Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.165/2004
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2P.165/2004 /fzc

Arrêt du 31 mars 2005
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Betschart, Hungerbühler, Wurzburger, Müller, Yersin
et Zappelli, Juge suppléant.
Greffier: M. Langone.

1. A.________,

2. X.________ Sàrl,

3. B.________,

4. C.________,

5. D.________,
recourants,
tous représentés par Me Yves Nicole, avocat,

contre

Grand Conseil du canton de Vaud, place du Château 6, 1014 Lausanne.

art. 8,9,13 et 27 (loi sur l'exercice de la prostitution),

recours de droit public contre la loi sur l'exercice de la prostitution
adoptée par le Grand Conseil du canton de Vaud le 30 mars 2004.

Faits:

A.
Le 30 mars 2004, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté la loi sur
l'exercice de la prostitution (ci-après : LPros/VD ou loi cantonale). Selon
son art. 2, cette loi a pour but:

"a) de garantir, dans le milieu de la prostitution, que les conditions
d'exercice de cette activité sont conformes à la législation, soit notamment
qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté d'action des personnes qui se
prostituent, que celles-ci ne sont pas victimes de menaces, de violences ou
de pressions ou que l'on ne profite pas de leur détresse ou de leur
dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d'ordre
sexuel;
b) de garantir la mise en oeuvre de mesures de prévention sanitaire et
sociales;
c) de réglementer les lieux, heures et modalités de l'exercice de la
prostitution, ainsi que de lutter contre les manifestations secondaires de la
prostitution de nature à troubler l'ordre public."
La loi cantonale règle de façon distincte l'exercice de la prostitution sur
le domaine public, sur les lieux accessibles au public ou exposés à la vue du
public (art. 6-7 LPros/VD) d'une part, et la prostitution dite de salon (art.
8-17 LPros/VD) d'autre part.
L'art. 8 LPros/VD définit comme suit la prostitution de salon:
"La prostitution de salon est celle qui s'exerce dans des lieux de rencontre
soustraits à la vue du public (al. 1).
Ces lieux, quels qu'ils soient, sont qualifiés de salons par la présente loi
(al. 2).
Les établissements au sens de la loi du 26 mars 2002 sur les auberges et
débits de boissons qui sont fréquentés par des personnes exerçant la
prostitution sont considérés comme des salons au sens de la présente loi et
ne peuvent pas être mis au bénéfice d'une licence ou autorisation simple
d'établissement (al. 3)."
Selon l'art. 9 LPros/VD, la prostitution de salon doit faire l'objet d'une
déclaration à l'autorité compétente; dite déclaration précise le lieu et les
horaires de l'exploitation ainsi que, le cas échéant, le nombre de personnes
occupées. L'art. 13 LPros/VD précise que dans tout salon doit être tenu un
registre, constamment à jour, portant tous renseignements sur l'identité des
personnes exerçant la prostitution dans le salon (al. 1); les autorités
compétentes au sens de la présente loi peuvent contrôler ce registre en tout
temps (al. 2); le Conseil d'Etat définit le contenu de ce registre (al. 3).
Quant à l'art. 26 lettre a LPros/VD, il déclare passible des peines prévues
par l'article 199 du Code pénal suisse celui qui "exploite un salon au sens
de l'article 8 de la présente loi sans respecter les conditions légales et
réglementaires".

La loi cantonale en question a été publiée dans la Feuille des avis officiels
du 23 avril 2004, le délai référendaire étant fixé au 2 juin 2004. Ce délai
n'a pas été utilisé. La loi a été mise en vigueur le 1er septembre 2004.

B.
Agissant le 29 juin 2004 par la voie du recours de droit public, A.________,
X.________ Sàrl, B.________, C.________ et D.________ demandent au Tribunal
fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler les art. 8 al. 3 et 26
lettre a LPros/VD. Ils se plaignent de la violation des art. 8, 9, 10, 13, 27
et 49 al. 1 Cst.
Le Grand Conseil du canton de Vaud conclut au rejet du recours.

Lors d'un second échange d'écritures, les parties ont confirmé leurs
conclusions respectives.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317 et les arrêts cités).

1.1 Le recours de droit public est recevable lorsqu'il est formé, comme en
l'espèce, contre un arrêté de portée générale pour violation des droits
constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 lettre a OJ).

1.2 L'exigence de l'épuisement des voies de droit cantonales prévue par
l'art. 86 al. 1 OJ s'applique également aux recours de droit public formés
contre les arrêtés cantonaux de portée générale (ATF 124 I 11 consid. 1a, 159
consid. 1b et les arrêts cités).
La nouvelle Constitution vaudoise du 14 avril 2003, entrée en vigueur à la
même date (cf. art. 136 lettre a Cst./VD), a instauré une procédure de
contrôle abstrait des normes devant une "Cour constitutionnelle", mais la loi
sur la juridiction constitutionnelle, destinée à la mettre en oeuvre, a été
adoptée le 5 octobre 2004 pour entrer en vigueur le 1er janvier 2005, soit
postérieurement au dépôt du présent recours. En l'absence d'instance
cantonale de recours, le présent recours de droit public respecte ainsi les
exigences de l'art. 86 al. 1 OJ (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2P.52/2005 du
4 février 2005, consid. 3).

1.3 D'après l'art. 89 al. 1 OJ, l'acte de recours doit être déposé devant le
Tribunal fédéral dans les trente jours dès la communication, selon le droit
cantonal, de l'arrêté ou de la décision attaquée. Lorsqu'il s'agit d'un
arrêté soumis au référendum facultatif, le délai de recours commence à courir
au moment où l'autorité compétente donne officiellement connaissance du fait
que, le référendum n'ayant pas été utilisé, l'arrêté (déjà publié) est entré
en vigueur ou, éventuellement, qu'il entrera en vigueur à une date déterminée
(ATF 130 I 82 consid. 1.2, 306 consid. 1; 128 I 155 consid. 1.1; 121 I 187
consid. 1a, 291 consid. 1b; 119 Ia 123 consid. 1a).

Dans le cas particulier, la loi cantonale sur l'exercice de la prostitution a
été publiée dans la Feuille des avis officiels du 23 avril 2004. Le délai
référendaire arrivait à expiration le 2 juin 2004; il n'a pas été utilisé. La
loi est entrée en vigueur le 1er septembre 2004, conformément à son art. 27
al. 1 LPros/VD. Il en résulte que le recours, remis à la poste le 29 juin
2004, a été interjeté en temps utile.

1.4 Lorsque le recours est dirigé contre un arrêté de portée générale, la
qualité pour recourir, au sens de l'art. 88 OJ, est reconnue à toute personne
dont les intérêts juridiquement protégés sont effectivement touchés par
l'acte attaqué ou pourront l'être un jour; une simple atteinte virtuelle
suffit, pourvu qu'il y ait un minimum de vraisemblance que les recourants
puissent un jour se voir appliquer les dispositions prétendument
inconstitutionnelles (ATF 130 I 26 consid. 1.2.1, 306 consid. 1; 128 I 167
consid. 4.3 et la jurisprudence citée).
La recourante A.________ est gérante d'une discothèque, à l'enseigne du
"Y.________" à Z.________, régulièrement fréquentée par des prostituées qui y
recherchent des clients. La recourante X.________ Sàrl est la société
d'exploitation du "Y.________". Les intérêts de ces deux personnes sont
touchés par la loi en question, dans la mesure où leur établissement est
susceptible d'être assimilé à un salon. Le recourant B.________, titulaire
d'un certificat cantonal de capacité qui lui permet d'obtenir une licence
pour un établissement public, est susceptible d'être touché par l'art. 8
LPros/VD si son établissement était fréquenté par une personne exerçant la
prostitution. Quant à la recourante C.________, domiciliée à Z.________, elle
exerce la prostitution dans cette ville et la loi en question pourrait
l'affecter dans l'exercice de son activité. Il en va de même pour la
recourante D.________, domiciliée à E.________, dans le canton de Neuchâtel,
mais annoncée comme prostituée à Z.________. Ces deux recourantes ont ainsi
qualité pour agir par la voie du recours de droit public au sens de l'art. 88
OJ.

2.
Dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral examine
librement la conformité d'un arrêté de portée générale au droit
constitutionnel fédéral ou cantonal; il s'impose cependant une certaine
retenue eu égard à la répartition constitutionnelle des compétences
inhérentes à un Etat fédéral. Dans ce contexte, ce qui est décisif, c'est que
la norme en cause puisse, d'après les principes d'interprétation reconnus, se
voir attribuer un sens compatible avec les droits fondamentaux invoqués. Le
Tribunal fédéral n'annule dès lors une norme cantonale que lorsque celle-ci
ne se prête à aucune interprétation conforme à la Constitution ou à la
Convention européenne des droits de l'homme, mais non lorsque la norme peut
être raisonnablement interprétée conformément aux droits fondamentaux. Il
faut tenir compte à cet égard de la portée de l'atteinte aux droits
fondamentaux, ainsi que de la perspective d'un contrôle concret ultérieur. Il
faut en outre prendre en considération les circonstances pratiques dans
lesquelles les dispositions litigieuses seront appliquées. Le juge
constitutionnel ne doit pas se borner à traiter le problème de manière
purement abstraite, mais prendre en compte dans son analyse la vraisemblance
d'une application conforme aux droits fondamentaux. Les explications de
l'autorité cantonale sur la manière d'appliquer les dispositions litigieuses
doivent également être prises en considération. Si une réglementation de
portée générale apparaît comme défendable au regard de la Constitution dans
des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir,
l'éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler
inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge
constitutionnel au stade du contrôle abstrait des normes; les intéressés
gardent la possibilité de faire valoir une inconstitutionnalité de la
réglementation lors de son application dans un cas particulier (ATF 129 I 12
consid. 3.2 et les arrêts cités).
Une loi doit être interprétée en premier lieu d'après sa lettre, son esprit
et son but, ainsi qu'à la lumière des valeurs sur lesquelles elle repose. Une
interprétation historique n'est pas décisive en soi. Cependant, elle seule
permet de révéler la volonté du législateur dans le domaine en question, qui
ressort principalement des travaux préparatoires; et les motivations qui ont
présidé à l'adoption de la loi peuvent aussi servir de ligne de conduite au
juge (ATF 129 I 12 consid. 3.3 et la jurisprudence citée).

3.
Selon les recourants, l'art. 8 al. 3 LPros/VD violerait le principe
constitutionnel de l'égalité consacré par l'art. 8 Cst. à un triple titre.

Premièrement, il serait, selon eux, impossible d'assimiler la situation d'un
salon de massage à celle d'un café-restaurant. En effet, le premier serait en
règle générale lié par un contrat de bail à des personnes identifiées qui se
livrent à la prostitution; il lui serait aisé, dans ces conditions, de
satisfaire aux exigences de la déclaration prévue par l'art. 9 LPros/VD. Le
second, en revanche, ne serait pas en mesure d'identifier les personnes qui
consomment mets et boissons et de déterminer s'il s'agit de prostituées; en
effet, celles qui ne sont pas à la recherche de clients ne seraient pas
reconnaissables comme telles. Si un établissement était qualifié de salon, sa
licence d'établissement public lui serait retirée et il devrait satisfaire à
l'exigence, impossible à remplir, selon les recourants, de tenir un registre
portant des renseignements sur les personnes exerçant la prostitution dans le
salon (art. 13 LPros/VD), à défaut de quoi il s'exposerait aux sanctions
prévues par la loi.

Le système mis en place créerait une deuxième inégalité de traitement entre
les établissements publics eux-mêmes. Ceux qui seraient fréquentés par des
prostituées seraient soumis à de sévères exigences administratives alors que
ceux qui ne le seraient pas y échapperaient. La différence de situation ne
justifierait pas, aux yeux des recourants, une différence de régime aussi
importante.
Enfin, les prostituées elles-mêmes seraient traitées de manière inégale par
rapport au reste de la population, car elles pourraient se voir refuser
l'entrée dans tous les établissements publics, en raison de leur activité et
de leur mode de vie, cela même si elles n'entendent pas y rechercher des
clients.

3.1 Selon la jurisprudence, un arrêté de portée générale viole le principe de
l'égalité lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient
par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer
ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des
circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de
manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière
différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se
rapporte à une situation de fait importante (ATF 130 V 18 consid. 5.2; 129 I
1 consid. 3; 129 I 265 consid. 3.2). La question de savoir s'il existe un
motif raisonnable pour une distinction peut recevoir des réponses différentes
suivant les époques et les idées dominantes. Le législateur dispose toutefois
d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de ces principes et de
l'interdiction de l'arbitraire (ATF 127 I 185 consid. 5; 125 I 173 consid.
6b; 124 I 297 consid. 3b).

3.2 Le projet de loi soumis au Grand Conseil vaudois prévoyait (art. 9) la
délivrance d'une autorisation d'exploiter à une personne désignée comme
responsable du salon (art. 10-11). Le Grand Conseil vaudois y a renoncé,
après de très amples débats, la majorité des députés estimant qu'il n'était
pas concevable que le canton octroie une autorisation de pratiquer une
activité qui, dans certains cas, pourrait se révéler illicite, car contraire
aux art. 195 et ss CP. Le législatif vaudois s'est dès lors contenté de
donner à la police le droit de contrôler en particulier le respect des
obligations de déclarer le salon et de tenir un registre, prévues par la loi
(art. 9 et 13 LPros/VD).
Il résulte dès lors de la loi telle qu'elle a été adoptée en fin de compte
qu'il n'y a pas d'exploitant de salon à proprement parler; quiconque
travaille dans un salon sans être soumis à un lien de subordination peut être
considéré comme responsable des déclarations et autres incombances précitées.
Le système mis en place présente par conséquent la curieuse particularité,
laquelle ne fait cependant pas en soi l'objet du recours, que la personne
responsable de l'accomplissement des formalités légales n'est pas clairement
désignée, ce qui pourrait peut-être donner lieu à quelques difficultés
d'application. Dans les cas où un établissement devait être assimilé à un
salon, au sens de l'art. 8 al. 3 LPros/VD, il y aura toutefois, à tout le
moins initialement, un responsable; ce sera la ou les personnes bénéficiaires
des autorisations d'exercer ou d'exploiter un établissement public, au sens
de l'art. 4 de la loi vaudoise du 26 mars 2002 sur les auberges et débits de
boissons (LADB/VD).
Ces considérations ne sont pas déterminantes, car les recourants critiquent
pour l'essentiel le fait que l'art. 8 al. 3 LPros/VD considère les
établissements comme des salons du seul fait qu'ils sont fréquentés par des
personnes qui exercent la prostitution; selon eux, c'est la condition de ces
personnes qui déterminerait la nature de l'établissement. Or, si l'on met ce
texte en relation avec l'art. 6 LPros/VD aussi bien qu'avec l'interprétation
qu'en donne le législateur, le point de vue des recourants n'est pas fondé.
L'art. 6 LPros/VD définit l'exercice de la prostitution comme le fait de se
tenir (dans le cas visé par cette disposition: sur le domaine public, sur des
lieux accessibles au public ou exposés à la vue du public) "avec l'intention
reconnaissable de pratiquer la prostitution". Les personnes se trouvant dans
des établissements, au sens de la loi sur les auberges et débits de boissons,
qui "exercent la prostitution" sont donc celles qui s'y tiennent avec
l'intention reconnaissable de pratiquer la prostitution. C'est aussi le sens
que l'autorité cantonale donne à la disposition légale en question. Cela
indique l'intention du législateur, ce dont, selon la jurisprudence précitée,
le Tribunal fédéral peut également tenir compte pour décider si le texte
critiqué est ou non conforme à la Constitution.
A cette interprétation s'ajoute que seuls pourront être assimilés à des
salons, au sens des art. 8 ss LPros/VD, les établissements, auberges et
débits de boissons, qui sont "fréquentés" par des personnes exerçant la
prostitution, soit, selon la définition que le dictionnaire le "Petit Robert"
donne du mot fréquenter, les établissements où les dites personnes vont
souvent, habituellement.
Dans leur mémoire complétif, les recourants prennent acte de l'interprétation
que l'autorité intimée entend donner à la loi. Ils soutiennent cependant
qu'il serait difficile de distinguer si une personne connue pour monnayer ses
charmes ne se trouve dans un établissement que, par exemple, pour danser,
voire pour flirter et non pour y exercer la prostitution. En outre, ils
estiment que l'acte de prostitution est réalisé par l'accomplissement d'actes
d'ordre sexuel contre rétribution et non déjà par le simple racolage. Il
serait dès lors suffisant, selon les recourants, de considérer comme salons
les lieux où sont pratiqués des actes d'ordre sexuel, sans y assimiler les
établissements débitant mets et boissons.
Sur le premier point, il est vrai qu'il peut sans doute se produire que
l'intention d'une personne d'exercer la prostitution ne soit pas d'emblée
reconnaissable. Il est bien douteux toutefois qu'une telle intention puisse
échapper durablement à celui qui devra s'acquitter des obligations prévues
par la loi et qui constate la présence habituelle d'une personne fréquentant
l'établissement. La recourante A.________, qui a d'ailleurs admis que sa
discothèque est régulièrement fréquentée par des prostituées qui y
recherchent des clients, ne s'y est pas trompée.
Pour le reste, par leur critique, les recourants remettent en réalité en
cause, d'une part, la définition de l'exercice de la prostitution que donne
la loi (art. 6 LPros/VD), d'autre part, le but de la loi. Un des objectifs de
la loi cantonale est en effet de "réglementer les lieux, heures et modalités
de l'exercice de la prostitution, ainsi que de lutter contre les
manifestations secondaires de la prostitution de nature à troubler l'ordre
public" (art. 2 lettre c LPros/VD). Il n'est pas douteux que le fait de
racoler, c'est-à-dire de manifester de façon reconnaissable l'intention de
pratiquer la prostitution est déjà une des manifestations secondaires de la
prostitution visées par cette disposition légale. Cette attitude est incluse
dans la définition de l'exercice de la prostitution fixée à l'art. 6
LPros/VD, que les recourants n'ont pas attaqué.
Il existe ainsi une différence notable entre les établissements publics, bars
à champagne, discothèques ou autres lieux, dans lesquels des personnes se
rendent habituellement en vue essentiellement d'exercer la prostitution, et
les autres établissements publics visés par la loi cantonale sur les auberges
et les débits de boissons. Un traitement différencié de ces deux catégories
d'établissement est justifié objectivement. Le fait que dans certains salons,
ceux où se pratiquent des massages et des actes d'ordre sexuel, il n'y ait
pas en outre de débit de boissons n'est pas déterminant, vu la définition
large que la loi donne de l'exercice de la prostitution, laquelle englobe le
racolage. En outre, la ressemblance des débits de boissons fréquentés par des
personnes s'adonnant à la prostitution et dans lesquels, à tout le moins, se
négocie et se prépare l'accomplissement d'actes d'ordre sexuel, et les salons
destinés à l'accomplissement des dits actes permettait au législateur
d'assimiler les premiers aux salons sans violer le principe constitutionnel
de l'égalité devant la loi.
La différence de nature entre les établissements publics fréquentés par des
personnes exerçant la prostitution et ceux qui ne le sont pas est motivée par
le but de la loi rappelé ci-dessus qui justifie que les premiers se voient
imposer un régime différent.
Quant à la prétendue inégalité de traitement entre les prostituées et le
reste de la population, elle ne touche celles-là que dans la mesure où elles
exercent leur métier et non si elles se rendent dans un établissement public
en vue d'y consommer des boissons ou des mets. Il n'y a pas là non plus de
violation du principe de l'égalité devant la loi.
Les critiques des recourants sur ce point doivent dès lors être rejetées.

4.
4.1 Les recourants reprochent également à l'art. 8 al. 3 LPros/VD de porter
atteinte à l'interdiction de l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Le système
adopté par le Grand Conseil reviendrait, d'après eux, à considérer qu'une
prostituée, par sa seule présence dans un établissement public, impliquerait
que celui-ci soit immédiatement considéré comme un salon de massage. Cette
disposition serait arbitraire, car sans rapport avec les objectifs de la loi
en question, et inutile dans la mesure où la police possède déjà la
possibilité d'inspecter les établissements publics. La disposition critiquée
apparaîtrait ainsi comme un corps étranger dans ladite loi qui ne vise
essentiellement que les salons de massage. Dans leur mémoire complétif, les
recourants relèvent en outre que la disposition critiquée serait
discriminatoire, dans la mesure où les cabarets, lieux où se négocie aussi la
commission d'actes d'ordre sexuel tarifés, échapperaient à la définition de
salons au sens de la loi cantonale, seules les personnes s'adonnant
illégalement à la prostitution étant poursuivies.

4.2 Selon la jurisprudence, un arrêté de portée générale est arbitraire
lorsqu'il ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens ni
but (ATF 124 I 297 consid. 3b).
L'art. 8 al. 3 LPros/VD ne faisait pas partie du projet de loi soumis au
Grand Conseil vaudois. Il y a été introduit lors du premier débat à la suite
d'une proposition du député Frédéric Haenni, adoptée avec une voix contraire
et quelques abstentions. L'objectif était de permettre d'éviter que des
établissements de type night-clubs ou dancings autorisés par la loi sur les
auberges et débits de boissons ne modifient leur exploitation pour se
transformer partiellement en lieux où s'exerce la prostitution. Comme le
relève l'autorité intimée dans ses observations du 11 novembre 2004 sur le
mémoire complétif, de tels établissements pourraient tomber sous le coup de
la loi sur l'exercice de la prostitution, même sans la disposition critiquée,
si l'exercice de la prostitution, au sens des art. 6 et 8 al. 1 LPros/VD, y
était constaté. L'art. 8 al. 3 LPros/VD apparaît ainsi comme une précision
destinée à éclaircir la situation de ces établissements. Dans ce sens, il ne
peut pas être vu comme un corps étranger dans la loi.
Quant au fait que la loi sur les auberges et les débits de boissons autorise
déjà la police à inspecter les établissements soumis à licence (art. 47
LADB/VD), elle ne rend pas inutile l'art. 8 al. 3 LPros/VD, mais en renforce
son application, puisque les établissements qui tolèrent l'exercice de la
prostitution pourront ainsi être contraints de se conformer aux obligations
nées de la loi sur l'exercice de la prostitution.
Enfin, on ne voit pas d'où les recourants tirent l'argument que les
night-clubs et autres cabarets échapperaient aux dispositions de la loi sur
l'exercice de la prostitution. Rien dans ladite loi ne permet une telle
déduction. L'autorité intimée confirme au demeurant que les night-clubs se
verront appliquer les dispositions de l'art. 8 al. 3 LPros/VD, à l'instar de
tous les autres établissements.

Il s'ensuit que la disposition légale attaquée ne peut pas être qualifiée
d'arbitraire.

5.
Tous les recourants dénoncent une violation de leur liberté économique.
Ils estiment qu'aucun intérêt public ne justifie l'assimilation des
établissements publics visés par l'art. 8 al. 3 LPros/VD à des salons. Ils
soupçonnent la loi de visées interventionnistes et de rechercher en réalité à
marginaliser, voire à terme à provoquer la fermeture de ces établissements en
leur imposant des contraintes irréalistes. Ils se plaignent aussi d'une
atteinte, non motivée par des raisons sérieuses, à l'égalité entre les
concurrents directs que garantit l'art. 27 Cst.

Enfin, les recourantes C.________ et D.________ se déclarent particulièrement
touchées dans leur liberté économique par le fait que la réglementation en
cause leur interdirait de rechercher des clients dans tous les établissements
publics, sous peine de voir ceux-ci être qualifiés de salons. Selon les
recourants, la morale publique ne saurait être invoquée pour justifier
pareille restriction.

5.1 Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique, dont bénéficient en principe
aussi les personnes qui exercent la prostitution (arrêt 2P.333/2001 du 2
juillet 2002, publié in RDAT 2002 II n. 2 p. 9; ATF 101 Ia 473 consid. 2b),
est garantie (al. 1); elle comprend notamment le libre choix de la
profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son
libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique
privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou
d'un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c/aa p. 29). Elle peut être invoquée tant
par les personnes physiques que par les personnes morales (cf. le message du
Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution
fédérale, in FF 1997 I 179; Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier,
Droit constitutionnel suisse, Berne 2000, vol. II, 2000, n. 605, p. 315).
L'art. 94 al. 1 Cst. impose à la Confédération et aux cantons de respecter le
principe de la liberté économique.
Conformément à l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit
reposer sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par
une loi (al. 1); elles doivent en outre être justifiées par un intérêt public
ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et, selon le principe de
la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation des
buts d'intérêt public poursuivis (al. 2 et 3). Ces conditions à la limitation
d'un droit fondamental s'appliquent aussi à l'égalité de traitement entre
concurrents directs, c'est-à-dire entre personnes appartenant à une même
branche économique, qui s'adressent au même public avec des offres identiques
pour satisfaire le même besoin (ATF 125 II 129 consid. 10b p. 149 et la
jurisprudence citée). Sont prohibées les mesures de politique économique ou
de protection d'une profession qui entravent la libre concurrence en vue de
favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes
d'exploitation (ATF 128 I 3 consid. 3a et 3b p. 9; 125 I 209 consid. 10a p.
221 et les arrêts cités).
S'agissant de l'exigence d'une base légale, le Tribunal fédéral revoit cette
question avec un libre pouvoir d'examen si la restriction contestée est grave
et sous l'angle restreint de l'arbitraire seulement dans le cas contraire. Le
Tribunal fédéral vérifie librement si un intérêt public ou les droits de
tiers justifient la restriction en cause et si celle-ci est conforme au
principe de la proportionnalité (ATF 130 I 65 consid. 3.3 p. 68 et la
jurisprudence citée).

5.2 En l'occurrence, il n'est pas contesté que la mesure en question repose
sur une base légale au sens formel.

5.3 L'art. 8 al. 3 LPros/VD a pour objectif, on l'a vu ci-dessus (consid.
4.1) et l'autorité intimée le confirme dans sa réponse du 23 août 2004, de
permettre un contrôle plus étroit des établissements qui tirent profit de la
présence de personnes qui exercent la prostitution. Ce souci s'inscrit dans
les objectifs généraux de la loi cantonale. Il s'agit essentiellement de
garantir le respect de la liberté d'action des personnes qui se prostituent
(art. 2 lettre a et 16 lettre b LPros/VD ), de garantir la mise en oeuvre de
mesures de prévention sanitaires et sociales (art. 2 lettre b et 16 lettre a
LPros/VD ) et de réglementer les lieux, heures et modalités de l'exercice de
la prostitution, ainsi que de lutter contre les manifestations secondaires de
la prostitution (art. 2 lettre c LPros/VD). Le fait de soumettre les
établissements dans lesquels s'exerce la prostitution, qualifiée telle déjà
par le simple fait du racolage (art. 6 LPros/VD ), à un contrôle accru égal à
celui imposé aux salons de massage proprement dits est sans doute de nature à
faciliter la réalisation des objectifs précités. Ceux-ci, qui concernent
notamment la protection de la santé publique et le respect de la liberté
individuelle des personnes qui s'adonnent à la prostitution, sont donc fondés
sur un intérêt public prépondérant au sens de l'art. 36 al. 2 Cst. et
justifient le traitement différencié que fait la loi entre les établissements
publics selon qu'ils sont ou non fréquentés par des personnes exerçant la
prostitution.

Il est douteux que les établissements du type de celui des recourants
A.________ et X.________ Sàrl soient des concurrents directs des
établissements publics qui ne tirent pas une partie de leur revenu de la
fréquentation par des personnes exerçant la prostitution. Les seconds
s'adressent à tous les publics, y compris aux jeunes gens (art. 51 LADB/VD),
avec quelques restrictions et différenciations; les premiers ne sont
accessibles qu'aux adultes (art. 16 lettre a LPros/VD). La possibilité d'y
rencontrer des personnes s'adonnant à la prostitution en constitue une des
caractéristiques.

Au demeurant, même si les deux types d'établissements devaient être
considérés comme des concurrents directs, il se justifierait, pour les motifs
indiqués ci-dessus, de les soumettre à un régime différent.

5.4 Les contraintes prévues par la loi ne sont pas non plus contraires au
principe constitutionnel de la proportionnalité. L'activité consistant à
tirer profit de la prostitution n'est pas interdite. Ceux qui exploitent un
salon ou un établissement de type bars à champagne peuvent continuer à le
faire, à la condition qu'ils observent un certain nombre de règles et qu'ils
se soumettent à un contrôle.
Quant aux personnes exerçant la prostitution, elles ne se voient pas
interdire l'exercice de leur métier, qu'elles peuvent pratiquer non pas
seulement dans la rue, comme elles le prétendent à tort, mais aussi dans les
salons de massage proprement dits, ainsi que dans les établissements de type
bars à champagne dûment annoncés comme tels. Les limitations qui leur sont
imposées sont ainsi sans commune mesure avec celles qui avaient motivé
l'admission par le Tribunal fédéral (ATF 101 Ia 473 consid. 5 et 6) du
recours concernant l'interdiction de se livrer à la prostitution durant la
journée sur tout le territoire genevois, interdiction jugée disproportionnée.
Les recourants mettent à nouveau en exergue les difficultés tenant à
l'application de la loi en question, notamment en ce qui concerne la
distinction à opérer entre les prostituées qui ne font que consommer mets ou
boissons dans un établissement et celles qui y racolent. On a vu (ci-dessus
consid. 3.2) que cette critique est exagérée. Seul est visé l'exercice
effectif de la prostitution, lequel doit être "reconnaissable" (art. 6
LPros/VD).
Au demeurant, il y a lieu de présumer que les autorités vaudoises feront une
application raisonnable et proportionnée de la loi sur ce point. Une pratique
excessive dans un cas particulier pourrait être sanctionnée dans le cadre
d'un contrôle concret ultérieur de la loi, ce qui offre des garanties
suffisantes notamment aux recourants. Il apparaît dès lors que l'art. 8 al. 3
LPros/VD n'est pas contraire à la liberté économique, ce qui entraîne le
rejet du recours sur ce point.

6.
Pour les recourantes C.________ et D.________, la disposition légale
contestée serait contraire à l'art. 10 al. 2 Cst. Leur liberté de mouvement
serait atteinte dans la mesure où elles se verraient pratiquement interdire
l'accès aux établissements publics qui sont au bénéfice d'une licence
d'auberge ou de débit de boissons.

Or, si l'interdiction de se rendre en un lieu peut constituer une violation
de la liberté de mouvement, garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. (cf. ATF 130 I
369 consid. 2), rien de tel ne découle de la loi cantonale critiquée. Selon
l'interprétation objective de ladite loi faite ci-dessus (consid. 5.3),
confirmée par le point de vue exprimé par l'autorité intimée, les prostituées
peuvent librement se rendre dans un tel établissement pour y consommer mets
et boissons. Il ne leur est pas non plus interdit de fréquenter de tels
établissements en vue d'y exercer leur métier. Dans un tel cas, cependant,
l'établissement ainsi fréquenté risque d'être qualifié de salon et de tomber
sous le coup de l'art. 8 al. 3 LPros/VD.

Le risque potentiel qu'une personne, prostituée de son état, qui n'entend
cependant pas se livrer à la prostitution dans un établissement donné, puisse
être refoulée dudit établissement qui cherche à éviter d'être traité comme un
salon ne permet pas de qualifier la disposition en question de contraire à la
Constitution.

Cela entraîne le rejet de ce moyen de recours.

7.
Les recourantes C.________ et D.________ se plaignent de la violation de
l'art. 13 Cst.
Elles relèvent que pour satisfaire aux exigences de l'art. 9 LPros/VD,
l'exploitant d'un établissement public fréquenté par des personnes exerçant
la prostitution devra faire des recherches pour savoir si ces personnes sont
en train d'exercer leur métier, obtenir leur identité et en faire état dans
un registre. Cela constituerait une atteinte, que ces recourantes estiment
inadmissible, à leur sphère privée et un risque de divulgation des données
recueillies sur leur compte auprès de tiers non autorisés.

7.1 L'art. 13 Cst. a pour objet la protection de la sphère privée et secrète.
L'alinéa 2 de cette disposition protège les individus contre des atteintes
qui proviennent d'un traitement étatique de leurs données personnelles.
Chaque personne devrait pouvoir déterminer elle-même si et dans quels buts
des informations à son sujet peuvent être traitées (ATF 129 I 232 consid.
4.3.1).
7.2 En l'espèce, on l'a vu ci-dessus (consid. 3.2 et 5.3), il est douteux que
l'exploitant éprouve quelque peine à distinguer si une personne fréquente son
établissement en vue d'y exercer la prostitution ou si au contraire elle n'y
vient que pour consommer mets et boissons.
L'art. 9 et surtout l'art. 13 LPros/VD contiennent il est vrai l'obligation
de recueillir des données sur les personnes exerçant la prostitution. Ces
données doivent être communiquées à la police et le registre doit pouvoir
être consulté en tout temps. Les données transmises à la police ou reportées
dans un registre concernent sans doute la vie privée des personnes en
question. C'est le cas de toutes les personnes qui exercent la prostitution,
que ce soit sur le domaine public ou dans un salon. Elles sont soumises à un
recensement (art. 4 LPros/VD). Les données les concernant sont protégées
selon le régime utilisé par l'art. 5 LPros/VD (pour les salons, par le renvoi
de l'art. 10), qui a la teneur suivante :
"1 La police cantonale gère les données recueillies en vertu de l'article 4
de la présente loi.
2 La personne concernée peut annoncer qu'elle cesse toute activité liée à la
prostitution. Le dossier et les données la concernant sont alors radiés.
3 La personne concernée peut en tout temps consulter son dossier. Pour le
surplus, la loi sur les dossiers de police judiciaire est applicable à ces
documents en ce qui concerne leur conservation et leur destruction.
4 Les données récoltées en vertu de la présente loi ne sont utilisables que
dans le cadre de l'accomplissement des buts de la présente loi."
Les intéressés sont en outre protégés contre le traitement indu par des
personnes privées des données les concernant, par les dispositions de la loi
fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1), ainsi
que par les art. 28 à 28l CC (art. 15 LPD).
L'atteinte à la protection de la sphère privée des personnes exerçant la
prostitution est sans doute justifiée, au sens de l'art. 36 Cst., par un
intérêt public prépondérant; les recourants ne démontrent en rien le
contraire. Elle n'apparaît en aucune façon disproportionnée.
Le recours doit par conséquent être rejeté également sur ce point.

8.
Les recourantes C.________ et D.________ font aussi grief à l'art. 8 al. 3
LPros/VD de porter atteinte au principe de la primauté du droit fédéral
garanti par l'art. 49 Cst. Ces recourantes estiment que les restrictions
d'accès aux établissements publics sont incompatibles avec la loi fédérale du
6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02).

8.1 L'argumentation des recourantes sur ce point est particulièrement
sommaire, que ce soit dans le mémoire de recours ou dans le mémoire
complétif. Elles se contentent pour l'essentiel d'affirmer l'existence d'une
restriction illicite à leur libre accès au marché sans la démontrer. La
recevabilité du recours est donc douteuse sur ce point, eu égard au prescrit
de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

8.2 Dans la mesure où il est recevable, le recours doit être rejeté.
Selon l'art. 2 al. 1 LMI, toute personne a le droit d'offrir des
marchandises, des services et des prestations de travail sur tout le
territoire suisse pour autant que l'exercice de l'activité lucrative en
question soit licite dans le canton ou la commune où elle a son siège ou son
établissement. D'après la jurisprudence, la loi fédérale sur le marché
intérieur règle la situation juridique des offreurs externes dans les
rapports intercantonaux ou intercommunaux, mais pas celle de l'offreur
indigène (ATF 125 I 276 consid. 4b; 125 I 267 consid. 3b).
Il en résulte que seule est concernée en l'espèce, comme l'admettent
implicitement les recourants dans leur mémoire complétif, la recourante
D.________, domiciliée dans le canton de Neuchâtel et qui exerce son métier
dans le canton de Vaud.
En l'occurrence, la loi cantonale critiquée n'empêche pas cette recourante
d'offrir ses services sur le territoire du canton de Vaud, que ce soit sur le
domaine public ou ailleurs. La loi ne lui interdit pas de fréquenter un
établissement public en vue d'y exercer la prostitution. En pratique
cependant, il pourrait se produire que le responsable de cet établissement
qui désire éviter la qualification de salon s'oppose à l'exercice de la
prostitution dans son établissement et qu'ainsi, indirectement, la
disposition attaquée puisse représenter une certaine entrave à l'exercice de
son métier. Même dans un tel cas, une telle entrave ne pourrait cependant
être qualifiée d'illicite si elle respecte l'art. 3 al. 1 LMI, prévoyant que
la liberté d'accès au marché d'offreurs externes peut faire l'objet de
restrictions si celles-ci s'appliquent de la même façon aux offreurs locaux
(lettre a), si elles sont indispensables à la préservation d'intérêts publics
prépondérants (lettre b) et si elles répondent au principe de la
proportionnalité (lettre c).

Ces trois conditions sont manifestement remplies en ce qui concerne la loi
cantonale attaquée: tous les offreurs locaux sont traités à la même enseigne,
l'intérêt public à l'assimilation de certains établissements à des salons a
été démontré et la mesure n'est en aucune façon disproportionnée, puisqu'elle
n'entrave que dans une faible mesure l'exercice de la prostitution.

9.
Pour les recourants enfin, l'art. 26 lettre a LPros/VD contreviendrait à la
primauté du droit fédéral dans la mesure où cette disposition - qui permet de
réprimer celui qui exploite un salon sans respecter les conditions légales et
réglementaires - excéderait le cadre fixé par l'art. 199 CP qui
n'autoriserait de sanctions que contre les prostituées elles-mêmes. Aux
termes de l'art. 199 CP, celui qui aura enfreint les dispositions cantonales
réglementant tant les lieux, heures et mode de l'exercice de la prostitution
et celles destinées à lutter contre ses manifestations secondaires fâcheuses,
sera puni des arrêts ou de l'amende.
Cet argument doit être rejeté pour le motif déjà que l'art. 199 CP, tel qu'il
a finalement été adopté par le législateur fédéral (ATF 124 IV 64 consid. 2),
permet de punir tant le comportement des prostituées elles-mêmes que celui de
tiers, soit ceux qui profitent de l'exercice de la prostitution, ainsi que
les clients (Stratenwerth/Jenny, Schweizerisches Strafrecht, Besonder Teil I,
6e éd., Berne 2003, p. 201/202).

10.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Succombant, les recourants doivent supporter les frais
judiciaires, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'est pas
alloué de dépens (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des recourants,
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants et au
Grand Conseil du canton de Vaud.

Lausanne, le 31 mars 2005

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: