Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.126/2004
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2P.126/2004/ROC/elo
Arrêt du 28 janvier 2005
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Wuilleret, Juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

X. ________, recourant,
représenté par Me Soli Pardo, avocat,

contre

Conseil d'Etat du canton de Genève, p.a. Chancellerie d'Etat, rue de
l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case
postale 1956, 1211 Genève 1.

art. 29. al. 2 Cst. (violation du droit d'être entendu),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de
Genève du 6 avril 2004.

Faits:

A.
X. ________, né en 1946, a été engagé par l'Etat de Genève en juillet 1988.
Depuis le 1er août 1993, il occupe le poste de directeur-adjoint en qualité
de gestionnaire faillites auprès de l'Office des poursuites et faillites de
Y.________.

Le 3 septembre 2001, suite à un rapport d'audit de l'Inspection cantonale des
finances relatif à la gestion et des comptes des offices des poursuites et
faillites, le Conseil d'Etat a ordonné l'ouverture d'une enquête
administrative à l'encontre de trente-sept fonctionnaires des offices des
poursuites et faillites, dont X.________. Par arrêtés des 5 et 12 septembre
2001 confirmés sur recours le 26 mars 2002, celui-ci a été suspendu de ses
fonctions à titre provisoire à compter du 7 septembre 2001, avec maintien de
son traitement.

Le 20 septembre 2001, l'autorité de surveillance des offices des poursuites
et faillites (ci-après: l'autorité de surveillance) a ordonné à l'encontre de
X.________ l'ouverture d'une enquête disciplinaire au sens de la loi fédérale
du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP; RS 281.1).
Le 16 octobre 2001, après avoir entendu l'intéressé à quatre reprises,
l'autorité de surveillance l'a dénoncé pénalement pour faux dans les titres
commis dans l'exercice de fonctions publiques. Elle lui reprochait d'avoir
rédigé et signé une offre au nom de sa belle-mère en vue de l'acquisition
d'un véhicule qui devait être réalisé dans une procédure dont il avait la
gestion. L'enquête disciplinaire a ensuite été suspendue jusqu'à droit connu
sur le plan pénal.

S'agissant de l'enquête administrative, X.________ a été entendu par
l'Inspection cantonale des finances, par la Brigade financière, par la
Commission de contrôle de gestion du Grand Conseil et par la Commission
administrative. Dans son rapport au Conseil d'Etat du 20 mars 2002, la
Commission administrative a conclu que les manquements constatés étaient
graves et avaient eu des répercussions importantes sur le bon fonctionnement
des offices des poursuites et faillites. Elle a proposé au Conseil d'Etat de
sanctionner X.________ par un retour au statut d'employé en période
probatoire pour une période de deux ans. L'intéressé a contesté le contenu de
ce rapport par lettre du 13 mai 2002.

Le 5 juin 2002, une seconde procédure administrative a été ouverte à
l'encontre de X.________. Le Conseil d'Etat l'a toutefois close par arrêté du
18 décembre 2002, considérant notamment que les faits qui avaient justifié
son ouverture n'étaient que le résultat d'une mauvaise communication entre
X.________ et son supérieur hiérarchique.

Par ordonnance du 23 janvier 2003, le Procureur général a classé la procédure
pénale pour faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions
publiques. II a notamment relevé l'insuffisance de preuves portant sur des
éléments subjectifs souvent difficiles à établir a posteriori avant de se
fonder sur des considérations d'opportunité liées au fait que X.________
n'avait trouvé aucun enrichissement personnel dans l'opération qui lui était
reprochée. Le 6 octobre 2003, succédant à l'autorité de surveillance, la
Commission de surveillance des offices des poursuites et faillites (ci-après:
la Commission de surveillance) a repris l'instruction de la procédure
disciplinaire. Elle a entendu X.________ le 24 octobre 2003.

B.
Entre-temps, par arrêté du 5 février 2003, faisant siennes les conclusions du
rapport du 20 mars 2002 de la Commission administrative, le Conseil d'Etat a
sanctionné disciplinairement X.________ en disposant qu'il cessait d'être
fonctionnaire et retournait au statut d'employé en période probatoire pour
une durée de deux ans.

C.
X.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif
qui, par arrêt du 6 avril 2004, a partiellement admis le recours. Annulant
l'arrêté du Conseil d'Etat du 5 février 2003 au motif que la sanction était
excessive et violait le principe de la proportion- nalité, il a infligé à
X.________ une suspension d'augmentation de traitement pendant deux ans, dès
le 5 février 2003. Le Tribunal administratif a considéré en particulier que
sur les trois griefs repris par le Conseil d'Etat du rapport de la Commission
administrative, seul celui du refus d'obéir à un ordre émanant de son
supérieur hiérarchique devait être considéré comme établi. Par ailleurs, il a
retenu qu'en dépit du classement de la procédure pénale consécutive à
l'inculpation de X.________ pour faux dans les titres en relation avec la
réalisation d'un véhicule, le comportement en cause constituait une violation
des devoirs attachés à sa fonction qui devait être prise en compte.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ conclut, sous
suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal
administratif' du 6 avril 2004. II reproche en substance au Tribunal
administratif d'avoir violé son droit d'être entendu sous plusieurs angles.

Le Tribunal administratif a renoncé à déposer des observations et persiste
dans les termes et conclusions de son arrêt. Quant au Conseil d'Etat, il
conclut, principalement à l'irrecevabilité du recours, faute d'intérêt
juridiquement protégé, et, subsidiairement, à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317; 130 II 509 consid. 8.1
p. 510).

1.1 Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert uniquement à
celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels,
actuels et juridiquement protégés (ATF 130 I 306 consid. 1 p. 309, 82 consid.
1.3 p. 85). Le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant
qu'à préserver des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 126 I 43
consid. 1a p. 44; cf. également ATF 126 I 81 consid. 3b p. 85). Sont des
intérêts personnels juridiquement protégés ceux qui découlent d'une règle de
droit fédéral ou cantonal ou directement d'une garantie constitutionnelle
spécifique pour autant que les intérêts en cause relèvent du domaine que
couvre ce droit fondamental (ATF 129 I 217 consid. 1 p. 219, 113 consid. 1.2
p. 117).

L'arrêt attaqué fonde la suspension d'augmentation de traitement pendant deux
ans sur l'art. 16 al. 1 de la loi générale du 4 décembre 1997 relative au
personnel de l'administration cantonale et des établissements publics
médicaux (LPAC). Cette disposition prévoit que les fonctionnaires et les
employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement,
soit par négligence ou imprudence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de
la violation, de différentes sanctions, parmi lesquelles la suspension
d'augmentation de traitement pour une durée déterminée. Vu sa nature punitive
et la reconnaissance des violations des devoirs de service qu'elle implique,
une telle mesure atteint son destinataire dans ses intérêts personnels, même
si celui-ci ne subit en réalité aucun préjudice financier. La suspension
d'augmentation de traitement pour une durée déterminée étant par ailleurs
subordonnée à l'existence de conditions matérielles, ces intérêts sont
juridiquement protégés, de telle sorte que le recourant a qualité pour
recourir au sens de l'art. 88 OJ.

1.2 Formé dans le délai requis et les formes prescrites, le présent recours
remplit les autres conditions de recevabilité des art. 84 ss OJ, si bien que
le Tribunal fédéral peut entrer en matière.

1.3 En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a
donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points
conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le
recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer
aux actes cantonaux (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261, 26 consid. 2.1 p. 31,
129 II 113 consid. 2.1 p. 120 et les arrêts cités). Par ailleurs, le Tribunal
fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de caractère appellatoire.

C'est à la lumière de ces principes que doivent être appréciés les moyens de
l'intéressé.

2.
Le recourant invoque plusieurs violations de son droit d'être entendu. En
premier lieu, il reproche à l'autorité intimée d'avoir fondé sa décision sur
l'épisode de l'acquisition d'un véhicule qui devait être réalisé dans une
procédure dont il avait la gestion. Affirmant que cet élément n'a jamais été
évoqué dans la procédure de recours, il considère qu'il ne pouvait pas
s'attendre à ce qu'il soit retenu à son encontre.

2.1 Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu - tel qu'il est garanti
par l'art. 29 al. 2 Cst. - comprend le droit pour l'intéressé de prendre
connaissance du dossier (ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10), de s'exprimer sur les
éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation
juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné
suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration
des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 127 III
576 consid. 2c p. 578/579; 124 II 132 consid. 2b p. 137 et la jurisprudence
citée).

2.2 En l'espèce, il ressort expressément des considérants de l'arrêté du 5
février 2003 du Conseil d'Etat que cette décision se fonde également sur le
reproche fait à X.________ d'avoir été inculpé de faux dans les titres commis
dans l'exercice de fonctions publiques en relation avec l'acquisition d'un
véhicule qui devait être réalisé dans une procédure dont il avait la gestion.
Contrairement à ce qu'il prétend dans son recours de droit public, cela n'a
du reste pas échappé à l'intéressé qui a contesté brièvement ce point de
l'arrêté dans son recours du 12 mars 2003 au Tribunal administratif (p. 7).
En présence d'une décision en partie motivée par l'acquisition de véhicule
contestée, l'importance de cette question dans la procédure de recours était
évidente et rien n'empêchait le recourant d'exercer son droit d'être entendu
en s'exprimant avec plus de précision ou en offrant des preuves pertinentes
sur les faits en cause. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché
au Tribunal administratif d'avoir rendu sa décision sans l'aviser
spécialement du caractère décisif de cet élément de fait (cf. en procédure
civile ATF 130 III 35 consid. 5 p. 39 et la jurisprudence citée). Pour les
mêmes raisons, il n'importe pas plus que le Conseil d'Etat n'y soit revenu,
ni dans ses observations du 11 avril 2003, ni dans sa duplique du 20 juin
2003 et que le Juge délégué n'en ait pas fait état lors de l'audience de
comparution personnelle et d'enquête qu'il a tenue le 29 octobre 2003. Le
droit d'être entendu du recourant n'a ainsi pas été violé sur ce point.

3.
Le recourant reproche ensuite à l'autorité intimée d'avoir violé son droit
d'être entendu en ne motivant pas suffisamment son arrêt en ce qui concerne
les griefs relatifs au refus d'obéir à un ordre d'un supérieur hiérarchique
et à l'acquisition d'un véhicule qui devait être réalisé dans une procédure
dont il avait la gestion.

3.1 Le droit d'être entendu implique également pour l'autorité l'obligation
de motiver sa décision afin, d'une part, que l'intéressé puisse la comprendre
et l'attaquer utilement s'il y a lieu et, d'autre part, que l'autorité de
recours puisse exercer son contrôle. Elle peut toutefois se limiter aux
points essentiels pour la décision à rendre (ATF 130 II 530 consid. 4.3 p.
540, 473 consid. 4.1 p. 477).

3.2 En ce qui concerne tout d'abord de la question du refus d'obéir à un
ordre d'un supérieur hiérarchique, l'arrêt attaqué précise (consid. 5c p. 17)
qu'il s'agissait d'enlever à une régie un mandat de gérance légale pour
l'attribuer à une autre régie. II ajoute que le recourant a manifesté à
l'occasion de cet ordre une résistance qui constitue une violation des
devoirs généraux de sa fonction, dans la mesure où même s'il avait des
raisons légitimes de refuser d'accorder un mandat de gérance légale à la
régie choisie par son supérieur, il aurait alors dû s'en ouvrir au supérieur
hiérarchique de celui-ci, ce qu'il n'a pas fait. Cette motivation permet de
connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal administratif a considéré
que le recourant avait commis à cette occasion une faute justifiant le
prononcé d'une sanction disciplinaire. Par ailleurs, l'argumentation du
recourant selon laquelle la motivation de l'arrêt ne permet pas de déterminer
s'il lui est reproché d'avoir tardé à exécuter un ordre ou de ne pas l'avoir
exécuté du tout ne convainc pas. Il est en effet incontesté et cela ressort
clairement des constatations de fait de l'arrêt entrepris que le recourant a
d'abord refusé de donner suite à l'ordre en question avant d'y obtempérer
dans un deuxième temps.

Quant à l'acquisition d'un véhicule provenant d'une succession répudiée, qui
devait être réalisé dans une procédure dont il avait la gestion, l'arrêt
attaqué retient qu'en dépit du classement de la procédure pénale, il
s'agissait d'une manoeuvre constituant une violation des devoirs attachés à
sa fonction (consid. 5d p. 18). Même si l'argumentation du Tribunal
administratif est succincte, voire sommaire sur ce point, il ressort de
manière suffisamment claire des considérants qu'il est reproché au recourant
d'avoir rédigé et signé une offre au nom de sa belle-mère dans le cadre de la
réalisation en cause. L'arrêt attaqué cite par ailleurs expressément les
devoirs de fonction auxquels il fait référence (consid. 4), de telle sorte
que le recourant tombe à faux lorsqu'il affirme ne pas être en mesure de
comprendre le grief dont il fait l'objet.

Le Tribunal administratif n'a par conséquent pas failli à son obligation de
motiver ses décisions, ce qui conduit au rejet du recours sur ce point.

4.
Enfin, le recourant fait grief à l'autorité intimée d'avoir omis de se
prononcer sur la question du retard à statuer des autorités chargées
d'instruire son dossier, en violation de son droit d'être entendu.

4.1 Le recourant a effectivement critiqué le fait que le Conseil d'Etat n'a
rendu son arrêté que le 5 février 2003, alors qu'il était sous le coup d'une
suspension provisoire depuis le 7 septembre 2001. Il n'a pas formulé ce
reproche de façon indépendante dans son recours du 12 mars 2003, mais
seulement dans sa réplique du 16 mai 2003, en relation avec le grief de
violation du principe de la proportionnalité. Il ne saurait dès lors être
reproché au Tribunal administratif d'avoir ignoré ce grief, puisque c'est en
se fondant sur celui-ci que l'autorité intimée a admis partiellement le
recours en infligeant au recourant une suspension d'augmentation de
traitement pendant deux ans en lieu et place du retour au statut d'employé en
période probatoire pour une durée de deux ans. Certes, en relation avec le
principe de la proportionnalité, la motivation de l'arrêt attaqué ne justifie
expressément la solution retenue que par l'absence d'antécédents
disciplinaires de l'intéressé, les mauvaises conditions de travail, les
rapports d'évaluation positifs et le fait que deux des trois griefs retenus
par la commission dans son rapport du 20 mars 2002 se sont avérés infondés.
Toutefois, dans la mesure où l'application du principe de la proportionnalité
suppose la prise en compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il ne
peut être déduit de cette seule énumération - qui ne saurait par nature être
exhaustive - que le Tribunal administratif a ignoré la question de la durée
de la procédure en fixant la sanction susmentionnée. Partant, le grief de
violation du droit d'être entendu doit également être rejeté sous cet angle.

5.
II suit de ce qui précède que le recours est mal fondé dans son ensemble.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1
OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Conseil d'Etat et au Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 28 janvier 2005

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: