf assesseurs qui se sont exprimés (huit ont assisté à la
séance, deux s'étaient récusés et deux étaient absents dont un s'était
exprimé par écrit) a jugé qu'il fallait au contraire abandonner la
jurisprudence en vigueur jusque-là. Il n'est pas contesté qu'ils n'ont,
toutefois, qu'une voix consultative. Cela n'est pas critiquable, compte tenu
du fait que, dans le cadre de la procédure de coordination, seules des
questions juridiques de principe et de changement de jurisprudence sont en
cause et que les assesseurs ont souvent une formation autre que juridique
(Benoît Bovay, La révision du 26 février 1996 de la loi vaudoise sur la
juridiction et la procédure administratives, in: RDAF 1996 II 113 p. 116;
Etienne Poltier, op. cit., p. 248-250). La décision de la Chambre fiscale, à
la majorité de trois au minimum sur les cinq juges et juges suppléants, l'a
donc emporté sur celle de la section en charge de la cause qui était elle
composée d'un juge et de deux assesseurs.
Cette procédure donne certes une impression de confusion et peut paraître
injuste au recourant puisque, sans elle, il aurait obtenu gain de cause,
mais, comme on l'a vu ci-dessus (consid. 2.3), elle est indispensable pour
garder une cohérence entre les décisions des différentes sections. La loi
n'imposant ni quorum, ni majorité qualifiée lors de la séance de
coordination, la Chambre fiscale du Tribunal administratif pouvait statuer en
l'absence d'un de ses membres, la décision ayant été prise à la majorité des
voix.

4.
Le recourant se plaint de la violation de son droit d'être entendu (sur cette
notion cf. ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 505; 125 I 257 consid. 3a p. 259).
Selon lui, il aurait dû être entendu avant la séance tenue dans le cadre de
la procédure de coordination.
Comme l'indique l'art. 21 ROTA, la procédure de coordination est destinée à
régler des questions juridiques de principe et les changements de
jurisprudence. Lors de sa séance du 9 mars 2004, le Tribunal administratif
discutait donc d'une question de droit dans l'abstrait et n'avait pas à
entendre le recourant à ce sujet. Au demeurant, s'agissant de déterminer un
principe qui pouvait s'appliquer à une multitude d'affaires, on ne voit pas
pourquoi le recourant, et lui seul, aurait dû être entendu. Il l'a été, lors
de l'audience du 12 mars 2004, par la section du Tribunal administratif en
charge de son affaire. Ledit Tribunal lui a aussi octroyé la possibilité de
se prononcer par écrit sur les déterminations du 29 mars 2004 de
l'Administration cantonale des impôts au sujet de la prescription. Le droit
d'être entendu du recourant n'a donc pas été violé.

5.
5.1 Le droit fiscal vaudois connaît deux types de prescription: celle du droit
d'introduire les procédures, notamment la procédure en taxation, qui est de
dix ans (art. 77 de la loi vaudoise du 27 février 1963 concernant le droit de
mutation sur les transferts immobiliers et l'impôt sur les successions et
donations; ci-après: LMSD ou la loi concernant l'impôt sur les successions et
les donations) et qui n'est pas en cause en l'espèce, et celle des créances
d'impôt. L'art. 78 LMSD prévoit:
"Les créances découlant de la présente loi se prescrivent par cinq ans dès
leur exigibilité:

Les articles 134 à 137 du Code des obligations sont applicables."
L'art. 134 CO concerne l'empêchement et la suspension de la prescription. Les
art. 135 à 137 CO sont relatifs à l'interruption de la prescription,
respectivement aux actes interruptifs (art. 135 CO), aux effets de
l'interruption envers des coobligés (art. 136 CO) et au début d'un nouveau
délai de prescription en cas de reconnaissance ou de jugement (art. 137 CO).
Dans le cas particulier, l'art. 135 ch. 2 CO joue un rôle particulier. Il
prescrit:
"La prescription est interrompue:

1. (...)
2. Lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une
action ou une exception devant un tribunal ou des arbitres, par une
intervention dans une faillite ou par une citation en conciliation."
La créance est exigible trente jours après la notification du bordereau
provisoire ou définitif (art. 58 LMSD), le bordereau équivalant à la décision
de taxation (art. 49 LMSD).

5.2 Le Tribunal administratif a jugé qu'une application stricte de l'art. 78
LMSD engendrerait des difficultés insurmontables, les règles des art. 134 à
137 CO, destinées aux créances civiles, n'étant pas adaptées aux créances
fiscales. Il fallait donc tenir compte de la "solution élaborée" par le
Tribunal fédéral dans le cadre de l'art. 128 de l'arrêté du Conseil fédéral
du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct
(ci-après: AIFD ou l'arrêté sur l'impôt fédéral direct; RO 56 2021). Cette
disposition prévoyait que la prescription était interrompue par tout acte
tendant au recouvrement de la créance. La jurisprudence considérait
qu'interrompent également la prescription tout acte tendant à arrêter la
taxation et les actes accomplis au cours des procédures de réclamation et de
recours. En conséquence, dans le cas présent, la lettre de l'Administration
cantonale des impôts du 14 septembre 2000, qui confirmait, au recourant, le
refus de déduire la rente du montant imposable, aurait valablement interrompu
la prescription qui courait depuis la décision de taxation du 18 janvier
1996, voire celle du 12 février 1997.
Le recourant estime que l'arrêt du Tribunal administratif viole
l'interdiction de l'arbitraire en tant qu'il "refuse d'appliquer l'art. 78
LMSD" et qu'il ne considère pas la créance d'impôt comme prescrite. Selon
l'intéressé, l'art. 78 LMSD reprend les art. 134 à 137 CO au titre de droit
supplétif, alors que l'art. 128 AIFD avait une teneur différente et plus
précise en tant qu'il décrétait que tout acte tendant au recouvrement de
l'impôt interrompait la prescription. Il ne serait donc pas possible
d'appliquer la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'art. 128 AIFD
dans le cadre de l'art. 78 LMSD. En outre, le texte de l'art. 78 LMSD serait
dépourvu de toute ambiguïté et le Tribunal administratif ne pourrait pas se
substituer au législateur. Si les notions d'action et d'exception prévues par
l'art. 135 ch. 2 CO sont difficilement transposables en matière fiscale, la
poursuite, également mentionnée dans cette disposition, serait claire. Selon
l'intéressé, seule une poursuite pourrait interrompre la prescription.
L'Administration cantonale des impôts n'ayant pas eu recours à cette
procédure dans les cinq ans suivant les décisions de taxation du 18 janvier
1996 et 12 février 1997, la créance d'impôt contestée serait prescrite.

5.3 Bien que l'art. 78 LMSD ne renvoie pas à l'art. 138 CO, l'art. 135 CO ne
peut être interprété indépendamment de l'art. 138 CO. Celui-ci dispose:
"1 La prescription interrompue par l'effet d'une action ou d'une exception
recommence à courir, durant l'instance, à compter de chaque acte judiciaire
des parties et de chaque ordonnance ou décision du juge.

2 Si l'interruption résulte de poursuites, la prescription reprend son cours
à compter de chaque acte de poursuite.

3 Si l'interruption résulte de l'intervention dans une faillite, la
prescription recommence à courir dès le moment où, d'après la législation sur
la matière, il est de nouveau possible de faire valoir la créance."
Selon cette disposition, divers autres actes de procédure que ceux prévus à
l'art. 135 CO interrompent aussi la prescription. Il ressort de ces
dispositions que, sur le plan du droit privé, un certain nombre de motifs
différents entraîne l'interruption de la prescription qui recommence à
courir, après que le créancier a fait valoir ses droits par des poursuites,
une action, une exception, une intervention dans la faillite ou une citation
en conciliation. La prescription réglée par le droit public, en particulier
par l'arrêté sur l'impôt fédéral direct ou la loi fédérale du 14 décembre
1990 sur l'impôt fédéral direct (RS 642.11), comprend également un certain
nombre d'actes variés, analogues à ceux du droit privé, qui peuvent
interrompre la prescription. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral en
matière d'impôt fédéral direct, les actes tendant au recouvrement comprennent
non seulement les actes de perception de l'impôt, mais aussi tous les actes
officiels tendant à la fixation de la prétention fiscale qui sont portés à la
connaissance du contribuable; ces actes incluent, par exemple, l'envoi d'un
décompte complémentaire, l'envoi d'une formule de déclaration d'impôt, la
sommation pour la remise de la déclaration, ainsi que la notification d'un
bordereau provisoire (ATF 126 II 1 consid. 2c p. 3 et la jurisprudence citée;
Archives 66 470 consid. 3c/bb p. 475, 2A.508/1995; Archives 60 506 consid. 4
p. 509, 2A.304/1990 et les arrêts cités).
Dans le cadre particulier ici en cause, il n'y a pas de raison d'interpréter
l'art. 135 CO en limitant les motifs d'interruption aux seules poursuites.
L'interprétation restrictive de l'art. 78 LMSD faite par le recourant ne
s'impose en aucune manière. Le texte de cette disposition n'exclut pas non
plus l'interprétation du Tribunal administratif. Il n'y a donc pas
d'arbitraire à considérer comme valables, outre les poursuites, d'autres
modes d'interruption de la prescription équivalant, en droit public, aux
actes mentionnés aux art. 135 et 138 CO. On doit admettre toutefois avec le
recourant que l'argument du Tribunal administratif, selon lequel de nombreux
dossiers en cours de traitement auprès de cette autorité seraient prescrits
si seules les poursuites interrompaient valablement la prescription des
créances fiscales, n'est pas pertinent. Au surplus, le renvoi du Tribunal
administratif à l'arrêté sur l'impôt fédéral direct et à la jurisprudence du
Tribunal fédéral y relative n'est pas en soi arbitraire, dans la mesure où,
dans le résultat, il reste dans le cadre de l'art. 78 LMSD et d'une
application par analogie du code des obligations, notamment de l'art. 138 al.
1 CO qui définit au demeurant les actes interruptifs de manière large.
En l'espèce, le Tribunal administratif pouvait considérer sans arbitraire que
la prescription a été valablement interrompue par la lettre de
l'Administration cantonale des impôts du 14 septembre 2000 au recourant,
rappelant le montant de la donation imposable et celui de l'impôt dû.

6.
6.1 L'art. 12 al. 1 LMSD prescrit que l'impôt sur les donations est perçu sur
l'acquisition entre vifs et à titre gratuit d'immeubles ou de parts
d'immeubles situés dans le canton (let. a), ainsi que de tous les biens
mobiliers, pour autant que le donateur soit domicilié dans le canton (let.
b). Selon l'art. 15 LMSD ayant trait à la donation mixte, les actes
juridiques à titre onéreux, dans lesquels la prestation de l'une des parties
est en disproportion manifeste avec celle de l'autre partie, sont assimilés à
une donation pour la différence entre les deux prestations, à moins que les
parties ne démontrent qu'elles n'ont pas entendu faire une libéralité. Les
dettes du donateur mises à la charge du donataire sont déduites (art. 30 al.
1 LMDS). En outre, l'art. 27 LMSD prévoit:
"Lorsque les biens dévolus par donation ou succession sont grevés d'une
charge (usufruit, rente, droit d'habitation, etc.), l'estimation en est faite
sans déduction de la valeur de cette charge, sauf si la constitution de
celle-ci a donné lieu, directement ou indirectement, à perception d'un droit
de mutation ou d'un impôt sur les successions ou sur les donations."
Selon l'art. 7 LMSD, en cas de transfert d'un immeuble par donation mixte
(art. 15 LMSD), le droit de mutation se calcule sur la valeur des prestations
échangées à titre onéreux.

6.2 A l'époque de la donation au recourant, le Tribunal administratif avait
une interprétation extrêmement restrictive de l'art. 15 LMSD - et, par
conséquent, de l'art. 7 LMSD (RDAF 1994 72, FI.1992.0125). Il considérait
apparemment qu'il y avait donation mixte au sens de cette disposition
uniquement lorsque l'acte était intitulé "vente". Le fisc pouvait ainsi
requalifier de contrat mixte une convention nommée de la sorte. En revanche,
un acte instrumenté comme donation ne pouvait pas être traité comme acte
mixte. Dans deux arrêts du 29 avril 2004 (FI.2002.0022; FI.2003.0011), ledit
Tribunal a modifié partiellement cette conception de la donation mixte pour
prendre en compte une notion plus proche de celle du droit civil (cf. consid.
6.3). Cela permettrait de soumettre au droit de mutation la partie onéreuse
de l'acte et à l'impôt sur les successions la partie gratuite. Toutefois, en
l'espèce, selon le Tribunal administratif, la donation reçue par le recourant
est une donation pure grevée d'une charge puisqu'il est tenu de servir une
rente au donateur. Dès lors, en application de l'art. 27 LMSD, la
constitution de la rente n'ayant pas été imposée, cette charge ne serait pas
déductible.
Le recourant estime que le refus du Tribunal administratif de déduire le
montant de la rente capitalisée du montant imposable de la donation est
constitutif d'arbitraire et viole l'égalité de traitement. L'impôt sur les
donations chercherait à frapper l'enrichissement effectif du donataire. Or,
une charge en faveur du donateur ayant été constituée au moment de la
donation, il s'agirait d'une donation mixte au sens du droit civil, et
l'enrichissement du donataire en serait réduit d'autant.

6.3 Lors d'une donation, l'enrichissement de l'attributaire résulte du fait
que celui-ci n'a pas fourni de contre-prestation. Un acte peut n'être que
partiellement gratuit. La libéralité partiellement gratuite typique est la
donation mixte (Jean-Marc Rivier, L'impôt sur les successions et les
donations: ses caractéristiques, sa nature et son champ d'application, in:
StR 1996 149 p.154). Il n'est pas toujours aisé de déterminer si l'on a
affaire à une donation mixte (Markus Oehrli, Die gemischte Schenkung im
Steuerrecht, p. 13). Il y a donation mixte lorsque les prestations échangées
dans un contrat sont, lors de sa conclusion, de valeur différente, que les
parties le savent et conviennent de faire une libéralité à celle d'entre
elles qui est ainsi favorisée (Paul Piotet, Traité de droit privé suisse,
Tome IV, Droit successoral, 2e éd., p. 282; Jean-Marc Rivier, Droit fiscal
suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, p. 525). Ce type de donation
est donc, en quelque sorte, un complexe de deux actes juridiques différents:
d'une part, un contrat bilatéral à titre onéreux, une vente et, d'autre part,
une donation (Danielle Yersin, L'imposition de la donation mixte, in: Revue
fiscale 1984 p. 271 ss no 6 p. 273). Il s'agit de déterminer, en l'espèce, si
la rente constituée au moment de la donation en faveur du donateur est une
charge ou une contre-prestation.
La charge est une disposition de l'auteur de la libéralité qui oblige
l'attributaire à une prestation sans conférer une créance à un intéressé.
C'est ce qui la distingue de la dette qui confère au créancier un droit au
paiement (Jean-Marc Rivier, op. cit., in: StR 1996 149 p.159). Elle apparaît
comme une clause accessoire d'une attribution à titre gratuit, en vertu de
laquelle l'attributaire assume une obligation dont le contenu peut varier à
l'infini. Elle affecte le statut des biens donnés. Elle peut avoir une valeur
économique ou non. Elle se distingue de la contre-prestation dans la mesure
où elle n'est pas calculée en fonction de la valeur des biens donnés et
qu'elle consiste souvent en une obligation de faire ou de laisser faire
quelque chose à un tiers. Elle peut être créée en faveur du donateur ou d'un
tiers.
La contre-prestation est la caractéristique de l'acte onéreux. Elle consiste
généralement en espèces versées à l'aliénateur. Mais elle peut également
consister en une obligation contractée par l'attributaire à l'égard de
l'aliénateur, telle qu'une reconnaissance de dette, l'extinction d'une dette
de l'aliénateur envers l'acquéreur, ainsi qu'en une prestation faite par
l'acquéreur à un tiers pour le compte de l'aliénateur (Danielle Yersin, op.
cit., in: Revue fiscale 1984 271 p. 274).

6.4 En l'espèce, le donateur a imposé le versement d'une rente au donataire
et le rapport de droit a en partie perdu de sa gratuité. En effet, les biens
transférés n'étaient pas grevés d'une charge en faveur d'un tiers qui aurait
été reprise accessoirement par le donataire, mais la rente promise au père a
été constituée à l'occasion de la donation. Elle a été fixée en fonction de
la valeur des biens repris et de manière à assurer une certaine égalité de
traitement entre les enfants du donateur. Elle représente sans conteste une
obligation contractée par le fils envers son père. La rente est, à ce titre,
non pas une charge mais une contre-prestation du donataire au donateur. A cet
égard, la situation est différente, par exemple, de celle d'une dette
hypothécaire contractée par le père et transférée au fils à l'occasion de la
donation. Elle est également différente de la constitution d'un usufruit ou
d'un droit d'habitation en faveur du donateur, car celui-ci "retient" ainsi
temporairement une partie de la donation. L'enrichissement du donataire n'est
que retardé. Tel n'est pas le cas en l'espèce de sorte qu'il est arbitraire
de qualifier de charge non déductible une contre-prestation, faite dans le
cadre de la donation, qui confère un caractère onéreux à une partie de l'acte
et réduit considérablement l'enrichissement de l'acquéreur. Dès lors, on ne
saurait considérer que la valeur capitalisée de la rente que le recourant
s'est engagé à verser à son père tombe sous le coup de l'art. 27 LMSD. Ce
montant doit être déduit de l'assiette de l'impôt sur les donations. Il n'y a
pas lieu d'examiner ici si, dans la mesure où la donation porte sur un
immeuble partiellement repris à titre onéreux, la perception d'un droit de
mutation pourrait se justifier.
Le grief d'arbitraire est donc fondé, de sorte qu'il est inutile d'examiner
encore si l'arrêt litigieux entraînait au surplus une inégalité de traitement
au sens de l'art. 8 Cst.

7.
Le recours est admis dans le sens des considérants et l'arrêt du Tribunal
administratif du 16 juillet 2004 annulé.
Succombant, le canton de Vaud, dont les intérêts pécuniaires sont en cause,
doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1 et 156 al. 2 a contrario
en relation avec les art. 153 et 153a OJ), ainsi que l'indemnité de dépens à
laquelle le recourant peut prétendre pour la procédure fédérale (art. 159 al.
1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans le sens des considérants et l'arrêt du Tribunal
administratif du canton de Vaud du 16 juillet 2004 est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du canton de Vaud.

3.
Le canton de Vaud versera une indemnité de 3'000 fr. au recourant à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à
l'Administration cantonale des impôts et au Tribunal administratif du canton
de Vaud.

Lausanne, le 30 juin 2005

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: