Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.749/2004
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1P.749/2004/col

Arrêt du 13 janvier 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Michel De Palma, avocat,

contre

Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois, rue du Valentin 18,
1400 Yverdon-les-Bains,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

détention préventive,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 26 novembre 2004.

Faits:

A.
Le 19 octobre 2004, le Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois
a décerné un mandat d'arrêt à l'endroit de A.________, ressortissant marocain
né le 2 juillet 1972, prévenu d'infraction à la loi fédérale sur les
stupéfiants, pour s'être livré à un trafic de cocaïne avec son frère
B.________.
Le 14 novembre 2004, A.________ a déposé une requête de mise en liberté
provisoire que le Juge d'instruction a écartée en raison d'un risque de
collusion et d'un danger de fuite. Statuant par arrêt du 26 novembre 2004, le
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le
Tribunal d'accusation) a rejeté le recours formé contre cette décision prise
le 16 novembre 2004. Il a considéré que le risque de collusion justifiait à
lui seul le maintien du prévenu en détention préventive, sans qu'il soit
nécessaire d'examiner la présence d'un risque de fuite ou de récidive. Il a
estimé pour le surplus que la proportionnalité des intérêts en présence était
encore respectée, tout en invitant le magistrat instructeur à procéder
lui-même et sans délai à l'audition du prévenu afin de préciser de manière
détaillée les faits pour lesquels celui-ci a été inculpé. Il l'a également
invité à produire au dossier les procès-verbaux d'audition des personnes qui
mettaient en cause A.________, à interpeller les autorités valaisannes pour
déterminer si les faits relatés par C.________ ont déjà été jugés et, le cas
échéant, à verser au dossier le jugement rendu.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner sa mise en liberté
immédiate. Il invoque une violation des art. 5 al. 3, 9, 10 al. 2 et 29 al. 1
et 2 Cst., des art. 5 § 1 et 3, 6 § 1 CEDH, des art. 9 al. 1 et 3, 14 al. 1
et 2 let. c du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(Pacte ONU II), ainsi qu'une application arbitraire de l'art. 59 du Code de
procédure pénale vaudois (CPP vaud). Il requiert l'assistance judiciaire
gratuite.
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. Le
Procureur général du canton de Vaud conclut au rejet du recours. Le Juge
d'instruction n'a pas déposé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement
protégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Par exception
à la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion du recourant
tendant à ce que le Tribunal fédéral ordonne sa mise en liberté immédiate est
recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).

2.
Le recourant se plaint de la manière dont la cause est traitée par les
autorités cantonales. Il relève en particulier avoir été entendu à une
reprise par la police non pas sur ses propres agissements, mais sur ceux de
son frère et sur la situation générale du cabaret qu'il exploite à
Yverdon-les-Bains. Il dénonce à ce propos une violation du principe de la
célérité, tel que garanti aux art. 29 al. 1 Cst., 5 § 3 CEDH et 14 al. 2 let.
c Pacte ONU II.
Il n'y a pas lieu d'examiner ce qu'il en est réellement. L'appréciation
d'ensemble du caractère raisonnable d'une procédure doit en règle générale
être faite par le juge du fond qui tiendra compte d'une violation du principe
de la célérité dans la fixation de la peine ou en imputant la détention
préventive sur la durée de celle-là (cf. ATF 124 I 139 consid. 2c p. 141).
Dans le cadre de la procédure de contrôle de la détention préventive, la
question d'une éventuelle violation du principe de la célérité n'a de sens
que dans la mesure où elle est de nature à faire apparaître la détention
préventive subie comme disproportionnée et à entraîner la libération
immédiate du prévenu (ATF 128 I 149 consid. 2.2 p. 151; arrêt 1P.387/2001 du
20 juin 2001 consid. 5b). Le recourant ne prétend pas que cette hypothèse
serait réalisée en l'espèce de sorte que la question de savoir si les
autorités judiciaires ont violé les art. 29 al. 1 Cst., 5 § 3 CEDH et 14 al.
2 let. c Pacte ONU II peut demeurer indécise.

3.
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant
qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public et
qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al.
1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). S'agissant d'une restriction
grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces
questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous
l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271).
Selon l'art. 59 al. 1 CPP vaud., le prévenu à l'égard duquel il existe des
présomptions suffisantes de culpabilité peut être mis en détention préventive
s'il présente un danger pour la sécurité ou l'ordre publics (ch. 1), si sa
fuite est à craindre (ch. 2) ou si sa liberté offre des inconvénients sérieux
pour l'instruction (ch. 3). Dès que les motifs justifiant la détention
préventive n'existent plus, le juge ordonne la mise en liberté (art. 59 al. 2
CPP vaud.).

4.
Le recourant tient son maintien en détention préventive pour arbitraire au
regard du droit cantonal pertinent et il conteste l'existence de charges
suffisantes à son encontre.

4.1 Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une décision de
placement ou de maintien en détention préventive, le Tribunal fédéral n'a pas
à procéder, à l'instar du juge du fond, à une pesée complète des éléments à
charge et à décharge, ni à apprécier la crédibilité des personnes ou des
éléments de preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner
s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure.
L'intensité des charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction
pénale; si des soupçons encore peu précis, renforcés par exemple par des
mensonges de l'inculpé ou des variations dans ses déclarations, peuvent être
considérés comme suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la
perspective d'une condamnation doit paraître fortement vraisemblable après
l'accomplissement de tous les actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia
143 consid. 3c p. 146; Gérard Piquerez, Les mesures provisoires en procédure
civile, administrative et pénale, RDS 116/1997 II p. 43/44 et les arrêts
cités).

4.2 Le recourant est mis en cause par D.________ et E.________ pour avoir
participé, en août 2001, avec son frère B.________, à une transaction portant
sur une importante quantité de cocaïne entre F.________ et G.________, qui
aurait trouvé son épilogue au Lausanne-Palace. Il est également mis en cause
par C.________ pour l'avoir conduit à Lyon à la fin juillet 2003 avec
B.________ et H.________ afin de rencontrer un certain I.________ auquel ils
envisageaient de vendre un kilo de cocaïne. Si D.________ s'est rétracté par
la suite, C.________ a en revanche confirmé ses accusations. Malgré le
revirement de l'un des accusateurs, dont il appartiendra au juge du fond
d'apprécier la valeur, il existe, au stade actuel de la procédure, des
charges suffisantes à l'encontre du recourant quant à sa participation à un
trafic de cocaïne auquel son frère B.________ serait également mêlé.

5.
Le recourant nie le risque de collusion retenu en l'espèce pour faire échec à
sa libération provisoire. L'arrêt attaqué serait insuffisamment motivé sur ce
point.

5.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt
public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à
craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître
ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres
prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait toutefois
se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à
toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le
maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance (ATF
128 I 149 consid. 2.1 p. 151; 123 I 31 consid. 3c p. 36; 117 Ia 257 consid.
4c p. 261). L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les grandes lignes
et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes
d'instruction elle doit encore effectuer, et en quoi la libération du prévenu
en compromettrait l'accomplissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p. 33/34).
Enfin, les besoins de l'instruction ne peuvent constituer un motif valable de
détention que si les opérations d'enquête, dont le bon déroulement ne doit
pas être compromis par la libération provisoire du prévenu, se poursuivent
sans désemparer (arrêt 1P.468/2003 du 2 septembre 2003 consid. 3.2).
5.2 Le Tribunal d'accusation a motivé le risque de collusion par le fait que
des investigations étaient en cours afin de déterminer la nature et l'ampleur
de l'activité délictueuse du prévenu, que la présente cause semblait n'être
qu'un volet d'une enquête plus vaste portant sur un important trafic de
stupéfiants et qu'une libération était de nature à compromettre l'issue des
recherches. Il ne donne cependant aucune indication sur les mesures
d'instruction entreprises ou à entreprendre. En particulier, le renvoi au
rapport de police du 8 octobre 2004 est inopérant car celui-ci ne dit rien de
telles mesures. On ignore ainsi si ces mesures seraient en relation avec les
faits qui sont reprochés au recourant et si ce dernier aurait les moyens d'y
faire obstacle en cas de libération provisoire. Le Juge d'instruction n'a
donné aucune indication à ce sujet propre à pallier le défaut de motivation
qui affecte sur ce point l'arrêt attaqué. Pour le surplus, sur la base des
pièces versées au dossier, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de tenir
pour avérée l'existence d'un risque concret de collusion. Le Tribunal
d'accusation a justifié le maintien de la détention par les besoins de
l'instruction exclusivement. Le Juge d'instruction a certes évoqué le risque
de fuite pour s'opposer à la libération provisoire du recourant; il n'a
cependant fourni aucun élément propre à l'établir concrètement, de sorte que
la détention préventive ne saurait, en l'état, être ordonnée pour ce motif.
L'arrêt attaqué doit dès lors être annulé. Cela ne signifie pas pour autant
que le recourant doive être libéré car il n'est pas exclu que son maintien en
détention puisse se justifier par un risque de collusion, suffisamment
motivé, ou pour d'autres motifs. Il appartiendra aux autorités cantonales de
réexaminer à bref délai cette question sur le vu du résultat des diverses
mesures d'instruction entreprises dans l'intervalle (cf. ATF 125 I 113
consid. 3 p. 118; 116 Ia 60 consid. 3b p. 64; 115 Ia 293 consid. 5g p. 308;
114 Ia 88 consid. 5d p. 93).

6.
Le recours doit ainsi être partiellement admis, dans la mesure où il est
recevable. Le canton de Vaud, qui succombe, est dispensé des frais
judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). Il versera en revanche une indemnité de
dépens au recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un
mandataire professionnel (art. 159 al. 1 OJ). Vu l'issue du recours, la
demande d'assistance judiciaire gratuite a perdu son objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, dans la mesure où il est recevable, et
l'arrêt attaqué annulé.

2.
La demande de libération provisoire est rejetée.

3.
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire.

4.
Le canton de Vaud versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge
d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois, ainsi qu'au Procureur
général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 janvier 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: