Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.176/2004
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2P.176/2004 /fzc

Arrêt du 28 juillet 2004
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Müller.
Greffière: Mme Revey.

A. ________ et B.________,
et leurs enfants C.________, D.________, E.________ et F.________,
recourants,
tous représentés par Me Alexis Turin, avocat,

contre

Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

art. 29 Cst. (refus de l'assistance judiciaire),

recours de droit public contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du
Valais, Cour de droit public, du 3 juin 2004.

Faits:

A.
A.  ________, ressortissant de Serbie-et-Monténégro (province du Kosovo) né
en
1960, a travaillé en Suisse comme saisonnier dès 1989. Le 12 décembre 1992,
il a obtenu la transformation de son autorisation de séjour saisonnière en
autorisation de séjour annuelle. Le 4 février 1995, son épouse B.________ et
leurs enfants C.________, D.________, E.________ et F.________ l'ont rejoint
en Suisse en vertu du regroupement familial.

En 1997, A.________ a déposé une demande de prolongation d'autorisation de
séjour pour lui-même et sa famille. Par décision du 11 janvier 2001, le
Service valaisan de l'état civil et des étrangers a écarté la requête,
considérant notamment que la famille A.________ et B.________ bénéficiait de
l'assistance sociale depuis de nombreux mois. Statuant le 16 octobre 2002 sur
recours des intéressés, le Conseil d'Etat a confirmé la décision du Service
cantonal.

Le 20 novembre 2002, la famille A.________ et B.________ a recouru contre ce
prononcé, en requérant simultanément l'assistance judiciaire. Le 24 octobre
2003, la Cour de droit public du Tribunal cantonal valaisan a rejeté le
recours au motif que les intéressés se trouvaient à la charge de l'assistance
publique - dont ils avaient déjà reçu des montants importants - et que l'on
ne discernait aucune perspective d'amélioration de leur situation financière.
Par ordonnance séparée du même jour, le Président de la cour cantonale
précitée a de même écarté la demande d'assistance judiciaire.

Par arrêt rendu le 29 janvier 2004 sur le recours de droit public formé par
les intéressés (2P.315/2003), le Tribunal fédéral a annulé les deux prononcés
du 24 octobre 2003 en raison d'une violation du droit d'être entendu, les
recourants n'ayant pas eu connaissance des pièces du dossier postérieures au
16 janvier 2003.

B.
Statuant à nouveau le 3 juin 2004, la Cour de droit public du Tribunal
cantonal a derechef rejeté le recours formé le 20 novembre 2002 et confirmé
la décision du Conseil d'Etat du 16 octobre 2002. Elle a néanmoins renoncé à
percevoir des frais judiciaires. Par ordonnance séparée du même jour, le
Président de ladite cour a de même réitéré le refus de la requête
d'assistance judiciaire.

C.
Agissant le 7 juillet 2004 par la voie du recours de droit public,
A.________, B.________ et leurs enfants demandent au Tribunal fédéral
d'annuler l'ordonnance sur l'assistance judiciaire rendue le 3 juin 2004 par
le Président de la Cour de droit public du Tribunal cantonal. Ils dénoncent
une violation de l'art. 29 al. 3 Cst. (droit à l'assistance gratuite d'un
défenseur) et de l'alinéa 2 de cette disposition (droit à une décision
motivée). Ils déposent par ailleurs une nouvelle pièce, datée du 30 juin
2004.

Il n'a pas été requis d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 II 65 consid. 1 et les arrêts cités).

1.1  Selon la jurisprudence, lorsque, comme en l'espèce, seule est attaquée
une décision incidente d'assistance judiciaire fondée sur le droit cantonal,
le recours de droit administratif est irrecevable, même si le litige sur le
fond pourrait - ce qui n'est pas le cas en l'espèce, cf. consid. 1.2 infra -
faire l'objet d'un recours de droit administratif (ATF 123 I 275 consid. 2).
Entre alors en considération la voie du recours de droit public.

1.2
1.2.1D'après l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert uniquement à
celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et
juridiquement protégés. Le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général
ou ne visant qu'à préserver des intérêts de fait est en revanche irrecevable
(ATF 129 II 297 consid. 2.1).

Sur le fond, le présent litige traite du refus de renouveler les
autorisations de séjour des recourants. Selon l'art. 4 de la loi fédérale du
26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS
142.20), les autorités compétentes statuent librement, dans le cadre des
prescriptions légales et des traités avec l'étranger, sur l'octroi ou le
refus d'autorisations de séjour ou d'établissement. Ainsi, l'étranger n'a pas
de droit à une autorisation de séjour, à moins que ne puisse être invoquée
une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité, accordant le
droit à la délivrance d'une telle autorisation (cf., sous l'angle de l'art.
100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, ATF 128 II 145 consid. 1.1.1; 127 II 60 consid.
1a, 161 consid. 1a).
En l'occurrence, les recourants ne peuvent se prévaloir d'aucune disposition
de ce type, de sorte qu'ils n'ont pas d'intérêt juridiquement protégé au sens
de l'art. 88 OJ à obtenir une autorisation de séjour. Ainsi, l'absence d'un
droit à une autorisation de séjour les empêche non seulement d'agir par la
voie du recours de droit administratif (cf. art. 100 al. 1 lettre b ch. 3
OJ), mais également d'attaquer la décision sur le fond par un recours de
droit public (cf. ATF 122 I 267 consid. 1a;  aussi ATF 126 I 81 consid. 7a).

1.2.2  Toutefois, même en l'absence de la qualité pour agir au fond, un
recourant est habilité à se plaindre par la voie du recours de droit public
de la violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice
formel, dans la mesure où il ne remet pas en cause, même de façon indirecte,
la décision sur le fond (ATF 129 I 217 consid. 1.4; 122 I 267 consid. 1b; 120
Ia 227 consid. 1 et les arrêts cités). Le droit à l'assistance judiciaire
constitue une garantie de procédure conférée par l'art. 29 al. 3 Cst., en
l'absence de dispositions cantonales plus larges, de sorte que le recours de
droit public est recevable de ce point de vue (ATF 122 I 267 consid. 1b
relatif à l'art. 4 aCst.; voir aussi SJ 1998 p. 189).

En conséquence, les recourants sont légitimés à contester la décision
incidente refusant de leur accorder l'assistance judiciaire. Formé de
surcroît dans les formes et le délai requis, le présent recours de droit
public est donc recevable.

1.3  Avec leur recours, les intéressés ont déposé un document datant du 30
juin 2004. Nouvelle, cette pièce ne saurait être prise en considération (ATF
129 I 49 consid. 3; 128 I 354 consid. 6c; Walter Kälin, Das Verfahren der
staatsrechtlichen Beschwerde, 2ème éd., Berne 1994, p. 369-371).

2.
Les recourants dénoncent l'insuffisance de la motivation de la décision
attaquée. Aucune disposition cantonale n'étant invoquée, ce grief doit être
examiné à la seule aune de l'art. 29 al. 2 Cst.

La décision querellée est certes laconique, mais elle permet de comprendre
les motifs sur lesquels elle repose, soit l'insuffisance des chances de
succès du recours au regard de l'art. 10 al. 1 lettre d LSEE, d'autant que la
Cour de droit public du Tribunal cantonal a simultanément rendu un jugement
détaillé sur le fond. Il s'ensuit qu'elle respecte les exigences tirées de
l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. ATF 129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b; 111
Ia 2 consid. 4b).

3.
S'agissant du droit à l'assistance judiciaire, les recourants se prévalent
exclusivement de l'art. 29 al. 3 Cst., de sorte que le bien-fondé de la
décision attaquée doit être jugé à la lumière de cette disposition.

3.1  Selon l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la
mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (ATF 128 I 225 consid. 2.3;
127 I 202 consid. 3b et les arrêts cités).

Un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le
gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles
ne peuvent guère être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne
raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des
frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter. En revanche, une demande ne
doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque
les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou
lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds (ATF
129 I 129 consid. 2.2; 125 II 265 consid. 4b; 124 I 304 consid. 2c).

3.2  L'autorité qui statue sur la demande d'assistance judiciaire doit
examiner le critère des chances de succès au moment du dépôt de la demande,
en principe au début de la procédure, avant l'exécution des mesures
probatoires (ATF 124 I 304 consid. 2c in fine; 101 Ia 34 consid. 2).

3.3  Lorsque l'octroi d'une autorisation de séjour relève exclusivement de la
libre appréciation accordée aux autorités cantonales par l'art. 4 LSEE, le
droit fédéral n'oblige pas celles-ci à accorder un tel permis, mais ne les en
empêche pas davantage. Théoriquement, elles peuvent ainsi admettre toute
requête en ce sens (pour autant qu'aucune disposition fédérale ne s'y
oppose). Cela ne signifie toutefois pas que chaque recours formé en la
matière présente nécessairement des chances de succès. Par ailleurs, le
Tribunal fédéral ne peut substituer sa propre appréciation des chances de
succès du recours à celle de l'instance cantonale; il ne saurait ainsi
rechercher quelle serait sa propre décision s'il était lui-même habilité à
statuer sur le recours avec un libre pouvoir d'examen (ATF 122 I 267 consid.
3). Au contraire, il ne doit mesurer qu'avec retenue les perspectives de
réussite d'un recours fondé sur l'art. 4 LSEE, notamment en se référant à cet
égard à la jurisprudence ou à la pratique du canton concerné applicables dans
le domaine de telles autorisations.

4.
4.1 En l'occurrence, le Conseil d'Etat a écarté la requête des intéressés
tendant au renouvellement de leur autorisation de séjour, au motif qu'il
existait un risque concret qu'ils (re)tombent d'une manière continue et dans
une large mesure à la charge de l'assistance publique, au sens de l'art. 10
al. 1 lettre d LSEE. En effet, il apparaissait clairement que le père, qui
travaillait à 50%, ne disposait pas d'un revenu suffisant pour entretenir une
famille de six personnes, ce qui était du reste corroboré par l'aide
financière obtenue de leur commune de domicile, de 475 fr. par mois en tout
cas de mai 2001 à février 2002. Au demeurant, la dette sociale de la famille
s'élevait à 87'526.65 fr. Enfin, la pesée de l'intérêt des recourants à
demeurer en Suisse ne conduisait pas à une autre conclusion, compte tenu
notamment de leur faible intégration dans notre pays.

Pour sa part, le Président de la Cour de droit public du Tribunal cantonal a
considéré "qu'il résulte d'un examen sommaire des pièces du dossier au vu de
la jurisprudence relative à l'application de l'art. 10 al. 1 lettre d LSEE,
que les conclusions des requérants apparaissent d'emblée comme présentant
notablement moins de chances d'être admises que d'être rejetées, de sorte
que, dans les mêmes circonstances, un plaideur raisonnable aurait renoncé à
procéder."
4.2 Les intéressés affirment qu'au moment du dépôt du recours (et de celui de
la requête d'assistance judiciaire) le 20 novembre 2002, un examen sommaire
des pièces du dossier révélait qu'ils n'émargeaient plus à l'assistance
publique, si bien que la décision attaquée doit être annulée pour ce seul
motif. De plus, l'épouse avait retrouvé du travail à 60% dès le 1er novembre
2002. S'il est vrai que leurs finances s'étaient ensuite dégradées, cela
résultait notamment de l'interdiction faite à l'épouse de travailler, faute
d'autorisation de séjour valable. Enfin, il découlait du dossier que leur
situation était à tout moment susceptible d'améliorations notables, vu les
procédures en demande de prestations ouvertes devant la SUVA ou
l'Assurance-invalidité, ou encore devant la caisse de chômage.

4.2.1  Selon l'art. 10 al. 1 lettre d LSEE, un étranger peut être expulsé si
lui-même, ou une personne aux besoins de laquelle il est tenu de pourvoir,
tombe d'une manière continue et dans une large mesure à la charge de
l'assistance publique. Lorsque les cantons statuent sur l'octroi d'une
autorisation de séjour selon l'art. 4 LSEE, la liberté d'appréciation dont
ils bénéficient les habilite à tenir compte dans leur décision, et dans la
mesure qui leur convient, du motif d'expulsion prévu par l'art. 10 al. 1
lettre d LSEE. En particulier, ils sont légitimés à refuser une autorisation
de séjour en considérant, comme en l'espèce, que les requérants présentent le
risque concret de réaliser un tel motif d'expulsion. Au demeurant, ce choix
correspond à la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle un tel
danger concret suffit à entraîner l'extinction du droit à l'autorisation de
séjour tiré des art. 7 al. 1 et 17 al. 2 LSEE (cf. ATF 125 II 633 consid. 3c;
122 II 1 consid. 3c; 119 Ib 81 consid. 2; étant rappelé qu'une expulsion
proprement dite exige que la dépendance envers l'assistance publique soit
effective). Les cantons sont dès lors d'autant plus habilités à appuyer le
refus d'une autorisation de séjour sur ce risque concret lorsque, comme en
l'espèce, le requérant n'a aucun droit à un permis de séjour.

En l'occurrence par conséquent, et dès lors que les intéressés ne soutiennent
pas que l'emploi de ce critère serait contraire à la pratique cantonale
usuelle, le Conseil d'Etat pouvait, sur le principe, fonder le refus de leur
autorisation de séjour sur l'existence d'un danger concret de dépendance
envers l'assistance publique.

4.2.2  Enfin, les recourants ne démontrent pas que le recours déposé le 20
novembre 2002 à l'encontre de la décision du Conseil d'Etat ait revêtu des
chances de succès au moment - déterminant (cf. consid. 3.2. supra) - du dépôt
de la requête d'assistance judiciaire, à savoir en l'occurrence à cette même
date. Contrairement à ce qu'ils soutiennent, il ne suffisait pas qu'ils
n'émargent plus à l'assistance publique depuis plusieurs mois, encore
fallait-il que le risque concret de retomber dans cette dépendance - critère
retenu par le Conseil d'Etat - ait disparu. Or, même si l'épouse avait
retrouvé du travail à 60% en novembre 2002, cela ne suffisait pas à éliminer
un tel danger concret, notamment au vu du montant nécessaire à l'entretien de
six personnes. A cela s'ajoutait la ténuité de leurs attaches avec notre
pays, d'autant que la durée de leur séjour devait être relativisée, puisque
celui-ci relevait d'une tolérance depuis 1997.
Dans ces circonstances, même s'il paraît avoir appuyé sa décision sur l'état
du dossier au 3 juin 2004 (décision attaquée p. 3, 5ème §; p. 4, 2ème ligne
du dernier §), le Président de la Cour de droit public du Tribunal cantonal
était fondé, sur le résultat, à considérer le recours formé devant le
Tribunal cantonal comme dépourvu de toute chance de succès. Le refus
d'accorder l'assistance judiciaire est ainsi conforme à l'art. 29 al. 3 Cst.

5.
Vu ce qui précède, le recours est mal fondé et doit être rejeté. Succombant,
les recourants, qui n'ont pas formellement requis d'assistance judiciaire,
devraient en principe supporter les frais du présent recours (art. 156 al. 1,
153 et 153a OJ). Compte tenu de la précarité de leur situation financière, il
y a néanmoins lieu d'y renoncer.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il est renoncé à percevoir un émolument judiciaire.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, ainsi
qu'au Conseil d'Etat et au Président de la Cour de droit public du Tribunal
cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 28 juillet 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: