Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.707/2004
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1P.707/2004 /sng

Arrêt du 8 juin 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Fonjallaz et Scartazzini, Juge suppléant.
Greffier: M. Rittener.

X. ________,
recourante, représentée par Me François Bellanger, avocat,

contre

Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la République
et canton de Genève, case postale 22, 1211 Genève 8, intimé,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale
1956, 1211 Genève 1.

refus d'autorisation de construire,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du 19 octobre 2004.

Faits:

A.
X. ________ est propriétaire de la parcelle n° xxx, feuille xxx, de la
commune de Thônex, sise en zone villa et sur laquelle est édifiée une maison
d'habitation. Cette maison fait partie d'un lotissement d'une dizaine de
villas construites entre le chemin de Bédex et la rivière le Foron. Au début
des années 1980, X.________ a installé sur sa parcelle une piscine circulaire
de 6 m de diamètre, posée sur le sol sans terrassement. Souhaitant la
remplacer, X.________ a déposé en 1986 une demande d'autorisation de
construire une piscine de 4 m sur 9 m. Le Département de l'aménagement, de
l'équipement et du logement du canton de Genève (ci-après: le département) a
refusé l'autorisation au motif que la piscine se trouvait à moins de 30 m de
la rive du Foron, dans la surface inconstructible en vertu de l'ancien art.
26 (repris par le nouvel art. 15, entré en vigueur le 11 janvier 2003) de la
loi cantonale du 5 juillet 1961 sur les eaux (ci-après: LE/GE). Ce refus a
été confirmé par le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le
Tribunal administratif), par arrêt du 4 janvier 1990, sans qu'un ordre de
démolition n'ait été prononcé. Au milieu des années 1990, la piscine a été
substituée par une piscine similaire.
En 2002, X.________ a entrepris la construction d'une nouvelle piscine à
environ 12 m de la rivière. Elle a également rehaussé d'environ 40 cm le mur
séparant son jardin de la parcelle voisine n° xxx - et se trouvant lui aussi
à moins de 30 m du cours d'eau -, portant sa hauteur à 2 m 28. Constatant que
l'implantation de la piscine ne respectait pas la distance de 30 m par
rapport à la rive du Foron et que la hauteur du mur dépassait la hauteur
maximale de 2 m autorisée par l'art. 112 de la loi cantonale du 14 avril 1988
sur les constructions et les installations diverses (ci-après: LCI/GE), le
département a invité X.________ à requérir une autorisation de construire
portant sur ces travaux, précisant que le mur ne pouvait en aucun cas
dépasser la hauteur de 2 m. Le 10 juillet 2002, X.________ a donc déposé une
demande d'autorisation de construire en procédure accélérée.

B.
Le 21 novembre 2002, le département a refusé l'autorisation de construire,
aussi bien pour la piscine que pour le mur. Il a considéré que ces
constructions n'étaient pas conformes à l'ancien art. 26 LE/GE et à l'art.
112 LCI/GE et qu'une dérogation au sens de l'ancien art. 26 al. 6 LE/GE ne
pouvait pas être accordée. Le recours formé par X._________ contre cette
décision a été rejeté par la Commission cantonale de recours en matière de
constructions, dans sa décision du 1er septembre 2003.

C.
Le 16 octobre 2003, X.________ a recouru contre cette décision auprès du
Tribunal administratif, qui a rejeté le recours par arrêt du 19 octobre 2004.
En substance, le Tribunal a considéré que la piscine et le mur litigieux ne
respectaient pas la limite de 30 m par rapport à la rive du Foron (art. 15
al. 1 LE/GE) et que leur construction ne pouvait donc pas être autorisée. Il
a également considéré que les conditions d'octroi de dérogations n'étaient
pas réalisées, que la recourante ne pouvait pas se prévaloir de la garantie
de la situation acquise, que l'égalité de traitement était respectée, que
l'autorité cantonale n'avait pas établi une pratique illégale, de sorte que
la recourante ne pouvait pas bénéficier du principe d'égalité dans
l'illégalité et, enfin, que la décision attaquée respectait le principe de la
proportionnalité.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, subsidiairement de l'annuler en ce
qu'il confirme le refus d'autoriser la construction du mur et, plus
subsidiairement, en ce qu'il confirme le refus d'autoriser la construction de
la partie supérieure du mur (20 cm). Elle se plaint, en substance, d'une
violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), d'une
constatation arbitraire des faits (art. 9 Cst.) et d'une violation de la
garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Affirmant enfin que le Tribunal
administratif aurait refusé la construction du mur entier, elle tient cette
décision pour arbitraire.
Le département conclut au rejet du recours. Le Tribunal administratif se
réfère à l'arrêt attaqué, sans prendre de conclusions.

E.
Par ordonnance du 13 janvier 2005, le Président de la Ire Cour de droit
public a accordé l'effet suspensif au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 131 II 137 consid. 1 p. 140; 130 I 312 consid. 1 p.
317 et les arrêts cités).

1.1 En vertu de l'art. 34 al. 1 et 3 de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700), seule la voie du recours de droit
public est ouverte contre le refus d'un permis de construire en zone à bâtir
dans la mesure où la recourante fait essentiellement valoir des griefs tirés
de la violation de droits constitutionnels et relevant de l'application du
droit cantonal (cf. ATF 123 II 88 consid. 1a/cc p. 92; 121 II 72 consid. 1a
p. 75 et les arrêts cités).

1.2 La recourante est lésée dans ses droits par l'arrêt attaqué, qui confirme
un refus de lui délivrer l'autorisation de construire une piscine et de
rehausser un mur sur sa parcelle; elle a donc qualité pour recourir au sens
de l'art. 88 OJ. Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il
convient d'entrer en matière.

2.
La recourante se plaint d'une violation du principe de l'égalité de
traitement (art. 8 Cst.) au motif que des autorisations auraient été
délivrées dans des situations semblables à la sienne. Elle prétend en outre
pouvoir bénéficier du principe d'égalité dans l'illégalité, dans la mesure où
l'autorité cantonale aurait établi une pratique dérogeant à la loi. Dans ce
cadre, elle reproche au Tribunal administratif d'avoir fait preuve
d'arbitraire dans la constatation des faits en omettant de se prononcer sur
des cas similaires qu'elle a invoqués et en ne retenant pas l'existence d'une
pratique illégale du département.

2.1 Une décision viole le principe de l'égalité lorsqu'elle établit des
distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au
regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des
distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce
qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est
dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement
différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait
importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être
identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui
concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 129
I 113 consid. 5.1 p. 125; 125 I 1 consid. 2b/aa p. 4; 123 I 1 consid. 6a p. 7
et la jurisprudence citée).
L'inapplication ou la fausse application de la loi dans un cas particulier
n'attribue en principe pas à l'administré le droit d'être traité par la suite
illégalement. En effet, selon la jurisprudence, le principe de la légalité de
l'activité administrative prévaut sur celui de l'égalité de traitement.
Exceptionnellement, il est dérogé à cette règle lorsqu'une décision conforme
à la loi s'oppose à une pratique illégale que l'autorité a l'intention de
continuer de manière générale; le citoyen ne peut donc prétendre à l'égalité
dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration
persévérera dans l'inobservation de la loi (ATF 127 I 1 consid. 3a p. 2; 126
V 390 consid. 6a p. 392; 115 Ia 81 consid. 2 p. 82 et les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, la recourante se réfère à diverses constructions qui
auraient été érigées de manière illégale à moins de 30 m de la rive du Foron.
Il s'agit de piscines construites au chemin de Bédex x et y, au chemin des
Tourterelles xx et xy et à la route d'Ambilly z, d'un mur et d'aménagements
situés le long du chemin bordant le Foron ainsi que de divers cabanons et
dépôts construits entre la fin du chemin de Bédex et le chemin du Pont Noir.
Dans l'exposé des faits de son recours de droit public, elle mentionne
également les cas de la transformation d'une villa et de la pose d'un
réservoir à propane, toujours à moins de 30 m de la rivière.
La piscine sise au chemin de Bédex x a été autorisée en 1966, ce que la
recourante ne conteste pas. Or, à cette époque, la zone inconstructible
prévue par l'ancien art. 26 LE/GE s'étendait sur 10 m à compter du cours
d'eau (cf. Recueil authentique des lois et actes du gouvernement de la
République et canton de Genève [ROLG] 1961 p. 670), la modification de cette
disposition instaurant la limite de 30 m n'étant entrée en vigueur qu'en 1976
(ROLG 1976 p. 37). La législation ayant changé, la situation de la recourante
n'est pas semblable à celle invoquée, si bien qu'il ne peut être question
d'égalité de traitement dans ce cas. Il en va de même concernant la piscine
sise au chemin du Bédex y, laquelle a été autorisée - bien que l'arrêt
attaqué retienne le contraire par inadvertance - le 12 septembre 1966. Il n'y
a en outre pas lieu d'entrer en matière sur l'allégation selon laquelle la
piscine du chemin du Bédex x aurait été "entièrement reconstruite" récemment,
dès lors que cette allégation n'a pas été valablement présentée dans la
procédure cantonale et qu'elle ne répond pas aux exigences posées par la
jurisprudence pour l'admission de faits nouveaux dans le cadre du recours de
droit public (cf. ATF 108 II 69 consid. 1 p. 71; Walter Kälin, Das Verfahren
des staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., Berne 1994, p. 369 ss); au
demeurant, la recourante ne se plaint pas d'un défaut de motivation de
l'arrêt attaqué à cet égard. Le cas des piscines sises au chemin des
Tourterelles xx et xy et à la route d'Ambilly z - apparemment construites à
moins de 30 m du cours d'eau - est différent, dans la mesure où le
département reconnaît qu'elles n'ont jamais été autorisées. On ne peut
toutefois pas retenir l'existence d'une pratique illégale constante que
l'autorité cantonale aurait l'intention de poursuivre à l'avenir. En effet,
le département a déclaré qu'il entendait intervenir pour faire régulariser
les piscines en question ainsi que toutes les autres constructions non
autorisées à proximité des rives du Foron, démontrant ainsi clairement son
intention de ne pas tolérer les pratiques illicites. La recourante ne peut
donc pas se prévaloir du principe d'égalité dans l'illégalité, de sorte que
le grief tiré d'une violation de l'égalité de traitement doit être rejeté.
Pour le surplus, la recourante n'a pas allégué que des murs dépassant la
hauteur de 2 m autorisée par l'art. 112 LCI/GE auraient été admis dans des
cas semblables au sien. Enfin, les cabanons, dépôts et autres aménagements
auxquels elle se réfère sont des objets de nature différente d'une piscine ou
d'un mur rehaussé et ne sont donc en rien comparables. Il en va de même de la
transformation d'une villa ou de la pose d'un réservoir à propane. C'est donc
en vain que la recourante invoque les éléments précités pour démontrer une
inégalité de traitement et c'est à bon droit que le Tribunal administratif ne
les a pas pris en compte, de sorte que l'arrêt attaqué échappe également au
grief d'arbitraire dans la constatation des faits.

3.
L'interdiction faite à la recourante de rehausser un mur et de construire une
piscine sur son bien-fonds constitue une restriction du droit de propriété
garantie par l'art. 26 al. 1 Cst.; pour être compatible avec cette
disposition, la restriction doit donc reposer sur une base légale, être
justifiée par un intérêt public et respecter le principe de la
proportionnalité (art. 36 Cst.; ATF 126 I 219 consid. 2a p. 221 et les arrêts
cités). La recourante ne conteste pas que les art. 15 LE/GE et 112 LCI/GE
constituent des bases légales suffisantes, mais elle soutient que
l'application de ces dispositions à son cas serait dépourvue d'intérêt public
et violerait le principe de la proportionnalité.

3.1 Alléguant en substance que la piscine nouvellement construite est plus
respectueuse de l'environnement que l'ancienne et que de nombreuses
constructions sont érigées à moins de 30 m des rives du Foron, la recourante
ne voit pas à quel intérêt public répond la décision attaquée. Il est
pourtant clair que cette décision ne fait que mettre en oeuvre l'art. 15
LE/GE, interdisant toute construction à moins de 30 m de la rivière. Ainsi,
l'autorité respecte le but d'intérêt public poursuivi par la LE/GE qui
consiste notamment à définir et à gérer l'espace nécessaire aux cours d'eau
(art. 1 al. 1 let. c) afin d'assurer leur protection et de favoriser leur
amélioration (art. 1 al. 1 let. e). Un tel intérêt public, lié à
l'application rigoureuse des dispositions édictées pour le garantir,
l'emporte manifestement sur l'intérêt privé de la recourante à pouvoir
rehausser un mur et agrémenter sa maison d'une piscine, fût-elle
"respectueuse de l'environnement". Pour le surplus, le fait que d'autres
constructions - vraisemblablement irrégulières, mais à l'égard desquelles le
département entend intervenir - se trouvent dans la zone inconstructible ne
saurait vider de sa substance l'intérêt public à la protection du cours
d'eau. A cet égard, c'est en vain que la recourante remet en question la zone
inconstructible prévue par le législateur, dans la mesure où la base légale
elle-même n'est pas contestée. Concernant enfin le rehaussement du mur, le
refus d'autoriser un dépassement de la hauteur maximale admise par l'art. 112
LCI/GE répond en plus à un intérêt public évident au respect des règles de
police des constructions.

3.2 La recourante tient la décision attaquée pour disproportionnée au motif
qu'elle n'est pas apte à atteindre le but de protection des eaux et qu'elle
porte gravement atteinte à ses intérêt en la privant d'éléments importants
d'agrément de sa villa.
Le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) exige que le moyen
choisi soit apte à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que
celui-ci ne puisse pas être atteint par une mesure moins incisive (règle de
la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but
visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts
publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit,
impliquant une pesée des intérêts - ATF 130 II 425 consid. 5.2 p. 438; 126 I
219 consid. 2c p. 222 et les arrêts cités).
En l'espèce, on ne voit pas en quoi le fait d'interdire les constructions
litigieuses à moins de 30 m du Foron ne serait pas apte à atteindre le but de
protection des eaux fixé par le législateur cantonal. C'est même le seul
moyen d'atteindre l'un des buts de la LE/GE, qui est de définir et gérer
l'espace nécessaire aux cours d'eau (art. 1 al. 1 let. c). Le fait que des
constructions irrégulières se situent dans la zone en question n'y change
rien, dès lors que le département entend intervenir pour remédier à cette
situation. Pour le surplus, les intérêts privés de la recourante à pouvoir
jouir d'une piscine et d'une plus grande intimité dans son jardin sont de pur
agrément et s'inclinent devant l'intérêt public à la préservation du Foron et
au respect de la police des constructions. Ces buts ne pouvant pas être
atteints par une mesure moins dommageable que le refus litigieux, le principe
de la proportionnalité est respecté.
Par conséquent, le grief tiré de la violation de la garantie de la propriété
doit être rejeté.

4.
Dans un dernier moyen, la recourante reproche à l'autorité attaquée d'avoir
fait preuve d'arbitraire en refusant la construction du mur entier.
Cependant, nonobstant quelques formulations peu claires, il ressort du
dossier que le refus d'autorisation de construire porte seulement sur la
partie rehaussée du mur. Dénué de fondement, ce dernier grief est donc
également rejeté.

5.
Le recours, entièrement mal fondé, doit ainsi être rejeté. La recourante, qui
succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 153, 153a
et 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au département
cantonal (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et au Tribunal
administratif de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 8 juin 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: