Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.183/2004
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2P.183/2004/DAC/elo
Arrêt du 2 février 2005
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président, Hungerbühler,
Wurzburger, Müller et Zappelli, Juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

Association cantonale des cabarets de la République et canton de Neuchâtel,
2001 Neuchâtel,
Association des cabarets de la Ville de Neuchâtel, 2001 Neuchâtel,
X.________ & Cie,
Y.________ SA,
recourants,
tous les quatre représentés par Me Daniel Brodt, avocat,

contre

Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel, Château,
2001 Neuchâtel 1.

Art. 5 al. 1, 8 et  27 Cst.: constitutionnalité d'un arrêté cantonal,

recours de droit public contre l'arrêté du Conseil d'Etat du canton de
Neuchâtel du 23 juin 2004 concernant les conditions d'engagement ainsi que la
fixation du nombre par établissement des danseuses de cabaret.

Faits:

A.
Le 23 juin 2004, le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel (ci-après: le
Conseil d'Etat) a adopté un arrêté concernant les conditions d'engagement
ainsi que la fixation du nombre par établissement des danseuses de cabaret
(ci-après : l'arrêté cantonal). L'article premier de l'arrêté cantonal, qui
en détermine le but, établit que les conditions d'engagement ainsi que le
contingentement des danseuses de cabaret sont réglementés par les
dispositions de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des
étrangers (OLE; RS 823.21) et de l'arrêté cantonal (al. 1) et précise que les
directives fédérales concernant les danseuses de cabaret ainsi que les
directives cantonales en la matière, relevant de la compétence du Service des
étrangers du canton de Neuchâtel (ci-après: le Service des étrangers),
développent les éléments à prendre en considération pour l'exécution correcte
des dispositions précitées (al. 2).

L'art. 5 de l'arrêté cantonal, intitulé "Nombre de jours de travail et
salaire" dispose:
"1 Le nombre maximum de jours de travail autorisés par mois est de 23.

2 Le montant du cachet brut journalier des danseuses doit s'élever au minimum
à 192 francs, indemnités de vacances comprises, et celui du salaire mensuel
net au minimum à 2'200 francs. Ce dernier montant doit impérativement être
versé aux danseuses à la fin du mois et ne saurait comprendre une quelconque
somme équivalant à une éventuelle commission.

3 En cas d'absences dûment attestées par un certificat médical, les règles
des assurances perte de gain, maladie et accident s'appliqueront. S'agissant
des congés, seuls ceux pris par les danseuses sans l'accord de l'employeur
pourront être déduits du salaire mensuel minimum net."
L'art. 9 de l'arrêté cantonal, dont le titre est "Contingentement par
établissement", a la teneur suivante:
"1 Le nombre de danseuses de cabaret pouvant être occupées simultanément dans
un établissement est fixé à six au maximum.

2 Il est déterminé chaque année en fonction de la surface, du nombre de
places, de l'agencement du local, du chiffre d'affaires de l'établissement
communiqué par le Service du commerce et des patentes, des jours et des
heures d'ouverture, du nombre de productions par soirée, de la durée du temps
de spectacle, ainsi que du nombre de chambres ou de studios mis à disposition
des danseuses.

3 Les employeurs remettent chaque année au Service des étrangers, jusqu'au 31
mars au plus tard, tous les renseignements qui lui sont nécessaires pour
fixer le contingent de l'établissement.

4 Lorsqu'un établissement existant est repris par une autre société ou une
entreprise individuelle inscrite au registre du commerce, il y a changement
d'employeur et le Service des étrangers procède à un nouvel examen complet du
dossier, comme s'il s'agissait de l'ouverture d'un nouvel établissement."
Quant à l'art. 11 de l'arrêté cantonal, intitulé "Sanctions administrati
ves", il prévoit:
"1 L'employeur qui occupe des danseuses de cabaret non autorisées à
travailler ou qui, de toute autre manière, contrevient aux prescriptions du
droit des étrangers se verra notifier un avertissement écrit par le Service
des étrangers, sous menace de sanctions.

2 Si, en dépit d'un avertissement qui lui aura été notifié, il emploie à
nouveau du personnel sans autorisation ou contrevient une nouvelle fois aux
prescriptions du droit des étrangers, l'employeur se verra refuser totalement
ses nouvelles demandes de main-d'oeuvre étrangère durant 6 mois au minimum.

3 Les dispositions qui précèdent s'appliquent également à l'employeur qui
contrevient à la loi sur le travail (LTr) et à ses ordonnances d'application,
ainsi qu'à l'article 4, alinéa 2, du présent arrêté, en incitant notamment
les danseuses à consommer des boissons alcooliques ou à se livrer à la
prostitution.

4 L'employeur qui n'aura pas pris toutes les mesures nécessaires en vue
d'éviter que les danseuses qu'il emploie ne se livrent à la prostitution dans
l'établissement où elles se produisent ou dans les locaux qu'il met à leur
disposition se verra refuser totalement ses nouvelles demandes de
main-d'oeuvre étrangère durant 3 mois au minimum.

5 Les sanctions prévues par la loi fédérale sur le séjour et l'établissement
des étrangers ainsi que les dispositions pénales sont réservées."

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, l'Association cantonale des
cabarets de la République et canton de Neuchâtel, l'Association des cabarets
de la Ville de Neuchâtel, X.________ & Cie ainsi que Y.________ SA demandent
au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement, d'annuler
l'arrêté cantonal et, subsidiairement, d'annuler les dispositions des art. 5,
6, 7, 9, 10 et 11 de l'arrêté cantonal. Invoquant les art. 5 al. 1, 8 et 27
Cst., les recourants soutiennent, en bref, que certains articles de l'arrêté
cantonal ne reposent sur aucune base légale valable, qu'ils violent leur
liberté économique, qu'ils ne sont pas proportionnés aux intérêts visés et
qu'ils consacrent une inégalité de traitement entre propriétaires de
cabarets, ainsi qu'entre danseuses de cabaret elles-mêmes.
Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

Au cours d'un second échange d'écritures, les parties ont confirmé leurs
conclusions.

C.
Par ordonnance du 19 août 2004, le Président de la IIe Cour de droit public a
admis la demande d'effet suspensif présentée par les recourants.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 185 consid. 1 p. 188).

1.1 Le recours de droit public est recevable lorsqu'il est formé, comme en
l'espèce, contre un arrêté cantonal de portée générale pour violation des
droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 lettre a OJ).

1.2 L'exigence de l'épuisement des voies de droit cantonales prévue par
l'art. 86 al. 1 OJ s'applique également aux recours de droit public formés
contre les arrêtés cantonaux de portée générale (RDAF 2003 I 236 consid. 1.2
p. 238, 2P.182/2001, et la jurisprudence citée). Le droit neuchâtelois ne
prévoyant aucune procédure de contrôle abstrait des normes cantonales de
portée générale, le présent recours, formé directement devant le Tribunal
fédéral, est recevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ.

1.3 D'après l'art. 89 al. 1 OJ, l'acte de recours doit être déposé devant le
Tribunal fédéral dans les trente jours dès la communication, selon le droit
cantonal, de l'arrêté ou de la décision attaqués. Dans le cas particulier,
l'arrêté cantonal a été promulgué dans la Feuille officielle du canton de
Neuchâtel du 30 juin 2004, de sorte que le recours remis à la poste le 16
juillet 2004 a été interjeté en temps utile (ATF 130 I 306 consid. 1 p. 309
et la jurisprudence citée).

1.4 Lorsque le recours est dirigé contre un arrêté de portée générale, la
qualité pour recourir, au sens de l'art. 88 OJ, appartient à toute personne
dont les intérêts juridiquement protégés sont effectivement touchés par
l'acte attaqué ou pourront l'être un jour; une simple atteinte virtuelle
suffit, pourvu qu'il y ait un minimum de vraisemblance que le recourant
puisse un jour se voir appliquer les dispositions prétendument
inconstitutionnelles (ATF 130 I 306 consid. 1 p. 309 et la jurisprudence
citée).

Une association peut également agir par la voie du recours de droit public en
vue de sauvegarder les intérêts de ses membres, même si elle n'est pas
directement touchée par l'acte entrepris. Il faut notamment qu'elle ait la
personnalité juridique et que la défense des intérêts de ses membres figure
parmi ses buts statutaires. En outre, ses membres, du moins la majorité ou un
grand nombre d'entre eux, doivent être personnellement touchés par l'acte
litigieux (ATF 130 I 26 consid. 1.2.1 p. 30 et la jurisprudence citée; Walter
Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, Berne 1994, p. 268).

Dans un arrêt du 7 mars 1996, le Tribunal fédéral a jugé un recours de droit
public interjeté par un propriétaire et cinq exploitants de cabarets contre
des directives des Directions de l'économie publique et de la police du
canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures concernant l'octroi d'autorisations aux
artistes, musiciens, danseurs et disc-jokeys étrangers (ATF 122 I 44). Il a
qualifié d'ordonnance administrative ces directives destinées aux autorités
compétentes en matière de police des étrangers. Il a considéré que des
directives internes à l'administration, qui n'émanent pas d'organes ayant des
compétences législatives, ne peuvent pas en elles-mêmes fonder des droits ou
des obligations pour les citoyens. Dès lors, elles ne peuvent être attaquées
par la voie du recours de droit public que si elles portent atteinte
indirectement aux droits protégés du citoyen et déploient ainsi des effets
externes, sans toutefois donner lieu à une décision formelle que l'intéressé
pourrait raisonnablement attaquer de manière efficace pour violation de ses
droits constitutionnels (ATF 122 I 44 consid. 2a p. 45).

En l'espèce, l'acte attaqué est un arrêté publié de l'organe exécutif du
canton de Neuchâtel et non pas des directives internes d'un de ses
départements. Toutefois, le contenu de l'acte entrepris est comparable à
celui d'une ordonnance administrative au sens de la jurisprudence rappelée
ci-dessus. Dès lors, on peut se demander si X.________ & Cie, exploitant des
cabarets à La Chaux-de-Fonds ainsi qu'à Neuchâtel, et Y.________ SA,
exploitant un cabaret à Neuchâtel, sont habilités à recourir. Ils peuvent
certes invoquer un intérêt de fait puisqu'ils sont touchés par les
dispositions de l'arrêté cantonal qui, notamment, limitent leurs possibilités
d'engager des danseuses de cabaret de nationalité étrangère et les obligent à
leur fournir un salaire minimum. En revanche, il est douteux qu'ils puissent
se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé. Il en va de même pour
l'Association cantonale des cabarets de la République et canton de Neuchâtel
ainsi que pour l'Association des cabarets de la Ville de Neuchâtel dont, au
demeurant, les statuts disposent qu'elles ont notamment pour but de
sauvegarder les intérêts de leurs membres (art. 2 desdits statuts).
Cependant, la question de la qualité pour agir des recourants, au sens de
l'art. 88 OJ, peut rester indécise car leurs griefs ne sont de toute façon
pas fondés.

1.5 Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit - sous peine
d'irrecevabilité - contenir "un exposé des faits essentiels et un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste la violation". Lorsqu'il est saisi d'un recours de
droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier, de lui-même, si
l'acte attaqué est en tout point conforme au droit et à l'équité; il
n'examine que les moyens de nature constitutionnelle, invoqués et
suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31
et la jurisprudence citée). En outre, lorsqu'un recourant demande
l'annulation d'un arrêté cantonal de portée générale, il doit invoquer des
moyens visant chacun des articles de cet acte et chacune des dispositions
desdits articles, sans quoi seuls les passages véritablement attaqués
pourront, le cas échéant, être annulés. Le Tribunal fédéral n'annulera
intégralement l'arrêté cantonal de portée générale que si la suppression des
passages inconstitutionnels le dénature dans son ensemble (ATF 130 I 26
consid. 2.1 p. 31 et la jurisprudence citée).

Les recourants concluent principalement à l'annulation de l'acte attaqué dans
son entier, sans cependant s'en prendre à toutes ses dispositions. Dès lors,
leur motivation à ce sujet ne remplit pas les conditions de l'art. 90 al. 1
lettre b OJ et n'est pas recevable. Subsidiairement, les recourants demandent
à l'autorité de céans d'annuler les dispositions des art. 5, 6, 7, 9, 10 et
11 de l'arrêté cantonal. Toutefois, ils ne développent aucune argumentation à
l'encontre des art. 6, 7 et 10 de l'acte attaqué de sorte qu'à cet égard, le
recours ne satisfait pas aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1
lettre b OJ et est irrecevable.

2.
Les recourants invoquent plusieurs principes constitutionnels dont certains
se recoupent. Ils se plaignent de violations de la liberté économique ainsi
que des principes de la légalité et de l'égalité. Plus particulièrement, ils
reprochent aux art. 5, 9 et 11 de l'arrêté cantonal d'être dépourvus de base
légale, de ne pas être justifiés par un intérêt public prépondérant,
d'enfreindre le principe de la proportionnalité et de ne pas respecter le
principe de l'égalité entre concurrents.

3.
3.1 Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle
comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une
activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2
Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à
titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF
128 I 19 consid. 4c/aa p. 29). Elle peut être invoquée tant par les personnes
physiques que par les personnes morales (cf. le message du Conseil fédéral du
20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1
ss, p. 179; Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit
constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000, n° 605, p. 315). L'art. 94 al. 1
Cst. impose à la Confédération et aux cantons de respecter le principe de la
liberté économique.

Conformément à l'art. 36 al. 1 Cst., toute restriction d'un droit fondamental
doit être fondée sur une base légale; les restrictions graves doivent être
prévues par une loi; les cas de danger sérieux, direct et imminent sont
réservés. Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un
intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36
al. 2 Cst.) et proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). Ces conditions
à la limitation d'un droit fondamental s'appliquent aussi à l'égalité de
traitement entre concurrents directs, c'est-à-dire entre personnes
appartenant à une même branche économique, qui s'adressent au même public
avec des offres identiques pour satisfaire le même besoin (ATF 125 II 129
consid. 10b p. 149 et la jurisprudence citée). Sont prohibées les mesures de
politique économique ou de protection d'une profession qui entravent la libre
concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou
certaines formes d'exploitation (ATF 125 I 209 consid. 10a p. 221 et la
jurisprudence citée). La jurisprudence développée sous l'angle de l'art. 31
al. 2 aCst. est applicable à l'art. 27 Cst. (arrêt 2P.48/2000 du 27 juillet
2000, consid. 2b).

3.2 S'agissant de l'exigence d'une base légale, le Tribunal fédéral revoit
cette question avec un libre pouvoir d'examen si la restriction contestée est
grave et sous l'angle restreint de l'arbitraire seulement dans le cas
contraire. La gravité de l'atteinte se détermine selon des critères objectifs
(ATF 130 I 65 consid. 3.3 p. 68 qui donne différents exemples d'atteintes).
Le Tribunal fédéral vérifie librement si un intérêt public ou les droits de
tiers justifient la restriction en cause et si celle-ci est conforme au
principe de la proportionnalité (ATF 130 I 65 consid. 3.3 p. 68 et la
jurisprudence citée).

En l'occurrence, les restrictions à la liberté économique dont se plaignent
les recourants ne peuvent pas être qualifiées de graves. En effet, le libre
exercice de leur profession est reconnu. Ils se voient seulement imposer des
prescriptions réglementant certaines conditions d'engagement, et donc
limitant leur liberté contractuelle, pour une partie de leur personnel, soit
exclusivement les danseuses de cabaret étrangères provenant de pays non
membres de l'Union Européenne (UE) ou de l'Association européenne de
libre-échange (AELE). En conséquence et pour ce qui touche la base légale, le
Tribunal fédéral examinera le droit cantonal sous l'angle restreint de
l'arbitraire.

4.
4.1 Les recourants allèguent le manque de base légale dans le cadre d'un
contrôle abstrait des normes. Ce grief ne peut pas être traité comme dans le
cadre d'un recours contre une décision concrète. En l'espèce, l'acte attaqué
doit précisément créer la base légale nécessaire à d'éventuelles
interventions à l'encontre des recourants. Dans cette conjoncture, on
pourrait seulement se demander si le canton de Neuchâtel, respectivement son
gouvernement, était compétent pour édicter l'arrêté cantonal ou si ce dernier
viole, par son contenu, la force dérogatoire du droit fédéral. De tels griefs
n'ont pas du tout été soulevés ou seulement de façon rudimentaire. En effet,
les recourants ne se plaignent pas d'une violation des principes valables en
matière de délégation de compétence législative. En outre, comme on se trouve
en présence d'une atteinte seulement légère à la liberté économique, il n'est
pas critiquable que les dispositions attaquées n'aient pas été prises dans
une loi au sens formel (ATF 122 I 360 consid. 5b/bb p. 363). De plus, on ne
saurait suivre les recourants dans la mesure où ils font valoir que l'acte
attaqué contreviendrait à l'ordonnance limitant le nombre des étrangers. Il
est notamment faux de prétendre que les cantons ne peuvent pas poser des
limites plus strictes à l'admission de travailleurs étrangers. Le Tribunal
fédéral a déjà dit que les cantons n'étaient pas tenus, dans leur pratique en
matière d'autorisations, d'utiliser entièrement la marge laissée par l'art. 8
OLE (ATF 122 I 44 consid. 3b/aa p. 46).

4.1.1 Plus particulièrement, l'art. 5 de l'arrêté cantonal, qui traite
notamment du salaire des danseuses de cabaret, se fonde sur l'art. 9 OLE dont
l'alinéa 5 dispose qu'une autorisation ne peut être accordée à une danseuse
de cabaret (...) que lorsque celle-ci est âgée de 20 ans au moins (a), qu'il
peut être prouvé qu'elle a des engagements pour une durée d'au moins trois
mois consécutifs en Suisse (b) et que le salaire versé, après déduction des
frais accessoires (logement, nourriture, etc.), atteint un montant minimum
fixé par l'autorité cantonale du travail (c).

Le Tribunal fédéral a déjà admis que l'art. 9 OLE déploie des effets de droit
civil et limite donc la liberté contractuelle des parties en ce qu'il oblige
l'employeur à respecter les conditions qui assortissent l'autorisation
délivrée, en particulier à verser le salaire approuvé par l'autorité
administrative (ATF 129 III 618 consid. 5.1 p. 621 et la jurisprudence
citée). C'est donc à tort que les recourants reprochent au Conseil d'Etat
d'avoir légiféré en matière de salaire des danseuses de cabaret. Selon l'art.
5 al. 2 de l'arrêt cantonal, le montant du salaire mensuel net doit s'élever
au minimum à 2'200 fr. Dans sa réponse au recours du 8 septembre 2004 (p.
4/5), le Conseil d'Etat explique: "Par définition, un salaire avant déduction
est un salaire brut. Après déduction, on n'est plus en présence d'un salaire
brut, mais bien d'un salaire net. L'article 9, alinéa 5, lettre c, OLE
précise que l'autorité doit fixer un salaire après déduction des frais
accessoires. Il s'agit donc d'un salaire net." Cette explication est
convaincante et ne va pas, au demeurant, à l'encontre des directives de
l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration datant
de 2003 (ci-après: les Directives 2003). On ne saurait donc suivre les
recourants quand ils considèrent que l'art. 9 OLE est trop vague pour
permettre à une autorité cantonale, de surcroît exécutive, de mettre en place
un salaire mensuel net minimum. Cette disposition constitue en réalité une
base légale suffisante et claire permettant au Conseil d'Etat d'obliger les
employeurs à verser aux danseuses de cabaret un salaire mensuel net minimum.

4.1.2 Quant à l'art. 9 de l'arrêté cantonal, il établit en particulier les
critères permettant de fixer le nombre de danseuses de cabaret étrangères
soumises à l'acte attaqué qui peuvent être occupées simultanément dans un
établissement. Parmi les critères à prendre en considération, il mentionne
celui du chiffre d'affaires réalisé par l'établissement requérant. L'art. 9
de l'arrêté cantonal se fonde sur l'art. 20 OLE dont l'alinéa 4 a la teneur
suivante : "Les cantons fixent, selon les directives du Département fédéral
de justice et police, le nombre maximum de danseuses de cabaret, au sens du
3e alinéa, qui peuvent être occupées par établissement; ce département
détermine les cas qui doivent être soumis à l'approbation de l'IMES, selon
l'art. 50, let. a."

Or, les Directives 2003 (ch. 1.6 p. 5-7) prescrivent que, dans la mesure où
le nombre de danseuses de cabaret ne dépasse pas celui de six par
établissement, les cantons disposent d'une marge de manoeuvre adéquate. Les
Directives 2003 mentionnent à cet égard différents critères, qui sont la
durée des représentations, la densité du programme, la grandeur du local,
l'aménagement et l'organisation de celui-ci. Elles indiquent cependant aussi
que les cantons peuvent édicter d'autres dispositions restrictives concernant
l'occupation de danseuses de cabaret. Le Conseil d'Etat a fait usage de cette
possibilité en apportant des précisions aux critères retenus par les
Directives 2003. En ajoutant le critère du chiffre d'affaires de
l'établissement, il n'a pas excédé la possibilité de prescrire d'autres
dispositions que celles énumérées par les Directives 2003. Il n'a donc pas
édicté une disposition dépourvue de base légale. Ainsi, c'est à tort que les
recourants font valoir que le critère du chiffre d'affaires violerait la
délégation de compétence dont jouit le Conseil d'Etat.

Au demeurant, les intéressés conserveront la possibilité de contester par les
voies de droit prévues par l'arrêté cantonal le bien-fondé de l'application
de ce critère à des cas d'espèce.

4.1.3 Enfin, l'art. 11 de l'arrêté cantonal prévoit, dans ses alinéas 2, 3 et
4, des sanctions administratives consistant à refuser, durant un certain
temps, les demandes émanant d'employeurs ayant enfreint des prescriptions du
droit des étrangers ou de la législation sur le travail. L'art. 11 de
l'arrêté cantonal se fonde sur deux dispositions fédérales. L'une est le
premier alinéa de l'art. 55 OLE, intitulé "Sanctions", qui dispose: "Si un
employeur a enfreint à plusieurs reprises ou gravement les prescriptions du
droit des étrangers, l'office cantonal de l'emploi rejettera totalement ou
partiellement ses demandes, indépendamment de la procédure pénale." L'autre
se trouve dans la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans
l'industrie, l'artisanat et le commerce (loi sur le travail; LTr; RS 822.11)
à laquelle l'arrêté cantonal se réfère également; c'est l'art. 53 al. 1 LTr,
qui prévoit que l'autorité peut, si les circonstances le justifient, refuser
tout permis pendant un temps déterminé à l'employeur qui ne se conforme pas à
un permis concernant la durée du travail. Il existe donc une base légale pour
les sanctions qui figurent à l'art. 11 de l'arrêté cantonal et demeurent
indépendantes des sanctions pénales prévues par les dispositions cantonales
et fédérales. Les recourants font donc erreur quand ils allèguent le défaut
complet de base légale de cet article.

Les recourants se trompent aussi lorsqu'ils prétendent que l'art. 11 al. 2 de
l'arrêté cantonal permet à l'autorité compétente de refuser de statuer
pendant six mois. Ils semblent confondre cette disposition avec l'art. 10 de
l'acte attaqué, intitulé "Non-entrée en matière". L'art. 11 al. 2, 3 et 4 de
l'arrêté cantonal prévoit en réalité que l'autorité compétente statue, mais
en rejetant la demande présentée, à titre de sanction administrative.

L'argumentation des recourants selon laquelle l'art. 11 de l'arrêté cantonal
permettrait de sanctionner un patron de cabaret parce que l'une de ses
danseuses aurait décidé de se livrer à un acte de prostitution chez elle est
également erronée. Ce qui est prescrit à l'employeur, sous peine de
sanctions, c'est de ne pas favoriser la prostitution et même de prendre les
mesures nécessaires en vue d'éviter que les danseuses de cabaret ne se
livrent à la prostitution dans son établissement ainsi que dans les locaux
qu'il met à leur disposition. En revanche, on n'exige pas de l'employeur
qu'il interdise auxdites danseuses de se prostituer ni qu'il s'ingère dans la
vie privée de ses employées, comme le précise le Conseil d'Etat dans sa
réponse au recours du 8 septembre 2004 (p. 6).

L'art. 11 de l'arrêté cantonal fait ainsi partie des dispositions que les
cantons sont autorisés à adopter en vertu des Directives 2003 (cf. consid.
2.3.2, ci-dessus). Son application dans des cas d'espèce pourra au demeurant
être contestée par les voies de droit prévues par le droit cantonal.

4.1.4 Vu ce qui précède, le moyen que les recourants tirent d'un prétendu
manque de base légale n'est pas fondé.

4.2 Les recourants se plaignent que l'acte attaqué soit dépourvu d'un intérêt
public prépondérant, tout en visant implicitement les dispo- sitions des art.
9 et 11 al. 4 de l'arrêté cantonal. Les recourants estiment que les danseuses
de cabaret sont trop peu nombreuses pour qu'il soit justifié de légiférer.
Ils considèrent que rien ne justifie que le canton instaure un
contingentement plus restrictif que celui qui est prévu par le droit fédéral.
Il y aurait encore moins de raisons d'édicter une disposition légitimant une
ingérence dans la vie privée des danseuses de cabaret. Ces griefs sont
exposés de manière fort sommaire, de sorte que leur recevabilité est douteuse
au regard de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ.

En tant qu'ils s'en prennent d'une façon générale à l'intérêt public de la
protection des danseuses de cabaret, les recourants se trompent de cible.
C'est l'art. 9 al. 5 OLE, qui prescrit des mesures restrictives au sujet de
cette catégorie d'employés, qu'il faudrait remettre en cause. De façon
générale, le droit cantonal en assure simplement l'exécution.

Au demeurant, cet intérêt public existe. Il est connu que les danseuses de
cabaret provenant de pays ne faisant partie ni de l'UE ni de l'AELE ont un
statut précaire, dû à la méconnaissance de leurs droits et des langues
utilisées en Suisse ainsi qu'à la crainte de ne pas retrouver un emploi si
elles devaient se plaindre des abus dont elles peuvent être victimes (cf.
Hanspeter Mock, La nouvelle loi sur les étrangers et les danseuses de
cabaret: une bien curieuse exception au système binaire d'admission des
étrangers, in PJA 11/2003 p. 1370 ss, p. 1371-1372). Cela en fait les parties
faibles au contrat. L'existence du statut de danseuse de cabaret, quoique ne
concernant qu'un nombre réduit de personnes, pose des problèmes sérieux du
point de vue des droits de la personne, voire, selon un rapport établi en
1999 par la Police fédérale, du point de vue de la criminalité organisée
(Hanspeter Mock, op. cit., p. 1372).

On ne saurait nier dans ces conditions que la protection accrue des danseuses
de cabaret réponde à un intérêt public qui justifie de restreindre dans une
certaine mesure la liberté économique.

Au demeurant, les recourants ne démontrent pas en quoi le contingentement
prévu par l'arrêté cantonal serait sensiblement plus restrictif que celui du
droit fédéral. Quant à la prétendue ingérence dans la vie privée des
danseuses de cabaret, on a vu ci-dessus (consid. 2.3.3) qu'elle ne concerne
que les mesures visant à limiter, dans la zone d'influence de l'employeur,
l'encouragement à la prostitution.

Le grief tiré du défaut d'intérêt public prépondérant des mesures adoptées
dans l'arrêté cantonal, à savoir dans ses art. 9 et 11 al. 4, doit dès lors
être rejeté dans la mesure où il est recevable.

4.3 Il convient encore de s'assurer que les mesures prises par le Conseil
d'Etat pour atteindre l'objectif fixé sont conformes au principe de la
proportionnalité inscrit dans les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. L'activité de
l'Etat doit être proportionnée au but visé. Selon la jurisprudence, le
principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exige
que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui
impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte
l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au
sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la
situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de
l'intérêt public - (ATF 130 I 65 consid. 3.5.1 p. 69; 125 I 474 consid. 3 p.
482). Comme on l'a déjà dit (consid. 2.2, ci-dessus), le Tribunal fédéral
examine en principe librement la question du respect du principe de la
proportionnalité. Il s'impose toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit
avant tout d'un problème d'appréciation ou de circonstances locales que les
autorités cantonales connaissent mieux ou sont mieux à même d'évaluer que le
Tribunal fédéral (ATF 120 la 67 consid. 3b p. 72 et la jurisprudence citée).

Les recourants reprochent à l'arrêté cantonal de ne pas respecter ledit
principe sur trois points, qui font l'objet des art. 5, 9 et 11 de l'arrêté
cantonal.

4.3.1 Selon les recourants, le Conseil d'Etat aurait dû se contenter
d'accepter la proposition qu'ils avaient faite durant la procédure de
consultation et qui tendait à prévoir un cachet brut journalier de 192 fr.;
pour 23 jours de travail, cela aurait représenté, au maximum, un salaire
mensuel brut de 4'416 fr. Cette solution aurait en outre permis d'assurer
l'égalité de traitement entre les danseuses.

Les recourants se bornent à des affirmations, sans préciser en quoi la
fixation d'un salaire brut uniforme de 192 fr. par jour respecterait mieux le
principe de la proportionnalité que la détermination du salaire minimum net
arrêtée dans l'acte attaqué. Sur ce point, le recours ne répond donc pas aux
exigences de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ.

Les recourants s'étonnent du montant élevé du salaire net minimum des
danseuses de cabaret, fixé à 2'200 fr. par l'arrêté cantonal, somme qu'ils
estiment disproportionnée; ils comparent ce montant avec celui, inférieur,
qui serait versé aux employés qualifiés des cafés et restaurants; ils
soutiennent en outre que la somme précitée devrait être appréciée à l'aune du
coût de la vie dans les pays dont les danseuses de cabaret sont originaires
(recours, p. 19). Ces arguments ne sont pas pertinents. La situation très
spéciale et précaire des danseuses de cabaret ne provenant pas d'un pays de
l'UE ou de l'AELE empêche de comparer leur situation à celle des employés du
secteur de la restauration. Du moins, les recourants ne démontrent nullement
en quoi cette comparaison serait judicieuse. Le pouvoir d'achat qu'aurait le
salaire net susmentionné dans le pays d'origine desdites danseuses n'est pas
non plus décisif en l'occurrence, ces employées devant, pendant la durée de
leur travail, résider en Suisse.

Au demeurant, l'arrêté cantonal n'est sur ce point que la mise en application
du principe adopté par la législation fédérale (art. 9 al. 5 lettre c OLE),
dont l'objectif, précisé par les Directives 2003 (ch. 1.5 p. 4), est
"d'empêcher des abus en lien avec les déductions salariales pour prestations
accessoires".

4.3.2 Les recourants prétendent qu'en faisant dépendre le contingentement des
danseuses de cabaret, notamment, du chiffre d'affaires de l'établissement,
l'autorité cantonale s'ingérerait de façon disproportionnée dans la liberté
économique des propriétaires de cabarets par rapport au but poursuivi de
protection des danseuses de cabaret. Le résultat de l'application de ce
critère pourrait être de limiter de manière inadmissible, voire de supprimer,
l'activité des cabarets. En effet, si, en raison d'une conjoncture
défavorable, un propriétaire de cabaret ne réalisait qu'un chiffre d'affaires
modeste, celui-ci ne lui permettrait d'obtenir qu'un nombre restreint de
danseuses. Par conséquent, il lui serait impossible d'assurer un spectacle
chaque jour, alors que l'art. 18 de la loi du 1er février 1993 sur les
établissements publics du canton de Neuchâtel oblige à présenter un spectacle
tous les jours d'ouverture. Cela entraînerait une diminution des jours
d'ouverture, une nouvelle baisse du chiffre d'affaires et, à terme, la
fermeture de l'établissement.

Cette critique n'est pas fondée. Les recourants ne démontrent en rien la
prétendue volonté de l'autorité cantonale de faire disparaître à terme les
cabarets. D'après les Directives 2003 ("Compétence cantonale" ch. 1.6 p. 6),
les cantons ne sont habilités à fixer de leur propre chef qu'un nombre
maximum de six danseuses par établissement. Des demandes de dérogations
peuvent être déposées auprès de l'autorité cantonale, la décision définitive
sur ce point appartenant à l'autorité fédérale (Directives 2003, ch. 1.6 p.
7). De plus, cette limitation ne concerne que les danseuses de cabaret
étrangères provenant d'un pays ne faisant partie ni de l'UE ni de l'AELE.
L'arrêté cantonal ne limite pas les établissements dans leur possibilité
d'engager d'autres danseuses de cabaret, ce qui leur permet de se conformer à
l'obligation légale de présenter un spectacle de variété tous les jours
d'ouverture.

4.3.3 Les recourants font valoir que la possibilité de ne pas statuer sur une
demande prévue par l'art. 11 de l'arrêté cantonal empêcherait d'appliquer des
sanctions administratives de façon proportionnée.

Excessivement sommaire, cette critique ne remplit pas les conditions de
motivation de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ.

Au demeurant, comme on l'a vu ci-dessus (consid. 2.3.3), l'art. 11 de
l'arrêté cantonal n'est qu'une disposition d'application de l'ordonnance
limitant le nombre des étrangers, plus particulièrement de l'art. 55 OLE,
auquel il est conforme. Le temps pendant lequel l'autorité cantonale pourra
rejeter une demande, et non pas refuser de statuer, dépendra d'ailleurs de la
gravité de la faute commise par le demandeur, comme le précise le Conseil
d'Etat dans sa réponse au recours du 8 septembre 2004 (p. 8).

4.3.4 Le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité doit par
conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable.

4.4 Ainsi, les restrictions apportées à la liberté économique des
propriétaires ou/et exploitants de cabarets par les 5, 9 et 11 de l'arrêté
cantonal sont conformes à la Constitution fédérale.

5.
Un arrêté de portée générale est contraire au principe de l'égalité lorsqu'il
établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif
raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet
de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances,
c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière
identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente; cela
suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une
situation de fait importante (ATF 128 I 295 consid. 7b p. 312 et la
jurisprudence citée). L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une
forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce
qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 129 I 346 consid.
6 p. 357 et la jurisprudence citée). L'art. 27 Cst. garantit, d'une façon
générale, l'égalité de traitement entre concurrents directs (sur cette
notion, cf. consid. 2.1, ci-dessus). L'égalité de traitement entre
concurrents n'est cependant pas absolue (cf. ATF 125 I 182 consid. 5e p. 200;
121 I 129 consid. 3d p. 134) et autorise des différences, à condition que
celles-ci reposent sur une base légale, qu'elles répondent à des critères
objectifs et résultent du système lui-même; il est seulement exigé que les
inégalités ainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour
atteindre le but d'intérêt public (cf. consid. 2.2, ci-dessus).

Les recourants se plaignent à deux égards d'une inégalité de traitement entre
concurrents. D'une part, le salaire minimum des danseuses de cabaret étant
uniforme, le salaire brut que doivent verser les employeurs variera en
fonction du prix du logement, notoirement plus élevé par exemple à Neuchâtel
qu'à A.________. Ainsi, les charges d'exploitation des propriétaires de
cabarets ne seront pas les mêmes selon le lieu géographique de
l'établissement. D'autre part, l'inégalité de traitement résiderait aussi
dans le fait de fixer le contingentement des danseuses de cabaret en fonction
notamment du chiffre d'affaires, d'autant que les différences dans les heures
d'ouverture de cabarets arrêtées par les communes du canton auront un impact
sur la réalisation du chiffre d'affaires.

5.1 L'arrêté cantonal soumet tous les employeurs concurrents aux mêmes
règles; cela étant, il est vrai que ses conséquences quant aux charges à
assumer peuvent varier d'une ville à l'autre du canton. Ainsi, l'employeur
aura vraisemblablement moins de charges de loyer pour ses danseuses à
A.________ qu'à Neuchâtel. En outre, il pourra ouvrir son établissement plus
tard à La Chaux-de-Fonds qu'à Neuchâtel. Cependant, ces circonstances ne
dépendent pas du Conseil d'Etat. On peut par ailleurs penser que l'exploitant
d'un cabaret situé à Neuchâtel aura quelque chance de réaliser un chiffre
d'affaires plus important que dans d'autres localités du canton. Il conserve
au demeurant la liberté d'implanter son établissement dans la localité qui
lui paraît la plus favorable. L'arrêté cantonal n'y change rien. En outre,
comme on l'a vu (consid. 2.5.2, ci-dessus), le chiffre d'affaires ne dépend
pas de la seule possibilité d'embaucher des danseuses de cabaret ne provenant
pas d'un pays de l'UE ou de l'AELE. L'impact de l'arrêté cantonal sur
l'égalité de traitement entre concurrents est donc modéré et compatible avec
les art. 8 et 27 Cst.

5.2 Selon les recourants, il y aurait aussi inégalité de traitement entre
danseuses de cabaret, l'arrêté cantonal n'étant pas applicable aux Suissesses
ou aux étrangères bénéficiant "d'un permis B ou C".

Les recourants n'ont pas qualité pour agir en vue de défendre la liberté
économique des danseuses de cabaret, de sorte que ce grief est irrecevable.
Au demeurant, s'il était recevable sur ce point, ce moyen devrait être
écarté. L'inégalité critiquée vient de ce que, dans un cas, il y a des
conditions minimales d'engagement fixées dans l'arrêté cantonal et, dans les
autres cas, il n'y en a pas. Toutefois, ces différences relatives aux
conditions d'engagement des danseuses de cabaret correspondent aux
différences d'origine desdites danseuses. Or, cette inégalité de traitement
fondée sur une différence de provenance n'a pas été créée par l'arrêté
cantonal, mais elle résulte des dispositions du droit fédéral, en particulier
de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers, et trouve sa justification
dans un intérêt public nettement prépondérant (cf. consid. 3.4, ci-dessus).

5.3 Ainsi, le moyen que les recourants tirent d'une prétendue inégalité de
traitement entre concurrents doit être rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

6. Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires (art. 156
al. 1, 153 et 153a OJ) et n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des recou- rants,
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants et au
Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 2 février 2005

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: